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CA RENNES (3e ch. com.), 25 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (3e ch. com.), 25 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 3e ch. com.
Demande : 21/02776
Décision : 22/533
Date : 25/10/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 6/05/2021
Numéro de la décision : 533
Référence bibliographique : 6092 (langue française), 6390 (1170, obligation essentielle), 6172 (L. 442-6, contrats financiers), 6242 (442-1, juridictions spécialisées)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9917

CA RENNES (3e ch. com.), 25 octobre 2022 : RG n° 21/02776 ; arrêt n° 533

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel de procédure) : « Le 20 septembre 2022, il a été demandé aux parties, pour le 29 septembre 2022 au plus tard, de faire valoir toutes observations utiles sur les pouvoirs de la cour d'appel de Rennes pour statuer sur une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce. Par une note en délibéré du 23 septembre 2022, l'Association Clinique X. a fait valoir ses observations en indiquant que la cour doit constater la fin de non-recevoir tirée de son incompétence d'ordre public, au profit de la cour d'appel de Paris. Par une note en délibéré du 29 septembre 2022 la Caisse des dépôts et Consignations a fait valoir ses observations précisant que la cour d'appel de Paris est compétente, que la cour d'appel de Rennes doit constater la fin de non-recevoir tirée de son incompétence d'ordre public et déclarer l'appel irrecevable. »

Extraits (motifs) : 1/ « Les obligations essentielles sont celles sans lesquelles le contrat ne peut subsister et en considération desquelles les parties se sont engagées.

En s'appuyant sur l'analyse du cabinet Kahana, l'ACSJ ne peut soutenir que l'option de remboursement anticipé constitue une obligation essentielle du contrat, alors que cette option est toujours possible et laissée à sa liberté en fonction du contexte économique, de l'évolution des taux et de l'époque à laquelle elle estime que la résiliation du contrat lui est favorable. Elle peut également en considération de ce contexte choisir que le contrat se poursuive jusqu'à son terme. Il convient de relever par ailleurs que page 27 de ses dernières écritures, elle écrit « à une clause de remboursement anticipé, qui est, comme l'assurance, une obligation accessoire du prêt, anticipant un aléa de la vie du prêt ».

En conséquence la clause de remboursement anticipé figurant aux contrats de prêt Pex Phare ne porte pas atteinte à une obligation essentielle du contrat et ne saurait être réputée non écrite. »

2/ « La cour d'appel de Rennes est dépourvue du pouvoir de statuer sur ces dispositions.

Au demeurant elles ne sont pas applicables aux relations entre une banque et son client puisqu'elles ne concernent que les rapports nés de la vente d'un produit ou d'une marchandise. Dans le cadre de ses relations bancaires avec ses clients, l'établissement financier est soumis aux dispositions spéciales du code monétaire et financier

Il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes formées devant la cour d'appel de Rennes sur ce fondement et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir. »

3/ « L'ACSJ estime que les clauses litigieuses peuvent être déclarées inopposables pour usage de termes étrangers en vertu de l'article 5 de la loi du 4 août 1994 sur l'usage de la langue française dans les actes juridiques mais la banque rappelle justement que le terme SWAP existe bien dans le Petit Larousse de sorte que cet argument est inopérant. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/02776. Arrêt n° 533. N° Portalis DBVL-V-B7F-RTIM.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER : Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 6 septembre 2022

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 25 octobre 2022 après avoir été prorogé le 11 octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

CLINIQUE X.

association loi 1901, agissant par son président en exercice dûment habilité par délibération du conseil d'administration, Centre local hospitalier [4], Lieu-dit [Adresse 3], [Adresse 3], Représentée par Maître Laurent PETIT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

 

INTIMÉE :

LA CAISSE DES DÉPOTS ET CONSIGNATIONS

établissement public à caractère spécial créé par la loi du 28 avril 1816 codifiée aux articles L. 518-2 et suivants du Code Monétaire et Financier, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 1], [Adresse 1], Représentée par Maître Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Antoine DIESBECQ de la SELARL RACINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

L'association Clinique X. gère un établissement de soins et deux EHPAD à [Localité 2].

