T. COM. LYON, 17 novembre 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1116
T. COM. LYON, 17 novembre 2000 : RG n° 99J03965
(sur appel : CA Lyon (3e ch. civ.), 26 juin 2002 : RG n° 00/07358 ; arrêt n° 2832)
Extrait : « Attendu que si par quelques décisions, la Cour de Cassation a reconnu applicables les articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation aux professionnels lorsqu'ils agissent en dehors de leur domaine de compétence, la jurisprudence exclut actuellement de la protection légale les contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant, même en dehors de leur compétence spécialisée, Attendu que, selon la jurisprudence, le lien direct réside dans le fait que le contrat a été conclu dans la perspective d'assurer la sécurité du fonds de commerce afin, notamment de limiter les coûts résultant d'actes de malveillance, Attendu que le Tribunal rejettera le moyen soulevé par Monsieur X. quant au caractère abusif des clauses contractuelles. »
TRIBUNAL DE COMMERCE DE LYON
JUGEMENT DU 17 NOVEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 99J03965. Le Tribunal a été saisi de la présente affaire par assignation en date du 08 octobre 1999. La cause a été entendue à l'audience du 06 octobre 2000 à laquelle siégeaient : Madame SIMONET, Président, Monsieur LIMOUZI et Monsieur RENAVENT, Juges, assistés de : Monsieur LACHAL, Greffier, après quoi les Juges sus-nommés en ont délibéré pour rendre ce jour la présente décision :
ENTRE :
la société KBC LEASE FRANCE anciennement dénommée SOCREA LOCATION
[adresse], DEMANDEUR, représenté par Maître Michel JALLOT Avocat - Toque n° 691 [adresse]
ET :
- Monsieur X. « X. [prénom] »
[adresse], DÉFENDEUR, représenté par Maître MOPPON Gérard Avocat - Toque n° 457 [adresse]
- la société COMPAGNIE EUROPÉENNE DE TÉLÉSÉCURITÉ (CET) SA
[adresse], DÉFENDEUR, représenté par Maître NICOLET André Avocat - Toque n° 737 [adresse]
Frais de Greffe compris dans les dépens (Art. 701 du NCPC) : 348,7 Francs HT - 68,35 Francs TVA - 417,05 Francs TTC.
[minute page 2] LE TRIBUNAL, composé de Madame SIMONET, présidant l'audience, de Monsieur LIMOUZI et de Monsieur RENAVENT, en ayant délibéré, après que les parties en aient débattu dans les conditions prévues au calendrier de procédure convenu entre elles et le Tribunal, il est rendu le jugement suivant.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - EXPOSÉ DES FAITS, MOYENS ET PROCÉDURE :
LES FAITS :
La société CROISE LAROCHE a consenti à Monsieur X. un contrat de location financière en date du 15 novembre 1997, portant sur un matériel de télésurveillance fourni et installé par la société CET, avec laquelle un contrat de télésurveillance a été signé le même jour.
L'installation a porté sur l'ensemble des bâtiments de l'exploitation viticole et le magasin de Monsieur X. Ce dernier, jugeant les installations défectueuses, a, par courrier recommandé avec accusé de réception adressé le 5 novembre 1998 à la société CET, demandé la résiliation du contrat de télésurveillance souscrit par lui pour sa maison d'habitation dont certains locaux sont utilisés pour l'exploitation viticole, la suspension des règlements mensuels à la société SOCREA LOCATION, et proposé la restitution du matériel.
Par courrier du 6 janvier 1999, la société CET a répondu par un refus à ces demandes, rappelant que le contrat est conclu pour une durée de 48 mois ferme et irrévocable.
Malgré mises en demeure de la société SOCREA LOCATION (cessionnaire de la société CROISE LAROCHE) d'avoir à régulariser ses règlements, Monsieur X. ne s'est pas exécuté.
