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CA ROUEN (1re ch. civ.), 16 novembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (1re ch. civ.), 16 novembre 2022
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 21/02102
Date : 16/11/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 18/05/2021
Référence bibliographique : 5920 (domaine, société immobilière), 5851 (domaine, consommateur investisseur), 5880 (domaine, critère, compétence), 5881 (domaine, critère, identité de spécialité), 6325 (expertise de dommages)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9974

CA ROUEN (1re ch. civ.), 16 novembre 2022 : RG n° 21/02102

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En l'espèce, M. X. explique à la page 6 sur 61 de ses écritures qu'avant la survenue du sinistre en septembre 2012 il a démissionné de son emploi de professeur à l'Education nationale pour se consacrer à son patrimoine afin de le faire fructifier. A la page 46 sur 61, il indique que cet objectif n'a pas été réalisé du fait des événements dont le sinistre du 15 septembre 2012. L'activité de M. X. dans l'enseignement et/ou dans la gestion immobilière est sans rapport direct avec l'activité professionnelle d'ingénierie et de maîtrise d'œuvre de réparation des ouvrages du bâtiment exercée par le Bec Ingénierie représenté par M. Y. Le domaine de la construction fait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière. En conséquence, M. X., consommateur au jour de la conclusion du contrat en cause, peut se prévaloir des dispositions de l'ancien article L. 132-1.

Celui-ci soutient que « l'intérêt estimé du litige » n'a jamais été défini dans la convention, ce qui a été de nature à surprendre son consentement au moyen d'une omission volontaire et dolosive de M. Y. sur l'un des éléments structurants et essentiels de la convention que constituait sa rémunération.

Toutefois, il ressort de l'économie générale de la convention que la mission portait d'une part sur l'audit technique et la phase conception/appel d'offres et, d'autre part, sur le suivi d'exécution et l'assistance à réception, traduisant ainsi sa technicité et sa longueur et justifiant que la rémunération du conseil technique déroge aux règles habituelles en la matière prévoyant l'application d'un taux horaire. Cette commune intention des parties sur l'adéquation de la rémunération correspondant à un honoraire de résultat de 10 % au service ainsi offert a été clairement explicitée dans l'article 5 au moyen de termes compréhensibles, excluant toute manœuvre dolosive de la part de M. Y. et toute qualification de contrat d'adhésion.

Les parties ont sans ambiguïté défini le résultat obtenu, c'est-à-dire l'aléa faisant dépendre la rémunération, comme correspondant à un accord transactionnel ou à une décision judiciaire. La survenance de cet événement futur incertain n'a pas été assujettie à la volonté exclusive du Bec Ingénierie. D'ailleurs, la rémunération de celui-ci ne serait pas intervenue selon cette modalité dérogatoire dans l'hypothèse où M. X. n'aurait pas donné son accord à la conclusion d'un protocole transactionnel avec les parties adverses ou n'aurait pas engagé d'action aboutissant au prononcé d'une décision judiciaire. L'article 6 de la convention prévoyait ainsi qu'en cas de dessaisissement du Cabinet seront substituées au « principe de rémunération tel que défini à l'article 5 ci-avant, les règles habituelles de facturation du Cabinet BEC Ingénierie. Dans ce cas, les honoraires pour service rendu, comprenant les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement, seront alors réglées par les CLIENTS. ».

En définitive, M. Y. n'a pas failli à son devoir d'information et l'article 5 de la convention ne constitue pas une clause abusive. La demande de M. X. tendant à le voir déclaré non-écrit sera rejetée. »

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/02102. N° Portalis DBV2-V-B7F-IY3U. DÉCISION DÉFÉRÉE : Tribunal judiciaire d'Evreux du 20 avril 2021 : RG n° 20/02684.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [Localité 5], [Adresse 3], [Adresse 3], [Localité 6] (Pays), représenté par Maître Vincent MOSQUET de la Selarl LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assisté de Maître Joël WILLER, avocat au barreau de Paris

 

INTIMÉ :

Monsieur Y. exerçant sous l'enseigne BEC INGENIERIE

Siren XXX, né le [date] à [Localité 7], [Adresse 4], [Localité 1], représenté par Maître Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et assisté de Maître ROUSSIN, avocat au barreau de Paris substituant Maître Joseph BENILLOUCHE, de l'Aarpi LMT Avocats

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 septembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de : Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, M. Jean-François MELLET, conseiller, Mme Magali DEGUETTE, conseillère.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Catherine CHEVALIER,

DÉBATS : A l'audience publique du 12 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 novembre 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement le 16 novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 15 septembre 2012, les fondations de l'immeuble de rapport situé [Adresse 2] (80.000) et appartenant à M. X. et Mme Z., son épouse ont été endommagées.

