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TI NIORT, 16 décembre 1998

Nature : Décision
Titre : TI NIORT, 16 décembre 1998
Pays : France
Juridiction : Niort (TI)
Demande : 98/000825
Date : 16/12/1998
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 2/10/1998
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 99

TI NIORT, 16 décembre 1998 : RG n° 98/000825

Publication : Site CCAB

 

Extrait : « Attendu que toute clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type applicable, constitue une irrégularité entraînant la déchéance du droit aux intérêts du prêteur (Civ. 1ère 1er décembre 1993 : Bull. civ. I, n° 354) ;

Attendu qu'en l'espèce l'article 15 du contrat prévoit la suspension de la faculté d'utilisation du crédit et même la résiliation du contrat, après avoir avisé l'emprunteur, dans les cas suivants : - arrêt de travail, - modification de la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale, - saisine d'une commission de surendettement.

Attendu qu'il est difficile de discerner en quoi l'arrêt de travail constitue une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat, et ce alors que l'emprunteur peut néanmoins continuer à honorer ses obligations ; que rien ne vient justifier une telle méfiance à l'égard des personnes malades ; Attendu de même qu'il apparaît également difficile de comprendre en quoi la modification de la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale justifierait la suspension ou la résiliation du contrat ;

Qu'en effet en premier lieu, une telle clause pourrait permettre au prêteur de résilier le contrat en cas de mariage, divorce, paternité ou maternité de l'emprunteur ce qui constitue une ingérence injustifiée dans la vie privée du consommateur, laquelle est protégée tant par l'article 8-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par l'article 17 du pacte internationale relatifs aux droits civils et politiques ;

Qu'en second lieu, le prêteur pourrait se saisir de tout changement d'emploi, licenciement, héritage ou changement de régime matrimonial pour résilier le prêt, ce qui met l'emprunteur à la merci d'AXA CREDIT ;

Attendu enfin que la résiliation du prêt en cas de saisine de la commission de surendettement a pour objet d'empêcher l'emprunteur de faire usage des droits qui lui sont reconnus par les articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation en cas de situation de surendettement ; qu'une telle disposition qui interdit le recours à la commission et donc au juge de l'exécution est également contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit l'accès au juge ;

Attendu que toutes ces clauses frappées au coin de l'excès de puissance économique voire de l'inquisition, sont des clauses abusives qui aggravent très durement la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type qui ne prévoit la résiliation qu'en cas de défaillance ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE NIORT

JUGEMENT DU 16 DÉCEMBRE 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-98-000825.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 16 décembre 1998, Sous la Présidence de Monsieur Philippe FLORES, Juge d'Instance, assisté de Madame Gisèle SEMUR, Greffier ;

Après débats à l'audience du 2 décembre 1998, le jugement suivant a été rendu ;

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

SA AXA CREDIT

[siège], représenté(e) par la SCP MERENDA BLAIN-MERENDA, avocat du barreau de NIORT

ET :

DÉFENDEUR(S) :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 8 février 1997, AXA CREDIT a consenti à X. une ouverture de crédit d'un montant en capital de 30.000 Francs ouvrant droit pour le prêteur à la perception d'intérêts au taux effectif global de 15,72 % calculés sur les sommes utilisées.

Plusieurs échéances étant restées impayées, la société de crédit a provoqué la déchéance du terme.

Par acte du 2 octobre 1998, AXA CREDIT a fait assigner Mr. X. afin d'obtenir avec exécution provisoire, leur condamnation au paiement des sommes suivantes :

- 32.647,38 Francs avec les intérêts conventionnels à compter du 15 janvier 1998,

- 3.500 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

[minute page 2] Assigné à personne, Mr. X. n'a pas comparu.

Le Tribunal a interrogé les parties sur le moyen soulevé d'office, tiré du manquement aux articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation.

AXA CREDIT a soutenu que :

- malheureusement, la forclusion ne pouvait être invoquée car l'offre avait moins de deux ans,

- le bordereau de rétractation ne fait pas partie de l'offre préalable et celle-ci ne peut être irrégulière qu'en cas d'absence de bordereau détachable sur l'exemplaire de l'emprunteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, étant précisé que sa présence sur l'exemplaire du prêteur n'est d'aucune utilité puisque la faculté de renonciation est réservée à l'emprunteur,

- la sanction de déchéance du droit aux intérêts est inappropriée et injustifiée, et ce d'autant plus que seule une sanction pénale est prévue par la loi, et ce d'autant plus que l'emprunteur peut utiliser tous moyens pour se rétracter,

- le modèle-type imposé par le décret du 24 mars 1978 n'a reçu aucune habilitation législative, de sorte que l'on peut s'interroger sur sa validité,

- si une sanction doit être encourue elle ne pourrait être que civile au titre du préjudice subi par l'emprunteur lequel n'en invoque aucun,

- il suffit de rappeler sur le bordereau de rétractation que le délai est de 7 jours, d'autant qu'indiquer une date précise est impossible, le prêteur ignorant quand l'emprunteur aura accepté l'offre.

