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CA RENNES (2e ch.), 16 juin 2023

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 16 juin 2023
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 22/04827
Décision : 23/307
Date : 16/06/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 27/07/2022
Numéro de la décision : 307
Référence bibliographique : 6622 (crédit, clause de déchéance), 5716 (relevé d’office, illustrations), 5721 (relevé d’office, obligation), 5723 (d’office, respect du contradictoire), 5741 (effets, suppression d’une clause de déchéance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10342

CA RENNES (2e ch.), 16 juin 2023 : RG n° 22/04827 ; arrêt n° 307

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Après avoir rappelé que, selon les conditions générales du contrat de prêt, l'emprunteur devra « dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, si bon semble au prêteur et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, rembourser le montant du prêt ou ce qui en restera dû (...) en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance », le premier juge, constatant que le Crédit agricole ne justifiait pas avoir respecté les termes du contrat par la production d'une lettre recommandée de mise en demeure, en a déduit que le prêteur n'était pas fondé à se prévaloir de la déchéance du terme.

Au soutien de son appel, le prêteur produit un courrier simple du 10 juin 2011 par lequel le Crédit agricole informe de manière non comminatoire l'emprunteur qu'il reste devoir à cette date un arriéré d'échéances impayées de 1.147,74 euros tout en l'invitant à proposer des solutions à mettre en œuvre pour régler cette dette, ainsi que des lettres recommandées avec accusé de réception adressées à chacun des emprunteurs les 28 novembre 2011 et 1er décembre 2011 par lesquelles il notifie le prononcé de la déchéance du terme et met les emprunteurs en demeure de régler la totalité des sommes due au titre du prêt sous huitaine. […]

Cependant, il est de principe que, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure préalable restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Outre que le courrier simple du 10 juin 2011 ne mettait pas formellement les emprunteurs en demeure de régulariser l'arriéré dans un délai déterminé, le délai de huit jours laissé aux emprunteurs par les courriers recommandés des 28 novembre 2011 et 1er décembre 2011 portant sur la totalité des sommes dues en exécution du prêt et non sur une faculté de régulariser l'arriéré pour éviter la déchéance du terme, la clause de déchéance du terme du contrat est abusive.

Il résulte en effet de l'article R. 632-1 du code de la consommation que le juge doit écarter d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Or, la question de la validité de la déchéance du terme et du droit du prêteur de s'en prévaloir sans mise en demeure préalable ressort des éléments du débat comme ayant été expressément soulevée par le premier juge et soutenue par l'opposant.

En outre, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d'un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d'échéance impayée sans mise en demeure laissant à l'emprunteur un préavis d'une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation. En l'occurrence, la clause de déchéance du terme des conditions générales de l'offre de prêt acceptée le 10 janvier 2006 reproduite ci-dessus laisse croire aux emprunteurs qu'ils ne disposent d'aucun délai pour régulariser l'arriéré, le délai de huit jours qu'elle leur octroie pour s'exécuter apparaissant porter, au regard des termes utilisés et contrairement à ce que le FCT soutient dans sa note en délibéré, sur la totalité des sommes dues du fait de la déchéance du terme, et que le prêteur peut se prévaloir discrétionnairement de la déchéance du terme pour une seule échéance impayée, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt de 160.000 euros pendant 15 ans.

Ainsi, elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs, exposés à l'obligation de rembourser immédiatement la totalité du capital restant dû. Il convient en conséquence de déclarer cette clause de déchéance du terme abusive et de l'écarter d'office après que les parties eurent été invitées à présenter leurs observations. »

2/ « Il s'en évince que la demande en paiement du capital restant dû du prêt est irrecevable, le FCT ne pouvant agir qu'en paiement des échéances échues impayées dont a été saisi le premier juge. [..]

Aux termes de l'article R. 312-3 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, l'indemnité de défaillance égale à 7 % des sommes dues n'est applicable qu'en cas de résolution du contrat de prêt. Dès lors, aucune indemnité n'est due puisque la déchéance du terme a été écartée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 16 JUIN 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/04827. Arrêt n° 307. N° Portalis DBVL-V-B7G-S75W.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER : Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 4 avril 2023

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 16 juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [Date naissance 3] à [Localité 4], [Adresse 1], [Adresse 1], Représenté par Maître Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, postulant, avocat au barreau de RENNES, Représenté par Maître Christophe LOMBARD de la SCP LOMBARD LECARPENTIER, plaidant, avocat au barreau de LORIENT

 

INTIMÉE :

FONDS COMMUN DE TITRISATION - HUGO CREANCES IV

Ayant pour Société de gestion EQUITIS GESTION SAS, Représenté par son recouvreur la Société MCS ET ASSOCIES, Venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN, Représentée par Maître Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Johanna GUILHEM de l'association LASNIER BEROSE et GUILHEM, plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable de crédit immobilier du 10 janvier 2006 acceptée le 25 janvier 2006, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan (le Crédit agricole) a consenti aux ex-époux X.-Y. un prêt de 160.000 euros au taux de 3,55 % l'an, remboursable en 180 mensualités de 1.203,74 euros, assurance décès-invalidité comprise.

