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CA BORDEAUX (2e ch.), 1er février 2006

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (2e ch.), 1er février 2006
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 2e ch.
Demande : 05/3698
Date : 1/02/2006
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 23/06/2005
Décision antérieure : T. COM. BORDEAUX (1re ch.), 23 mai 2005
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1030

CA BORDEAUX (2e ch.), 1er février 2006 : RG n° 05/3698 et 05/4817

(sur pourvoi  Cass. civ., : pourvoi n° 06-13612)

Publication : Site CCAB

 

Extrait : « N’est pas abusive la clause imposant au locataire de verser le montant des échéances jusqu'à la fin, celle-ci étant nécessaire au maintien de l'équilibre entre les parties au contrat. La durée des contrats de location de mobil-homes aux exploitants de camping est calculée sur la durée des contrats de crédit-bail. Les loyers versés au titre de la location des mobil-homes sont fixés pour couvrir exactement les redevances de crédit-bail. Aucun bénéfice n'étant réalisé par Monsieur L. pendant la durée des contrats de crédit-bail, l'indemnité contractuelle de résiliation ne fait que réparer le préjudice subi par Monsieur L. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/3698 et n° 05/4817. Nature de la décision : AU FOND – JONCTION.

[minute page 2] Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 01 février 2006, Par Mademoiselle Danielle COUDY, Vice-présidente placée, La COUR d’APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

 

Maître A. mandataire judiciaire, ès-qualités d'administratrice provisoire de l'étude de Maître R., elle-même, mandataire liquidateur de Madame G.,

nommée à ces fonctions selon jugement du Tribunal de Commerce de Marennes le 18 avril 2003 prononçant la liquidation judiciaire de Madame G. demeurant [adresse], représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour, et assistée de Maître WESCHLER, avocat au barreau de Bordeaux, appelante d'un jugement (RG 2004F00689 et 2004F2369) rendu le 23 mai 2005 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux suivant déclaration d'appel en date du 23 juin 2005,

 

à :

Monsieur L. exerçant sous le nom commercial L. V.

né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant – [adresse], représenté par la SCP GAUTIER et FONROUGE, avoués à la Cour, et assisté de Maître Philippe LIEF, avocat au barreau de Bordeaux, intimé,

autorisé à assigner à jour fixe par ordonnance du 5 août 2005 de Monsieur Louis Montamat, Président de chambre à la Cour, délégataire de Monsieur François Braud, Conseiller à la Cour de cassation, Premier Président de la Cour d'appel de Bordeaux, suivant assignation à jour fixe en date du 9 août 2005,

[minute page 3]

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 30 novembre 2005 devant : Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Mademoiselle Danielle COUDY, Vice-Présidente placée, désignée par ordonnance du premier président en date du 29 août 2005, Madame Véronique SAIGE, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur L. commerçant, a loué à Madame G. gérante de Camping exerçant sous l'enseigne « Camping [enseigne] » (actuellement représentée par Maître A.) 57 mobil-homes selon divers contrats.

Par jugement du Tribunal de Commerce de Marennes (17) du 10 avril 2003, Madame G. avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire avec autorisation de poursuite d'activité jusqu'au 2 mai 2003, échéance repoussée jusqu'au 19 septembre 2003. Maître R. avait été nommé mandataire liquidateur.

Par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Rochefort sur Mer, Maître A. a été désigné administrateur provisoire de l'étude de Maître R. décédée le 2 septembre 2004.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 août 2003, Maître Z., huissier de justice, agissant pour le compte du bailleur, a mis en demeure Maître R. de payer les loyers à échéances du 15 août 2003 ; cette mise en demeure est restée sans effet.

Par ordonnance de référé du 11 mars 2004, le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Bordeaux a constaté la résiliation des contrats de location et a condamné Maître R. ès-qualités de mandataire liquidateur, à payer à Monsieur L. à titre provisionnel, la somme de 140.598,85 Euros majorée des intérêts légaux à compter du 18 décembre 2003 outre la somme de 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 4] Par acte en date du 26 mars 2004, Monsieur L. fait assigner Maître R , pris en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame G. aux fins de le voir condamner à lui verser une somme de 140.598,85 Euros au titre des loyers échus impayés ainsi que la somme de 243.565,22 Euros au titre d'une indemnité contractuelle de résiliation.