AXA CREDIT a maintenu l'intégralité de ses prétentions.

Mr X. n'a pas comparu à l'audience de renvoi.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que selon l'article 472 du nouveau code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;

 

Sur la demande principale :

Attendu qu'il résulte de l'article L. 311-33 du code de la consommation, dont les dispositions sont d'ordre public en application de l'article L. 313-16 du même code, que la déchéance du droit aux intérêts encourue en cas d'inobservation des règles d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation, relatives à la forme de l'offre préalable, ne peuvent être couvertes par une renonciation même expresse ;

Que conformément à l'article 1315 du code civil il appartient au prêteur d'établir qu'il a satisfait aux formalités prescrites par les textes sus-visés (Civ. 1ère, 10 avril 1996 : D. 1996, II, p. 527, note T. HASSLER ; voir également en ce sens, H. C., argumentaire n° 9, Procédures, éditions du Jurisclasseur janvier 1997) ;

[minute page 3] Attendu en effet, qu'il existe deux régimes de fixation de la créance du prêteur en cas de défaillance de l'emprunteur :

- les articles L. 311-29 à L. 311-31 et R. 311-6 et suivants du code de la consommation lorsque l'offre est conforme aux articles L. 311-8 et suivants,

- l'article L. 311-33 du code de la consommation lorsque la preuve de la régularité de l'offre n'est pas rapportée ;

Que le caractère impératif de l'article L. 311-33 du code de la consommation démontre qu'il s'agit d'une sanction civile automatique, attachée de plein droit à tout manquement aux règles de forme, exigées par les articles L. 311-8 à L. 311-13, qui affecte directement la créance du prêteur, dès la conclusion du crédit, quelle que soit la volonté des parties ;

Attendu que conformément à l'article 12 du nouveau code de procédure civile, le Juge a pour mission de rechercher la règle de droit applicable, afin de vérifier le fondement juridique de la demande ;

Que tel est le cas lorsque malgré l'absence de preuve de la régularité de l'offre le prêteur réclame les sommes prévues aux articles L. 311-29 et suivants du code de la consommation au lieu de celles déterminées par l'article L. 311-33 du même code ;

 

A) Quant au bordereau de rétractation :

Attendu qu'il résulte clairement de l'article L. 311-15 du code de la consommation que l'offre préalable doit être dotée d'un bordereau de rétractation, ce qui démontre bien que le bordereau appartient à l'offre ; que de surcroît, la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offre préalable fixés par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du code de la consommation ;

Que le préteur pourrait très facilement en justifier si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du code de la consommation, et si ces deux originaux étaient identiques, ainsi que le disent le texte susvisé et l'article 1325 du code civil ;

Qu'il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau de rétractation ne saurait établir la régularité dudit bordereau ;

Que force est de constater que l'exemplaire produit par AXA CREDIT est dénué de bordereau détachable de sorte que la preuve de la régularité n'est pas rapportée ;

Attendu en toute hypothèse que le modèle-type de bordereau fixé par l'article R. 311-7 du code de la consommation impose la mention de la date d'acceptation de l'offre, et, le prêteur, qui n'est pas juge de l'opportunité d'une loi ou d'un règlement ne saurait s'affranchir de l'obligation de cette mention au motif que l'article L. 311-15 est rappelé ;

Qu'au demeurant le simple rappel de l'article L. 311-15 du code de la consommation est insuffisant puisqu'il ne permet pas à l'emprunteur de connaître les conditions de computation des délais, ni de prorogation lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, de sorte que la simple indication du délai de sept jours peut induire en erreur l'emprunteur sur ses possibilités réelles d'exercice de la faculté de rétractation ; que dès lors, l'obligation d'indiquer la date d'expiration du délai de réflexion prend toute sa résonance ;

[minute page 4] Attendu que le moyen selon lequel le prêteur ne peut connaître à l'avance la date d'acceptation et par suite d'expiration du délai de sept jours est dépourvu de pertinence ; qu'en effet, il appartient au prêteur d'adapter ses méthodes de commercialisation afin de se soumettre aux dispositions d'ordre public applicables ; qu'en outre il est parfaitement possible d'indiquer la date d'expiration du délai sous forme d'un tableau couvrant la période de validité de l'offre ;

Attendu enfin que le défaut de régularité du bordereau de rétractation est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts puisqu'il s'agit d'un élément de l'offre préalable, dont la présence est imposée par le modèle-type (Civ. lère 8 juillet 1997 : Bull. inf. C. Cons. 1997, n° 1460) [N.B. : lire sans doute Bull. inf. C. Cass.].

