TGI NÎMES (ch. référés), 28 mai 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1047
TGI NÎMES (ch. référés), 28 mai 2003 : RG n° 03/00386
Publication : Bull. inf. C. Cass. 15 oct. 2003, n° 1274
Extrait : « La menace de dépose des compteurs individuels de la part d'un délégataire de service public bénéficiant d'une position dominante qui, profitant d'une résiliation ab irato du contrat, tend manifestement au rétablissement de la clause litigieuse de la convention pour la facturation des redevances d'eau et d'assainissement mettant à la charge du propriétaire vis-à-vis du fermier un engagement de caution, alors que cette clause a été considérée à juste titre d'autant plus abusive par la commission des clauses abusives au terme de sa recommandation 2001-1 du 25 janvier 2001, qu'aucun texte ne permet à une société bénéficiant d'une délégation de service public pour la distribution de l'eau, ni de mettre à la charge d'une partie n'ayant pas la qualité d'usager, la charge de redevances qui correspondent non à une imposition, mais à une contrepartie directe, ni de contraindre au respect de cet engagement par la remise d'un dépôt de garantie ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES
CHAMBRE RÉFÉRÉ
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 28 MAI 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 03/00386.
LE JUGE DES RÉFÉRÉS : Monsieur KRIEGK, Président du Tribunal de Grande Instance de Nîmes.
GREFFIER : Mademoiselle JIMENEZ.
PARTIES :
DEMANDERESSE
SA VAUCLUSE LOGEMENT
[adresse], représentée par la SCP GONTARD-TOULOUSE-MAUBOURGUET, avocats au barreau d'AVIGNON,
DÉFENDERESSE
SAUR FRANCE CENTRE GARD LOZERE
[adresse], représentée par la SCP LOBIER, avocat à NÎMES.
PARTIE INTERVENANTE
ASSOCIATION DES LOCATAIRES "X."
Dont le siège est [adresse], représentée par Maître VOLLE, Avocat à NIMES
Débats tenus à l'audience du : 21 mai 2003.
Ordonnance rendue à l'audience du : 28 mai 2003.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] La société VAUCLUSE LOGEMENT est propriétaire d'un immeuble collectif à Nîmes, rue X.,
Elle expose avoir dénoncé par lettre en date du 16 octobre 2002 les termes abusifs de la convention souscrite auprès de la SAUR, qui bénéficie d'une délégation de service public pour la distribution de l'eau, lui reprochant d'avoir imposé en cas de non paiement par les locataires de leurs factures, au propriétaire de régler en leur lieu et place,
La société SAUR envisageant en guise de réponse de procéder à la dépose des compteurs, la société VAUCLUSE LOGEMENT, par exploit en date du 2 mai 2003, a fait assigner en référé la société SAUR aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 809 du NCPC, vu le dommage imminent, de faire interdiction de procéder à la dépose des compteurs individuels,
La société VAUCLUSE LOGEMENT sollicite également condamnation au paiement d'une somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
L'association de défense des locataires « X. » intervient volontairement aux débats pour formuler des demandes identiques,
La société SAUR demande de déclarer irrecevables les demandes de la société VAUCLUSE LOGEMENT et de l'association de défense des locataires,
Subsidiairement, elle conclut au débouté, tout en demandant de lui donner acte du maintien de la distribution d'eau pour l'ensemble des occupants de l'immeuble collectif « Résidence X. » et du maintien des compteurs individuels au profit des occupants souhaitant les conserver pourvu que leur identité soit communiquée au fermier et qu'ils en payent le prix, mais sans fourniture par la SAUR de la facturation individuelle,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'action de l'association de défense des propriétaires :
L'association de défense intervenant volontairement aux débats n'ayant pas fait connaître le nom de son représentant légal, et ne justifiant pas d'un mandat valable de représentation en justice de la part des locataires pouvant être ses adhérents, apparaît irrecevable à agir,
Sur la recevabilité de l'action de la société VAUCLUSE LOGEMENT :
La Société SAUR prétend que la société VAUCLUSE LOGEMENT n'agit pas pour son compte mais au bénéfice de locataires occupants ses logements, de telle sorte qu'elle serait irrecevable à agir,
Il apparaît cependant que la société VAUCLUSE LOGEMENT, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble collectif, présente d'autant plus un intérêt à agir [minute page 3] pour le maintien de compteurs individuels, que les conventions que propose la société SAUR tendent à la voir désigner en qualité de caution des usagers défaillants,
Le moyen d'irrecevabilité soulevé à son encontre doit être écarté,
