TI PERPIGNAN, 14 novembre 1997
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 107
TI PERPIGNAN, 14 novembre 1997 : RG n° 97/000215
(sur appel CA Montpellier (1re ch. D), 7 septembre 1999 : RG n° 98/0000683 et sur pourvoi Civ. 1re, 13 novembre 2002 : pourvoi n° 99/20407)
Extrait : « Or, les conditions générales du contrat prévoient qu’au titre des frais de gestion, sont déduits des sommes versées la première année, 6,7 % du cumul des versements annuels prévus à la souscription. Cette déduction se calcule non sur les sommes effectivement versées mais sur les sommes dont le versement est prévu lors de la souscription même si elles n’ont pas été versées. Il s’en suit que les frais de gestion peuvent, comme en l’espèce, être supérieurs au montant versé annihilant ainsi l’objet même du contrat qui a pour objet de valoriser une épargne. S’il est naturel qu’une société financière prélève des frais de gestion, encore faut-il que ces frais soient proportionnés à l’épargne effectivement gérée, ce qui n’est pas le cas puisque les frais réclamés par la SA UAP sont déconnectés des sommes versées.
Cette clause crée un avantage significatif au profit de la SA UAP VIE, professionnelle de l’épargne, laquelle du fait de sa position économique est en mesure de l’imposer aux épargnants lesquels sont mis en possession de documents contractuels mettant l’accent sur la disponibilité de leur épargne mais se gardant bien de mettre en exergue la différence entre d’une part, les sommes versées, et d’autre part, les sommes effectivement inscrites au contrat après déduction des frais de gestion et dont ils ont la libre disposition. Dès lors, la clause relative aux frais de gestion du fait de son caractère abusif doit être réputée non écrite et la SA UAP doit verser à M. X. la somme de 25.000 francs valorisée conformément au contrat. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PERPIGNAN
JUGEMENT DU 14 NOVEMBRE 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 11-97-000215.
DEMANDEUR(S) :
M. X.
né le [date] à [ville] demeurant [adresse], Représentée par la SCP NICOLAU, avocats au barreau des PYRÉNÉES ORIENTALES
DÉFENDEUR(s) :
La Compagnie UAP VIE,
Société Anonyme à directoire et Conseil de surveillance, Entreprise régie par le Code des Assurances, et pour elle son Président Directeur Général en exercice domicilié es qualité, dont le siège social est [adresse] Représentée par la SCP SAGARD - CODERCH HERRE - ARIES, avocats au barreau des PYRÉNÉES ORIENTALES
COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : Rémi BAROUSSE - GREFFIER : Marie-Claude ALBA.
SAISINE : Assignation en date du 4 février 1997, délivrée par la SCP LAVANDIER - BUNEL, Huissier de Justice à PARIS ; 1ère Audience : 14 mars 1997.
DÉBATS : Audience Publique du 3 octobre 1997 ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. X. a souscrit le 11 mars 1992 auprès de la SA UAP VIE un contrat de capitalisation au porteur intitulé « Plan Modulor - Modul 1» qui prévoyait un versement annuel régulier pendant 15 ans de la somme de 25.000 francs.
Il était prévu que la somme inscrite au contrat était valorisée chaque mois au minimum au taux annuel de 4,5 %.
Il était stipulé en outre d’une part, que les versements effectués au cours de la première année sont portés au contrat sous déduction d’une somme égale à 6,7 % du cumul des versements annuels prévus à la souscription, d’autre part, qu’à toute époque, la somme inscrite au contrat est disponible en totalité.
Lors de la souscription, M. X. a versé la somme de 25.000 francs puis n’a plus rien versé.
Sollicité par M. X. qui réclamait le 24 septembre 1996 le remboursement du capital versé, la SA UAP VIE s’y est refusée au motif que les frais de gestion sont supérieurs à la somme versée.
Par acte d’huissier de justice du 4 février 1997, M. X. a fait citer la SA UAP VIE devant le tribunal d’instance de Perpignan aux fins d’obtenir, aux termes de l’acte introductif d’instance et des conclusions postérieures, le paiement en application des dispositions contractuelles de la somme de 25.000 francs augmentée des intérêts dus en vertu du contrat, en se fondant soit sur la nullité du contrat pour dol, soit sur la nullité en raison de son caractère abusif de la clause du contrat relative aux frais de gestion.