 

Quant à l'aggravation de la situation de l'emprunteur :

Attendu que toute clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type applicable, constitue une irrégularité entraînant la déchéance du droit aux intérêts du prêteur (Civ. 1ère 1er décembre 1993 : Bull. civ. I, n° 354) ;

Attendu qu'en l'espèce l'article 15 du contrat prévoit la suspension de la faculté d'utilisation du crédit et même la résiliation du contrat, après avoir avisé l'emprunteur, dans les cas suivants :

- arrêt de travail,

- modification de la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale,

- saisine d'une commission de surendettement.

Attendu qu'il est difficile de discerner en quoi l'arrêt de travail constitue une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat, et ce alors que l'emprunteur peut néanmoins continuer à honorer ses obligations ; que rien ne vient justifier une telle méfiance à l'égard des personnes malades ;

Attendu de même qu'il apparaît également difficile de comprendre en quoi la modification de la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale justifierait la suspension ou la résiliation du contrat ;

Qu'en effet en premier lieu, une telle clause pourrait permettre au prêteur de résilier le contrat en cas de mariage, divorce, paternité ou maternité de l'emprunteur ce qui constitue une ingérence injustifiée dans la vie privée du consommateur, laquelle est protégée tant par l'article 8-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par l'article 17 du pacte internationale relatifs aux droits civils et politiques ;

Qu'en second lieu, le prêteur pourrait se saisir de tout changement d'emploi, licenciement, héritage ou changement de régime matrimonial pour résilier le prêt, ce qui met l'emprunteur à la merci d'AXA CREDIT ;

Attendu enfin que la résiliation du prêt en cas de saisine de la commission de surendettement a pour objet d'empêcher l'emprunteur de faire usage des droits qui lui sont reconnus par les articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation en cas de situation de surendettement ; qu'une telle disposition qui interdit le recours à la commission et donc au juge de l'exécution est également contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit l'accès au juge ;

[minute page 5] Attendu que toutes ces clauses frappées au coin de l'excès de puissance économique voire de l'inquisition, sont des clauses abusives qui aggravent très durement la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type qui ne prévoit la résiliation qu'en cas de défaillance ;

Que la déchéance du droit aux intérêts est donc encourue de ce chef ;

 

D) Quant au montant de la créance :

Attendu que la déchéance du droit aux intérêts, qui est destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, en faveur de l'ensemble des consommateurs n'est absolument pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur (CA PARIS 27 octobre 1987 : D. 87, IR, 249) ;

Qu'il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort (Cass avis 8 octobre 1993 : D. 1993, IR, n° 48 ; Civ. lère 30 mars 1994 : D. 94, IR, p. 101 ; Civ. lère 10 avril 1996 : note T. HASSLER déjà citée) ;

Que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-10 du code de la consommation et l'article 2 du décret du 17 mars 1978 ;

Que la créance d'AXA CREDIT s'établit comme suit :

- capital emprunté depuis l'origine        :           30.000,00 Francs

- sous déduction des versements          :           3.800,00 Francs

TOTAL                                              :           26.200,00 Francs

Attendu que les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation sont applicables tant au crédit à titre onéreux qu'à titre gratuit, or ce dernier type de prêt n'ouvre droit qu'aux intérêts légaux à compter de son échéance ou de la déchéance du terme, de sorte que limiter la déchéance du droit aux intérêts aux seuls intérêts conventionnels, reviendrait à priver le crédit gratuit de la sanction prévue par l'article L. 311-33 du code de la consommation ;

Attendu par ailleurs, que dans la mesure où l'article L. 311-33 du code de la consommation ne distingue pas entre intérêts légaux ou conventionnels, il n'y a pas lieu de distinguer entre les deux catégories d'intérêts ;

Que de surcroît, l'article L. 311-33 limite clairement l'obligation de l'emprunteur au seul remboursement du capital et déroge à l'article L. 311-30 du code de la consommation qui prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, les sommes restant dues produisent intérêts de retard au taux conventionnel, ledit texte constituant une des exceptions prévues par le 3ème alinéa de l'article 1153 du code civil ;

Qu'enfin, l'article 1153-1 du code civil est inapplicable puisque le jugement ne porte pas condamnation à une indemnité ;

Qu'il en découle que la déchéance du droit aux intérêts est absolue et que la créance de la société de crédit ne produit aucun intérêt ;

[minute page 6]

Sur l'exécution provisoire :

Attendu qu'aucune circonstance particulière ne vient justifier l'exécution provisoire ;

 

Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne permet de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

Sur les dépens :

Attendu que la partie succombante doit supporter les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,

Constate qu'AXA CREDIT est déchue du droit aux intérêts conventionnels ou légaux, en application des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation.

Condamne Mr. X. à payer à AXA CREDIT, la somme de 26.200 Francs pour solde du crédit, le tout sans intérêts.

Déboute AXA CREDIT du surplus de ses prétentions.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne Mr. X. à régler les entiers dépens provisoirement liquidés à 312,82 Francs (coût de l'assignation).

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et susdits.