Monsieur L. sollicitait que les factures des loyers échus impayés soient augmentées des intérêts au taux légal de l'article L. 411-6 alinéa 3 du Code de Commerce à compter de leur échéance, les dits intérêts produisant les mêmes intérêts à compter de la présente assignation tous les trois mois, sur le fondement de l'article 1155 du code Civil, mais également que la somme réclamée à titre d'indemnité contractuelle de résiliation puisse produire intérêts à compter de la présente assignation, les dits intérêts produisant eux mêmes au terme d'une année entière conformément à l'article 1154 du Code Civil.

Il demande en outre la condamnation de Maître R. es-qualités, au paiement de la somme de 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par acte du 17 novembre 2004, Monsieur L. a fait assigner devant le Tribunal de Commerce de Bordeaux, Maître A. ès-qualités, pour les mêmes demandes.

Par jugement du 23 mai 2005, le Tribunal de Commerce de Bordeaux a :

- condamné Maître A ès-qualités, à payer à 140.598,85 Euros au titre des loyers échus et impayés,

- débouté Monsieur L. de sa demande relative aux intérêts dus sur les loyers,

- condamné Maître A., ès-qualités, à payer à Monsieur L. la somme de 243.556,22 Euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,

- débouté Monsieur L. de sa demande relative aux intérêts dus sur l'indemnité contractuelle de résiliation,

- condamné Maître A. ès-qualités, à payer à Monsieur L. la somme de 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamné Maître A. ès-qualités, aux dépens.

[minute page 5] Le 23 juin 2005, Maître A. agissant en qualité d'administrateur provisoire de l'étude de Maître R. elle‑même mandataire liquidateur de Madame G., a interjeté appel de cette décision. Cette déclaration a été enrôlée sous le numéro 2744 (dossier n° 05/3698).

Par assignation à jour fixe du 9 août 2005 (dossier n°05/4817) Monsieur L. a fait assigner Maître A. ès-qualités, pour l'audience du 13 septembre 2005. L'affaire a été renvoyée à celle du 30 novembre 2005 à laquelle était également appelé le premier dossier.

Par conclusions déposées le 4 octobre 2005, Monsieur L. demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce que celui-ci a condamné Maître A., ès-qualités, à lui payer :

* la somme de 140.598,85 Euros au titre des loyers échus impayés,

* la somme de 243.565,22 Euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,

* la somme de 1.000 Euros sur fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur L. de sa demande relative aux intérêts de retard sur les loyers impayés et l'indemnité contractuelle de résiliation,

statuant à nouveau,

- condamner Maître A., ès-qualités, à payer à Monsieur L. les intérêts au taux de l'article 441-6 alinéa 3 du Code de Commerce sur les sommes et aux dates suivantes :

* sur la somme de 17.868,28 Euros à compter du 15 août 2003,

* sur la somme de 17.911,30 Euros à compter du 15 août 2003,

* sur la somme de 11.940,85 Euros à compter du 15 septembre 2003,

* sur la somme de 46.439,21 Euros à compter du 15 août 2003,

* sur la somme de 46.439,21 Euros à compter du 15 septembre 2003,

* sur la somme de 140.958,85 Euros à compter du 13 septembre 2003 (date d'acquisition de la clause résolutoire),

- dire que les intérêts courus sur les loyers impayés produisent eux-mêmes intérêts tous les trois mois en application des articles 1154 à 1155 du Code Civil,

- [minute page 6] condamner Maître A., ès-qualités, à payer les intérêts au taux légal sur la somme de 243.565,22 Euros due au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, depuis le 18 décembre 2003, date de l'assignation en référé,

- dire que les intérêts courus sur l'indemnité contractuelle de résiliation produiront eux-mêmes intérêts tous les ans en application de l'article 1154 du Code Civil,

- condamner Maître A. ès-qualités, à lui payer une indemnité de 3.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner Maître A., ès-qualités, aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'exécution.

Il fait valoir que la demande de loyers échus impayés n'est pas contestée, que l'indemnité contractuelle de résiliation est due car la clause litigieuse prévoit cette indemnité quels que soient les motifs d'inexécution du contrat par le locataire.

Il observe que cette indemnité ne doit pas être réduite car c'est la perception du prix de revente des mobil homes qui constitue le bénéfice réalisé par lui, que, du fait des agissements de son locataire, il ne peut plus ni louer les mobil homes, ni les revendre aux termes du contrat de crédit-bail, que Madame G. n'a pas hésité à vendre la plus grande partie des mobil homes, qu'elle a été condamnée par le Tribunal Correctionnel de Rochefort le 30 août 2005 et que, sur la constitution de partie civile de Maître A., Madame G a été condamnée à lui verser la somme de 1.409.309,29 Euros à titre de dommages et intérêts.

