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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-1), 14 décembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-1), 14 décembre 2023
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 1
Demande : 22/10736
Décision : 2023/192
Date : 14/12/2023
Nature de la décision : Irrecevabilité
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 25/07/2022
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 1er juin 2022
Numéro de la décision : 192
Référence bibliographique : 5846 (contrôle des actes règlementaires), 5730 (estoppel)
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10619

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-1), 14 décembre 2023 : RG n° 22/10736 ; arrêt n° 2023/192

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « M. X. et la société SAMM La Méditerranée soulèvent à cet égard les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile aux termes desquelles nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.  Au-delà des contradictions ressortant de la comparaison entre les moyens soulevés par la Capitainerie de [Localité 4] et la SAMCL devant la cour d'appel initialement saisie et les moyens soulevés devant la présente cour, il ne saurait en revanche être déduit de contradiction entre l'exception d'incompétence soulevée initialement par la Capitainerie de [Localité 4] et son assureur devant le tribunal administratif de Montpellier, s'agissant de l'entier litige, et du moyen relevant de la question préjudicielle, laquelle est nécessairement limitée à un point de débat, sans exclure la compétence de principe des juridictions judiciaires. Il n'y a donc pas lieu de retenir la théorie de l'estoppel au cas particulier sur ce seul fondement.

En tout état de cause, s'agissant d'un sursis à statuer imposé par la loi, il résulte de la combinaison des articles 49 et 378 du code de procédure civile que le juge judiciaire doit surseoir à statuer lorsqu'il a à connaître d'un moyen de défense relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction de sorte que les contradictions de la Capitainerie de [Localité 4] et de son assureur sont sans effet sur la procédure, le moyen tiré de l'interprétation des clauses litigieuses étant aux débats. »

2/ « En l'espèce, les parties ne contestent pas le caractère réglementaire des documents intitulés règlements de fonctionnement fixant les modalités des rapports entre la Capitainerie de [Localité 4] exploitée en régie par la commune de Frontignan, et les usagers.

Or, le règlement de service ne doit pas comporter de clauses considérées comme abusives dans les relations entre un professionnel et un consommateur par les articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation (devenus L. 212-1 et suivants du code de la consommation ) étant rappelé que par arrêt du 11 juillet 2001 la section du contentieux du Conseil d'Etat, dans une décision dite Société des Eaux du Nord, a procédé à une intégration du droit des clauses abusives à la légalité administrative, et qu'il a été jugé que s'agissant de dispositions d'ordre public, le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (CJCE, 4 juin 2009, CJCE, 27 juin 2000).

Ainsi, il appartient à la juridiction administrative, seule compétente pour apprécier la légalité du règlement d'un service public définissant les relations entre l'exploitant du service et les usagers de celui-ci, d'apprécier le caractère abusif de ces clauses, au sens du code de la consommation, en présence d'une difficulté sérieuse et en l'absence d'une jurisprudence établie.

Au cas particulier, il apparaît que les clauses 2 de l'arrêté du 5 janvier 2007, 4 et 8 du règlement du 23 février 2007, en ce qu'elles conditionnent l'appréciation de la responsabilité de chacune des parties dans le dommage survenu au bateau à la suite de sa chute, conditionnent également la solution du litige.

Le reconnaissance de responsabilité invoquée par M. X. pour exclure l'application de ces clauses, en ce qu'elle présente un caractère équivoque et non explicite, n'est pas de nature à écarter le débat relatif à l'interprétation desdites clauses.

En outre, les parties, au-delà de leur interprétation personnelle des clauses litigieuses, ne justifient pas que le juge judiciaire puisse se fonder sur une jurisprudence établie du Conseil d'Etat en la matière pour statuer sur leur l'interprétation.

En conséquence, il y a lieu de surseoir à statuer sur les prétentions des parties ainsi que sur l'examen des frais et dépens en l'attente qu'il soit statué sur la question posée à la juridiction administrative en ces termes : […] »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-1

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/10736. Arrêt n° 2023/192. N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ2AI. Décision déférée à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation du 1er juin 2022 qui casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier (4ème chambre civile RG 17/05036) du 13 janvier 2021 qui a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 5 septembre 2017.

