TGI LYON (10e ch.), 15 novembre 1999
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1031
TGI LYON (10e ch.), 15 novembre 1999 : RG n° 97/05221 ; jugement n° 364
(sur appel CA Lyon (1re ch. civ.), 10 mai 2001 : RG n° 1999/07577)
Extraits : 1/ « Mais attendu d’une part que les demandeurs ne contestent bas avoir reçu lors de la souscription une note d’information imprimée établie par l’Épargne de FRANCE reprenant les conditions générales des contrats proposés ainsi que le document manuscrit établi par M. G. établissant les conditions particulières de chaque contrat. Que ces documents, quoique fastidieux à lire, donnaient toutes indications sur la disponibilité des parts acquises (possible à compter de la seconde année de versement, les parts acquises au cours de la 1re année sont disponibles dès (sic) la fin de la 10e année...) et sur les possibilités d’obtenir des « avances ». Attendu que les modalités d’une renonciation dans les 30 jours de la souscription étaient exposées à l’article 10 des conditions générales ; qu’il suffisait aux souscripteurs de prendre sérieusement connaissance de leur contrat pour être informés ; Que le schéma manuscrit laissé par M. G. ne révèle pas de manœuvre frauduleuse ; que la nullité du contrat pour dol ne sera donc pas prononcée. »
2/ « Attendu que les demandeurs soulignent que les « avances » prévues aux contrats INVESTIFRANCE sont accordées « à un taux d’intérêt fixé par la société ». Attendu qu’une telle stipulation qui permet à un professionnel de modifier unilatéralement les termes du contrat, procure à la société d’assurance un avantage excessif et doit être réputée non écrite. Mais attendu que la possibilité d’obtenir des avances a été déterminante de l’engagement souscrit pour les demandeurs. Que la suppression de cette clause déséquilibre la convention ; Qu’il convient donc de prononcer la résiliation des contrats FRANCE 6 et INVESTIFRANCE 10 souscrits par les demandeurs et encore en cours à la date du présent jugement, en ordonnant le remboursement de l’intégralité des sommes versées par les requérants concernés. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON
DIXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 15 NOVEMBRE 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 97/05221. Jugement n° 364.
LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la DIXIÈME CHAMBRE du 15 novembre 1999, le jugement CONTRADICTOIRE suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 11 mai 1999, après que la cause eut été débattue à l’audience publique du 27 septembre 1999, devant : Madame Dominique KALUZNY, Vice-Président, Madame Claire SERIS, Juge, Madame Pierre GOUDARD, Juge, Siégeant en la forme COLLÉGIALE, Assistées de Thérèse HUSSON, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l’affaire opposant :
- Monsieur J.-M. X.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
[minute : deuxième page non paginée]
- Monsieur H. X.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- Monsieur Y.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- Monsieur Z.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- Monsieur A.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- Monsieur B.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- [minute : troisième page non paginée] Monsieur C.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- Madame D. épouse C.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDERESSE, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- Madame E. épouse C.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDERESSE, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
- Monsieur F.
né le [date], demeurant [adresse], DEMANDEUR, Représenté par Maître LEVY-ALLALI Catherine Avocat au barreau de LYON
A
COMPAGNIE ABEILLE VIE SA
Venant aux droits de la SA L’ÉPARGNE DE FRANCE dont le siège social est [adresse], DÉFENDERESSE, Représentée par Maître MOUISSET Jean-François, Avocat au barreau de LYON
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte du 5 mars 1997 plusieurs souscripteurs de contrats ont fait assigner devant ce Tribunal la SA L’ÉPARGNE DE FRANCE sur le fondement de l’article 1116 du code civil pour faire juger que M. G., agent de cette société avait utilisé des manœuvres frauduleuses pour obtenir la signature des contrats dont ils demandent l’annulation pour dol.
Les souscripteurs demandent le remboursement des sommes versées par eux au titre de ces contrats, ainsi que 20.000 francs chacun à titre de DI [N.B. dommages et intérêts] et 2.500 francs chacun sur le fondement de l’article 700 du NCPC.
Par conclusions ultérieures les demandeurs ont fait valoir que les contrats ne répondraient pas aux dispositions du code des assurances et qu’ils contiendraient des clauses abusives : ils demandent donc pour ces motifs leur résiliation.
La compagnie ABEILLE-VIE, venue aux droits de l’ÉPARGNE DE FRANCE analyse les contrats litigieux, elle soutient que l’information précontractuelle aurait été faite conformément à la Loi, que les décrets d’application de l’article L. 132-5 du code des assurances seraient parus postérieurement à la souscription des contrats en cause ; elle conclut au rejet des demandes et à la condamnation in solidum des demandeurs à lui payer 8.000 francs sur le fondement de l’article 700 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le vice du consentement :
Attendu que les demandeurs à la présente instance ont souscrit par l’intermédiaire de M. G., agent de la société l’Épargne de FRANCE, soit un contrat d’assurance vie à versements réguliers dénommés INVESTIFRANCE 6 d’une durée de 6 ans ou INVESTIFRANCE 10 d’une durée de 10 ans, soit un contrat à versements libres dénommé CARNET FRANCE ÉPARGNE 8 pouvant lui-même être souscrit sous forme de contrat de capitalisation au porteur, ou sous forme de contrat d’assurance vie.