La Caisse des dépôts et consignations est un établissement public à caractère spécial crée par la loi du 28 avril 1816 codifiée aux articles L. 518-2 et suivants du code monétaire et financier auquel la loi a confié la protection de l'épargne populaire telle qu'il ressort des dispositions de l'article L. 528-2 du code monétaire et financier.

L'association Clinique X. a fait appel à la Caisse des dépôts et consignations pour le financement de la réhabilitation d'un EHPAD qui lui a fait parvenir un accord de principe le 18 octobre 2010.

Trois prêts ont été accordés à l'association Clinique X. :

- un prêt Pex Phare de 1.800.000 euros d'une durée d'amortissement de 120 trimestres, hors période de préfinancement de 14 mois, au taux actuariel non révisable annuel de 3,04%

- un prêt Pex Phare de 1.051.710 euros d'une durée d'amortissement de 80 trimestres, hors période de préfinancement de 14 mois, au taux actuariel non révisable annuel de 2,94%

- un prêt locatif (PLS) de 6.200.000 euros d'une durée d'amortissement de 140 trimestres, hors période de préfinancement de 14 mois, au taux actuariel annuel de 2,85% indexé sur le Livret A.

Le contrat de prêt et les conditions particulières du PLS ont été émis le 1er avril 2011 et signés par l'ACSJ le 11 mai 2011, les contrats et conditions particulières des Pex Phare ont été émis le 5 juillet 2011 et signés par l'ACSJ le 3 août 2011.

En raison de la baisse des taux d'intérêts, l'ACSJ a souhaité effectuer un remboursement anticipé du capital restant sur les trois prêts et a formulé deux demandes en ce sens à la CDC, en février 2017 et octobre 2017, restées sans suite.

Le 13 mars 2019, la CDC a communiqué à l'ACSJ, à sa demande, la simulation chiffrée du remboursement anticipé des trois prêts au 1er avril 2019, à savoir :

- PLS : 50.260,57 euros

- Pex Phare n°1198622 : 580.124,60 euros (pour un capital restant dû de 1.639.820,29 euros)

- Pex Phare n°1198625 : 201.635,76 euros (pour un capital restant dû de 862.916,56 euros).

La CDC a finalement accepté de ne pas conditionner le remboursement du prêt PLS au remboursement concomitant des prêts Pex Phare. Le remboursement du prêt PLS a été réalisé en février 2020.

En l'absence de réponse sur sa proposition concernant les prêts Pex Phare, l'ACSJ a envoyé le 7 mai 2020 une mise en demeure par LRAR à la CDC dans laquelle elle a demandé le remboursement des prêts Pex Phare en remettant en cause la validité du consentement à la clause contenue à l'article 3bis du prêt PLS (remboursement concomitant des trois prêts), en considérant nulle la clause concernant l'IRA des deux prêts Pex Phare et en proposant un accord sur la base d'une IRA égale à 6 mois pour chacun des trois prêts.

A défaut d'accord, l'ACSJ précisait qu'elle demanderait par voie contentieuse le remboursement anticipé sans indemnité, avec effet à la première date de demande, à savoir au 28 février 2017. La CDC lui a répondu le 3 juin 2020 que sa demande était sans fondement.

Le 15 mai 2020, l'ACSJ a envoyé un courrier à la CDC concernant un trop perçu d'intérêts du prêt PLS de 15.558,38 euros, resté sans suite.

Par acte en date du 16 juillet 2020, l'ACSJ a fait assigner la CDC devant le tribunal de commerce de Rennes qui, par jugement du 13 avril 2021 a :

- Constaté la prescription de l'action de l'Association Clinique X. dans sa demande principale visant à faire prononcer l'annulation des contrats Pex Phare et dit que l'action de l'Association Clinique X. était irrecevable à ce titre,

- Débouté l'Association Clinique X. dans sa demande de réputer non écrite la clause 11.2.2 de chacun des prêts Pex Phare fixant les modalités financières de remboursement anticipé volontaire,

- Débouté l'Association [4] de sa demande de paiement d'une somme de 15.558,38 euros au titre des intérêts payés sur le prêt PLS,

- Débouté l'Association Clinique X. dans toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamné l'Association Clinique X. au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et prétentions,

- Condamné l'Association Clinique X. au paiement des entiers dépens de l'instance

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 73,22 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel du 6 mai 2021 enregistrée au greffe le 6 mai 2021 l'ACSJ interjeté appel de ce jugement.