Le 3 mars 2013, M. X. a conclu avec le Bec Ingénierie, maître d'œuvre spécialisé en pathologie du bâtiment et ingénierie de réparation, représenté par M. Y., une convention d'assistance technique ayant pour objet de définir le contenu de la mission confiée en vue, d'une part, d'établir un audit technique complet, rédiger un descriptif des travaux réparatoires et réaliser un appel d'offres et, d'autre part, de suivre ultérieurement les travaux de remise en état des ouvrages, y compris l'assistance aux opérations de réception. Les parties y ont convenu d'une rémunération composée exclusivement d'un honoraire de résultat égal à 10 % du résultat obtenu.

Par ordonnance du 15 décembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens, saisi en référé par les époux X. contre notamment Amiens Métropole, a fait droit à leur demande d'expertise pour notamment déterminer la ou les causes des dommages constatés sur leur immeuble et préciser les travaux de reprise, et a commis M. H. pour la réaliser. Ce dernier a établi son rapport d'expertise le 10 septembre 2015 aux termes duquel il a conclu que les désordres constatés sur ledit immeuble étaient dûs aux infiltrations d'eau provenant de la rupture d'une canalisation d'eau enterrée du service public d'eau potable survenue avant le 15 septembre 2012.

Par ordonnance du même jour, le même tribunal, saisi en référé par la commune d'Amiens et la communauté d'agglomération Amiens Métropole contre les époux X., a fait droit à leur demande d'expertise avec le même objet précité et a désigné M. M. pour l'effectuer. Celui-ci a établi son rapport d'expertise le 31 décembre 2016 aux termes duquel il a confirmé la conclusion de M. H.

Le 1er août 2016, M. Y. a adressé à M. X. une note d'honoraires de 49.021,56 euros Ttc au titre de la phase Etudes et Conception.

Les 28 novembre, 15 et 22 décembre 2017, les époux X. ont conclu un protocole d'accord transactionnel avec la commune d'Amiens, Amiens Métrople et l'assureur de ces dernières, aux termes duquel ils ont obtenu le paiement d'une indemnité de 800.000 euros TTC en réparation de leur sinistre.

Par courrier daté du 13 avril 2018, les époux X. ont mis fin à la convention d'assistance technique et ont adressé à M. Y. un chèque de 7.000 euros pour solde de tout compte pour la période du 3 mars 2013 au 22 décembre 2015.

Suivant courrier recommandé du 6 octobre 2018, M. Y. a adressé à

M. X. une note d'honoraires de 80.000 euros TTC en lui précisant que celle qu'il lui avait précédemment envoyée était nulle et non avenue mais que le chèque de 7.000 euros était à soustraire.

Par acte d'huissier de justice du 20 octobre 2019, M. Y. a fait assigner les époux X. devant le tribunal de grande instance d'Evreux en paiement du solde de 73.000 euros.

Suivant jugement du 20 avril 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- débouté M. Y. de ses demandes formulées à l'encontre de Mme Z. épouse X.,

- condamné M. X. à payer à M. Y. la somme de

73.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2018, qui seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- condamné M. X. à payer à M. Y. la somme de

2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 18 mai 2021, M. X. a formé un appel contre ce jugement.

 

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 9 août 2022, M. X. demande de voir :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 20 avril 2021 en ce qu'il a statué par les chefs suivants :

* condamne M. X. à payer à M. Y. la somme de 73.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2018, qui seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

* condamne M. X. à payer à M. Y. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamne M. X. aux entiers dépens de l'instance,

* ordonne l'exécution provisoire,

* rejette toute demande plus ample ou contraire,

statuant à nouveau, vu les articles L. 132-1 (devenu L. 212-1), L.137-2 (devenu L. 218-2) du code de la consommation, 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil dans leur rédaction applicable au litige :

- constater que le rôle de M. Y. n'a jamais été d'œuvrer à la mise en place d'une solution amiable transactionnelle pour mettre un terme aux différends entre lui, son épouse, et la commune d'Amiens,