 

DÉCLARANTS A LA SAISINE :

Monsieur X.

de nationalité Française, demeurant [Adresse 6], représenté par Maître Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Maître Nolwenn ROBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

SA SAMM LA MEDITERRANEE

Société d'assurances maritimes mutuelles inscrite au RCS MONTPELLIER sous le n° 332 322 833, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Nolwenn ROBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

 

DÉFENDERESSES À LA SAISINE :

Société CAPITAINERIE DE [Localité 4]

dont le siège est sis [Adresse 5], représentée par Maître Elodie FONTAINE de la SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Stéphane CROS, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

Société SMACL

prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est sis [Adresse 2], représentée par Maître Elodie FONTAINE de la SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Stéphane CROS, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 28 septembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023, après prorogation du délibéré

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023, Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X., marin pêcheur, a confié son bateau en février 2013 à la Capitainerie de [Localité 4] pour sa mise à terre et la dépose des moteurs.

Alors que M. X. effectuait des travaux à son bord, le bateau, placé sur des bers, s'est couché sur le flanc, occasionnant l'immobilisation du bateau jusqu'en août 2013 et des réparations évaluées entre 21.900 et 26.800 euros hors taxe selon l'expertise amiable.

M. X. et son assureur, la société SAMM La Méditerranée, estimant que les dommages étaient imputables à une erreur de la Capitainerie de [Localité 4] dans le calage du navire, ont saisi dans un premier temps le tribunal administratif de Montpellier, lequel s'est déclaré incompétent au profit du juge judiciaire par ordonnance du 24 février 2015.

Le 9 juin 2015 M. X. et son assureur ont alors saisi le tribunal de grande instance de Montpellier afin d'obtenir la condamnation solidaire de la Capitainerie de [Localité 4] et de son assureur la SMACL en paiement des sommes suivantes :

- 26.800 euros à la société SAMM La Méditerranée au titre des travaux effectués, avancés par l'assureur,

- 45.500 euros à M. X. au titre des frais de location d'un bateau de remplacement,

- 55.002 euros à M. X. au titre des pertes d'exploitation

Par jugement du 5 septembre 2017 le tribunal de grande instance de Montpellier a débouté M. X. et la SAMM de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés à payer à la Capitainerie de [Localité 4] et à la SMACL la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

* * *

Par arrêt du 13 janvier 2021, la cour d'appel de Montpellier a infirmé ce jugement et statué ainsi :

Dit la Capitainerie de [Localité 4] et M. X. co-responsables des dommages occasionnés au bateau dans les proportions respectivement de 80 % pour la capitainerie et de 20 % pour M. X.,

Condamne solidairement la Capitainerie de [Localité 4] et la SMACL à payer les sommes de :

- 23.340 € au profit de la SAMM La Méditerranée au titre des frais de réparation,

- 16.800 € à M. X. au titre des frais de location d'un bateau de remplacement,

- 42.242,20 € 51 à M. X. au titre de la perte d'exploitation,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2015,

Rejette la demande au titre du prétendu préjudice financier,

Condamne in solidum la Capitainerie de [Localité 4] et la SMACL aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 3.000 € sur le fondement de1'artic1e 700 du code de procédure civile

* * *

Par arrêt du 1er juin 2022 la Cour de cassation a cassé la décision en ces termes :

« CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. X. et la société Samm la Méditerranée aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes »

Le 25 juillet 2022 M. X. a saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence, juridiction de renvoi.

* * *

Par conclusions du 23 septembre 2023 M. X. et la société SAMM La Méditerranée ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident afin de voir :

- Procéder à l'envoi d'une question préjudicielle au Tribunal Administratif afin de statuer sur le caractère réglementaire du règlement intérieur de la Capitainerie de [Localité 4], en tenant compte du caractère industriel et commercial de l'établissement concerné, de première part, et du fait que la compétence judiciaire a été requise et obtenue par ladite capitainerie et son assurance en suite de la mise en cause de sa responsabilité à l'appui du non-respect des règles édictées par le même règlement intérieur,

- Surseoir à statuer dans l'attente de la réponse du Tribunal Administratif

L'incident a fait l'objet d'une radiation le 7 février 2023.

