CASS. CIV. 1re, 23 novembre 2022

CERCLAB - DOCUMENT N° 9947
CASS. CIV. 1re, 23 novembre 2022 : pourvoi n° 21-12981 ; arrêt n° 10789
Publication : Legifrance
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : U 21-12.981. Arrêt n° 10789 F.
DEMANDEUR à la cassation : Société générale private banking
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
M. CHAUVIN, président.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Société générale private banking [Localité 3], société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-12.981 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le litige l'opposant à M. X., domicilié [Adresse 1] (Royaume-Uni), défendeur à la cassation.
M. X. a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal, invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale private banking [Localité 3], de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. X., après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon , greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1. Les moyens de cassation annexés, au pourvoi principal et au pourvoi incident, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société générale private banking [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, signé par lui même et par Mme Vignes, greffier de chambre présent lors du prononcé.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale private banking [Localité 3]
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Société Générale Private Banking ([Localité 3]) fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de validation de la procédure de saisie immobilière engagée contre M. X., d'AVOIR ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière et d'AVOIR ordonné la radiation du commandement de payer du 13 février 2019, publié le 5 avril 2019 au 4éme bureau du service de la publicité foncière de [Localité 4] ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation, sans viser ni analyser les éléments sur lesquels il se fonde ; qu'en s'abstenant de viser et d'analyser les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour affirmer que la notion de clause abusive n'est pas totalement ignorée du système juridique monégasque et que cette notion est régulièrement appliquée par sa jurisprudence nationale qui l'entend également comme une clause créant par sa rédaction, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties contractantes, quand, d'abord, cela était contesté par la banque en se prévalant d'un affidavit établi par un avocat monégasque et, ensuite, cela n'était ni allégué, ni a fortiori démontré, par M. X., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE les conditions de validité d'un acte juridique sont régies par la loi en vigueur au jour de sa conclusion, la loi nouvelle, fût-elle d'ordre public, demeurant sans application ; qu'en se fondant sur les articles L. 231-1 et L. 232-1 du code de la consommation, qui, nonobstant leur éventuel caractère d'ordre public, n'étaient pas applicables à la date de la conclusion du contrat de prêt litigieux (17 février 2005), pour juger que la validité de la clause de déchéance du terme contenue dans ce contrat devait être appréciée au regard de la législation française sur les clauses abusives, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble les articles L. 212-1 (anciennement L. 132-1), L. 231-1 et L. 232-1 du code de la consommation, par fausse application, et l'article L. 135-1 du même code, dans sa version issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, par refus d'application ;
3) ALORS, subsidiairement, QU'IL ressortait des termes mêmes du contrat de prêt conclu le 17 février 2005 entre la Société Générale Bank & Trust (devenue Société Générale Private Banking ([Localité 3])) que celui-ci avait été conclu à [Localité 3] entre un établissement prêteur soumis au droit monégasque et une personne qui n'était pas domiciliée en France mais au Royaume-Uni ; qu'en vertu de l'article 7 de ce contrat, les obligations principales résultant du prêt devaient s'exécuter à [Localité 3], à savoir la mise à disposition des sommes prêtées et leurs obligations corrélatives de remboursement ; que selon l'article 2 de la convention de prêt, celui-ci avait pour objet de financer une résidence secondaire de M. X. en France, et non sa résidence principale ; qu'en outre, ce dernier avait expressément reconnu, à l'article 22 de la convention de prêt, que « l'ensemble des actes et négociations préalables à l'établissement du présent acte se sont déroulés sur le territoire de la Principauté de Monaco » et que « l'ensemble des contacts entre lui-même et la Banque ou ses préposés se sont déroulés sur le territoire monégasque » ; qu'enfin, la réitération notariée en France de la convention de prêt était sans incidence puisqu'elle ne pouvait avoir lieu qu'en France, lieu de situation du bien hypothéqué ; qu'il résultait ainsi de l'ensemble de ces éléments que le contrat de prêt conclu entre la banque et M. X. présentait un lien étroit avec le territoire de la Principauté de Monaco, et non pas avec celui de la France ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que la loi française prohibant les clauses abusives était applicable à ce contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 212-1, L. 231-1 et L. 232-1 du code de la consommation ;