LA PROCÉDURE ET LES MOYENS :
Par acte d'huissier en date du 8 octobre 1999, la société KBC LEASE FRANCE (anciennement société SOCREA LOCATION) dont le siège social est [adresse], a assigné Monsieur X. exerçant une activité de négoce de vins et spiritueux sous l'enseigne [enseigne] demeurant [adresse], et d'autre part la société CET, dont le siège est [adresse], aux fins d'entendre le Tribunal de céans :
Vu les articles 1134, 1152 et 1147 du code civil,
- constater la résiliation du contrat souscrit le 15 novembre 1997 entre la requérante et Monsieur X. aux torts de Monsieur X.,
- condamner Monsieur X. à payer à la société KBC LEASE FRANCE :
* la somme en principal de 54.436,72 francs outre intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 1999,
* la somme de 8.000,00 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
* la somme de 5.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
- condamner Monsieur X. à restituer à la société KBC LEASE FRANCE le matériel objet du contrat de location sous astreinte de 2.000,00 Francs par jour de retard à compter du second jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- [minute page 3] ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution sur le fondement des articles 695 et 696 du NCPC,
- constater que la société CET, fournisseur et installateur du matériel, a été appelée en la cause,
- dire et juger qu'il sera statué contradictoirement et ce que de droit à son égard,
- condamner Monsieur X. aux entiers dépens de l'instance.
Pour sa défense, Monsieur X. invoque les moyens suivants :
- in limine litis, l'incompétence du Tribunal de céans, cette exception étant postérieurement abandonnée et confirmation de cet abandon étant donné à la barre,
- un lien de connexité entre les différentes procédures diligentées par la société KBC LEASE FRANCE devant le Tribunal de Grande Instance de Dijon, concernant d'autres sites d'exploitation de Monsieur X. et où a été également installé par la société CET un matériel de protection,
- l'irrecevabilité des demandes de la société KBC LEASE FRANCE pour défaut de qualité à agir, cette dernière ne justifiant pas de la réalité juridique des cessions intervenues et de leur opposabilité au locataire,
- la nullité du contrat de location en l'absence de cause, le loueur n'étant pas propriétaire du matériel, et par voie de conséquence, la nullité du contrat de télésurveillance, indissociable du premier contrat. Monsieur X., par voie de secondes conclusions, invoque l'erreur sur la nature des contrats en soulignant ne pas avoir été en possession du contrat de location et la présentation des contrats qui induit en erreur le signataire.
Enfin, par voie de conclusions n° 3, Monsieur X. sollicite de la société KBC LEASE FRANCE la production de l'agrément prévu à l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984 relatif à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.
Le caractère abusif des clauses figurant à l'article 6 alinéa 2 et à l'article 11 du contrat de location.
Se basant sur les résultats d'une étude confiée par lui à la société ELITECH, Monsieur X. conclut à l'inexécution des obligations contractuelles et à la justification de la suspension des loyers depuis la date du 5 novembre 1998.
A titre infiniment subsidiaire, Monsieur X. sollicite la réduction de la clause pénale selon l'article 1152 du code civil.
Monsieur X. ne s'oppose pas à la restitution du matériel à la société KBC LEASE FRANCE aux frais de cette dernière.
Monsieur X. sollicite la condamnation de la société KBC LEASE FRANCE à lui verser la somme de 10.000,00 francs au titre de l'article 700 du NCPC.
Par voie de conclusions, la société CET précise d'une part que Monsieur X. ne conteste pas avoir signé les contrats de location et d'abonnement de télésurveillance qu'il est censé avoir lus, et que d'autre part l'obligation de règlement mensuel avait pour cause la prestation de télésurveillance et de maintenance et la mise à disposition du matériel.
La société CET rejette l'application du code de la consommation, invoquant la jurisprudence de la Cour de Cassation.
[minute page 4] Quant à la qualité des prestations par elle fournies, la société CET souligne que Monsieur X. n'a jamais demandé l'intervention de techniciens, pas plus qu'il n'a invoqué dans sa lettre de résiliation un quelconque dysfonctionnement de l'installation.
En outre, la société CET conteste le contenu du rapport dressé par la société ELITECH et regrette que cette dernière, en vertu du principe du contradictoire, ne l'ait pas invitée à participer aux visites des lieux.