La clôture de la mise en état est intervenue par ordonnance du 16 juin 2022.

Le 20 septembre 2022, il a été demandé aux parties, pour le 29 septembre 2022 au plus tard, de faire valoir toutes observations utiles sur les pouvoirs de la cour d'appel de Rennes pour statuer sur une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce.

Par une note en délibéré du 23 septembre 2022, l'Association Clinique X. a fait valoir ses observations en indiquant que la cour doit constater la fin de non-recevoir tirée de son incompétence d'ordre public, au profit de la cour d'appel de Paris.

Par une note en délibéré du 29 septembre 2022 la Caisse des dépôts et Consignations a fait valoir ses observations précisant que la cour d'appel de Paris est compétente, que la cour d'appel de Rennes doit constater la fin de non-recevoir tirée de son incompétence d'ordre public et déclarer l'appel irrecevable.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures déposées et notifiées le 7 juin 2022, l'ACSJ demande à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

Au principal :

- Prononcer l'annulation des deux contrats de prêt Pex Phare n° 1198622 et 1198625 conclus entre les parties,

- Ordonner en conséquence le remboursement par la Caisse des Dépôts et Consignations de l'ensemble des intérêts et accessoires perçus au titre de ces prêts, et le remboursement du capital restant dû par l'association Clinique X.

Subsidiairement :

- Dire qu'est réputée non écrite la clause figurant à l'article 11.2.2 de chacun des deux contrats Pex Phare fixant les modalités financières du remboursement anticipé volontaire,

- Autoriser en conséquence l'association Clinique X. à rembourser par anticipation le capital restant dû sur les deux prêts susvisés, sans indemnité de remboursement anticipé, dès le prononcé de l'arrêt à intervenir,

- Condamner la Caisse des Dépôts et Consignations à rembourser à l'association Clinique X. :

- la différence entre les intérêts perçus par la CDC depuis l'échéance du 1er janvier 2020 pour les deux prêts susvisés, et ceux qui auraient été dus depuis cette date par l'association Clinique X. dans l'hypothèse d'un refinancement au taux de 1,05 %.

- la différence entre la totalité des intérêts dus dans le cadre du nouveau prêt de refinancement qui sera souscrit par l'association Clinique X., et ceux qui auraient été dus dans l'hypothèse d'un refinancement au taux de 1,05% sur le même capital

Encore plus subsidiairement :

- Condamner la Caisse des Dépôts et Consignations à payer à l'association Clinique X. la somme de 692.796,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir d'information.

En toute hypothèse :

- Condamner la Caisse des Dépôts et Consignations à payer à l'association Clinique X. la somme de 15.558,38 euros au titre du trop-perçu d'intérêts sur le prêt PLS n° 1190028, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- Débouter la Caisse des Dépôts et Consignations de toutes ses demandes,

- Condamner la Caisse des Dépôts et Consignations à payer à l'association Clinique X. la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

[*]

Au contraire, dans ses écritures notifiées le 15 juin 2022 la Caisse des Dépôts et Consignations demande à la cour d'appel de Rennes sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, des articles 1109 et suivants, 1147, 1171, 1304 et 2224 du code civil, de l'article L. 442-6 du code de commerce et de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, de :

- La recevoir en ses conclusions,

- Déclarer l'Association Clinique X. mal fondée en son appel et l'en débouter,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 13 avril 2021 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

- Constaté la prescription de l'action de l'Association Clinique X. dans sa demande principale visant à faire prononcer l'annulation des contrats Pex Phare et dit que l'action de l'Association Clinique X. est irrecevable à ce titre,

- Débouté l'Association Clinique X. dans sa demande de réputer non écrite la clause 11.2.2 de chacun des prêts Pex Phare fixant les modalités financières de remboursement anticipé volontaire,

- Débouté l'Association Saint-Joseph de sa demande de paiement d'une somme de 15.558,38 euros au titre des intérêts payés sur le prêt PLS ;

- Débouté l'Association Clinique X. dans toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Constater que l'article 5 de la loi n°94-665 du 4 août 1994 est inapplicable en l'espèce ;

- Débouter l'Association Clinique X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

En tout état de cause, condamner l'Association Clinique X. à lui régler une somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur la prescription de l'action en nullité des prêts PEX Phare pour vices du consentement :

En vertu de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

L'article 1304 ancien du code civil applicable à l'époque de la signature des contrats précise que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court 'dans le cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts (…).