4) ALORS, subsidiairement, QU'aux termes de l'article 15.1 de la convention de prêt, pour ouvrir la faculté au prêteur de prononcer l'exigibilité anticipée, ce ne sont pas n'importe quelles déclarations de l'emprunteur qui devaient avoir cessé d'être exactes mais seulement les « déclarations de l'article ‘Déclarations du Client' » ; que l'article 12, intitulé « Déclarations du Client », énumérait de manière limitative quatre types de déclarations : premièrement, « aucune instance, action, procès ou procédure administrative n'est en cours ou, à sa connaissance, n'est sur le point d'être intenté ou engagé pour empêcher ou interdire la signature du présent contrat ou pourrait avoir un effet défavorable important sur son activité, ses actifs ou sa situation financière », deuxièmement, « il n'existe pas de fait susceptible de constituer un cas d'exigibilité anticipée au sens du présent contrat », troisièmement, « la signature et l'exécution du présent contrat ne contreviennent ni aux statuts du client, ni à un quelconque engagement auquel le client pourrait être tenu, ni ne violent en aucune façon les lois ou les règlements qui lui sont applicables » et quatrièmement, « le présent contrat est et demeurera un engagement valable qui lui sera opposable conformément à ses termes » ; qu'en outre, aux termes de la clause précitée, l'exigibilité anticipée ne pourrait être prononcée qu'à la condition que l'événement survenant entraîne des conséquences qui atteignent un certain seuil de déclenchement, l'instance, l'action, le procès ou la procédure administrative devant être susceptible d'« avoir un effet défavorable important sur l'activité, les actifs ou la situation financière » de l'emprunteur ; qu'en considérant néanmoins que toute évolution de la situation déclarée à l'origine par l'emprunteur telle qu'un divorce, une perte d'emploi, un déménagement ou des difficultés de santé, permettrait à l'établissement prêteur de réclamer le paiement immédiat de sa créance, pour en déduire que la rédaction de la clause d'exigibilité anticipée mise en œuvre par la banque était trop vague et générale et, partant, déséquilibrée au détriment de l'emprunteur, cependant qu'un divorce, une perte d'emploi, un déménagement ou des difficultés de santé de l'emprunteur n'entrent dans aucun des quatre types de déclarations mentionnés à l'article 12 précité de la convention de prêt et, à supposer même qu'ils entrent dans le premier type de déclaration mentionné à cet article, n'ont pas nécessairement un effet défavorable important sur l'activité, les actifs ou la situation financière de l'emprunteur, de sorte qu'ils ne figurent pas au nombre des événements de nature à déclencher l'application de la clause d'exigibilité anticipée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 12 et 15.1 précités de la convention de prêt ;
5) ALORS, subsidiairement, QU'une clause n'est abusive que si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce qui suppose que le juge compare les droits et obligations respectifs des parties ; qu'en l'espèce, la banque faisait valoir que l'engagement d'un procès contre l'emprunteur pouvant avoir un effet défavorable important sur son activité, ses actifs ou sa situation financière en cours d'exécution du contrat était de nature à modifier l'appréciation qu'elle avait portée lors de la conclusion du contrat sur le risque de non-remboursement du prêt par l'emprunteur au regard de laquelle elle avait consenti à l'octroi de ce prêt, d'un montant de plus de 4,5 millions d'euros, et que les événements affectant les capacités de remboursement de l'emprunteur en cours d'exécution du contrat étaient d'autant plus susceptibles de nuire au prêteur que le prêt était stipulé remboursable in fine au terme d'une durée de quinze ans ; que la banque faisait également valoir que la clause de déchéance du terme trouvait également sa justification dans la prévention du risque pénal pour recel des fonds détournés par M. X. et du risque réputationnel associé ; qu'en se bornant, pour juger que la clause de déchéance du terme mise en œuvre par la banque créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, à prendre en prenant en considération les seules conséquences pour l'emprunteur de la mise en jeu de cette clause, sans rechercher si cette clause n'était pas la contrepartie légitime du fait que le prêt octroyé était stipulé remboursable in fine et si elle ne trouvait pas également sa justification dans le risque pénal pour recel des fonds détournés par M. X. et le risque réputationnel invoqués par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L.212-1, du code de la consommation ;