* * *

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 9 août 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. X. et son assureur la société SAMM La Méditerranée (SA) demandent à la cour de :

Vu les articles 49 du CPC et R 771-2 du CJA,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2022,

Vu les articles 1134 et 1142 du code civil dans leur rédaction applicable au mois de février 2013 ;

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces produites au débat,

En suite de l'arrêt de la Cour de Cassation du 1er juin 2022 qui prononce la cassation de l'arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier en date du 13 janvier 2021, infirmer les termes du jugement du Tribunal de Grande Instance de Montpellier en date du 5 septembre 2017 dans toutes ses dispositions ;

En conséquence, statuant à nouveau :

A TITRE LIMINAIRE : SUR L'ENVOI D'UNE QUESTION PREJUDICIELLE :

Sur le rejet des moyens de la Capitainerie de [Localité 4] et de la SMACL :

Juger que la Capitainerie de [Localité 4] et la SMACL se prévalent d'une position de droit contraire à celle qu'elles avaient adopté en ayant requis la compétence judiciaire pour l'intégralité du litige l'opposant à Monsieur X. et son assureur ;

En conséquence,

Juger que la demande et les moyens de la Capitainerie de [Localité 4] et de la SMACL sont irrecevables pour violation du principe de loyauté procédurale.

Sur la recevabilité de la question préjudicielle :

Juger la demande de Monsieur X. et de son assureur recevable et bien fondée ;

Juger qu'il existe une difficulté sérieuse quant au caractère réglementaire de la clause insérée au sein du règlement intérieur de la capitainerie relevant de la compétence du Tribunal administratif ;

Juger qu'il appartient au juge administratif d'apprécier le caractère réglementaire de la clause litigieuse, et le cas échéant, de se prononcer sur la légalité de la clause ;

En conséquence,

Juger qu'il convient de procéder à l'envoi d'une question préjudicielle au Tribunal Administratif de Montpellier sur requête déposée par Monsieur X. et la compagnie SAMM, afin de statuer sur le caractère réglementaire de la clause litigieuse insérée dans le règlement intérieur de la Capitainerie de [Localité 4], et le cas échéant sur sa légalité, au regard :

* du droit public de la responsabilité contractuelle, qui interdit à l'autorité administrative, sous couvert d'organiser le service public, de limiter unilatéralement sa responsabilité contractuelle, les clauses limitatives devant être consenties par les deux parties, et ;

* du droit des clauses abusives prévus à l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation ;

Juger que la juridiction administrative devra prendre sa décision en tenant compte du caractère industriel et commercial de l'établissement concerné, de première part, et du fait que la compétence judiciaire a été requise et obtenue par ladite capitainerie et son assurance en suite de la mise en cause de sa responsabilité à l'appui du non-respect des règles édictées par le même règlement intérieur ;

Surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal Administratif ;

EN TOUT état DE CAUSE :

SUR LA RESPONSABILITE CIVILE DE la Capitainerie de [Localité 4] :

Juger que la responsabilité de la capitainerie du port de [Localité 4] et de la SMACL en sa qualité d'assureur sont engagées à l'égard de Monsieur X. ;

Juger que la clause d'exclusion de responsabilité doit être réputée non écrite ;

Juger que la Capitainerie de [Localité 4] a commis une faute lourde dans l'exécution de sa mission contractuelle excluant l'application de la clause d'exclusion de garantie ;

Juger qu'en tout état de cause la Capitainerie de [Localité 4] a reconnu sa responsabilité et que la compagnie d'assurance SMACL a reconnu cette responsabilité en entamant les démarches d'examen des préjudices financiers subis par Monsieur X. ;