Il ajoute que sa dette à l'égard des organismes de crédit bail est de 222.688,39 Euros hors intérêts depuis mars 2004 et frais de procédure et non compris le préjudice constitué par la perte de valeur de revente des mobil homes à l'issue des contrats de crédit-bail qui peut être évaluée à 5.500 Euros HT par mobil home, que son préjudice est donc de 431.688,39 Euros.

Il invoque la directive 2000/35/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales pour soutenir que les pénalités de retard prévues à l'article L. 441-6 alinéa 3 du Code de Commerce sont dues même si elles ne sont pas contractuellement fixées.

Le 25 août 2005, Maître A., ès-qualités, demande à la Cour de :

- [minute page 7] la dire recevable et bien fondée en son appel,

- en conséquence, réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux,

vu les dispositions des articles 1134 et 1152 du Code Civil,

- débouter Monsieur L. de sa demande d'indemnité contractuelle de résiliation,

- la dire non fondée,

- condamner Monsieur L. au paiement de la somme de 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient que Maître R. avait accepté l'ordonnance de référé du 11 mars 2004 qui est définitive et le règlement des loyers de retard, que l'indemnité contractuelle de résiliation peut s'assimiler à une clause pénale stipulée dans le contrat de location, que la clause prévoyant la majoration des obligations du débiteur, lorsque ce dernier fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, peut porter atteinte à la règle d'ordre public de l'égalité des créanciers.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient d'ordonner la jonction des deux dossiers pour une bonne administration de la justice.

La somme de 104.598,85 Euros au titre des loyers échus et impayés n'est pas contestée en son montant,

Monsieur L. demande le paiement des intérêts sur diverses sommes en application de l'article 441-6 alinéa 3 du Code de Commerce. Aucune pénalité de retard n'est prévue aux engagements contractuels. Le débouté de Monsieur L. sur ce point sera confirmé.

L'article 8 des contrats « résiliation des conventions » prévoit :

« en cas de non paiement d'une seule échéance à son terme ou d'inexécution d'une seule des conditions du présent contrat et un mois après sommation d'avoir à payer ou à exécuter, demeurée infructueuse, contenant la présente clause, les présentes seront résiliées de plein droit si bon semble au loueur et une indemnité égale au montant des loyers dus pour toute la durée restant à courir du contrat sera due au loueur par le locataire défaillant, plus tout frais pour en obtenir le recouvrement ou l'enlèvement des mobil-homes ».

[minute page 8] Cette clause est contractuelle. N’est pas abusive la clause imposant au locataire de verser le montant des échéances jusqu'à la fin, celle-ci étant nécessaire au maintien de l'équilibre entre les parties au contrat. La durée des contrats de location de mobil-homes aux exploitants de camping est calculée sur la durée des contrats de crédit-bail. Les loyers versés au titre de la location des mobil-homes sont fixés pour couvrir exactement les redevances de crédit-bail. Aucun bénéfice n'étant réalisé par Monsieur L. pendant la durée des contrats de crédit-bail, l'indemnité contractuelle de résiliation ne fait que réparer le préjudice subi par Monsieur L.

La somme de 243.565,22 Euros au 13 septembre 2003 est due. Cette indemnité compense la perte de jouissance pour Monsieur L. due à la non restitution des mobil-homes et l'impossibilité pour lui d'en percevoir le prix de vente.

Les intérêts sur les sommes dues seront appliqués au vu des articles 1154 et 1155 du Code Civil. Ils seront calculés au taux légal à compter du jour de la demande du 18 décembre 2003, jour de l'assignation valant mise en demeure de payer conformément à l'article 1153 du Code Civil.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée à l'exception de la disposition relative au débouté de Monsieur L. de sa demande relative aux intérêts dus sur l’indemnité contractuelle de résiliation.

Chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Ordonne la jonction du dossier 05/4817 au dossier 05/3698

- Confirme la décision déférée sauf la disposition tendant au débouté de Monsieur L. de sa demande de condamnation relative aux intérêts dus sur l'indemnité contractuelle de résiliation.

Statuant à nouveau,

- condamne Maître A ès-qualités, à payer les intérêts au taux légal sur la somme de 243.565,22 Euros due au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, depuis le 18 décembre 2003, date de l'assignation en référé.

- [minute page 9] Dit que les intérêts courus sur l'indemnité contractuelle de résiliation produiront eux-mêmes intérêts tous les ans en application de l'article 1154 du Code Civil.

Y ajoutant,

- Déboute chaque partie du surplus de sa demande.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président, et par Madame Véronique SAIGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.