6) ALORS, subsidiairement, QU'une clause de déchéance du terme n'est pas abusive si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté ne déroge pas aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si la clause ne laisse pas croire au consommateur qu'il ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme ; qu'en l'espèce, la mise en œuvre de la clause d'exigibilité anticipée suppose l'engagement d'un procès contre l'emprunteur ayant un effet important sur sa capacité de remboursement du prêt et donc sur un élément déterminant du consentement de la banque dans l'octroi d'un prêt in fine sur une durée de 15 ans portant sur une somme de plus de 4,5 millions d'euros ; que la cour d'appel a elle-même constaté que ce procès est la conséquence du comportement malhonnête de M. X. et que ce dernier a tenté de cacher l'existence de ce procès à la banque (arrêt p. 7 dernier § et p. 8 § 1), ce dont il résulte que la mise en œuvre de la clause d'exigibilité anticipée est la conséquence prévisible pour M. X. de son comportement déloyal vis-à-vis de la banque et vise à prévenir un défaut d'exécution de ses engagements par l'emprunteur ayant manqué à son obligation essentielle de loyauté ; que la clause litigieuse ne déroge pas aux règles de droit commun dès lors que dès avant la création du nouvel article 1226 du code civil par l'ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence a admis qu'un contractant est en droit de résilier unilatéralement le contrat en cas de manquement grave de son cocontractant à l'une de ses obligations, ce qui est le cas lorsque ce dernier manque à son obligation essentielle d'exécuter le contrat de bonne foi et que ce manquement a un effet important sur ses capacités de remboursement du prêt contracté ; que la clause litigieuse ne laisse pas croire à M. X. qu'il ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme, celui-ci ayant d'ailleurs saisi le tribunal de grande instance de Nice pour faire juger nul le prononcé de la déchéance du terme avant de se désister de cette instance du fait de la procédure de saisie immobilière diligentée par la banque à son encontre ; qu'il s'ensuit que la clause d'exigibilité anticipée mise en œuvre par la banque n'est pas abusive ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;
7) ALORS, en toute hypothèse, QU'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher la teneur, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'en procédant à l'interprétation des articles 1025 et 1029 du code civil monégasque pour en déduire que le risque réputationnel invoqué par la banque avait un caractère potestatif et que cette cause d'exigibilité ne pouvait donc être validée, sans justifier que cette solution serait conforme au droit positif monégasque en visant notamment de la jurisprudence monégasque en ce sens, ce qui était contesté par la banque, laquelle se prévalait d'un affidavit établi par un avocat monégasque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 du code civil ;
8) ALORS, subsidiairement, QUE la banque a invoqué le risque réputationnel découlant de la poursuite pénale engagée par l'administration fiscale britannique contre M. X. pour des faits d'évasion fiscale de grande ampleur, celui-ci ayant été accusé puis condamné d'avoir participé à un stratagème destiné à frauder cette administration de 100 millions de livres sterling ; que, partant, le risque réputationnel invoqué par la banque relevait d'une appréciation de celle-ci qui se fondait sur un événement objectif extérieur à la volonté des deux parties et susceptible de contrôle juridictionnel, ce dont il résultait que cette cause d'exigibilité anticipée n'était pas purement potestative mais valable ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1174, devenu 1304-2 du code civil.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Krivine et viaud, avocat au conseil pour M. X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de caducité du commandement de payer ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE dans les deux mois qui suivent la publication au fichier immobilier du commandement de payer valant saisie, le créancier poursuivant assigne le débiteur saisi à comparaître devant le juge de l'exécution à une audience d'orientation ; que l'assignation est délivrée dans un délai compris entre un et trois mois avant la date de l'audience ; que si le premier délai d'un mois, qui a pour objet le respect des droits de la défense du débiteur, bénéficie de la prorogation en raison de la distance prévue par l'article 643 du code de procédure civile, il n'en va pas de même du second délai de trois mois, prescrit à peine de caducité du commandement, qui vise à assurer la célérité de la procédure en ne la laissant pas trop longtemps entre les mains du créancier poursuivant ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que le délai de trois mois avant l'audience pour assigner le débiteur était soumis aux règles de prorogation en raison de la distance, de sorte que l'assignation, délivrée plus de trois mois avant l'audience, l'avait été dans un délai régulier, la cour d'appel a violé les articles R. 322-4 et R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles R. 121-5 du même code et 643 du code de procédure civile.
- 5810 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans l’espace - Conflits de lois
- 6004 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause vagues
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements
- 7288 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Condition potestative