- constater que la clause relative à la rémunération de M. Y. insérée à l'article 5 de la convention d'assistance technique du 3 mars 2013 est de manière irréfragable présumée abusive au sens des 1er et 4ème alinéas de l'article L. 132-1 (devenu L. 212-1) du code de la consommation,

- constater que ledit article 5 a eu pour effet de conférer à M. Y., en méconnaissance de l'article R.132-1, 4° du code de la consommation, le droit exclusif d'interpréter les clauses du contrat à son seul bénéfice,

- constater surabondamment que ce même article n'a pas été rédigé de façon claire et compréhensible,

- déclarer non écrites les clauses litigieuses tendant à la rémunération de M. Y. au titre de la convention d'assistance technique,

- constater que la commune intention des parties suivant leur comportement ultérieur et convergent impose de calculer et de limiter la rémunération de M. Y. aux seules prestations de maîtrise d'oeuvre réalisées et portant sur les travaux d'infrastructure,

- constater que le solde de tout compte dressé le 13 avril 2018, non contesté par M. Y., est conforme à la commune intention des parties,

- constater surabondamment que ce dernier a reçu une rémunération excessive en contrepartie des prestations imparfaites ou partielles qu'il a réalisées,

- écarter toute prétention contraire,

- débouter à les supposer itératives M. Y. de ses demandes abusives,

- ordonner la répétition des sommes qu'il a versées en vertu de l'exécution provisoire au titre des condamnations prononcées en première instance,

- condamner M. Y. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de ses frais de procédure, en plus des entiers dépens.

Il avance qu'il a conclu la convention d'assistance technique en qualité de non-professionnel n'étant pas assujetti à la TVA, ce qui lui permet de se prévaloir des textes précités sur les clauses abusives ; que cette convention constitue un contrat d'adhésion ; que la rémunération de l'intimé doit être déterminée par rapport au résultat obtenu qui est nécessairement et exclusivement le montant obtenu pour réaliser les travaux d'infrastructure comme le confirme la première note d'honoraires du 1er août 2016 ; que M. Y. ne l'a pas loyalement informé que sa rémunération rapportée à l'assiette des travaux de 398.000 euros était susceptible de s'établir à plus de 20 %, ce qui a créé à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

Il précise que M. Y. ne prouve pas avoir réalisé un audit technique complet de son immeuble, rédigé un descriptif des travaux réparatoires, organisé une mise en concurrence par un appel d'offres, suivi les travaux de remise en état des ouvrages, et l'avoir assisté lors des opérations de réception ; que le résultat obtenu aux termes de l'accord transactionnel n'a pas été conclu par l'entremise de M. Y. et de ses prétendus rapports techniques ; que celui-ci n'a participé à aucune discussion informelle avec les parties adverses responsables du sinistre.

[*]

Par dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2022, M. Y. demande de voir en application des articles 1134, 1147, 1153 et 1154 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, L. 132-1 du code de la consommation applicable à la cause :

- juger M. X. irrecevable en ses demandes au vu des termes de son dispositif,

- en toute hypothèse, débouter celui-ci de ses demandes et de son appel,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 20 avril 2021,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il fait valoir que la clause de rémunération est valable ; que M. X. a conclu la convention d'assistance technique en qualité de personne avertie et compétente susceptible d'en apprécier la portée ; qu'elle ne constitue pas un contrat d'adhésion ; qu'en application de l'ancien article L.132-1 du code de la consommation, l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne peut porter sur l'adéquation de la rémunération au service offert lorsque cette clause est rédigée de façon claire et compréhensible, ce qui est le cas en l'espèce ; que, comme l'a jugé le tribunal, le calcul de son honoraire ne doit pas être limité à la fraction de l'indemnité correspondant aux travaux de réparation à l'exclusion des autres composantes de l'indemnité ; que le résultat ouvrant droit à sa rémunération a été atteint puisqu'un protocole transactionnel a été signé et les fonds correspondants ont été perçus par l'appelant.

Il ajoute à titre surabondant que, par la qualité de son travail reconnue tant par les experts successifs que par les époux X., il a permis d'obtenir ladite indemnisation au bénéfice de son client ; qu'il ne l'a pas abandonné à compter du 29 décembre 2015 et n'a pas rompu le contrat.

[*]

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 septembre 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur l'exception d'irrecevabilité des demandes de M. X. :

M. Y. expose que le dispositif des conclusions de l'appelant ne contient pas de véritables prétentions judiciaires, de sorte que ce dernier est irrecevable.

M. X. ne développe aucun moyen opposant.

Il est constant que les demandes tendant à voir constater ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement des moyens, comme c'est le cas en l'espèce dans le dispositif des écritures de M. X.

Néanmoins, celui-ci y a aussi formalisé de réelles prétentions tendant à voir déclarer non écrit l'article 5 de la convention d'assistance technique du 3 mars 2013, écarter toute prétention contraire, et débouter M. Y. de ses demandes abusives. Ces demandes sont donc recevables.

 

Sur l'article 5 de la convention d'assistance technique :

Cet article relatif à la rémunération du conseil technique est rédigé dans les termes suivants : « La rémunération qui sera perçue par le CABINET, au titre des présentes, déroge, en raison de la nature et de l'intérêt estimé du litige, aux principes habituels de fonctionnement du Cabinet (taux horaire de HT : 250 €). Elle est composée, en l'espèce, exclusivement d'un honoraire de résultat.

5.1 HONORAIRES DE RESULTAT

Un honoraire de résultat égal à dix pour cent (10 %) du résultat obtenu sera versée par les CLIENTS dans un délai de cinq (5) jours à compter de la perception de l'indemnité versée par l'Assureur aux CLIENTS.

Pour l'application des présentes, le résultat obtenu est celui qui procèdera d'un accord transactionnel ou d'une décision judiciaire.

5.2 FRAIS

La rémunération du CABINET, telle que définie au paragraphe 5.1 ci-avant, comprend également les frais éventuels qui seront engagés dans l'intérêt des CLIENTS ou du dossier (secrétariat, affranchissement, téléphone, déplacements, etc). ».

 

Sur sa validité :

En application de l'ancien article L.132-1 du code de la consommation en vigueur au jour de la conclusion du contrat en cause, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L.534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse. Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux anciens articles 1156 à 1161, 1163 et 1164, du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Les dispositions du présent article sont d'ordre public.

En l'espèce, M. X. explique à la page 6 sur 61 de ses écritures qu'avant la survenue du sinistre en septembre 2012 il a démissionné de son emploi de professeur à l'Education nationale pour se consacrer à son patrimoine afin de le faire fructifier. A la page 46 sur 61, il indique que cet objectif n'a pas été réalisé du fait des événements dont le sinistre du 15 septembre 2012.

L'activité de M. X. dans l'enseignement et/ou dans la gestion immobilière est sans rapport direct avec l'activité professionnelle d'ingénierie et de maîtrise d'œuvre de réparation des ouvrages du bâtiment exercée par le Bec Ingénierie représenté par M. Y. Le domaine de la construction fait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière.

En conséquence, M. X., consommateur au jour de la conclusion du contrat en cause, peut se prévaloir des dispositions de l'ancien article L. 132-1.

Celui-ci soutient que 'l'intérêt estimé du litige' n'a jamais été défini dans la convention, ce qui a été de nature à surprendre son consentement au moyen d'une omission volontaire et dolosive de M. Y. sur l'un des éléments structurants et essentiels de la convention que constituait sa rémunération.

Toutefois, il ressort de l'économie générale de la convention que la mission portait d'une part sur l'audit technique et la phase conception/appel d'offres et, d'autre part, sur le suivi d'exécution et l'assistance à réception, traduisant ainsi sa technicité et sa longueur et justifiant que la rémunération du conseil technique déroge aux règles habituelles en la matière prévoyant l'application d'un taux horaire. Cette commune intention des parties sur l'adéquation de la rémunération correspondant à un honoraire de résultat de 10 % au service ainsi offert a été clairement explicitée dans l'article 5 au moyen de termes compréhensibles, excluant toute manœuvre dolosive de la part de M. Y. et toute qualification de contrat d'adhésion.

Les parties ont sans ambiguïté défini le résultat obtenu, c'est-à-dire l'aléa faisant dépendre la rémunération, comme correspondant à un accord transactionnel ou à une décision judiciaire. La survenance de cet événement futur incertain n'a pas été assujettie à la volonté exclusive du Bec Ingénierie. D'ailleurs, la rémunération de celui-ci ne serait pas intervenue selon cette modalité dérogatoire dans l'hypothèse où M. X. n'aurait pas donné son accord à la conclusion d'un protocole transactionnel avec les parties adverses ou n'aurait pas engagé d'action aboutissant au prononcé d'une décision judiciaire. L'article 6 de la convention prévoyait ainsi qu'en cas de dessaisissement du Cabinet seront substituées au « principe de rémunération tel que défini à l'article 5 ci-avant, les règles habituelles de facturation du Cabinet BEC Ingénierie. Dans ce cas, les honoraires pour service rendu, comprenant les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement, seront alors réglées par les CLIENTS. ».

En définitive, M. Y. n'a pas failli à son devoir d'information et l'article 5 de la convention ne constitue pas une clause abusive. La demande de M. X. tendant à le voir déclaré non-écrit sera rejetée.

 

Sur son application :

Selon l'ancien 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Dans le cas présent et sans qu'il y ait besoin d'apprécier l'étendue de l'exécution de ses prestations contractuelles par M. Y., l'aléa constitué par la conclusion d'un accord transactionnel est survenu et a pour effet l'application du taux de l'honoraire contractuel de 10 % à l'indemnité de 800.000 euros arrêtée aux termes dudit accord.

La mauvaise foi opposée à M. Y. dans l'exécution du contrat n'est pas prouvée.

M. X. soutient que ce dernier a été à l'initiative de la rupture fautive du contrat, car il l'a abandonné sans préavis à compter du 29 décembre 2015 lors de l'expertise confiée à M. M.

Il ressort des échanges de courriers et de courriels entre les parties qu'à la suite de la décision de M. Y. de ne plus poursuivre ses relations professionnelles avec Maître R., avocat qu'il avait conseillé à ses clients pour les assister dans le cadre des procédures engagées devant la juridiction administrative, les époux X. ont décidé de maintenir leur mandat à Maître R. dans le cadre de la poursuite des opérations d'expertise de M. M. Dans son courriel du 7 janvier 2016 adressé à M. X., M. Y. n'a pas mis fin à sa mission (« en cas de difficulté (vous n'ignorez pas que Monsieur M. et Monsieur R. ont un contentieux), nous resterions à votre disposition au cas par cas dans les conditions rappelées dans notre dernière correspondance recommandée AR. Evidemment, et conformément à nos derniers échanges, nous vous confirmons rester à votre disposition pour ce qui relève de notre convention et vous remercions de votre confiance renouvelée de ce point de vue. »). Dans son courrier daté du 2 février 2016, il lui a confirmé la poursuite de leurs relations contractuelles, l'invitant à lui « adresser les différentes écritures échangées au cours de cette autre expertise ; comme déjà indiqué, je resterai vigilant, même si je n'assisterai pas aux accédits, de sorte que vos intérêts soient parfaitement défendus, même s'il suffira normalement à votre avocat de reconduire, et notre stratégie, et notre argumentaire et nos écritures de l'expertise [H]. » et à lui indiquer ses disponibilités sur la période du mois à venir pour l'organisation d'un rendez-vous de travail.

Ce sont les époux X. qui, dans leur courrier daté du 16 février 2016, ont mis un terme à cette proposition d'aide dans le cadre de cette seconde expertise ('il est parfaitement naturel que nous ne donnions pas suite aux demandes que vous formulez à notre attention dans votre lettre du 2 février 2016.'). Ils ont également assuré à M. Y. le respect de leurs engagements pris aux termes de la convention (courrier daté du 9 septembre 2016 et courriel du 21 janvier 2018).

Aux termes du dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour d'appel en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, M. X., qui demande seulement d'écarter toute prétention contraire et de débouter l'intimé de ses demandes abusives, n'a pas formulé de prétention tendant à la réduction de la rémunération calculée en application de l'article 5.

En définitive, il sera condamné à payer à M. Y. la somme de 73.000 euros après déduction du versement de 7.000 euros effectué par M. X. à l'issue de son courrier du 13 avril 2018. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

 

Sur les dépens et les frais de procédure :

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.

Partie perdante, M. X. sera condamné aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de le condamner également à payer à M. Y. la somme de 2.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens que celui-ci a exposés pour cette procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Déclare M. X. recevable en ses demandes,

Rejette la demande M. X. tendant à voir déclarer non-écrit l'article 5 de la convention d'assistance technique du 3 mars 2013 ayant trait à la rémunération,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. X. à payer à M. Y. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne M. X. aux dépens d'appel.

Le greffier,                            La présidente de chambre,