TI LE HAVRE, 20 novembre 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 68
TI LE HAVRE, 20 novembre 2002 : RG n° 02/000268 ; jugement n° 2002/1477
(sur appel CA Rouen (2e ch.), 13 mai 2004 : RG n° 03/01177)
Extrait : « Par son argumentation, Monsieur X. tente d'échapper à la période d'attente d'un an qui exclut la garantie en cas de licenciement dans les 365 jours suivant la prise d'effet du contrat. Il est constant qu'il a souscrit la garantie en septembre 1999, et que dès janvier 2000, il s'est trouvé confronté à une rupture de son contrat de travail. C'est par référence à cette période d'attente que l'assureur a refusé la prise en charge du prêt.
Monsieur X. conclut au caractère abusif de cette cause, considérant le délai d'attente manifestement disproportionné au regard de la durée du prêt. Toutefois, la durée du prêt souscrit auprès du Crédit Agricole est de 180 mois soit 15 ans. Il n'est pas démontré par le demandeur que la clause litigieuse dénature la garantie concernée, au regard du rapport de 1 à 15 existant entre le délai d'attente et la durée du prêt. La période d'attente a été clairement signalée à l'attention de l'assuré, ainsi qu'il ressort de la lecture des conditions particulières, dont les modalités sont rappelées sous forme d'un tableau visant expressément ladite période.
Par ailleurs, il sera relevé la présentation particulièrement claire et aérée des conditions de la police avec un respect manifeste des caractères du corps 8 visés à l'article R. 311-6 du Code de la Consommation (hauteur de 3mm entre le haut et le bas des lettres). En tout état de cause, cette obligation de rédaction en corps 8 ne concerne que l'offre préalable de prêt à la consommation et non pas les contrats d'assurances.
Au vu de ces derniers éléments, la clause afférente à la période d'attente apparaît valable et justifie le refus de prise en charge opposé par la compagnie d'assurance à la demande de Monsieur X.
Ce dernier soulève également le caractère abusif de l'obligation de devoir adhérer à la garantie décès-invalidité et maladie pour pouvoir bénéficier de la garantie perte d'emploi mais n'en tire aucune conséquence au regard de ses demandes devant le tribunal.
Si la commission des clauses abusives recommande la nullité des clauses prévoyant ce genre de subordination, ses recommandations n'ont en l'état du droit aucune valeur juridique primant sur les stipulations contractuelles. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DU HAVRE
JUGEMENT DU 20 NOVEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.. n° 11-02-000268. Jugement n° 2002/1477.
DEMANDEUR(S) :
- Monsieur X.
[adresse], Représenté par Maître TROFIMOFF, avocat au barreau du HAVRE. Aide Juridictionnelle du [date] (TOTALE) BAJ N° XX/YY.
DÉFENDEUR(S) :
- SA CNP ASSURANCES
[adresse],
- SA CNP IAM
[adresse],
- SA PREDICA
[adresse],
Représentées par la Société Civile Professionnelle d'Avocats DUBOSC-PRESCHEZ-CHANSON-MISSOTY, inscrite au barreau du HAVRE.
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Pascale HEIJMEIJER
GREFFIER : Thierry DELAPORTE
DÉBATS : en audience publique du 25 septembre 2002 à l'issue de laquelle le délibéré a été fixé au 20 novembre 2002.
JUGEMENT : - en premier ressort, - contradictoire, - prononcé publiquement par Pascale HEIJMEIJER.
SIGNÉ PAR : Pascale HEIJMEIJER, Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance au HAVRE, chargé du service de l’Instance et Thierry DELAPORTE, Greffier au siège de ce Tribunal, 70 rue du Maréchal de Lattre de Tassigny au Havre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1 bis] Suivant prêt dont l'acte n'est pas produit aux débats, Monsieur X. a emprunté au CRÉDIT AGRICOLE une somme de 207.000 Francs, remboursable sur 180 mois.
Pour garantir les remboursements, Monsieur X. a souscrit le 16 septembre 1999 une assurance proposée par le Crédit Agricole visant les cas de décès, invalidité absolue et définitive, incapacité temporaire totale et perte d'emploi.