Attendu que les demandeurs soutiennent que M. G. leur aurait donné des indications mensongères sur les conditions de ces contrats, notamment en soutenant que les souscripteurs pouvaient à tout moment disposer des sommes versées par eux ; que cette affirmation mensongère aurait été une cause déterminante de leur engagement.
Mais attendu d’une part que les demandeurs ne contestent bas avoir reçu lors de la souscription une note d’information imprimée établie par l’Épargne de FRANCE reprenant les conditions générales des contrats proposés ainsi que le document manuscrit établi par M. G. établissant les conditions particulières de chaque contrat.
Que ces documents, quoique fastidieux à lire, donnaient toutes indications sur la disponibilité des parts acquises (possible à compter de la seconde année de versement, les parts acquises au [minute page 2] cours de la 1re année sont disponibles dès (sic) la fin de la 10e année...) et sur les possibilités d’obtenir des « avances ».
Attendu que les modalités d’une renonciation dans les 30 jours de la souscription étaient exposées à l’article 10 des conditions générales ; qu’il suffisait aux souscripteurs de prendre sérieusement connaissance de leur contrat pour être informés ;
Que le schéma manuscrit laissé par M. G. ne révèle pas de manœuvre frauduleuse ; que la nullité du contrat pour dol ne sera donc pas prononcée.
Sur le non-respect du code des Assurances et les clauses abusives :
Attendu que les contrats litigieux ont été conclus entre 1990 et janvier 1993, la majorité d’entre eux étant datés de 1992.
Attendu que les demandeurs soulignent que les « avances » prévues aux contrats INVESTIFRANCE sont accordées « à un taux d’intérêt fixé par la société ».
Attendu qu’une telle stipulation qui permet à un professionnel de modifier unilatéralement les termes du contrat, procure à la société d’assurance un avantage excessif et doit être réputée non écrite.
Mais attendu que la possibilité d’obtenir des avances a été déterminante de l’engagement souscrit pour les demandeurs. Que la suppression de cette clause déséquilibre la convention ; Qu’il convient donc de prononcer la résiliation des contrats FRANCE 6 et INVESTIFRANCE 10 souscrits par les demandeurs et encore en cours à la date du présent jugement, en ordonnant le remboursement de l’intégralité des sommes versées par les requérants concernés.
Que les contrats CARNETS FRANCE ÉPARGNE 8 qui comportent un taux déterminable pour les avances ne sont pas concernés par la résiliation.
Sur les autres demandes :
Attendu qu’à l’époque de la signature des contrats litigieux, est intervenue la Loi du 16 juillet 1992 dont les décrets d’application ont été publiés le 20 mars 1993 ; qu’au vu de cette législation d’ordre public, la société d’assurance aurait du prendre toutes dispositions pour adapter ses contrats aux nouvelles exigences imposées par le Législateur ; qu’en ne le faisant pas elle a manqué à son devoir de conseil et de loyauté à l’égard de ses clients. Que la résiliation des contrats après plusieurs années d’immobilisation des sommes versées justifie l’allocation d’une somme de 20.000 francs à chacun des souscripteurs dont le contrat sera résilié.
Attendu que l’équité commande de condamner la compagnie ABEILLE VIE venue aux droits de l’ÉPARGNE DE FRANCE à payer à chacun des requérants dont un contrat sera résilié, une somme de 2.000 francs sur [minute page 3] le fondement de l’article 700 du NCPC;
Attendu que l’exécution provisoire est opportune compte tenu de la nature et de l’ancienneté du litige et sera ordonnée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort,
Dit que la souscription des contrats visés à la présente procédure n’a été entachée d’aucun vice du consentement et rejette la demande d’annulation pour dol.
Prononce la résiliation des contrats d’assurance Vie INVESTIFRANCE 6 et INVESTIFRANCE 10 encore en cours à la date du présent jugement, détenus par les demandeurs.
Condamne la société ABEILLE VIE venue aux droits de la société l’ÉPARGNE DE FRANCE à payer à chacun des demandeurs dont un contrat est résilié :
le remboursement intégral des sommes versées, outre intérêt au taux légal à compter du présent jugement
- 20.000 francs de dommages-intérêts
- 2.000 francs au titre de l’article 700 du NCPC.
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement
Condamne la SA ABEILLE VIE aux dépens.
Ainsi prononcé par madame Dominique KALUZNY, vice-Présidente, qui a signé avec la Greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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- 6354 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de personne - Assurance-vie et de capitalisation