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TI PERIGUEUX, 13 décembre 2004

Nature : Décision
Titre : TI PERIGUEUX, 13 décembre 2004
Pays : France
Juridiction : Perigueux (TI)
Demande : 11-04-000237
Date : 13/12/2004
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 12/03/2003
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 106

TI PERIGUEUX, 13 décembre 2004 : RG n° 04/000237

 

Extrait  : « Surabondamment, la convention contient des clauses abusives au sens de l'article L.132-1 du Code de la consommation, notamment quant à la résiliation du contrat et la rémunération. En effet, contrairement à ce que soutient la société CREATIS, les conditions générales du contrat ne donnent aucune précision quant à la faculté pour le client de résilier son contrat à tout moment et en toute liberté. En effet, l'engagement est souscrit pour une période incompressible de 24 mois pendant laquelle les vendeurs ne peuvent se désister sans être contraints de payer la totalité de la rémunération du prestataire de service. S'agissant d'une vente d'immeuble, ce terme de 24 mois lie les vendeurs pour une durée manifestement excessive, les honoraires étant fixés forfaitairement, quelle que soit la durée du contrat et les prestations effectivement fournies. Il ne peut donc être sérieusement contesté que le contrat crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ».            

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE PÉRIGUEUX

JUGEMENT DU 13 DÉCEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-04-000237.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 13 Décembre 2004, Sous la Présidence de René LAUBA, Juge d'Instance, assisté de COUSTA Sylvie, Greffier, n'ayant pas assisté au délibéré

Après débats à l'audience du 25 octobre 2004, le jugement suivant a été rendu ;

ENTRE :

DEMANDEUR :

Société Anonyme CREATIS

[adresse], représentée par Maître LARUE, avocat du barreau de PERIGUEUX

ET :

DÉFENDEUR :

- Monsieur X.

[adresse], représenté par Maître BARATEAU, avocat du barreau de PERIGUEUX

- Madame X. née Y.

[adresse], représentée par Maître BARATEAU, avocat du barreau de PERIGUEUX

- Maître Dominique RAFONI

[adresse], non comparant

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par un acte d'huissier du 12 mars 2003, la SA CREATIS a assigné les époux X. devant le Tribunal d'Instance de PERIGUEUX, afin d'obtenir, principalement, leur condamnation au remboursement d'une somme de 5.469,87 Euros représentant le montant d'un prêt destiné au financement d'une prestation de service.

Selon un exploit du 21 juin 2004, les époux X. ont appelé en cause la prestataire de service, la Société PANORIMMO et Maître Dominique RAFONI, liquidateur de celle-ci.

 

A l'appui de ses prétentions, la SA CREATIS expose que, selon offre préalable en date du 4 octobre 2001, elle a accordé aux époux X. un prêt de 5.469,87 Euros destiné à financer les honoraires perçus par la société PANORIMMO, prestataire de service spécialisé dans la diffusion d'annonces de ventes immobilières, auprès d'un large public contacté au moyen de supports techniques et de services divers. Elle ajoute que ce prêt était consenti sans intérêt et remboursable en une seule fois le jour de la vente ou, à défaut, à l'expiration d'un délai de deux ans étant précisé que dans cette dernière hypothèse, le remboursement était pris en charge par une garantie du type « satisfait ou remboursé ». Elle observe que la capital prêté était également remboursable mais sans aucune prise en charge, en cas de défaut de respect par les emprunteurs de leurs obligations à l'égard du prestataire et, notamment de son engagement de l'informer tous les deux mois par l'envoi de coupons, de son intention de renouveler l'ordre de mission initial jusqu'au terme du contrat. Or, elle relève qu'à partir du début de l'année 2003, le époux X. ont cessé d'adresser les coupons à la société PANORIMMO de telle sorte que la convention principale est devenue caduque et le capital prêté immédiatement exigible sans le bénéfice de la garantie, conformément à l'article 2-2 des conditions générales. Elle ajoute que l'immeuble a été vendu le 10 mars 2003, ce qui justifie d'autant plus la demande en restitution des fonds prêtés.