Par actes en date du 8 février 2002, Monsieur X. a fait assigner devant ce tribunal la SA CNP ASSURANCES, la SA CNP IAM et la SA PREDICA pour faire juger que :
- la perte d'emploi qu'il a subie rentre dans le champ d'application du contrat d'assurance,
- que cette perte n'étant pas liée à un licenciement durant la période d'attente, elle ne peut justifier un refus par la compagnie d'assurance d'exécuter ses prestations,
- subsidiairement, les stipulations concernant la période d'attente sont abusives et donc nulles.
Il réclame en conséquence la prise en charge à hauteur de 65 % des échéances de remboursement du prêt pendant deux ans à compter de l'expiration du délai de carence de 120 jours partant du début de prise en charge par l'ASSEDIC de la perte d'emploi du requérant, soit 177,18 Euros par mois du 1er juin 2000 au 1er juin 2002, ce qui représente un capital de 4.252,41 Euros.
Il sollicite par suite le paiement des sommes suivantes :
- 4.252,41 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 121ème jour suivant sa prise en charge par l'ASSEDIC,
- 2.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive dans la prise en charge du risque,
- 100 Euros en application de l'article 700 du NCPC.
Il fait valoir que son employeur a cédé son activité de gardiennage à la Société ASGN qui devenait le nouvel employeur mais qui a cependant refusé la reprise des salariés au nombre desquels se trouvait le demandeur. Celui-ci s'est ainsi retrouvé sans emploi sans avoir été licencié.
Les assureurs ont refusé de prendre en charge les échéances de son prêt.
[minute page 2] Il soulève le caractère abusif des clauses suivantes du contrat :
- obligation d'adhérer à la garantie décès, invalidité et maladie pour pouvoir bénéficier de la garantie perte d'emploi.
- exclusion de la garantie perte d'emploi durant une période d'attente de un an, celle-ci étant manifestement disproportionnée par rapport à la durée du prêt.
- présentation en lettres inférieures au corps 8 de cette stipulation.
La CNP IAM et la SA PREDICA sollicitent leur mise hors de cause, seule la CNP ASSURANCES étant en charge de la représentation de la co-assurance dans tous les litiges.
La CNP ASSURANCES s'oppose aux demandes et chaque société défenderesse réclame la somme de 500 Euros en application de l'article 700 du NCPC.
La CNP fait valoir que Monsieur X. a été privé involontairement de son emploi et qu'il a fait l'objet d'un licenciement abusif pendant le délai d'attente prévu par les conditions générales et particulières du contrat d'assurance. Elle rappelle qu'il serait absurde de prétendre qu'il n'a pas été licencié puisque la garantie n'est accordée que dans cette hypothèse.
Elle conteste le caractère abusif des clauses de la police, rappelle que les recommandations de la commission des clauses abusives n'ont pas de valeur juridique, et considère qu'un délai d'attente d'un an est compatible avec la durée du prêt de 15 ans.
Elle soutient enfin que la présentation de la police est très claire et lisible et que l'obligation de respecter des caractères d'imprimerie de corps 8 ne s'applique pas au contrat d'assurance.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Le présent jugement, susceptible d'appel en raison de la nature de la demande, est contradictoire, les parties ayant comparu par mandataire.
Il convient de mettre hors de cause les Société PREDICA et CNP IAM, dans la mesure où les conditions générales du contrat d'assurance litigieux désignent la Société CNP ASSURANCES en qualité d'apériteur (assureur principal en cas d'assurances multiples).
[minute page 3] Monsieur X., en même temps qu'un prêt immobilier, a souscrit une assurance décès, invalidité et incapacité de travail assortie d'une assurance en cas de perte d'emploi, suivant contrat en date du 16 septembre 1999.
La Société ASP, qui l'employait, l'a avisé le 6 janvier 2000, que la Société ASGN avait repris le contrat de surveillance des magasins LIDL du HAVRE et qu'à compter du 3 janvier 2000 elle devenait le nouvel employeur.
Toutefois, la Société ASGN a indiqué qu'elle n'entendait pas reprendre le personnel de la Société ASP, de sorte que Monsieur X. s'est retrouvé sans emploi, sans avoir été valablement licencié.
Au vu de cette situation, il réclame la prise en charge des échéances du prêt par la compagnie d'assurance, faisant valoir que sa perte d'emploi, non liée à un licenciement, rentre dans le champ d'application du contrat.