Sur l'application des dispositions de l'article 809 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile :
Les parties étaient liées par une convention n° 3280 en date du 10 mai 2000, au terme de laquelle « le groupement d'habitations, objet de la présente convention, comporte 49 compteurs individuels et le compteur général »,
Force est de constater que la société VAUCLUSE LOGEMENT a résilié de son propre chef cette convention par courrier en date du 16 octobre 2002, en se prévalant du caractère abusif de l'article 7 au regard de la recommandation n° 2001-1 de la commission des clauses abusives concernant les contrats de distribution d'eau,
La société SAUR fait dès lors valoir que sa mission de délégataire de service public s'arrête en pied d'immeuble au compteur général qui le dessert et qu'il ne lui est pas possible de relever des compteurs individuels dans les immeubles collectifs, la loi du 12 décembre 2000 dite SRU qui consacre néanmoins le principe d'une telle individualisation étant subordonnée à l'entrée en vigueur d'un décret du 28 avril 2003 publié le 6 mai 2003, qui prévoit un délai de 9 mois à compter de sa publication pour l'adaptation matérielle des lieux,
La société SAUR demande néanmoins de lui donner acte de ce qu'elle entend maintenir la distribution d'eau pour l'ensemble des occupants de l'immeuble collectif « Résidence X. » et de ce qu'elle offre le maintien des compteurs individuels au profit des occupants souhaitant les conserver pourvu que leur identité soit communiquée au fermier et qu'ils en payent le prix, mais sans fourniture par la SAUR de la facturation individuelle,
L'action de la société VAUCLUSE LOGEMENT tend cependant non seulement au maintien sans condition de l'ensemble des compteurs individuels, mais également au maintien de la facturation individuelle,
La menace de dépose des compteurs individuels de la part d'un délégataire de service public bénéficiant d'une position dominante qui, profitant d'une résiliation ab irato du contrat, tend manifestement au rétablissement de la clause litigieuse de la convention pour la facturation des redevances d'eau et d'assainissement mettant à la charge du propriétaire vis-à-vis du fermier un engagement de caution, alors que cette clause a été considérée à juste titre d'autant plus abusive par la commission des clauses abusives au terme de sa recommandation 2001-1 du 25 janvier 2001, qu'aucun texte ne permet à une société bénéficiant d'une délégation de service public pour la distribution de l'eau, ni de mettre à la charge d'une partie n'ayant pas la qualité d'usager, la charge de redevances qui correspondent non à une imposition, mais à une contrepartie directe, ni de contraindre au respect de cet engagement par la remise d'un dépôt de garantie,
[minute page 4] La société délégataire de service public de distribution de l'eau se trouvant tenue de droit, comme elle en convient, d'assurer en toute hypothèse la distribution de l'eau aux usagers, lesquels se voient consacrer dès à présent par l'article 93 de la loi du 13 décembre 2000 dite SRU la possibilité de bénéficier de compteurs individuels (un délai de neuf mois n'ayant été octroyé par décret du 28 avril 2003 que pour permettre l'adaptation aux prescriptions techniques des immeubles qui ne seraient pas d'ores et déjà en conformité avec la réglementation), il en résulte indépendamment d'une éventuelle contestation sérieuse au regard de la résiliation de la convention dont on essaie de tirer parti pour obtenir le maintien d'avantages indus, que la menace de déposer les compteurs individuels présente les caractères d'un dommage imminent qu'il y a lieu de prévenir par une mesure d'interdiction immédiate,
Les dépens doivent être mis à la charge de la société SAUR, et l'équité commande, compte tenu des circonstances décrites, de la condamner au paiement d'une somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Nous, Juge des référés,
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en 1er ressort,
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent,
Donnons acte à l'association de défense des locataires « X. » de son intervention volontaire aux débats,
La déclarons irrecevable à agir,
Déclarons la société VAUCLUSE LOGEMENT recevable à agir,
Vu l'article 809 alinéa premier du nouveau code de procédure civile,
Faisons interdiction dès la signification de la présente ordonnance à la société SAUR de procéder à la dépose des compteurs individuels se trouvant dans la résidence X. à Nîmes,
Disons que les dépens demeurent à la charge de la société SAUR,
Condamnons la société SAUR à verser à la société VAUCLUSE LOGEMENT une somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
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