En réponse aux conclusions adverses invoquant le défaut de respect des législations relatives aux agents immobiliers, aux clauses abusives, au démarchage à domicile et au crédit à la consommation, elle rétorque :

- que la société PANORIMMO n'est pas un agent immobilier chargé d'une mission d'entremise et d'un mandat de vente, mais un entrepreneur prestataire de services publicitaires fournissant des supports de communication multimédias (publicité, catalogues illustrés de photographies, visites virtuelles en 3 dimension sur Internet), dont la rémunération est forfaitaire et payable d'avance, soit comptant, soit au moyen d'un crédit) ;

- que la nature de la prestation, le montant et les modalités de la rémunération ainsi que l'étendue des obligations du diffuseur d'annonces sont clairement explicités dans les conditions générales figurant au verso de l'ordre de mission signé par les donneurs d'ordre ;

- que les prestations promises ont bien été fournies comme le démontre les différentes annonces passées par la société PANORIMMO ;

- [minute page 3] qu'en sa qualité de partenaire financier de ce prestataire, elle a conclu avec lui une charte de bonne conduite relative à l'information des clients et exigé qu'il obtienne un certificat de qualité de son produit ;

- qu'elle a pris la précaution de faire signer aux emprunteurs, en sus de l'offre préalable à laquelle elle ne peut se substituer, une « reconnaissance de consentement éclairé » rappelant et complétant de manière très explicite leurs obligations à son égard, notamment en ce qui concerne le remboursement du prêt ;

- que même si les époux X. ne détiennent pas le double de ce document, cette circonstance n'entraîne pas la nullité du contrat et ne remet pas en cause le fait qu'ils ont été pleinement informé ;

- que le contrat principal passé avec la société PANORIMMO est parfaitement régulier puisqu'il reproduit les dispositions légales applicables en matière de démarchage, que le bordereau de rétractation est très explicite, que les dimensions des caractères sont conformes au corps 8 et que les défendeurs s'abritent derrière une interprétation littérale des textes qui s'éloigne considérablement de l'esprit même du Code de la consommation ;

- que le caractère forfaitaire de la contrepartie financière due à la société PANORIMMO quelle que soit la durée et le nombre de ses prestations ne saurait constituer une clause abusive dès lors, d'une part, qu'il n'est pas démontré que cette disposition est le fruit d'un déséquilibre excessif au profit du professionnel et, d'autre part, qu'une garantie de remboursement est consentie à l'annonceur en l'absence de vente au bout de deux ans ;

- qu'en toute hypothèse, la résolution ou l'annulation du contrat principal et, corrélativement, du prêt accessoire doit entraîner la remise des choses dans leur état antérieur, avec remboursement de la somme payée pour le compte des époux X.

Elle sollicite en conséquence, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement des fonds prêtés, soit la somme de 5.469,87 Euros, de l'indemnité contractuelle, soit 437,59 Euros, des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, d'une somme de 450,00 Euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Elle estime également qu'elle était fondée à faire inscrire les défendeurs au fichier national des incidents de recouvrement des crédits aux particuliers et réclame, au titre des frais de cette inscription, le remboursement d'une somme de 15,00 Euros.

 

Pour leur défense, Monsieur et Madame X. expliquent à titre liminaire que, par un contrat du 4 octobre 2001 souscrit à la suite d'un démarchage à leur domicile, ils ont confié à la société PANORIMMO à titre non exclusif, la mission de vendre leur maison. Ils précisent que par une lettre du 12 octobre suivant, cette société leur a confirmé la validité de cette ordre de mission en s'engageant expressément à vendre leur maison ou à leur rembourser. Ils ajoutent que si un an et demi plus tard, soit le 16 janvier 2003, cette opération s'est finalement réalisée, ce n'est pas grâce à l'intervention de la société susnommée car [minute page 4] l'acheteur a eu connaissance de l'offre de vente par l'intermédiaire du voisinage.

Ils estiment aujourd'hui que la société PANORIMMO que l'on présente comme une simple entreprise de diffusion d'annonces publicitaires, leur a laissé délibérément croire qu'elle avait la qualité d'agent immobilier et qu'elle concluait avec eux un véritable mandat de vente comme cela ressort clairement de sa lettre du 12 octobre 2001. Ils considèrent que l'apparence ainsi créée rend applicable les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 2 janvier 1970 interdisant la perception de commissions ou autres frais de publicité avant la réalisation de l'opération envisagée. Ils estiment dans ces conditions n'être tenus à aucun paiement, leur obligation étant sans cause et la société PANORIMMO n'ayant pas rempli sa mission. Ils soutiennent par ailleurs que le contrat principal conclu avec la société PANORIMMO est entaché de nullité car le bordereau détachable de rétractation contient des énonciations confuses, incomplètes, inscrites en caractère non apparent et comportant des rajouts de nature à induire en erreur. Ils observent que ces énonciations sont noyées dans d'autres informations de telle sorte qu'elles ne sautent pas aux yeux. Ils soutiennent par ailleurs que le contrat principal contient des clauses abusives puisqu'il ne comporte aucune information sur la faculté pour les clients de résilier le contrat à tout moment et qu'il n'est pas tenu compte, dans la fixation de la rémunération du professionnel, de la durée effective de sa prestation de service. Il précisent avoir d'ailleurs scrupuleusement adressé les coupons de prorogation jusqu'à la vente et affirment donc ne rien devoir à la société PANORIMMO, les clauses litigieuses devant être réputées non écrites. Ils estiment au regard de ce qui précède que l'annulation du contrat principal doit entraîner celle du crédit accessoire et qu'il appartient à la société CREATIS de faire son affaire personnelle, en vertu de l'article L. 311-22 du Code de la consommation, des sommes qu'elle a versées à la société PANORIMMO.

Le contrat de prêt étant annulé, ils sollicitent, outre le débouté de la SA CREATIS, sa condamnation, au besoin sous une astreinte de 150,00 Euros par jour de retard, à lever l'inscription faite au fichier des incidents de remboursements de crédits aux particuliers. Ils demandent au tribunal de se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte et réclame en outre la condamnation in solidum des sociétés CREATIS et PANORIMMO à leur payer 750,00 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, outre le bénéfice de l'exécution provisoire.

Maître RAFONI, liquidateur de la société PANORIMMO, ne comparaît pas, bien qu'ayant été assigné en personne. Il doit néanmoins être statué sur le fond par un jugement qui sera réputé contradictoire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATIONS DU JUGEMENT :

Selon l'article L.121-24 du Code de la consommation, le contrat conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile doit comprendre un formulaire détachable soumis aux formalités des articles R. 121-3 à R. 121-6 du même code. L'article R. 121-5 prévoit plus particulièrement un certain nombre de mentions obligatoires qui, suivant l'article R.121-6, ne peuvent faire l'objet d'aucun ajout, ni d'aucun retrait. Conformément à l'article L. 121-23 du Code de la consommation, ces mentions sont prescrites à peine de nullité, il s'agit de nullités relevant de l'ordre public de direction qui sont absolues et ne souffrent, par conséquent, aucune exception. En l'espèce, aucune des parties ne conteste que le contrat signé entre la société [minute page 5] PANORIMMO et les époux X. le 4 octobre 2001, s'inscrit dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile, soumis aux dispositions précitées. Le bordereau détachable de ce contrat ne comporte pas, sur une de ses faces, contrairement aux prescriptions de l'article R. 121-4 du Code de la consommation, l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé. Celle-ci prête en effet à confusion puisqu'un paragraphe du contrat indique une autre adresse pour toutes les correspondances. De surcroît, en violation des dispositions de l'article R. 125-5, l'énoncé des mentions obligatoires ne fait pas l'objet de lignes distinctes. En outre, les mentions « par lettre recommandée avec accusé de réception », « l'expédier au plus tard le septième jour de la commande ... » ne sont ni surlignées, ni rédigées en caractères gras, il n'y a aucun espacement avant la mention « Je soussigné ... ». Certes, le bordereau ne doit pas être la reproduction servile des dispositions réglementaires, mais il doit comporter l'ensemble des mentions légales obligatoires, imprimées en caractères très lisibles et exprimées en termes clairs et compréhensibles. Au surplus, le bordereau contient, en l'espèce, des éléments supplémentaires qui peuvent induire en erreur et qui contreviennent à l'article R. 121-6. Enfin, l'information donnée quant à la faculté de rétractation n'est pas claire, la reproduction des articles concernés étant insérée dans un paragraphe résiliation où figurent d'autres clauses du contrat, le tout en petits caractères d'imprimerie. Le contrat n'est donc pas conforme aux prescriptions légales et encourt la nullité. Surabondamment, la convention contient des clauses abusives au sens de l'article L.132-1 du Code de la consommation, notamment quant à la résiliation du contrat et la rémunération. En effet, contrairement à ce que soutient la société CREATIS, les conditions générales du contrat ne donnent aucune précision quant à la faculté pour le client de résilier son contrat à tout moment et en toute liberté. En effet, l'engagement est souscrit pour une période incompressible de 24 mois pendant laquelle les vendeurs ne peuvent se désister sans être contraints de payer la totalité de la rémunération du prestataire de service. S'agissant d'une vente d'immeuble, ce terme de 24 mois lie les vendeurs pour une durée manifestement excessive, les honoraires étant fixés forfaitairement, quelle que soit la durée du contrat et les prestations effectivement fournies. Il ne peut donc être sérieusement contesté que le contrat crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de prononcer la nullité du contrat. Monsieur et Madame X. ont été induits en erreur sur la nature exacte des prestations offertes par la société PANORIMMO et la qualité de celle-ci. Le contrat de crédit étant un prêt affecté, la nullité du contrat principal entraîne celle de la convention accessoire en application des articles L. 311-20 et L. 311-21 du Code de la consommation.

En conséquence de cette annulation, les parties doivent procéder aux restitutions qui s'imposent, les époux X. étant tenus, en principe, de rembourser le capital versé pour leur compte par la SA CREATIS. Force est cependant de constater que par son laxisme concernant le comportement de son partenaire qui est aussi son mandataire et son pourvoyeur de clientèle, cette société a causé aux susnommés un préjudice certain. La prestation de service et le crédit accessoire sont en effet les éléments indissociables d'une opération commune génératrice, pour l'organisme de financement, d'une obligation de vigilance portant sur tous les aspects de cette opération. Il convient dans ces conditions de débouter la société CREATIS de sa demande en remboursement de la somme prêtée en ce qu'elle est dirigée contre les époux X. Il y a lieu, corrélativement, de rejeter ses prétentions accessoires relatives à l'indemnité contractuelle et aux divers frais de procédure et d'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

[minute page 6] Compte tenu des observations qui précèdent, on doit considérer que l'inscription au fichier susmentionné n'était pas fondée et doit faire l'objet d'une radiation à la charge de la société CREATIS. Cette radiation devra être effectuée et justifiée sous une astreinte de 100,00 Euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de UN MOIS suivant la signification du présent jugement.

La société CREATIS et Maître RAFONI, es qualité, qui succombent doivent être condamnés aux dépens et au remboursement des frais irrépétibles de procédure exposés par les époux X. pour soutenir leur défense. Ces frais doivent être fixés à la somme de 530,00 Euros.

Compte tenu des circonstances de l'affaire, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort ;

PRONONCE la nullité des contrats de prestation de service et de financement conclus par les époux X. avec les sociétés PANORIMMO et CREATIS ;

DÉCLARE ces deux sociétés co-responsables de cette annulation et des conséquences en résultant pour les dits époux X. et, partant, DÉBOUTE la société CREATIS de sa demande en remboursement des fonds prêtés dirigés à leur encontre ;

La DÉBOUTE également de toutes ses prétentions accessoires ;

Lui ORDONNE de faire radier l'inscription des époux susnommés au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers et de justifier de cette radiation dans le mois suivant la signification du présent jugement et ce, sous peine de devoir payer, passé ce délai, une astreinte de 100,00 Euros (CENT EUROS) par jour de retard pendant 30 jours ;

La CONDAMNE, in solidum avec Maître RAFONI, es qualité de liquidateur de la société PANORIMMO, à payer aux défendeurs la somme de 530,00 Euros (CINQ CENT TRENTE EUROS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ;

CONDAMNE in solidum la SA CREATIS et Maître RAFONI es qualité, aux dépens de l'instance.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE LES JOUR, MOIS ET AN SUSDITS, la présente décision a été signée par Monsieur René LAUBA, Président, et par Mademoiselle Sylvie COUSTA, Greffier présent lors du prononcé.