La CDC soutient que l'action en annulation d'un prêt fondé sur une erreur ou un dol se prescrit dans les relations entre professionnels, par cinq ans à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice et que le point de départ de cette prescription se situe à la date de convention de prêt soit en l'espèce au jour de la signature des contrats le 3 aout 2011 de sorte l'action en nullité pour vices du consentement est prescrite, l'intérêt à agir de l'ACSJ étant également né au jour de la conclusion des actes de prêt

L'ACSJ fait valoir que le délai de prescription de 5 ans n'est pas acquis car il lui était impossible, à la lecture du contrat, de connaître le montant des indemnités de remboursement anticipé des prêts Pex Phare au regard de la complexité du calcul figurant dans la clause, hors de portée d'un non-spécialiste. Elle estime donc que le point de départ du délai de prescription est au jour de sa découverte du montant des indemnités de remboursement anticipé lors de la réception de la simulation effectuée par la CDC, soit le 13 mars 2019 et que son action en nullité pour vice du consentement est donc recevable.

La clause 11.2.2 des conditions générales des prêts Pex Phare précise que les cas de remboursements anticipés visés aux articles 10.1, 10.2.1, 10.2.2 et 10.2.3 donneront lieu au paiement par l'emprunteur, dans toute la mesure permise par le loi, d'une indemnité actuarielle dont le montant sera égal à la différence, uniquement lorsque celle-ci est positive, entre d'une part, la valeur actualisée sur la courbe de taux de swap Euribor de chacune des échéances qu'aurait produite, pendant la durée restant à courir de l'emprunt concerné, le capital remboursé par anticipation. Les taux de la courbe de swap Euribor sont les cours de clôture constatés au jour du remboursement anticipé ; et d'autre part, le montant du capital remboursé par anticipation, augmenté des intérêts courus non échus dus à la date du remboursement anticipé.

L'article 5 des conditions générales définit la courbe swap ainsi : « la courbe de taux de swap Euribor désigne la courbe formée par la structure par termes des taux de swap Euribor. Ces taux sont (i) publiés pour différentes maturités sur les pages Bloomberg (taux swap demandé ou « bid »), taux composites Bloomberg pour la Zone euro, disponibles pour des maturités allant de 1 à 50 ans, ou en cas de cessation de publication sur cette page, toute autre page Bloomberg [ou Reuters ou autres contributeurs financiers agréés] qui serait notifiée par le préteur à l'emprunteur ou (ii), en cas d'absence de publication pour une maturité donnée, déterminés par interpolation linéaire réalisée à partir du taux de swap publié pour une durée immédiatement inférieure et de celui publié pour une durée immédiatement supérieure. Le taux de swap Euribor en euro pour une maturité donnée désigne, à un instant t, le taux fixe (déterminé lors de la conclusion du contrat de swap) qui sera échangé contre le taux Euribor 6 mois constaté. En cas de remboursement anticipé, les taux retenus sont les cours de clôture du jour du remboursement. »

L'ACSJ compare ces clauses aux termes de la clause de remboursement anticipé (article 11.3.2) des conditions générales des prêts PLS précisant que les remboursements anticipés donnent lieu à la perception par le prêteur d'une indemnité égale à un semestre d 'intérêts sur le capital remboursé au taux du prêt en vigueur à la date du remboursement anticipé, ce qui lui permet d'estimer le coût d'un remboursement anticipé de ce prêt, impossible dans le cadre des prêts Pex Phare

Il est admis que les clauses de remboursement anticipé consistent à réparer le manque à gagner subi par le prêteur. La différence existante entre les modalités de calcul des indemnités de remboursement du prêt PLS et des deux prêts Pex Phare s'explique par la différence entre les prêts à taux fixe qui prévoient des indemnités actuarielles qui reflètent la différence entre le taux initial du prêt et le taux du marché, et les prêts à taux variable, qui stipulent des indemnités forfaitaires. La banque se couvre ainsi contre le risque des taux en préservant les dépôts d'épargne

Ce mécanisme justifie que la CDC ne pouvait proposer une simulation du montant de l'IRA des prêts Pex Phare au moment de la signature le 3 août 2011 puisque que comme elle le rappelle la variabilité des sommes pouvant être dues au titre de l'IRA, dépend de la date à laquelle l'emprunteur souhaite procéder à un remboursement anticipé et des taux applicables qui sont actualisés à cette date.