Les conditions générales de celui-ci exigent à l'article 9 la réunion de plusieurs conditions pour la mise en œuvre de la garantie perte d'emploi, à savoir :
- l'assuré est en situation de chômage total résultant d'un licenciement,
- ce licenciement a mis fin à une période d'activité salariée d'au moins une année entière sous contrat de travail à durée indéterminée chez un employeur unique,
- l'assuré a droit aux allocations ASSEDIC,
- le licenciement doit intervenir après une période d'attente d'un an à compter de la demande de prise d'effet de l'assurance.
Monsieur X. fait valoir qu'il n'a pas été licencié et qu'il n'entre pas dans les cas d'exclusion prévus par l'article 10 du contrat, lequel doit dès lors jouer en sa faveur, sans faire application du délai d'attente.
En réalité, Monsieur X. a été involontairement privé de son emploi par son nouvel employeur et a donc forcement fait l'objet d'une mesure de licenciement en dehors de tout respect de la procédure applicable en la matière.
En tout état de cause, le champ d'application de la garantie concerne les salariés licenciés et il paraît peu cohérent de soutenir ne pas rentrer dans cette catégorie tout en réclamant la mise en œuvre du contrat.
Par son argumentation, Monsieur X. tente d'échapper à la période d'attente d'un an qui exclut la garantie en cas de licenciement dans les 365 jours suivant la prise d'effet du contrat.
[minute page 4] Il est constant qu'il a souscrit la garantie en septembre 1999, et que dès janvier 2000, il s'est trouvé confronté à une rupture de son contrat de travail.
C'est par référence à cette période d'attente que l'assureur a refusé la prise en charge du prêt.
Monsieur X. conclut au caractère abusif de cette cause, considérant le délai d'attente manifestement disproportionné au regard de la durée du prêt.
Toutefois, la durée du prêt souscrit auprès du Crédit Agricole est de 180 mois soit 15 ans.
Il n'est pas démontré par le demandeur que la clause litigieuse dénature la garantie concernée, au regard du rapport de 1 à 15 existant entre le délai d'attente et la durée du prêt.
La période d'attente a été clairement signalée à l'attention de l'assuré, ainsi qu'il ressort de la lecture des conditions particulières, dont les modalités sont rappelées sous forme d'un tableau visant expressément ladite période.
Par ailleurs, il sera relevé la présentation particulièrement claire et aérée des conditions de la police avec un respect manifeste des caractères du corps 8 visés à l'article R. 311-6 du Code de la Consommation (hauteur de 3mm entre le haut et le bas des lettres). En tout état de cause, cette obligation de rédaction en corps 8 ne concerne que l'offre préalable de prêt à la consommation et non pas les contrats d'assurances.
Au vu de ces derniers éléments, la clause afférente à la période d'attente apparaît valable et justifie le refus de prise en charge opposé par la compagnie d'assurance à la demande de Monsieur X.
Ce dernier soulève également le caractère abusif de l'obligation de devoir adhérer à la garantie décès-invalidité et maladie pour pouvoir bénéficier de la garantie perte d'emploi mais n'en tire aucune conséquence au regard de ses demandes devant le tribunal.
Si la commission des clauses abusives recommande la nullité des clauses prévoyant ce genre de subordination, ses recommandations n'ont en l'état du droit aucune valeur juridique primant sur les stipulations contractuelles.
En conséquence, les demandes présentées par Monsieur Mustapha X., visant tant à la suppression de certaines clauses du contrat d'assurances, qu'au paiement de divers montants seront rejetées.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du NCPC.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
MET HORS DE CAUSE les Sociétés CNP IAM et SA PREDICA.
DÉBOUTE Monsieur Mustapha X. de l'ensemble de ses demandes.
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du NCPC.
CONDAMNE Monsieur Mustapha X. aux dépens, recouvrés conformément à la loi sur l'Aide Juridictionnelle.
AINSI JUGÉ, le 20 NOVEMBRE 2002.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Thierry DELAPORTE. Pascale HEIJMEIJER
- 5986 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : clauses abusives
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
- 5986 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : clauses abusives
- 5996 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Absence de caractère normatif
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6094 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Lisibilité - Taille des caractères
- 6362 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Présentation générale
- 6365 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Perte d’emploi ou chômage