La société CET, par voie reconventionnelle, sollicite la condamnation de Monsieur X. à lui payer la somme de 30.000,00 francs à titre de dommages et intérêts, la somme de 20.000,00 francs en vertu de l'article 700 du NCPC.
Elle sollicite également outre la condamnation de Monsieur X., l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
La société KBC LEASE FRANCE confirme les termes de son exploit introductif d'instance en soulignant que :
- par l'apposition de sa signature, de son cachet commercial et de la mention « lu et approuvé », Monsieur X. avait parfaitement connaissance de la portée de ses engagements,
- Monsieur X. a réglé 16 échéances contractuelles à la société KBC LEASE FRANCE, organisme de financement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II – DISCUSSION :
Des exceptions d'incompétence du Tribunal de Commerce de Lyon et de connexité :
Attendu que le Tribunal prend acte de l'abandon, par Monsieur X., de l'exception d'incompétence et de connexité soulevée par ses soins in limine litis.
De l'absence de qualité à agir de la société KBC LEASE France :
Attendu que le contrat de location, dans ses conditions générales article 16, prévoit la société SOCREA LOCATION dans l'énumération des sociétés susceptibles d'être cessionnaires du contrat,
Attendu que la société SOCREA LOCATION n'avait pas à prévenir Monsieur X. de l'opération intervenue entre elle et la société KBC LEASE FRANCE, pour qu'elle lui soit opposable,
Attendu que le Tribunal note que le conseil de Monsieur X. a, en réponse à la mise en demeure du 10 mars 1999, adressée par la société KBC LEASE FRANCE et son client, répondu à cette dernière sans formuler d'objection sur sa qualité à adresser ledit courrier,
Attendu que le Tribunal rejettera ce moyen.
De la nullité des contrats de location et de télésurveillance et de l'erreur commise par Monsieur X. sur la nature des contrats :
Attendu que le titre du contrat visé est « contrat de location » qui dans son article 1er précise qu'il s'agit d'une « mise à disposition » pour le loueur,
[minute page 5] Attendu qu'aucune clause contractuelle ne permet de qualifier ce contrat de crédit bail,
Attendu que la cause de ce contrat est la mise à disposition à Monsieur X. du matériel acheté à la société CET par la société SOCREA LOCATION (facture du 28 novembre 1997),
Attendu que Monsieur X. invoque une erreur évidente par la présentation des contrats et dit ne pas avoir été en possession d'un exemplaire,
Attendu que Monsieur X. exploite plusieurs sites viticoles, et à ce titre, est considéré comme un commerçant apposant sa signature en toute connaissance de cause,
Attendu que le contrat spécifie que le locataire reconnaît avoir reçu un exemplaire du présent contrat,
Attendu qu'il appartenait à Monsieur X. de réclamer un exemplaire même si la pratique utilisée de ne pas le laisser immédiatement après signature est critiquable,
Attendu que le Tribunal rappellera que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties,
Attendu que de surcroît, Monsieur X. a réglé onze mensualités, et laisse sous entendre une approbation tacite par ce dernier des engagements qu'il a souscrits,
Attendu que les contrats de location et de télésurveillance seront reconnus valables par le Tribunal.
Des clauses abusives :
Attendu que si par quelques décisions, la Cour de Cassation a reconnu applicables les articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation aux professionnels lorsqu'ils agissent en dehors de leur domaine de compétence, la jurisprudence exclut actuellement de la protection légale les contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant, même en dehors de leur compétence spécialisée,
Attendu que, selon la jurisprudence, le lien direct réside dans le fait que le contrat a été conclu dans la perspective d'assurer la sécurité du fonds de commerce afin, notamment de limiter les coûts résultant d'actes de malveillance,
Attendu que le Tribunal rejettera le moyen soulevé par Monsieur X. quant au caractère abusif des clauses contractuelles.