En outre la Caisse des Dépôts et Consignations a transmis au président de l'association l'offre contractuelle des contrats de prêts Pex Phare le 5 juillet 2011, valable jusqu'au 5 octobre 2011, mais durant le temps écoulé entre cette transmission et la signature des contrats Pex Phare, le 3 aout 2011, l'ACSJ n'a manifesté aucune inquiétude concernant les termes des clauses litigieuses et le coût prévisible des IRA

Par ailleurs, l'organigramme aux pièces de l'intimée établit que l'ACSJ est dotée d'une organisation hiérarchisée comprenant un conseil d'administration, un président, un directeur général et un directeur administratif et financier. Il importe peu comme elle l'affirme qu'elle n'ait pas été pourvue d'un directeur financier à l'époque des échanges avec la banque, qui ont pourtant duré plusieurs mois avant la régularisation des contrats, dans la mesure où son envergure financière et organisationnelle lui donnait la faculté de faire appel à tout sachant, pour affiner sa compréhension des contrats et leurs incidences

De plus alors qu'elle gère un établissement de soins et deux EPHAD, le montant global de l'opération de financement de la réhabilitation d'un EPHAD garanti par le Conseil départemental démontre qu'elle ne saurait être considérée comme un emprunteur non averti.

De fait les organes dirigeants de l'association avaient toutes compétences pour apprécier le contenu et la portée des clauses de remboursement anticipé critiquées. Les conclusions de l'analyse financière de la société Kahana qui évoquent l'impossibilité de vérifier le montant de la simulation de l'IRA transmis par la banque le 1er avril 2019, ne suffisent pas pour rapporter la preuve que le coût des IRA n'était pas déterminable, dès lors cette analyse n'est pas contradictoire

Dans ces conditions le délai de prescription de l'action en nullité pour vices du consentement (dol et erreur) court à compter du jour où l'ACSJ aurait dû connaître le vice c'est à dire à compter de la date de l'offre de prêt le 5 juillet 2011 et au plus tard le jour de la signature des contrats le 3 aout 2011 au moment où il lui était bien décelable

Par ailleurs aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, « l'action (en justice) est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

L'intérêt à agir est une condition de recevabilité de l'action consistant dans l'avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge du bien-fondé de sa prétention.

En l'espèce l'intérêt à agir de l'ACSJ est né au moment de la signature des contrats et n'est pas conditionné par la démonstration préalable d'un préjudice, qui n'est pas établi

Ainsi dans la mesure où l'assignation devant le tribunal de commerce de Rennes a été introduite le 16 juillet 2020, l'action en nullité pour vices du consentement est prescrite et doit être déclarée irrecevable

Le jugement du tribunal de commerce de Rennes est donc confirmé sur ce point

 

2 - Sur les clauses réputées non écrites :

Pour atteinte à une obligation essentielle du contrat :

L'ACSJ soutient qu'est réputée non-écrite une clause du contrat qui contredit la portée de l'engagement pris et que l'option de remboursement anticipé à tout moment constitue une obligation essentielle du contrat, laquelle est privée de sa substance, puisque toute faculté de remboursement anticipé est impossible de sorte que l'économie du contrat est modifiée.

La CDC avance que les obligations essentielles des parties à un contrat de prêt sont pour le prêteur, la remise des fonds à l'emprunteur aux dates prévues et pour l'emprunteur, le paiement des sommes prévues au contrat (principal, intérêts et accessoires) aux échéances.

Les obligations essentielles sont celles sans lesquelles le contrat ne peut subsister et en considération desquelles les parties se sont engagées.

En s'appuyant sur l'analyse du cabinet Kahana, l'ACSJ ne peut soutenir que l'option de remboursement anticipé constitue une obligation essentielle du contrat, alors que cette option est toujours possible et laissée à sa liberté en fonction du contexte économique, de l'évolution des taux et de l'époque à laquelle elle estime que la résiliation du contrat lui est favorable.