Juger que la chute du navire est en tout état de cause postérieure aux opérations de calage et imputable aux opérations de réparations réalisées par les salariés de la Capitainerie de [Localité 4], engageant la responsabilité de cette dernière de ce fait ;

Débouter la Capitainerie et son assurance la compagnie SMACL de toutes leurs demandes, en ce compris celles afférentes au partage de responsabilité ;

En conséquence :

Condamner solidairement la [Adresse 3] et la SMACL au paiement de la somme de 32.510,18 € au profit de la société ASS-SAMM au titre des frais de réparation engagés avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013, date de la première mise en demeure ;

Condamner solidairement la [Adresse 3] et la SMACL au paiement de la somme de 45.500 € au profit de Monsieur X. au titre des frais de location d'un bateau de remplacement avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013, date de la première mise en demeure ;

Condamner solidairement la [Adresse 3] et la SMACL au paiement de la somme de 55.002 € au profit de Monsieur X. au titre des pertes d'exploitation subies du fait de ce sinistre avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013, date de la première mise en demeure ;

Condamner solidairement la [Adresse 3] et la SMACL au paiement de la somme de 9.493,47 € au titre du préjudice financier lié à l'absence d'indemnisation du sinistre subi par Monsieur X. ;

Condamner solidairement au titre du présent incident la SMACL et la Capitainerie de [Localité 4] au paiement de la somme de 8 000€ à Monsieur X. et à la SAMM La Méditerranée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les appelants font valoir qu'au regard de l'arrêt rendu par la Cour de cassation et de la difficulté sérieuse posée par la clause d'exclusion de garantie, le tribunal administratif doit être saisi d'une question préjudicielle en vue de statuer sur le caractère réglementaire de la clause invoquée par la Capitainerie de [Localité 4] et le cas échéant sur sa validité.

Ils ajoutent que leur demande est parfaitement recevable et soulignent la déloyauté procédurale des intimés au regard des positions contradictoires adoptées.

S'agissant de la responsabilité de la Capitainerie de [Localité 4], les appelants exposent que seul le mauvais calage du bateau est à l'origine de sa chute, tel que cela résulte de la reconnaissance de responsabilité et des conclusions de l'expert.

Par ailleurs, ils font valoir le caractère non écrit de la clause d'exclusion de garantie en ce qu'elle porte sur l'obligation essentielle du contrat, et soutiennent qu'en tout état de cause, la faute lourde commise par la Capitainerie de [Localité 4] exclut l'application de cette clause.

Ils rappellent enfin les préjudices engendrés par la chute du bateau.

* * *

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 4 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la Capitainerie de [Localité 4] (Établissement Public Industriel et Commercial) et son assureur la SMACL (SAMCV) demandent à la cour de :

Vu les articles 49, 73 et 74 du code de procédure civile

Vu les articles 1134 et 1142 anciens du code civil,

Vu l'ensemble des pièces produites,

Sur la demande de question préjudicielle

Débouter Monsieur X. et la SAMM La Méditerranée de l'exception de procédure portant demande de question préjudicielle au Tribunal administratif.

Sur le fond :

À TITRE PRINCIPAL

Débouter Monsieur X. et la SAMM La Méditerranée de leur appel à l'encontre du jugement du Tribunal de Grande Instance de Montpellier RG n° 15/03584 du 5 septembre 2017, et de l'intégralité de leurs prétentions,

Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Montpellier RG n° 15/03584 du 5 septembre 2017,

À TITRE SUBSIDAIRE

Dire que Monsieur X. a commis une faute de nature à entraîner un partage de responsabilité et le Juger responsable des dommages occasionnés par la chute de son bateau le 26 février 2013 à hauteur de 80 %,

Réduire le montant des préjudices à de plus justes proportions tenant :

- La participation de Monsieur X. à la réalisation de ses prétendus dommages ;

- L'évaluation erronée des montants réclamés.

En conséquence :

Limiter l'indemnisation des frais de réparation au montant de 21.900 euros ;

Limiter l'indemnisation de la perte de marge brute au montant de 7.302,75 euros ;

Rejeter la demande d'indemnisation des frais de location tenant l'absence de justifications.

Rejeter la demande d'indemnisation des frais financiers.

EN TOUTE HYPOTHÈSE

Condamner solidairement Monsieur X. et la SAMM La Méditerranée aux entiers dépens d'appel et à verser à la Capitainerie de [Localité 4] et la SMACL la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés répliquent que la question préjudicielle des appelants doit être rejetée dès lors qu'elle est irrecevable pour avoir été soulevée la première fois devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et qu'en outre la clause litigieuse ne pose aucune difficulté sérieuse justifiant une question préjudicielle au tribunal administratif.

Ils ajoutent qu'il n'existe aucune contradiction dans leur positionnement de sorte que la théorie de l'estoppel invoquée par les appelants ne saurait être retenue.

Sur le fond, les intimés soutiennent que la Capitainerie de [Localité 4] n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité. Ils ajoutent qu'aucune reconnaissance de responsabilité ne saurait être déduite des pièces invoquées par les appelants et que la clause n'est pas une clause d'exclusion de responsabilité mais vise à préciser que les opérations de calage sont effectuées sous la responsabilité de leur propriétaire et est parfaitement valable entre professionnels, de sorte qu'elle a vocation à s'appliquer.

Les intimés font valoir que la chute du bateau a été provoquée par l'intervention de M. X. et subsidiairement, ils proposent un partage de responsabilité.

Enfin, les intimés contestent l'évaluation du dommage telle que sollicitée par les appelants.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la recevabilité de la question préjudicielle :

Dans le cadre du litige les opposant quant à la responsabilité de la chute du bateau, les parties divergent quant à l'interprétation, notamment de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2007 intitulé « Règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance » aux termes duquel « Dès la fin de l'opération, et à défaut de réserve émise par le propriétaire ou son représentant lors du calage du bateau, la responsabilité du technicien qui aura assuré cette responsabilité sera dégagée (…) Les réparations susceptibles de modifier la stabilité du bateau engageront directement la responsabilité du propriétaire ou de son mandataire. ».

Elles divergent également sur l'interprétation et sur l'application de l'article 4 du règlement du 23 février 2007 intitulé « Règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance-Organisation du service » précisant que « toutes les informations notamment celles concernant le passage des sangles seront données sous la responsabilité du propriétaire » et sur l'application de l'article 8 de l'arrêté du 23 février 2007, aux termes duquel « les opérations se font sous la responsabilité du signataire du bon de manutention, notamment en ce qui concerne les points de levage, la position du bateau, la solidité des superstructures, des œuvres vives ».

Devant la cour d'appel de Montpellier, statuant sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier, la Capitainerie de [Localité 4] et la SAMCL ont soutenu pour la première fois que «'seules les juridictions administratives sont compétentes pour juger de la légalité d'un règlement émanant d'une personne morale de droit privé gérant un service public industriel et commercial et concernant l'organisation du service'».

Au vu de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 13 janvier 2021 la Capitainerie de [Localité 4] et la SAMCL ont formé un pourvoi au motif pris « qu'en réputant « non écrite » la « clause » d'exclusion de responsabilité régissant les contrats conclus avec les usagers du port de plaisance de [Localité 4], sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si celle-ci ne présentait pas un caractère réglementaire, de sorte que les juridictions de l'ordre judiciaire ne pouvaient en apprécier la légalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et du principe de la séparation des pouvoirs. ».

Par arrêt du 1er juin 2022, déclarant recevable et bien-fondé le moyen soulevé par la Capitainerie de [Localité 4] et la SAMCL, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt susvisé en toutes ses dispositions.

Devant la présente cour de renvoi, M. X. et la société SAMM La Méditerranée, prenant acte de l'arrêt de cassation, sollicitent ainsi désormais qu'il soit jugé «'qu'il existe une difficulté sérieuse quant au caractère réglementaire de la clause insérée au sein du règlement intérieur de la capitainerie relevant de la compétence du Tribunal administratif'» et qu'il soit jugé «'qu'il appartient au juge administratif d'apprécier le caractère réglementaire de la clause litigieuse, et le cas échéant, de se prononcer sur la légalité de la clause '», reprenant à leur compte l'argumentation de la Capitainerie de [Localité 4] et de la SAMCL.

La Capitainerie de [Localité 4] et son assureur SMACL, après avoir abandonné leur moyen tendant à renvoyer aux juridictions administratives l'appréciation de la légalité du règlement, soulèvent l'irrecevabilité de la question préjudicielle soutenue par M. X. et la société SAMM La Méditerranée au motif que s'agissant d'une exception de procédure elle aurait dû être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir en application des articles 73 et 74 du code de procédure civile.

Ainsi, aux termes de l'article 73 du code de procédure civile constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.

Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, conformément à l'article 74 du code de procédure civile.

La demande de transmission d'une question préjudicielle à la juridiction administrative, en ce qu'elle tend à suspendre le cours de la procédure devant le juge judiciaire jusqu'à la décision administrative, constitue une exception de procédure devant être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Par ailleurs, il a été jugé que la cassation d'un arrêt « dans toutes ses dispositions » remet la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et ne laisse rien subsister de la décision ainsi cassée et que la cour de renvoi est tenue dans ces conditions d'examiner tous les moyens soulevés devant elle, quels que soient le ou les moyens qui avaient entraîné la cassation (Cass., 2e civ., 13 juillet 2006).

Il en résulte que le sursis invoqué devant la présente cour par M. X. et la société SAMM La Méditerranée en vue de solliciter de la juridiction judiciaire qu'elle transmette à la juridiction administrative une question relevant de sa compétence est irrecevable dès lors que cette exception, abstraction faite de l'arrêt annulé, a été introduite aux débats devant la présente cour aux termes des conclusions d'appel de M. X. et de la société SAMM La Méditerranée postérieurement aux conclusions prises sur le fond devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

M. X. et la société SAMM La Méditerranée soulèvent à cet égard les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile aux termes desquelles nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

Au-delà des contradictions ressortant de la comparaison entre les moyens soulevés par la Capitainerie de [Localité 4] et la SAMCL devant la cour d'appel initialement saisie et les moyens soulevés devant la présente cour, il ne saurait en revanche être déduit de contradiction entre l'exception d'incompétence soulevée initialement par la Capitainerie de [Localité 4] et son assureur devant le tribunal administratif de Montpellier, s'agissant de l'entier litige, et du moyen relevant de la question préjudicielle, laquelle est nécessairement limitée à un point de débat, sans exclure la compétence de principe des juridictions judiciaires.

Il n'y a donc pas lieu de retenir la théorie de l'estoppel au cas particulier sur ce seul fondement.

En tout état de cause, s'agissant d'un sursis à statuer imposé par la loi, il résulte de la combinaison des articles 49 et 378 du code de procédure civile que le juge judiciaire doit surseoir à statuer lorsqu'il a à connaître d'un moyen de défense relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction de sorte que les contradictions de la Capitainerie de [Localité 4] et de son assureur sont sans effet sur la procédure, le moyen tiré de l'interprétation des clauses litigieuses étant aux débats.

 

Sur la nécessité de la question préjudicielle :

Ainsi, en application de l'article 49 du code de procédure civile le juge de l'action est également juge de l'exception. Néanmoins, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre 1er du livre III du code de justice administrative et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.

Il en résulte que le juge judiciaire est tenu de saisir la juridiction administrative dès lors qu'une clause litigieuse présente un caractère réglementaire relevant de l'appréciation de ces juridictions et dès lors que cette clause a une incidence sur la solution du litige et pose une difficulté sérieuse en l'absence de jurisprudence établie.

En l'espèce, les parties ne contestent pas le caractère réglementaire des documents intitulés règlements de fonctionnement fixant les modalités des rapports entre la Capitainerie de [Localité 4] exploitée en régie par la commune de Frontignan, et les usagers.

