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TI PONTOISE, 30 novembre 1999

Nature : Décision
Titre : TI PONTOISE, 30 novembre 1999
Pays : France
Juridiction : Pontoise (TI)
Demande : 99/000617
Décision : 1245/99
Date : 30/11/1999
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 26/05/1999
Décision antérieure : CA VERSAILLES (1re ch. B), 23 novembre 2001
Numéro de la décision : 1245
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 111

TI PONTOISE, 30 novembre 1999 : RG n° 99/000617 ; jugement n° 1245/99

(sur appel CA Versailles (1re ch. B), 23 novembre 2001 : RG n° 2000/1267 )

 

Extrait : « Attendu qu'il apparaît que la disposition de [la] police qui stipule que chaque période indemnisable ne peut excéder vingt et un mois de chômage continu (soit dix huit mensualités) a pour unique but d'empêcher une fraude éventuelle qui consisterait pour le bénéficiaire à « s'installer dans une situation de demandeur d'emploi jusqu'à épuisement du plafond de garantie de trente six mois » ; Attendu en l'espèce qu'il est indéniable que tel n'est pas le cas de Monsieur X. ; Attendu qu'il en résulte que l'application de la clause, selon laquelle l'indemnisation de l'assureur est limitée pour chaque assuré à vingt et un mois de chômage continu par période indemnisée soit dix huit mensualités au lieu du plafond de trente six mois au total, apparaît en l'espèce abusive dans le cas de Monsieur X. celui-ci se trouvant du fait de sa situation personnelle et notamment de son âge dans l'incapacité de retrouver un emploi ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE PONTOISE

JUGEMENT DU 30 NOVEMBRE 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-99-000617. Jugement n° 1245/099. Décision contradictoire. A l'audience publique du Tribunal, tenue le Mardi 30 novembre 1999 ; sous la présidence de Marie-Claire de NONNEVILLE, Juge d'instance, assistée de Evelyne FOUCAULT ;

DANS L'AFFAIRE QUI OPPOSE :

 

LE DEMANDEUR :

Monsieur X.

[adresse], représenté par Maître GALDOS DEL CARPIO, avocat au barreau de PARIS

 

AUX DÉFENDEURS :

- COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN

[adresse], représenté(e) par SCP FARGE, COLAS et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PONTOISE

- Société DE PRÉVOYANCE BANCAIRE

[adresse], représenté(e) par SCP FARGE, COLAS et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PONTOISE

dont le Tribunal a été saisi le 2 juin 1999 par Assignation du 26 mai 1999, et qui a été évoquée à l'audience du 12 octobre 1999 ;

Après que les formalités des articles 430 du Nouveau code de procédure civile aient été respectées, le Tribunal a prononcé la décision suivante, au nom du Peuple Français :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par acte en date du 26 mai 1999, Monsieur X. a cité à comparaître la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN et la SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE BANCAIRE pour voir constater qu'il justifiait de l'incapacité de retrouver un emploi ;

Voir dire que compte tenu de sa situation l'application de la clause figurant à la police, suivant laquelle l'indemnisation de l'assureur est limitée pour chaque assuré à vingt et un mois de chômage continu par période indemnisée (soit dix huit mensualités), est abusive ;

En conséquence :

- dire que cette clause ne doit pas trouver application en l'espèce ;

- condamner la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN à lui accorder sa garantie dans les limites de trente six mensualités au lieu de dix huit ;

- rendre le jugement commun et opposable à la SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE BANCAIRE ;

L'exécution provisoire étant requise ;

A l'appui de sa demande Monsieur X. expose

- qu'il a fait l'acquisition avec son épouse d'un appartement sis à [adresse] qui constitue leur résidence principale ;

- que l'acte de vente a été placé devant notaire le 21 juillet 1988, que pour financer cette opération, ils ont souscrit un emprunt auprès de la BNP comprenant deux tranches à savoir :

* une tranche de 160.000 Francs d'une durée de remboursement de quatre vingt quatre mois rentrant dans le cadre des dispositions légales réglementaires relatives à l'épargne logement ;

* une tranche de 200.000 Francs d'une durée de remboursement de cent quatre vingt mois consentie dans le cas des prêts exigibles remboursable par versements constants ;

- que ce prêt était destiné à compléter un apport de 175.000 Francs au moyen de leurs deniers personnels ;

- que le contrat de prêt a été signé le 20 juin 1988 ;

Monsieur X. ajoute :

- [minute page 3] qu'en annexe de ce contrat de prêt il a souscrit auprès de la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN une assurance perte d'emploi sur prêts immobiliers ;

- que la première tranche de 160.000 Francs a été remboursée intégralement sans aucun incident de retard ;

- que le 21 octobre 1996 alors qu'il était administrateur du Centre Culturel Algérien à Paris, il a fait l'objet comme d'autres salariés d'un licenciement économique et se trouve depuis lors sans emploi ;

Que c'est dans ces conditions qu'il a effectué une déclaration de sinistre auprès de la SPB (SOCIÉTÉ DE PREVOYANCE BANCAIRE) qui gère le dossier pour le compte de la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN ;

- qu'en application de la police souscrite la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN a donc pris en charge les échéances mensuelles du prêt immobilier souscrit auprès de la BNP ;

- que toutefois l'assureur a cessé d'accorder sa garantie après avoir versé dix huit indemnités mensuelles tout en continuant à prélever mensuellement la cotisation due au titre de l'assurance perte d'emploi ;

Invoquant l'article 8 de la police Monsieur X. précise qu'il a signifié à son assureur par l'intermédiaire du courtier SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE BANCAIRE qu'il entendait bénéficier du plafond de garantie limité à trente six mois et non à dix huit mois compte tenu de sa situation ;

Que devant le refus oppose par l'assureur il est contraint de s'adresser à la justice ;

Monsieur X. fait valoir :

- que depuis son licenciement (licenciement collectif pour cause économique) il a été, compte tenu de son âge et de sa qualification, dispensé de recherche d'emploi par les ASSEDIC ;

- qu'il a toutefois adressé plus d'une centaine de demandes d'emploi à différents organismes, associations et établissements publics et privés qui n'ont pas reçu de réponse positive de telle sorte qu'âgé de plus de 61 ans il n'a plus aucun espoir de retrouver un autre emploi ;

- que par ailleurs en raison de l'insuffisance de ses cotisations à l'assurance vieillesse il ne pourra prétendre à toucher une retraite avant l'âge de 65 ans, il estime que la clause de la police selon laquelle l'assureur limite l'indemnisation à trente six indemnités mensuelles est source d'injustice puisque bien qu'ayant payé les primes correspondantes voit en réalité le plafond de garantie limité par l'assureur à dix huit mensualités au lieu de trente six ;

[minute page 4] Monsieur X. soutient que la commune intention, des parties a été qu'il soit assuré contre le risque de perte d'emploi avec un plafond de trente six mensualités ;

Qu'en l'espèce il n'a commis aucune fraude ;

A l'audience les défenderesses sont représentées ;

Par voie de conclusions, elles demandent que soit ordonnée la mise hors de cause de la SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE BANCAIRE et que Monsieur X. soit débouté de ses fins et demandes ;

La société COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN réclame la condamnation de Monsieur X. à lui payer une indemnité de 5.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

Les défenderesses précisent en effet que la SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE BANCAIRE a uniquement la qualité de mandataire intermédiaire entre Monsieur X. et la société COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN ; qu'elle n'est donc débitrice d'aucune obligation envers Monsieur X. ;

La société COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN relève que Monsieur X. a fait l'objet d'une période continue de chômage puisqu'il n'a jamais repris d'emploi et qu'il a perçu les dix huit mensualités prévues à la police ;

Elle considère que la prétention de Monsieur X. est dénuée de tout fondement, celui-ci ne pouvant exiger le bénéfice d'une stipulation contractuelle inapplicable à sa situation ;

Que dans le cas contraire il s'agirait d'une dénaturation totale de la garantie prévue à la police d'assurance ;

Elle précise que compte tenu de l'âge de Monsieur X. et de la dispense de recherche d'un emploi qui lui a été reconnue parles ASSEDIC, il a été procédé à la résiliation de l'adhésion de Monsieur X. le 26 février 1999, ce dans la mesure où il ne pouvait à nouveau au titre de la garantie de perte d'emploi être indemnisé une nouvelle période de chômage ; qu'il est ainsi apparu judicieux de résilier l'adhésion plutôt que de prélever une cotisation chaque mois qui se serait révélée sans cause ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que la SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE BANCAIRE a la qualité de mandataire intermédiaire entre Monsieur X. et la société COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN ; qu'ainsi elle n'est débitrice d'aucune obligation envers Monsieur X. ;           

[minute page 5] Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu d'ordonner sa mise hors de cause ;

Attendu qu'au soutien de ses demandes Monsieur X. fait valoir qu'à la suite de son licenciement du 21 octobre 1996, il s'est trouvé dans l'incapacité totale de retrouver un emploi ; qu'il doit dès lors bénéficier du plafond de garantie limité à trente six mois et non à dix huit mois compte tenu de sa situation ;

Attendu que la dite police prévoit au titre de la garantie perte d'emploi deux situations distinctes :

- soit une période de chômage continu ouvrant droit à la prise en charge maximum de dix huit mensualités successives ;

- soit au cas de succession de périodes d'emploi et de chômage, la prise en charge de cinq périodes différentes de chômage dans la limite maximum de trente six mensualités ;

Attendu qu'il ressort des pièces et documents versés aux débats

- que Monsieur X. qui était administrateur du Centre Culturel Algérien à Paris a fait l'objet le 21 octobre 1996 d'un licenciement économique et se trouve depuis lors, sans emploi, qu'il y a lieu de souligner qu'il a été, compte tenu de son âge et de sa qualification, dispensé de recherche d'emploi par les ASSEDIC ;

- que toutefois il a adressé plus d'une fois plus d'une centaine de demandes d'emploi à différents organismes, associations et établissements publics et privés qui n'ont pas reçu de réponse positive de telle sorte que Monsieur X. âgé de plus de 61 ans n'a plus aucun espoir de retrouver un autre emploi ;

Attendu par ailleurs que Monsieur X., en raison de l'insuffisance de ses cotisations à l'assurance vieillesse ne peut prétendre à toucher une retraite avant l'âge de 65 ans ;

Attendu ainsi qu'il apparaît effectivement injuste que Monsieur X., qui bien qu'ayant payé les primes correspondantes voit en réalité le plafond de garantie limité par l'assureur à dix huit mensualités au lieu de trente six, alors qu'il y a lieu de relever que le contrat de prêt dont la dite assurance est une annexe, a été signé le 20 juin 1988 et que Monsieur X. n'a bénéficié auparavant d'aucune période de chômage ;

Attendu que l'article 9 de la police versée aux débats portant sur la cessation des garanties et des prestations précise que les garanties du contrat et le service des prestations prennent fin pour chaque assuré à la date de cessation de son adhésion et en tout état de cause :

- paragraphe A : cessation des garanties à la date de retraite ou de mise en préretraite au plus tard au 31 décembre de l'année en cours de laquelle l'assuré atteint l'âge de 65 ans ;

- [minute page 6] à l'issue de cinq périodes différentes de chômage indemnisées et au plus tard lorsque les indemnités mensuelles ont été versées pendant trente six mois ;

Attendu ainsi que, contrairement à ce qu'indique la société COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN, les clauses de la police ne sont pas dénuées d'ambiguïté tout au moins pour le commun des mortels dont en l'espèce le souscripteur Monsieur X. ;

Attendu qu'il appartient dans ces conditions au juge de rechercher la commune intention des parties ;

Attendu qu'il apparaît que la disposition de police qui stipule que chaque période indemnisable ne peut excéder vingt et un mois de chômage continu (soit dix huit mensualités) a pour unique but d'empêcher une fraude éventuelle qui consisterait pour le bénéficiaire à « s'installer dans une situation de demandeur d'emploi jusqu'à épuisement du plafond de garantie de trente six mois » ;

Attendu en l'espèce qu'il est indéniable que tel n'est pas le cas de Monsieur X. ;

Attendu qu'il en résulte que l'application de la clause, selon laquelle l'indemnisation de l'assureur est limitée pour chaque assuré à vingt et un mois de chômage continu par période indemnisée soit dix huit mensualités au lieu du plafond de trente six mois au total, apparaît en l'espèce abusive dans le cas de Monsieur X. celui-ci se trouvant du fait de sa situation personnelle et notamment de son âge dans l'incapacité de retrouver un emploi       

Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu de faire application de l'article 1134 du code civil et de dire que la société COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN doit accorder sa garantie jusqu'au plafond de trente six indemnités mensuelles soit un complément de dix huit indemnités mensuelles de 1.500 Francs chacune ;

Attendu en outre qu'il y a lieu de dire la résiliation intervenue unilatéralement malgré les protestations de Monsieur X. nulle et non avenue ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X. la totalité des frais irrépétibles qu'il a été obligé d'engager dans la présente procédure qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité de 4.000 Francs ;

Attendu que l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, il y a lieu de l'ordonner ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort :

[minute page 7] Dit la SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE BANCAIRE hors de cause ;

Vu l'article 1134 du code civil, constate que Monsieur X. justifie être dans l'incapacité de retrouver un emploi ;

Dit que compte tenu de la situation de Monsieur X. l'application de la clause figurant à la police selon laquelle l'indemnisation de l'assureur est limitée pour chaque assuré à vingt et un mois de chômage continu par période indemnisée soit dix huit mensualités est abusive ;

En conséquence dit que cette clause ne doit pas trouver application en l'espèce ;

Condamne la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN à accorder sa garantie à Monsieur X. dans la limite de trente six mensualités au lieu de dix huit ;

Dit la résiliation de Monsieur X. au 26 février 1999 nulle et non avenue ;

Condamne la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN à payer à Monsieur X. la somme de (quatre milles Francs) 4.000 Francs (609,80 Euros) au titre de l'application de l'article 700 NCPC ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamne la COMPAGNIE D'ASSURANCE GAN aux entiers dépens ;

Ainsi jugé et prononcé à Pontoise ce jour.

Le Greffier.      Le Juge d'Instance.