Elle peut également en considération de ce contexte choisir que le contrat se poursuive jusqu'à son terme.

Il convient de relever par ailleurs que page 27 de ses dernières écritures, elle écrit « à une clause de remboursement anticipé, qui est, comme l'assurance, une obligation accessoire du prêt, anticipant un aléa de la vie du prêt ».

En conséquence la clause de remboursement anticipé figurant aux contrats de prêt Pex Phare ne porte pas atteinte à une obligation essentielledu contrat et ne saurait être réputée non écrite

Le jugement du tribunal de commerce de Rennes est donc confirmé sur ce point

 

Pour déséquilibre significatif du contrat :

L'article L. 442-6 du code de commerce dans sa version applicable aux faits précise notamment que :

I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties

La cour d'appel de Rennes est dépourvue du pouvoir de statuer sur ces dispositions.

Au demeurant elles ne sont pas applicables aux relations entre une banque et son client puisqu'elles ne concernent que les rapports nés de la vente d'un produit ou d'une marchandise.

Dans le cadre de ses relations bancaires avec ses clients, l'établissement financier est soumis aux dispositions spéciales du code monétaire et financier

Il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes formées devant la cour d'appel de Rennes sur ce fondement et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

 

3 - Sur l'inopposabilité de la clause pour usage de termes étrangers :

L'ACSJ estime que les clauses litigieuses peuvent être déclarées inopposables pour usage de termes étrangers en vertu de l'article 5 de la loi du 4 août 1994 sur l'usage de la langue française dans les actes juridiques mais la banque rappelle justement que le terme SWAP existe bien dans le Petit Larousse de sorte que cet argument est inopérant.

 

Sur l'obligation d'information :

L'ACSJ fait valoir sur le fondement de l'article 1147 du code civil, que le banquier est tenu d'une obligation d'information pré-contractuelle et qu'elle n'a bénéficié d'aucune information pour apprécier l'impact sur l'économie du contrat de la clause de remboursement anticipé alors qu'elle doit être considérée comme un emprunteur non averti. Elle ajoute qu'elle a donc perdu une chance de ne pas contracter, ou de contracter à des conditions différentes et que son préjudice, arrêté à l'échéance du 1er janvier 2020, a été évalué à la somme de 692.796 euros. Elle rappelle que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité est au jour du dommage

La CDC réplique qu'elle a transmis à l'ACSJ toute la documentation contractuelle et que le fait de ne pas avoir adressé une simulation de l'application de la clause d'indemnité de remboursement anticipé critiquée qui ne peut être calculée qu'au moment de la résiliation du contrat, n'est pas de nature à remettre en cause la parfaite exécution de son obligation d'information. Elle soutient qu'elle n'est pas tenue par une obligation de conseil et de mise en garde et que l'association ne subit aucun préjudice

Pour donner droit à réparation, il faut que le manquement au devoir d'informer ait causé un préjudice et la perte de chance constitutive de ce préjudice n'aboutit qu'à une réparation partielle du dommage subi.

L'ACSJ ne peut soutenir que le délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement du banquier à son obligation d'information court à compter de la révélation du dommage dans la mesure où la révélation du montant des IRA à elle seule ne constitue pas un dommage ou un fait dommageable qui aurait été subi.

En outre le devoir de mise en garde n'est dû par le banquier que s'il apparaît que le crédit sollicité est excessif et fait courir un risque d'endettement à l'emprunteur non averti. Et cette obligation ne porte pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération immobilière financée, le banquier n'étant pas tenu d'un devoir de conseil envers son client et devant, en outre, s'abstenir de s'immiscer dans la gestion, de sorte que c'est à ce dernier qu'il incombe de décider s'il doit emprunter ou non et, le cas échéant, quelle somme il doit emprunter.

S'agissant d'une personne morale, le caractère averti ou profane de l'emprunteur s'apprécie en la personne de ses dirigeants et de ses organes qui, en l'espèce, avaient toutes les compétences pour apprécier les termes de l'engagement.

S'agissant du devoir d'information, l'ACSJ ne justifie pas en quoi la banque y aurait manqué, l'emprunteuse ayant en effet reçu, comme déjà signalé, toutes les informations nécessaires à la parfaite compréhension de ses engagements au moment de la transmission des documents contractuels en juillet 2011, avant signature le 3 aout 2011 alors que l'offre était valable jusqu'en octobre 2011 et qu'elle a régularisé les contrats en août 2011, très rapidement après l'offre.