De l'exception d'inexécution :
Attendu l'absence du principe du contradictoire dans l'établissement par la société ELITECH de son rapport,
Attendu que si Monsieur X. dit avoir contacté sans succès téléphoniquement à maintes reprises les techniciens de la société CET, il lui appartenait de mettre en demeure, par écrit, la société CET d'avoir à intervenir, ce qui aurait constitué une preuve en la faveur de son mécontentement,
[minute page 6] Attendu qu'en de telles circonstances, il ne peut être fait état d'inexécution par la société C.E.T., Monsieur X. ne justifiant pas contradictoirement de la réalité de ses griefs.
Des demandes de la société KBC LEASE France :
Attendu les termes de l'article 11 du contrat signé par Monsieur X.,
Attendu que le Tribunal, constatant le non paiement des mensualités par Monsieur X., dira le contrat résilié de plein droit 8 jours après la mise en demeure du 22 juillet 1999, et condamnera Monsieur X. à payer à la société KBC LEASE FRANCE la somme de 6.271,20 francs TTC, correspondant au montant des loyers échus, outre intérêts au taux légal à dater du 15 juillet 1999,
Attendu que la demande représentant les échéances à échoir après le 22 juillet 1999 et l'indemnité forfaitaire est analysée comme une clause pénale que le Tribunal réduira en l'espèce à la somme de 18.200,00 francs hors taxes (soit 14 loyers de 1.300,00 francs hors taxes),
Attendu que le Tribunal rejettera la demande de la société KBC LEASE FRANCE de condamnation de la partie défenderesse à des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée, aucun préjudice n'étant justifié à ce titre,
Attendu que le Tribunal condamnera Monsieur X. à restituer à ses frais le matériel dans le délai de un mois après la signification du jugement sous une astreinte de 100,00 francs par jour de retard,
Attendu que le Tribunal se réservera le pouvoir de liquider ladite astreinte.
Des demandes de la société CET :
Attendu que le Tribunal constatera, par voie de conséquence, la résiliation anticipée du contrat de télésurveillance,
Attendu que la société CET ne justifie d'aucun préjudice commercial, le Tribunal rejettera sa demande de condamnation de Monsieur X. à des dommages et intérêts,
Attendu que le Tribunal ne jugera pas indispensable d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,
Attendu que toutes les autres demandes, moyens, fins ou conclusions contraires des parties seront jugées inutiles et/ou mal fondées et rejetées,
Attendu qu'il apparaît équitable d'accorder à chacune des sociétés KBC LEASE FRANCE et société CET la somme de 2.000,00 francs au titre de l'article 700 du NCPC,
Attendu que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL STATUANT PUBLIQUEMENT EN PREMIER RESSORT PAR DÉCISION CONTRADICTOIRE
PREND note que Monsieur X. abandonne l'exception d'incompétence et de connexité soulevée in limine litis,
CONSTATE l'appel en cause de la société CET par la société KBC LEASE FRANCE,
DIT valides les engagements contractuels souscrits par Monsieur X.,
CONSTATE la résiliation des contrats souscrits auprès des sociétés CROISE LAROCHE et CET aux torts de Monsieur X.,
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société KBC LEASE FRANCE la somme de 6.271,20 francs TTC outre intérêts au taux légal à dater du 15 juillet 1999,
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société KBC LEASE FRANCE la somme de 18.200,00 francs,
ORDONNE la restitution du matériel par Monsieur X., à ses frais, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, sous une astreinte de 100,00 francs par jour de retard,
SE RÉSERVE le droit de liquider ladite astreinte,
REJETTE la demande d'exécution provisoire,
CONDAMNE Monsieur X. à payer à chacune des société KBC LEASE FRANCE et société CET la somme de 2.000,00 francs au titre de l'article 700 du NCPC,
REJETTE comme inutiles et non fondés tous autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,
CONDAMNE Monsieur X. en tous les dépens.
Les dépens visés à l'article 701 du NCPC étant liquidés à la somme de 417,05 francs.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Commerce de LYON, le 17 novembre 2000.
Ainsi jugé et prononcé.
Le Président le Greffier
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- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel