CA RENNES (2e ch.), 20 janvier 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10050
CA RENNES (2e ch.), 20 janvier 2023 : RG n° 20/00101 ; arrêt n° 22
Publication : Judilibre
Extrait : « Le contrat de voyage à forfait conclu le 6 janvier 2018 entre la société MLG et les époux X. portait sur un séjour au Sénégal dans un hôtel quatre étoile durant 8 jours et 7 nuits.
Or, à la remise des documents de voyage du 25 avril 2018, il est apparu aux époux X. que le séjour avait été réduit à 6 jours et 5 nuits, et qu'à l'établissement hôtelier initialement prévu avait été substitué, sans leur accord, un autre hôtel trois étoiles, sans diminution de prix.
Cette modification unilatérale et substantielle des modalités du voyage, entraînant une réduction du quart de sa durée ainsi qu'un séjour dans un hôtel de catégorie inférieure, constitue un manquement grave du voyagiste à ses obligations contractuelles justifiant, ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, la résolution du contrat aux torts du voyagiste et l'obligation pour celui-ci de restituer les chèques remis en paiement de son prix.
La société MLG, défaillante en première instance, prétend à cet égard à tort en cause d'appel qu'en application des articles 8 et 9 de ses conditions générales de vente, le contrat aurait été annulé de plein droit faute de règlement du solde du prix au plus tard un mois avant la date du voyage, et que les paiements effectués lui demeureraient acquis à titre de pénalité puisque l'annulation était imputable aux clients, la remise des documents de voyage pour un séjour de 6 jours dans un hôtel 3 étoiles n'ayant été faite qu'à titre d'offre commerciale destinée à éviter aux époux X. un perte totale du prix du voyage.
En effet, l'appelante ne conteste pas que ses conditions générales ne figuraient pas dans le contrat signé par ses clients, ni mêmes qu'elles ne leur ont pas été remises en main propre, mais fait seulement valoir qu'ils avaient, en régularisant le contrat, certifié « avoir pris connaissance des conditions générales de vente de voyage figurant sur le site Internet ».
Or, une telle clause-type stipulée dans un contrat conclu entre un professionnel et des consommateurs ne saurait, pour rendre les conditions générales opposables à ces derniers, constituer qu'un indice qui auraient dû être corroboré par d'autres éléments de preuve démontrant qu'elles leur avaient bien été communiquées et qu'ils les avaient acceptées.
En outre, à la supposer opposable, la clause d'annulation du contrat aux torts du consommateur, en cas de non-règlement du solde du prix du voyage au plus tard un mois avant le début de celui-ci, est illicite comme contraire aux dispositions de l'article R. 211-6 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoyant que le dernier versement du prix du contrat de vente de voyages et de séjour doit être effectué lors de la remise des documents permettant de réaliser le voyage ou le séjour.
Elle est en outre abusive comme créant, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dès lors qu'elle tend à laisser croire au consommateur que le voyagiste disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour se prévaloir de l'annulation du voyage sans lui réclamer préalablement du paiement du solde du prix et qu'il devait régler spontanément la totalité de la prestation, même lorsqu'il ne s'était pas encore vu remettre les documents de voyage afin d'en contrôler la conformité.
Or, en l'occurrence, les époux X. n'ont reçu aucune demande de paiement du solde du prix de la part de la société MLG avant leur passage en agence du 20 avril 2018, à l'occasion duquel ils ont immédiatement établi un chèque de règlement alors même que les documents de voyage, transmis par courriel du 25 avril 2018, ne leur avaient pas encore été remis.
Cette clause, illicite et abusive, doit donc être réputée non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/00101. Arrêt n° 22. N° Portalis DBVL-V-B7E-QMAH.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER : Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,
DÉBATS : A l'audience publique du 1 décembre 2022 devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 20 janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
SARL MLG VOYAGES SARL exerçant sous le nom commercial ENVIE DE VOYAGES.
[Adresse 1], [Localité 2] / France, Représentée par Maître Michel PEIGNARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [Adresse 4], [Localité 3]
Madame X. née Y.
née le [date] à [ville], [Adresse 4], [Localité 3]
Tous représentée par Maître François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat du 6 janvier 2018, M. X. et Mme Y. (les époux X.) ont, moyennant le prix de 2.826 euros, commandé à la société MLG Voyages exerçant sous la dénomination commerciale « Envie de voyages » (la société MLG) un séjour touristique de 8 jours du 3 au 10 mai 2018 pour quatre personnes à l'hôtel 4 étoiles « R. » situé au Sénégal.
Prétendant que le voyagiste avait unilatéralement modifié la durée du séjour, réduit à 6 jours, ainsi que son lieu, situé à l'hôtel 3 étoiles « B. », les clients ont, par lettre recommandée du 26 avril 2018, exigé la résiliation du contrat et le remboursement du prix, ce que le voyagiste a refusé en proposant par courriel du 27 avril 2018 d'autres séjours de sept jours à Marrakech ou à Djerba ainsi qu'un avoir pour la journée manquante.
Rejetant cette offre, les époux X. ont, par acte du 8 juillet 2019, fait assigner la société MLG devant le tribunal d'instance de Lorient en restitution sous astreinte des chèques de règlement du prix du voyage ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 3 octobre 2019, le premier juge a :
- ordonné à la société MLG de restituer aux époux X. les chèques versés à titre d'acompte et de solde du prix, de respectivement 847,50 euros et 1.978,20 euros,
- condamné la société MLG à payer aux époux X. la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019,
- condamné la société MLG à payer aux époux X. la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société MLG aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société MLG a relevé appel de cette décision par deux déclarations des 7 et 22 janvier 2020.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 janvier 2020.
Soutenant que le contrat de vente de séjour touristique aurait été « annulé » de plein droit du fait des époux X. qui n'ont pas versé le solde du prix un mois avant le voyage, comme prévu dans ses conditions générales, et qu'elle serait donc fondée à en conserver le prix à titre de pénalité contractuelle, la société MGL demande à la cour de débouter les époux X. de leurs demandes et de les condamner au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Les époux X. concluent quant à eux à la confirmation du jugement attaqué, et sollicitent en outre la condamnation de la société MGL au paiement d'une indemnité complémentaire de 2.s000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société MGL le 8 septembre 2020 et pour les époux X. le 11 novembre 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 octobre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Le contrat de voyage à forfait conclu le 6 janvier 2018 entre la société MLG et les époux X. portait sur un séjour au Sénégal dans un hôtel quatre étoile durant 8 jours et 7 nuits.
Or, à la remise des documents de voyage du 25 avril 2018, il est apparu aux époux X. que le séjour avait été réduit à 6 jours et 5 nuits, et qu'à l'établissement hôtelier initialement prévu avait été substitué, sans leur accord, un autre hôtel trois étoiles, sans diminution de prix.
Cette modification unilatérale et substantielle des modalités du voyage, entraînant une réduction du quart de sa durée ainsi qu'un séjour dans un hôtel de catégorie inférieure, constitue un manquement grave du voyagiste à ses obligations contractuelles justifiant, ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, la résolution du contrat aux torts du voyagiste et l'obligation pour celui-ci de restituer les chèques remis en paiement de son prix.
La société MLG, défaillante en première instance, prétend à cet égard à tort en cause d'appel qu'en application des articles 8 et 9 de ses conditions générales de vente, le contrat aurait été annulé de plein droit faute de règlement du solde du prix au plus tard un mois avant la date du voyage, et que les paiements effectués lui demeureraient acquis à titre de pénalité puisque l'annulation était imputable aux clients, la remise des documents de voyage pour un séjour de 6 jours dans un hôtel 3 étoiles n'ayant été faite qu'à titre d'offre commerciale destinée à éviter aux époux X. un perte totale du prix du voyage.
En effet, l'appelante ne conteste pas que ses conditions générales ne figuraient pas dans le contrat signé par ses clients, ni mêmes qu'elles ne leur ont pas été remises en main propre, mais fait seulement valoir qu'ils avaient, en régularisant le contrat, certifié « avoir pris connaissance des conditions générales de vente de voyage figurant sur le site Internet ».
Or, une telle clause-type stipulée dans un contrat conclu entre un professionnel et des consommateurs ne saurait, pour rendre les conditions générales opposables à ces derniers, constituer qu'un indice qui auraient dû être corroboré par d'autres éléments de preuve démontrant qu'elles leur avaient bien été communiquées et qu'ils les avaient acceptées.
En outre, à la supposer opposable, la clause d'annulation du contrat aux torts du consommateur, en cas de non-règlement du solde du prix du voyage au plus tard un mois avant le début de celui-ci, est illicite comme contraire aux dispositions de l'article R. 211-6 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoyant que le dernier versement du prix du contrat de vente de voyages et de séjour doit être effectué lors de la remise des documents permettant de réaliser le voyage ou le séjour.
Elle est en outre abusive comme créant, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dès lors qu'elle tend à laisser croire au consommateur que le voyagiste disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour se prévaloir de l'annulation du voyage sans lui réclamer préalablement du paiement du solde du prix et qu'il devait régler spontanément la totalité de la prestation, même lorsqu'il ne s'était pas encore vu remettre les documents de voyage afin d'en contrôler la conformité.
Or, en l'occurrence, les époux X. n'ont reçu aucune demande de paiement du solde du prix de la part de la société MLG avant leur passage en agence du 20 avril 2018, à l'occasion duquel ils ont immédiatement établi un chèque de règlement alors même que les documents de voyage, transmis par courriel du 25 avril 2018, ne leur avaient pas encore été remis.
Cette clause, illicite et abusive, doit donc être réputée non écrite.
Enfin et au surplus, il sera observé que, contrairement à ce que prétend à présent la société MLG pour les besoins de la cause, le courriel du 25 avril 2018 ne constitue nullement une nouvelle proposition commerciale destinée à éviter aux époux X. une perte totale du prix du voyage du fait de leur carence dans l'exécution de leurs propres obligations, puisqu'il se borne à transmettre les documents de voyage « suite à votre réservation », sans faire état de l'annulation du contrat initiale et de la présentation d'une nouvelle offre distincte.
L'appelante n'a en effet fait grief aux époux X. de ne pas avoir soldé le prix du voyage initialement convenu au plus tard un mois avant le départ que par un courriel postérieur du 27 avril 2018 répondant aux protestations de ses clients relativement aux modifications substantielles du séjour.
La société MLG a ainsi, en exécutant le contrat en pleine connaissance du paiement du solde du prix dans le mois précédant le départ, nécessairement entendu ratifier l'acte en manifestant sans équivoque la volonté expresse ou tacite de renoncer à se prévaloir de l'article 8 de ses conditions générales.
Il convient donc de confirmer le jugement ataqué en ce qu'il a ordonné la restitution des chèques de 847,50 euros et de 1.978,20 euros remis à la société MLG.
Conformément à l'article L. 211-16 du code du tourisme, le voyagiste est en outre responsable de plein droit de l'inexécution de sa prestation ainsi que de celle d'autres prestataires de services de voyage.
À cet égard, le premier juge a pertinemment relevé que le manquement contractuel de la société MLG avait privé les époux X. d'un séjour prévu depuis plusieurs mois, et généré des tracas ainsi qu'une réelle déception.
Il a aussi exactement et intégralement réparé ce préjudice moral en leur allouant une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement attaqué sera par conséquent confirmé en tous points.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge des époux X. l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une indemnité complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Lorient en toutes ses dispositions ;
Y additant, déclare illicite et abusive la clause des conditions générales de vente de la société MLG Voyages selon laquelle, si le versement du solde du prix du séjour n'a pas eu lieu au plus tard un mois avant la date du voyage, le voyage serait considéré comme étant annulé du fait du client débiteur de frais d'annulation de 50 % à 100 % du forfait total, même sans réclamation préalable et même si les documents du voyage ne sont pas remis au consommateur ;
Dit que cette clause est réputée non écrite ;
Condamne la société MLG Voyages à payer aux époux X. une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société MLG Voyages aux dépens d'appel.
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6026 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre dans l’information - Informations connues du professionnel - Informations juridiques générales
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6129 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Résolution ou résiliation pour manquement - Inexécution du consommateur
- 6337 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence de voyages (1) - Formation du contrat
- 6338 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence de voyages (2) - Contenu du contrat