Enfin, les termes de la clause litigieuse n'autorisent pas de l'interpréter comme une soumission volontaire au code de la consommation avec plafonnement de l'IRA, l'appelante indiquant elle même que les prêts sont à finalité professionnelle.

Dans ces conditions la prescription de l'action en réparation pour manquement à une obligation d'information court à compter du jour de la date de l'offre de prêt le 5 juillet 2011 et au plus tard le jour de la signature des contrats le 3 aout 2011. La demande fondée sur la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation d'information est donc prescrite et irrecevable.

En tout état de cause elle serait infondée.

Le jugement du tribunal de commerce de Rennes est donc confirmé sur ce point.

 

4 - Sur le trop-perçu au titre des prêts PLS :

L'ACSJ se fonde sur l'expertise réalisée par la société Kahana qui indique que le calcul des intérêts par la CDC conduit à un trop perçu cumulé de 15.558,38 euros.

Elle estime qu'aucune prescription ne peut s'appliquer aux échéances 2013 et 2014 car il lui a fallu engager cette expertise pour avoir connaissance de l'erreur.

Au contraire. la CDC soulève la prescription des échéances 2013 et 2014 dans la mesure où l'emprunteuse disposait des éléments lui permettant de se rendre compte d'une éventuelle erreur de calcul à compter de chaque échéance. Elle soutient en tout état cause que cette erreur n'est pas rapportée

L'article 2 des conditions particulières du contrat PLS prévoit que les valeurs « indiquées ci-dessus sont actualisées et révisées selon les modalités définies dans le fascicule de conditions générales joint et que les valeurs actualisées sont notifiées à l'emprunteur par simple lettre. »

Comme relevé par le tribunal de commerce de Rennes, la CDC ne verse aucune de ces lettres de sorte qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle a bien respecté les termes de l'article 2.

Les demandes concernant les échéances 2013 et 2014 sont en conséquence recevables et le jugement du tribunal de commerce confirmé sur ce point.

Concernant l'erreur de la banque dans le calcul des intérêts l'article 7.2.1 des conditions générales du contrat PLS précise « que le taux d'intérêt actuariel annuel (I) et le taux annuel de progressivité (P) » sont révisés, à la date de référence et à chaque échéance trimestrielle... le taux ainsi calculé correspond au taux actuariel annuel pour la période de prêt restant à courir. »

L'article 7.2.2 ajoute que les taux révisés s'appliquent au calcul des échéances trimestrielles relatives à la période d'amortissement restant à courir

Il en résulte que les intérêts payés sur une période sont calculés par rapport à un taux déterminé avant le début de l'échéance trimestrielle, qu'il évolue à la hausse ou à la baisse. En outre, les intérêts payés à une échéance trimestrielle le sont au titre des intérêts échus et non pas des intérêts à échoir.

Ainsi, les intérêts payés au titre de l'échéance du mois d'octobre correspondent à ceux échus sur le 3ème trimestre d'une année, calculés au taux en vigueur au 1er juillet de cette année.

Le montant des intérêts calculés par la CDC au titre des échéances du mois d'octobre ne devait donc pas tenir compte de la modification du taux résultant d'une modification de la rémunération du livret A intervenue en août. Seule l'échéance payée début janvier, sur les intérêts échus à compter du 1er octobre de l'année précédente, devait prendre en compte cette modification, ce qui a été le cas.

L'erreur dans les montants des intérêts et l'existence d'un trop perçu d'intérêts par la banque n'est donc pas rapportée.

Le jugement du tribunal de commerce de Rennes est confirmé sur ce point.

 

Sur les demandes annexes :

Il n'est pas inéquitable de condamner l'ACSJ à la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour

- Déclare irrecevables les demandes formées devant la cour d'appel de Rennes sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce

- Invite les parties à mieux se pourvoir

- Confirme pour le reste le jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 13 avril 2021

Statuant à nouveau :

- Condamne l'Association Clinique X. au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'Association Clinique X. au paiement des entiers dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit

LE GREFFIER                                           LE PRESIDENT