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TA MARSEILLE, 8 novembre 2022

Nature : Décision
Titre : TA MARSEILLE, 8 novembre 2022
Pays : France
Juridiction : Marseille (TA)
Demande : 2000337
Date : 8/11/2022
Nature de la décision : Sursis à statuer
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/01/2020
Décision antérieure : TA MARSEILLE (8e ch.), 27 mars 2024
Numéro de la décision : 49186
Référence bibliographique : 5996 (recommandation, absence de caractère normatif), 6439 (sport, billetterie dans le football), 5847 (compétence des juridictions judiciaires), 5788 (injonction de l’administration)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9935

TA MARSEILLE, 8 novembre 2022 : req. n° 2000337 ; rôle n° 49186 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « 6. Les CGV des tickets pour la saison 2018/2019 représentent un contrat de billetterie conclu entre la société OM, personne morale de droit privé, et le spectateur, généralement une personne physique, qui est aussi une personne privée. En outre, l'OM n'est pas chargée, à titre délégataire, de l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif. Les conditions générales de vente en litige ont ainsi le caractère d'obligations contractuelles découlant d'un contrat de droit privé. Il s'ensuit que l'appréciation par la voie de l'exception de la licéité des stipulations de l'article 13 des CGV au sens des dispositions précitées des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation ressortit à la compétence exclusive des juridictions de l'ordre judiciaire.

7. Eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, qui ne peut être résolue au vu d'une jurisprudence établie, et alors que la commission des clauses abusives n'a pas rendu d'avis, au demeurant purement consultatif, sur la question du caractère licite ou illicite de la clause par laquelle le professionnel prévoit qu'il n'est pas tenu envers le consommateur du remboursement d'un ticket en cas d'annulation ou de modification de la date ou de l'horaire d'une manifestation sportive, tel un match de football, il y a lieu pour le tribunal de surseoir à statuer sur la requête de la société OM tendant à l'annulation de la décision d'injonction du 21 août 2019 et de la décision du 18 novembre suivant ayant rejeté son recours gracieux jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur le point de savoir si les stipulations de l'article 13 des CGV citées au point 3 revêtent un caractère illicite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MARSEILLE

JUGEMENT DU8 NOVEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Requête n° 2000337. Numéro de rôle : 49186

 

REQUÉRANT :

Société anonyme sportive professionnelle (SASP) Olympique de Marseille (OM)

 

DÉFENDEUR :

Préfet des Bouches-du-Rhône

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2020, la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Olympique de Marseille (OM), représentée par Maître Grimaldi, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision d'injonction du 21 août 2019 prise par le préfet des Bouches-du-Rhône en application de l'article L. 521-1 du code de la consommation en tant qu'elle lui demande, dans un délai de trois mois, de modifier ses conditions générales de vente de tickets pour la saison 2018/2019 afin de respecter l'équilibre des droits et obligations des parties au contrat en cas d'annulation ou de report d'une manifestation sportive, ainsi que la décision du 18 novembre suivant rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision d'injonction en litige ;

- elle n'a pas la maîtrise du calendrier des matchs qu'elle propose à l'inverse de la ligue de football professionnel qui est l'organisatrice des rencontres du championnat de France de Ligue 1, notamment celles disputées au stade Vélodrome ; pour ces motifs, elle informe tout acheteur de places pour les rencontres de l'OM que la date et l'horaire du match sont susceptibles de modification ; en cas de report du match, les billets restent valables ; l'OM remplissant ainsi son devoir précontractuel à l'égard du consommateur, l'article 13 des conditions générales de vente directe et de vente à distance des tickets simples pour la saison 2018/2019 ne contient pas de clause abusive au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation prohibant de telles clauses et le préfet a commis une erreur de droit en retenant qu'il était contrevenu aux dispositions du 6° de l'article R. 212-1 du code de la consommation ; pour les mêmes motifs, elle ne manque pas à ses obligations résultant du 7° de l'article R. 212-1 du code de la consommation.

[*]

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Olympique de Marseille ne sont pas fondés.

[*]

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de M. Garron, rapporteur public,

- et les observations de Maître Bossy-Taleb substituant Maître Grimaldi, représentant la société Olympique de Marseille.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

1. Le club de football « l'Olympique de Marseille » (OM), exploité par la société anonyme sportive professionnelle (SASP), commercialise les billets de ses matchs organisés à domicile au stade Vélodrome de Marseille. A la suite de deux plaintes de consommateurs s'étant vu refuser, après le report d'un match, le remboursement de leurs billets, la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône (DDPP 13) a contrôlé l'activité de la société le 14 février 2019. A cette occasion, les contrôleurs ont retenu, notamment, que l'article 13 des conditions générales de vente (CGV) des tickets pour la saison 2018/2019 méconnaissait les dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation prohibant les clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. Par un courrier de pré-injonction du 7 mars 2019, le contrôleur de la DDPP 13 a informé la société OM de son intention de lui enjoindre de supprimer cette clause considérée comme abusive de ses CGV dans un délai de trois mois et l'a invitée à présenter ses observations écrites ou orales dans un délai de quinze jours. Après avoir reçu les observations écrites de la société requérante le 28 mars 2019, une décision d'injonction du 21 août 2019 a été prise par le préfet des Bouches-du-Rhône sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de la consommation. La société OM demande au tribunal l'annulation de cette décision d'injonction en tant qu'elle lui demande, dans un délai de trois mois, de modifier ses CGV afin de respecter l'équilibre des droits et obligations des parties au contrat en cas d'annulation ou de report d'une manifestation sportive, ensemble la décision du 18 novembre 2019 rejetant son recours gracieux.