Or, le règlement de service ne doit pas comporter de clauses considérées comme abusives dans les relations entre un professionnel et un consommateur par les articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation (devenus L. 212-1 et suivants du code de la consommation ) étant rappelé que par arrêt du 11 juillet 2001 la section du contentieux du Conseil d'Etat, dans une décision dite Société des Eaux du Nord, a procédé à une intégration du droit des clauses abusives à la légalité administrative, et qu'il a été jugé que s'agissant de dispositions d'ordre public, le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (CJCE, 4 juin 2009, CJCE, 27 juin 2000).

Ainsi, il appartient à la juridiction administrative, seule compétente pour apprécier la légalité du règlement d'un service public définissant les relations entre l'exploitant du service et les usagers de celui-ci, d'apprécier le caractère abusif de ces clauses, au sens du code de la consommation, en présence d'une difficulté sérieuse et en l'absence d'une jurisprudence établie.

Au cas particulier, il apparaît que les clauses 2 de l'arrêté du 5 janvier 2007, 4 et 8 du règlement du 23 février 2007, en ce qu'elles conditionnent l'appréciation de la responsabilité de chacune des parties dans le dommage survenu au bateau à la suite de sa chute, conditionnent également la solution du litige.

Le reconnaissance de responsabilité invoquée par M. X. pour exclure l'application de ces clauses, en ce qu'elle présente un caractère équivoque et non explicite, n'est pas de nature à écarter le débat relatif à l'interprétation desdites clauses..

En outre, les parties, au-delà de leur interprétation personnelle des clauses litigieuses, ne justifient pas que le juge judiciaire puisse se fonder sur une jurisprudence établie du Conseil d'Etat en la matière pour statuer sur leur l'interprétation.

En conséquence, il y a lieu de surseoir à statuer sur les prétentions des parties ainsi que sur l'examen des frais et dépens en l'attente qu'il soit statué sur la question posée à la juridiction administrative en ces termes :

« Vu l'article 49 du code de procédure civile,

Vu l'article L.132-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l'arrêté du 5 janvier 2007 intitulé « Règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance » et au règlement du 23 février 2007 intitulé « Règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance-Organisation du service »,

Vu l'arrêté du 5 janvier 2007,

Vu le règlement du 23 février 2007,

Dire si les clauses 2 de l'arrêté du 5 janvier 2007, 4 et 8 du règlement du 23 février 2007 présentent le caractère de clauses abusives au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur à ces dates, à la lumière de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de ces textes ainsi qu'à la lumière des autres clauses contenues à l'arrêté et au règlement ».

Il convient de préciser que la question préjudicielle est limitée à la question ainsi posée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Dit irrecevable l'exception de procédure soulevée par M. X. et la société SAMM La Méditerranée,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel soulevée par M. X. et la société SAMM La Méditerranée,

Sursoit à statuer sur les demandes des parties ainsi que sur l'examen des frais et dépens en l'attente qu'il soit statué sur la question posée au tribunal administratif de Montpellier en ces termes :

« Vu l'article 49 du code de procédure civile,

Vu l'article L.132-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l'arrêté du 5 janvier 2007 intitulé «'Règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance'» et au règlement du 23 février 2007 intitulé «'Règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance-Organisation du service'»,

Vu l'arrêté du 5 janvier 2007,

Vu le règlement du 23 février 2007,

Dire si les clauses 2 de l'arrêté du 5 janvier 2007, 4 et 8 du règlement du 23 février 2007 présentent le caractère de clauses abusives au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur à ces dates, notamment à la lumière de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de ces textes ainsi qu'à la lumière des autres clauses contenues à l'arrêté et au règlement »,

Dit que la question préjudicielle est limitée à la question ainsi posée,

Dit que le tribunal administratif de Montpellier sera saisi directement par le présent arrêt,

Rappelle que l'instance sera poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence de la cour à l'expiration du sursis.

LE GREFFIER                                LA PRÉSIDENTE