Il réclame en outre la somme de 4.500 francs à titre de dommages-intérêts, l’exécution provisoire du jugement à intervenir ainsi que la somme de 5.000 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il expose les arguments suivants :
- le contrat ne prévoit nullement que les frais sont prélevés intégralement sur les versements effectués la première année,
- il y est annoncé que l’épargne est disponible en totalité à toute époque,
- en qualité de consommateur moyen, il ne pouvait deviner que son premier versement était absorbé entièrement par les frais de gestion,
- son consentement a été surpris et il n’aurait jamais accepté de signer le contrat si les effets de ses clauses étaient apparus clairement,
- en n’attirant son attention sur cette clause la SA UAP a manqué à son obligation précontractuelle de renseignement,
- la clause relative aux fiais de gestion constitue une clause abusive que le juge a le pouvoir d’annuler même en l’absence de décret la consacrant comme telle.
La SA UAP VIE conclut au débouté en faisant valoir les arguments suivants :
- la somme de 25.000 francs versée par M. X. ne permet pas de couvrir les frais de gestion prévu au contrat,
- aux termes des dispositions contractuelles les frais de gestion s’élèvent à 6,7 % du cumul [minute page 3] des versements annuels réguliers prévus au contrat et pendant la durée prévue, soit 375.000 francs (25.000 x 15) x 0,067, soit en définitive 25.125 francs,
- M. X. était parfaitement informé des conditions du contrat par la proposition d’assurance à laquelle est joint le tableau de valeur de rachat et par les conditions générales,
- la clause relative au frais de gestion qui est claire et précise, n’a aucun caractère abusif.
Elle réclame en outre la somme de 4.500 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, sont réputés non écrites les clauses abusives qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les seuls documents contractuels dont la remise à M. X. est établie sont la demande de souscription jointe aux conditions générales et les conditions particulières.
Or, les conditions générales du contrat prévoient qu’au titre des frais de gestion, sont déduits des sommes versées la première année, 6,7 % du cumul des versements annuels prévus à la souscription.
Cette déduction se calcule non sur les sommes effectivement versées mais sur les sommes dont le versement est prévu lors de la souscription même si elles n’ont pas été versées. Il s’en suit que les frais de gestion peuvent, comme en l’espèce, être supérieurs au montant versé annihilant ainsi l’objet même du contrat qui a pour objet de valoriser une épargne. S’il est naturel qu’une société financière prélève des frais de gestion, encore faut-il que ces frais soient proportionnés à l’épargne effectivement gérée, ce qui n’est pas le cas puisque les frais réclamés par la SA UAP sont déconnectés des sommes versées.
Cette clause crée un avantage significatif au profit de la SA UAP VIE, professionnelle de l’épargne, laquelle du fait de sa position économique est en mesure de l’imposer aux épargnants lesquels sont mis en possession de documents contractuels mettant l’accent sur la disponibilité de leur épargne mais se gardant bien de mettre en exergue la différence entre d’une part, les sommes versées, et d’autre part, les sommes effectivement inscrites au contrat après déduction des frais de gestion et dont ils ont la libre disposition.
Dès lors, la clause relative aux frais de gestion du fait de son caractère abusif doit être réputée non écrite et la SA UAP doit verser à M. X. la somme de 25.000 francs valorisée conformément au contrat.
En vertu de l’article 1153 du Code civil, les intérêts moratoires sur la somme réclamée sont dues à compter de la sommation de payer ou de tout acte équivalent.
En conséquence, il convient de condamner la SA UAP VIE à payer à M. X. la somme de 25.000 flancs augmentée des intérêts calculés conformément aux dispositions contractuelles avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1996, date de la mise en demeure.
La mauvaise foi ou l’intention de nuire n’étant pas démontrée, la demande de dommages- [minute page 4] intérêts sera rejetée.
La nature de l’affaire ne justifie pas l’exécution provisoire du présent jugement.
Il parait inéquitable de laisser à la charge de M. X. l’intégralité des frais exposés et non compris dans les dépens. Il convient donc de condamner la SA UAP VIE à lui payer la somme de 3.500 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE non écrite la clause des conditions générales du contrat « Plan Modulor Modul 1 » relative aux frais de gestion
CONDAMNE la SA UAP VIE à payer à M. X. la somme de 25.000 francs augmentée des intérêts calculés conformément aux dispositions contractuelles avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1996
REJETTE la demande de dommages-intérêts
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision
CONDAMNE la SA UAP VIE à payer à M. X. la somme de 3.500 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile
CONDAMNE la SA UAP VIE aux dépens
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus et, Nous, Juge d’instance, avons signé avec le Greffier.
Le juge d’instance Le greffier
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