Prétendant que les emprunteurs avaient cessé d'honorer les échéances de remboursement à compter de juin 2011, la banque s'est, par courriers recommandés des 28 novembre 2011 et 1er décembre 2011, prévalue de la déchéance du terme et, par acte du 4 avril 2013, a fait assigner M. X. et Mme Y. divorcée X. en paiement devant le tribunal de grande instance de Lorient.

Corrélativement, elle a, selon ordonnance du juge de l'exécution du 28 mai 2013, été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens leur appartenant.

Par jugement réputé contradictoire du 18 juin 2013, le premier juge a débouté le Crédit agricole de ses demandes et laissé les dépens à sa charge.

Le Crédit agricole a relevé appel de cette décision le 17 juillet 2013.

Le Fonds commun de titrisation Hugo Créances IV (le FCT), représenté par sa société de gestion GTI Asset Management, est intervenu volontairement à l'instance d'appel en déclarant être venu aux droits du Crédit agricole en vertu d'une cession de créances.

Par arrêt rendu par défaut le 2 septembre 2016, la cour a :

- infirmé le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer au FCT, représenté par sa société de gestion GTI Asset Management, la somme de 123.594,08 euros, avec intérêts au taux contractuel de 3,55 % à compter du 12 décembre 2011 sur la somme de 115.667,73 euros,

- rejeté les demandes de majoration de taux d'intérêts et de capitalisation des intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. X. et Mme Y. aux dépens de première instance,

- condamné le FCT, représenté par la société de gestion GTI Asset Management, aux dépens d'appel.

Exposant n'avoir été informé de cette décision qu'à l'occasion de la dénonciation, en date du 9 mars 2022, de deux saisies-attribution, M. X. a, par assignation du 3 mai 2022, fait assigner le FCT, représenté par sa société de gestion Equitis Gestion, devant le premier président de la cour d'appel de Rennes, lequel l'a, par ordonnance du 28 juin 2022, relevé de la forclusion encourue faute d'avoir pu exercer son recours dans le délai légal et autorisé celui-ci à faire opposition à l'arrêt du 2 septembre 2016.

C'est ainsi que M. X. a formé opposition à cet arrêt par déclaration du 27 juillet 2022.

Saisi par l'opposant d'un incident de péremption d'instance, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 20 janvier 2023, rejeté cette demande et condamné M. X. au paiement d'une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.

[*]

M. X. demande à la cour de :

- rétracter l'arrêt du 2 septembre 2016,

- déclarer irrecevable les demandes du FCT, représenté par la société Equitis Gestion, elle-même représentée par son recouvreur la société MCS et associés devenue Iqera,

- déclarer M. X. recevable et fondé en son opposition,

- condamner le FCT, représenté par la société Equitis Gestion elle-même représentée par son recouvreur la société MCS et associés devenue Iqera, à verser à M. X. la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir soulevé une fin de non-recevoir dans une intention dilatoire,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 juin 2013,

- débouter le FCT de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le FCT, représenté par la société Equitis Gestion elle-même représentée par son recouvreur la société MCS et associés devenue Iqera, à réparer le préjudice subi par M. X. à hauteur de la dette existante,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts à compter du mois de juin 2011 et de l'indemnité de résiliation correspondant à une pénalité de 7 % du montant total restant dû à hauteur de 7.534,55 euros,

- subsidiairement, accorder à M. X. des délais de paiement d'une durée de 24 mois,

- en tout état de cause, condamner le FCT, représenté par la société Equitis Gestion elle-même représentée par son recouvreur la société MCS et associés devenue Iqera, à verser à M. X. la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du

[*]

Le FCT, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et représenté par son recouvreur, la société MCS et associés, demande quant à lui à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes à l'encontre de M. X.,

- confirmer l'arrêt du 2 septembre 2016, sauf à préciser que les condamnations seront prononcées au profit du FCT, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et représenté par son recouvreur, la société MCS et associés,

- débouter M. X. de ses demandes,

- condamner M. X. au paiement d'une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Les parties ont été invitées à s'expliquer par note en délibéré sur le caractère éventuellement abusif de la clause du contrat de prêt selon laquelle l'emprunteur devra « dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, si bon semble au prêteur et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, rembourser le montant du prêt ou ce qui en restera dû (...) en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance ».

Le FCT a, par note en délibéré, soutenu que le délai de huit jours laissé à l'emprunteur constituait un délai de régularisation de l'arriéré d'un d'une durée suffisante au regard des éléments de la cause et produit en annexe divers courriers simples ayant précédé la déchéance du terme.

M. X. a quant à lui soutenu que la clause de déchéance du terme était abusive, faute d'ouvrir à l'emprunteur une faculté de régularisation de l'arriéré, et que l'action en paiement des échéances échues impayées serait irrecevable comme prescrite.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. X. le 20 mars 2023 et pour le FCT le 20 mars 2023, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 mars 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la qualité à agir du FCT :

Le FCT justifie être aux droits du Crédit agricole par la production d'un bordereau de cession de créances, réalisée le 12 avril 2016 conformément aux dispositions des articles L. 214-167 et suivants du code monétaire et financier.

Néanmoins, au soutien de son opposition, M. X. fait valoir que le FCT n'aurait pas qualité pour agir, faute de justifier avoir confié par convention la mission de poursuivre le recouvrement de la créance cédée par le Crédit agricole à sa société de gestion de l'époque, la société GTI Asset Management, puis de l'avoir informé du changement de société de gestion au profit de la société Equitis Gestion.

Il résulte à cet égard de l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 25 juillet 2013, que, lorsque des créances sont transférées à un fonds de titrisation, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert, dans des conditions définies par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, mais que tout ou partie du recouvrement peut être confié à une autre entité désignée à cet effet dès lors que le débiteur en est informé par lettre simple.

Il était ainsi de jurisprudence établie sur le fondement de ce texte que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l'égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartenait à celui qui lui transfère des créances par bordereau, à l'entité qui en était chargée au moment du transfert, ou à une autre entité désignée postérieurement à cet effet le débiteur en étant alors informé, d'assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d'exercer les actions en justice nécessaires, la société de gestion étant irrecevable à agir à cette fin faute de qualité.

Toutefois, il résulte de l'article L. 214-172, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 octobre 2017, que le cédant continue à assurer le recouvrement des créances cédées mais que, toutefois, tout ou partie de leur recouvrement peut, à tout moment, être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal du fonds de titrisation ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.

Et, il est de principe que, s'il résultait des dispositions de ce texte, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 25 juillet 2013, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple, ce dont il résultait qu'en l'absence de l'une de ces conditions, l'action de la société de gestion, contre le débiteur cédé, était irrecevable, l'entrée en vigueur, pendant une instance en cours, de l'ordonnance du 4 octobre 2017 conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées, a eu pour effet de faire disparaître cette fin de non-recevoir en application de l'article 126 du code de procédure civile.

Ces nouvelles dispositions de l'article L. 214-172 du code monétaire et financier sont donc applicables à la cause, dès lors que l'opposition a eu pour effet de rouvrir l'instance d'appel postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 octobre 2017.

Il s'en évince que la société GTI Asset Management, qui était, lors de l'intervention volontaire du FCT à la procédure d'appel, la société de gestion de celui-ci, avait, quand bien même aucune convention spéciale n'aurait été régularisée en ce sens, qualité pour agir en recouvrement de la créance cédée par le Crédit agricole.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend l'appelant, le FCT justifie avoir informé M. X., par courrier du 8 juillet 2020, du changement de société de gestion, la société Equitis Gestion remplaçant la société GTI Asset Management, ainsi que de ce que le recouvrement de la créance cédée était confiée à la société MCS et associés.

L'intervention et l'action en paiement du FCT sont donc recevables.

 

Sur la créance du FCT :

Après avoir rappelé que, selon les conditions générales du contrat de prêt, l'emprunteur devra « dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, si bon semble au prêteur et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, rembourser le montant du prêt ou ce qui en restera dû (...) en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance », le premier juge, constatant que le Crédit agricole ne justifiait pas avoir respecté les termes du contrat par la production d'une lettre recommandée de mise en demeure, en a déduit que le prêteur n'était pas fondé à se prévaloir de la déchéance du terme.

Au soutien de son appel, le prêteur produit un courrier simple du 10 juin 2011 par lequel le Crédit agricole informe de manière non comminatoire l'emprunteur qu'il reste devoir à cette date un arriéré d'échéances impayées de 1.147,74 euros tout en l'invitant à proposer des solutions à mettre en œuvre pour régler cette dette, ainsi que des lettres recommandées avec accusé de réception adressées à chacun des emprunteurs les 28 novembre 2011 et 1er décembre 2011 par lesquelles il notifie le prononcé de la déchéance du terme et met les emprunteurs en demeure de régler la totalité des sommes due au titre du prêt sous huitaine.

M. X. prétend à tort que ces courriers auraient été expédiés à une adresse qui était celle de son frère, alors que le FCT produit un acte authentique d'acquisition immobilière du 8 novembre 2011 révélant que l'emprunteur était propriétaire de l'immeuble situé [Adresse 2] où les courriers ont été adressés, qu'il déclarait y demeurer et qu'au demeurant ces lettres n'ont pu être délivrées au seul motif que leurs destinataires ne les ont pas réclamées, et non parce qu'ils n'habitaient pas à l'adresse indiquée.

Cependant, il est de principe que, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure préalable restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Outre que le courrier simple du 10 juin 2011 ne mettait pas formellement les emprunteurs en demeure de régulariser l'arriéré dans un délai déterminé, le délai de huit jours laissé aux emprunteurs par les courriers recommandés des 28 novembre 2011 et 1er décembre 2011 portant sur la totalité des sommes dues en exécution du prêt et non sur une faculté de régulariser l'arriéré pour éviter la déchéance du terme, la clause de déchéance du terme du contrat est abusive.

Il résulte en effet de l'article R. 632-1 du code de la consommation que le juge doit écarter d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Or, la question de la validité de la déchéance du terme et du droit du prêteur de s'en prévaloir sans mise en demeure préalable ressort des éléments du débat comme ayant été expressément soulevée par le premier juge et soutenue par l'opposant.

En outre, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d'un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d'échéance impayée sans mise en demeure laissant à l'emprunteur un préavis d'une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.

En l'occurrence, la clause de déchéance du terme des conditions générales de l'offre de prêt acceptée le 10 janvier 2006 reproduite ci-dessus laisse croire aux emprunteurs qu'ils ne disposent d'aucun délai pour régulariser l'arriéré, le délai de huit jours qu'elle leur octroie pour s'exécuter apparaissant porter, au regard des termes utilisés et contrairement à ce que le FCT soutient dans sa note en délibéré, sur la totalité des sommes dues du fait de la déchéance du terme, et que le prêteur peut se prévaloir discrétionnairement de la déchéance du terme pour une seule échéance impayée, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt de 160.000 euros pendant 15 ans.

Ainsi, elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs, exposés à l'obligation de rembourser immédiatement la totalité du capital restant dû.

Il convient en conséquence de déclarer cette clause de déchéance du terme abusive et de l'écarter d'office après que les parties eurent été invitées à présenter leurs observations.

Il s'en évince que la demande en paiement du capital restant dû du prêt est irrecevable, le FCT ne pouvant agir qu'en paiement des échéances échues impayées dont a été saisi le premier juge.

À cet égard, il résulte à cet égard du décompte de créance qu'il reste dû au prêteur une somme de 8.034,18 euros (1.147,74 x 7) au titre des échéances du 5 juin au 5 décembre 2011, outre 392 euros au titre des cotisations d'assurance impayées durant la même période.

Contrairement à ce que laisse entendre M. X. dans sa note en délibéré, l'action en paiement de ces échéances a bien été exercée, par assignation du 4 avril 2013, dans les deux ans de leur date d'exigibilité, de sorte qu'elle n'encourt aucune prescription.

M. X. sera par conséquent, après rétractation des dispositions contraires de l'arrêt du 2 septembre 2016, condamné au paiement de la somme de 8.426,18 euros, avec intérêts au taux contractuel de 3,55 % à compter de la mise en demeure du 28 novembre 2011.

Aux termes de l'article R. 312-3 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, l'indemnité de défaillance égale à 7 % des sommes dues n'est applicable qu'en cas de résolution du contrat de prêt.

Dès lors, aucune indemnité n'est due puisque la déchéance du terme a été écartée.

 

Sur la responsabilité de la banque :

Au soutien de sa demande de condamnation du FCT à hauteur de la dette existante, M. X. fait valoir que le Crédit agricole aurait, lors de l'octroi du prêt, manqué à son devoir de mise en garde au regard de la capacité de remboursement des emprunteurs.