 

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation : Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. () /Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa. () ». Aux termes de l'article R. 212-1 du même code : « Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (…) 6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; () ».

3. L'article 13 des conditions générales de vente directe et de vente à distances des tickets simples pour la saison 2018/2019 de la société OM stipule que : « L'Acheteur et/ou le Détenteur déclare connaître parfaitement les caractéristiques de l'activité de l'OM. Ainsi l'organisation des Matches est dépendante de modification, d'annulation partielle, pour toutes sortes de raisons telles que survenance d'intempéries, de grèves, de changement de réglementation, de suspension de terrain et toutes sortes d'autres raisons qui expliquent que cette liste n'est pas exhaustive. De même, l'Acheteur et/ou le Détenteur déclare connaître et accepter le caractère aléatoire des compositions d'équipes, du résultat sportif et de la qualité de toute manifestation sportive./L'OM ne pourra être tenu pour responsable des éventuelles modifications ou annulations partielles et/ou totales des Matches prévus au calendrier./En outre, la responsabilité de l'OM ne pourra en aucun cas être engagée pour la survenance d'évènements constitutifs de la force majeure, du fait d'un tiers ou du fait d'un de ses employés. Sont notamment exclus de sa responsabilité : la survenance d'intempéries, de grèves, de changement de réglementation, de suspension de terrain, d'interruption de Match, de report de Match, de décision d'autorités compétentes en matière de sécurité et/ou de discipline (huis clos notamment), la cessation de la convention de mise à disposition du Stade, mais encore les cas de terrorisme, attentat, guerre, guerre civile, émeute et révolution, acte de piraterie, sabotage, acte de piratage, réquisition, confiscation, nationalisation, embargo, rupture, blocage ou endommagement des voies et moyens de transport ou réseaux de communication, expropriation, cataclysme naturel tel que violente tempête, inondation, explosion, incendie, épidémie, pandémie, pénurie de carburant, boycott, grève, grève du zèle, occupation d'usine, acte de l'autorité, arbitraire ou non, ou de tout autre évènement venant perturber la bonne exécution du présent contrat. /Aussi, aucun remboursement ne sera effectué en cas notamment de report du Match ou de changement de programmation du Match à un jour et/ou un horaire différent(s). Dans de tels cas, les Ticket(s) délivré(s) à l'occasion du présent achat demeure(nt) entièrement valable(s). /L'Acheteur et/ou le Détenteur renonce à toute indemnité de quelque nature que ce soit ».

4. Pour contester l'acte attaqué, la société OM soutient que cet article 13 des conditions générales de vente directe et de vente à distance des tickets simples pour la saison 2018/2019 de la société OM ne contient pas de clause abusive au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation prohibant de telles clauses.

5. L'article R. 771-2 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ».

6. Les CGV des tickets pour la saison 2018/2019 représentent un contrat de billetterie conclu entre la société OM, personne morale de droit privé, et le spectateur, généralement une personne physique, qui est aussi une personne privée. En outre, l'OM n'est pas chargée, à titre délégataire, de l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif. Les conditions générales de vente en litige ont ainsi le caractère d'obligations contractuelles découlant d'un contrat de droit privé. Il s'ensuit que l'appréciation par la voie de l'exception de la licéité des stipulations de l'article 13 des CGV au sens des dispositions précitées des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation ressortit à la compétence exclusive des juridictions de l'ordre judiciaire.

7. Eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, qui ne peut être résolue au vu d'une jurisprudence établie, et alors que la commission des clauses abusives n'a pas rendu d'avis, au demeurant purement consultatif, sur la question du caractère licite ou illicite de la clause par laquelle le professionnel prévoit qu'il n'est pas tenu envers le consommateur du remboursement d'un ticket en cas d'annulation ou de modification de la date ou de l'horaire d'une manifestation sportive, tel un match de football, il y a lieu pour le tribunal de surseoir à statuer sur la requête de la société OM tendant à l'annulation de la décision d'injonction du 21 août 2019 et de la décision du 18 novembre suivant ayant rejeté son recours gracieux jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur le point de savoir si les stipulations de l'article 13 des CGV citées au point 3 revêtent un caractère illicite.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la société OM jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question énoncée au point 7 du présent jugement.

Article 2 : La question mentionnée à l'article précédent est transmise au tribunal judiciaire de Marseille.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au président du tribunal judiciaire de Marseille, à la société anonyme sportive professionnelle Olympique de Marseille et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Jorda-Lecroq, présidente, Mme Gaspard-Truc, première conseillère, Mme Balussou, première conseillère,

Assistées de Mme Faure, greffière.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,                    La présidente,                                   La greffière,

Signé                                      Signé                                                  Signé

F. A                                        K. Jorda-Lecroq                              N. Faure