Le FCT lui oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription et fait par ailleurs valoir que M. X., qui exerçait la profession d'agent immobilier, serait un emprunteur averti et que le crédit consenti n'était nullement excessif, l'opposant soulignant lui-même que ses difficultés de remboursement sont nées de la crise financière des « subprimes » de 2008, postérieure à l'octroi du crédit et imprévisible pour la banque en 2006.

Contrairement à ce que M. X. prétend, la fin de non-recevoir tirée de la prescription n'était pas de la compétence du conseiller de la mise en état, s'agissant d'une irrecevabilité de la demande, et non de la procédure d'appel.

Le FCT est donc recevable à la soumettre à la cour, et il ne saurait lui être reproché de ne pas l'avoir soulevée lorsque le conseiller de la mise en état avait été saisi de l'incident de péremption, puisque celui-ci n'avait pas le pouvoir juridictionnel de l'examiner.

D'autre part, le manquement de la banque à son devoir de mise en garde n'a pas été soulevé à titre de moyen de défense en concluant au débouté de la banque, mais à l'occasion d'une demande reconventionnelle tendant à voir « condamner le FCT Hugo Créances IV représenté par la société Equitis Gestion, elle-même représentée par son recouvreur la société MCS et Associés (IQERA) à réparer le préjudice subi par Monsieur X. à hauteur de la dette existante », de sorte que la prescription lui est bien applicable.

À cet égard, le délai de prescription applicable est celui de l'article L. 110-4 du code de commerce, de 10 ans ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, commençant à courir à compter du jour où le dommage, qui résulte de la perte d'une chance d'éviter le risque d'incapacité de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, s'est réalisé, c'est à dire au jour de la déchéance du terme du 28 novembre 2011.

Dès lors, l'action en responsabilité, exercée dans l'acte d'opposition du 27 juillet 2022, est irrecevable comme prescrite.

M. X. sollicite subsidiairement, sur le même fondement, la déchéance du droit du prêteur aux intérêts.

S'il s'agit bien dans ce cas d'un moyen de défense sur lequel la prescription est inopérante, celui-ci est mal fondé, la déchéance du droit du prêteur aux intérêts sanctionnant, dans les conditions prévues par le code de la consommation, des violations du prêteur dans ses obligations lui incombant lors de l'émission et de l'acceptation de l'offre préalable de crédit immobilier, mais non un manquement à son devoir de mise en garde qui ne peut être sanctionné que par un rejet des prétentions de la banque ou l'octroi de dommages-intérêts.

 

Sur le délai de grâce :

Il n'y a pas matière à accorder un délai de grâce à M. X., lequel a déjà bénéficié des larges délais de la procédure pour s'acquitter d'une dette à présent très ancienne.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'y a pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu'en cause d'appel.

Partiellement succombant en première instance, M. X. supportera les dépens exposés devant le tribunal de grande instance.

En revanche, succombant principalement devant la cour, le FCT supportera les dépens de l'appel et de l'opposition.

Les dispositions de l'arrêt du 2 septembre 2016 statuant de ces chefs seront donc confirmées, et le FCT sera condamné aux dépens de l'opposition.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant dans les limites de l'opposition formée par M. X.,

Rétracte l'arrêt du 2 septembre 2016 en ce qu'il a condamné M. X. à payer au fonds commun de titrisation Hugo Créances IV, représenté par sa société de gestion GTI Asset Management, la somme de 123.594,08 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,55 % à compter du 12 décembre 2011 sur la somme de 115.667,73 euros ;

Déclare les demandes du fonds commun de titrisation Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et représenté par son recouvreur, la société MCS et associés, recevables ;

Déclare abusive et non écrite la clause des conditions générales du contrat de prêt selon laquelle l'emprunteur devra 'dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, si bon semble au prêteur et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, rembourser le montant du prêt ou ce qui en restera dû (...) en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance' ;

Condamne M. X. à payer au fonds commun de titrisation Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et représenté par son recouvreur, la société MCS et associés, la somme de 8.426,18 euros, avec intérêts au taux de 3,55 % à compter du 28 novembre 2011 ;

Déclare le fonds commun de titrisation Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et représenté par son recouvreur, la société MCS et associés, irrecevable en se demande en paiement du capital restant dû ;

Confirme l'arrêt du 2 septembre 2016 en ses autres dispositions ;

Y additant,

Déclare irrecevable la demande de réparation, à hauteur de la dette existante, du préjudice résultant du manquement du prêteur à son devoir de mise en garde formée par M. X. ;

Rejette les demandes de déchéance du droit du prêteur aux intérêts et de délai de grâce ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le fonds commun de titrisation Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et représenté par son recouvreur, la société MCS et associés, aux dépens de l'opposition ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT