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CA LYON (3e ch. civ.), 30 juin 2005

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. civ.), 30 juin 2005
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch. civ.
Demande : 03/05529
Date : 30/06/2005
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 17/07/2003
Décision antérieure : T. COM. LYON, 29 avril 2003
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1127

CA LYON (3e ch. civ.), 30 juin 2005 : RG n° 03/05529

Publication : Juris-Data n° 279898

 

Extraits : 1/ « que pour l'application, y compris volontaire de ce texte légal résultant de la volonté manifeste des parties de soumettre leurs rapports aux dispositions protectrices du code de la consommation, il convient au préalable de constater qu'il y a eu démarchage au domicile de la personne physique (et par exception à celui de la personne morale) ; […] ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de toute preuve d'un démarchage effectif au siège social de la SARL ARACHNEE Productions à l'issue duquel le contrat de vente aurait été conclu, celle-ci ne peut se prévaloir d'une application volontaire du code de la consommation, résultant de l'utilisation d'un imprimé de bon de commande mentionnant dans ses conditions générales de vente la faculté de rétractation du « client » (fût-il une personne morale) ».

2/ « Attendu que les dispositions de l'article L. 122-22 4° du code de la consommation (prévoyant l'application des articles L. 122-23 à L. 122-28 dudit code en cas d'absence de rapport direct entre le contrat souscrit et l'activité exercée par le commerçant) ne peuvent être invoquées avec succès par la SARL ARACHNEE Productions dès lors que le contrat de vente n'a pas été conclu à l'issue d'un démarchage effectif ; qu'au surplus le démarchage, à le supposer établi, aurait été accompli auprès d'une personne morale, ce qui rend également sans effet les dispositions légales susvisées ».

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUIN 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 03/05529. Nature du recours : Appel. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 29 avril 2003 - N° rôle : 2001 j 1016.

 

APPELANTE :

La Société ARACHNEE PRODUCTIONS, SAS

[adresse], représentée par Maître BARRIQUAND, avoué à la Cour, assistée de Maître Philippe CRETIER, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND

 

INTIMÉE :

La Société ALCOR MERCEDES BENZ, SAS

[adresse], représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour, assistée du CABINET LAMY LEXEL, avocats au barreau de LYON

 

Instruction clôturée le 1er mars 2005.

Audience publique du 26 mai 2005.

[minute page 2] LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller.

DÉBATS : à l'audience publique du 26 mai 2005.

GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle BASTIDE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 juin 2005, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile, signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle BASTIDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon bon de commande en date du 5 octobre 2000, la SARL ARACHNEE Productions devenue la SAS ARACHNEE Productions, société organisatrice de spectacles et de tournées d'artistes, a commandé à la SAS ALCOR-Mercédès-Benz, concessionnaire automobile, un véhicule automobile neuf de type C 320 « Avant-garde » d'un prix « remisé » de 330.000 francs. Un acompte de 30.000 francs a été versé par chèque bancaire à la SAS ALCOR-Mercédès-Benz. La SARL ARACHNEE Productions n'a pas pris livraison dudit véhicule disponible dans les locaux de la SAS ALCOR-Mercédès-Benz à partir du 5 ou du 10 octobre 2000.

Par jugement rendu le 29 avril 2003, le Tribunal de Commerce de LYON, constatant que la vente était parfaite entre les parties et ordonnant son exécution forcée, a condamné la SARL ARACHNEE Productions à payer à la SAS ALCOR-Mercédès-Benz d'une part, le solde du prix (44.667,56 Euros), avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2000, outre les frais de gardiennage de 2 Euros par jour du 2 novembre 2000 jusqu'à la prise effective de livraison prescrite à la charge de la SARL ARACHNEE Productions sous astreinte provisoire de 250 Euros par jour de retard et d'autre part, une somme de 500 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.

La SARL ARACHNEE Productions a régulièrement fait appel, le 17 juillet 2003, de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

[minute page 3] Vu les prétentions et les moyens développés par la SAS ARACHNEE Productions dans ses conclusions en date du 4 novembre 2004 tendant à faire juger :

- que la vente litigieuse conclue par téléphone, puis par échanges postaux, et portant sur un véhicule automobile est soumise aux dispositions du code de la consommation,

- que les parties au contrat, même s'agissant de personnes morales, ont entendu se placer volontairement sous le régime des dispositions protectrices du code de la consommation en formalisant leur accord dans un écrit intégrant expressément lesdites dispositions,

- qu'il n'y a pas de rapport entre l'activité directe d'organisateur de spectacles et le contrat de vente litigieux, le commerçant agissant en dehors de sa sphère normale d'activité, devant être considéré comme un profane,

- que la rétractation manifestée dans un écrit du 23 octobre 2000 est intervenue dans le délai légal de sept jours comme ayant été précédée d'un appel téléphonique,

- que la SAS ALCOR-Mercédès-Benz n'a pas respecté les dispositions du code de la consommation en exigeant de son cocontractant un acompte de 30.000 francs à la signature de la commande et que cette violation d'une disposition d'ordre public entraîne la nullité du contrat de vente,

- qu'enfin la tentative d'exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire a révélé que la SAS ALCOR-Mercédès-Benz avait vendu le véhicule litigieux à une date inconnue, ce qui démontre « sa plus parfaite mauvaise foi » et la prive de toute possibilité d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice imaginaire ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la SAS ALCOR-Mercédès-Benz dans ses conclusions en date du 12 octobre 2004 tendant à faire juger :

- que la vente qui est parfaite a été conclue dans ses locaux à RILLIEUX LA PAPE (69) et non à CLERMONT FERRAND (63),

- que les dispositions du code de la consommation ne s'appliquent pas à une vente réalisée sans démarchage et aux personnes morales qui n'ont pas la qualité de consommateurs,

- qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence d'un rapport direct entre l'activité professionnelle exercée par la SARL ARACHNEE Productions et la vente litigieuse, s'agissant d'une vente entre personnes morales,

- qu'en toute hypothèse, le délai de rétractation n'a pas été observé, l'appel téléphonique allégué étant inopérant pour manifester la rétractation du « client », la SARL ARACHNEE Productions,

- qu'elle (la SAS ALCOR-Mercédès-Benz) renonce à l'exécution forcée du contrat de vente et à exiger le paiement du prix de vente, sauf à condamner la SARL ARACHNEE Productions à de justes dommages et intérêts pour « résistance abusive » à hauteur de 6.000 Euros ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] MOTIFS ET DÉCISION :

Attendu que « le bon de commande » N° XX en date du 4 octobre 2000 portant sur un « véhicule neuf particulier » stipule à son article 4 intitulé : « vente à domicile » que « lorsque la commande est signée à domicile au sens de l'article L. 121-21 du code de la consommation, le client a droit de se rétracter pendant les sept jours suivant la signature du bon de commande » ; que selon ledit article, est soumis aux dispositions de la section III sur « le démarchage » du chapitre premier du titre deuxième du code de la consommation, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer la vente de biens » ; que pour l'application, y compris volontaire de ce texte légal résultant de la volonté manifeste des parties de soumettre leurs rapports aux dispositions protectrices du code de la consommation, il convient au préalable de constater qu'il y a eu démarchage au domicile de la personne physique (et par exception à celui de la personne morale) ; que le seul fait que le bon de commande a été, éventuellement signé, dans les locaux professionnels de la SARL ARACHNEE Productions à CLERMONT FERRANT, puis adressé par voie postale à la SAS ALCOR-Mercédès-Benz, n'entraîne pas l'application du code de la consommation ; que la SARL ARACHNEE Productions qui revendique l'application du code de la consommation ne démontre pas qu'elle a été l'objet de la part de la SAS ALCOR-Mercédès-Benz, concessionnaire automobile dans la région lyonnaise, d'opérations de démarchage au lieu clermontois de son siège social ; que le simple rappel, dans un courrier commercial de la SAS ALCOR-Mercédès-Benz en date du 3 octobre 2000 confirmant certains aspects de la vente, « d'un entretien téléphonique » précédent n'établit pas une opération de démarchage à domicile ; que le bon de commande mentionne de manière manuscrite pour lieu de conclusion du contrat de vente : RILLEUX LA PAPE ; qu'aucun courrier d'accompagnement de l'envoi du bon de commande à la SARL ARACHNEE Productions ou/et de son retour à la SAS ALCOR-Mercédès-Benz n'est produit au débat pour démontrer que le contrat a été conclu « par voie postale » à l'issue d'un démarchage actif de la part de la SAS ALCOR­-Mercédès-Benz ; qu'au demeurant la preuve faite d'un échange de courriers scellant la vente, n'établirait pas l'existence de démarchage de la part d'un commercial de la SAS ALCOR-Mercédès-Benz au siège social de la SARL ARACHNEE Productions à CLERMONT FERRANT (63) ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de toute preuve d'un démarchage effectif au siège social de la SARL ARACHNEE Productions à l'issue duquel le contrat de vente aurait été conclu, celle-ci ne peut se prévaloir d'une application volontaire du code de la consommation, résultant de l'utilisation d'un imprimé de bon de commande mentionnant dans ses conditions générales de vente la faculté de rétractation du « client » (fût-il une personne morale) ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 122-22 4° du code de la consommation (prévoyant l'application des articles L. 122-23 à L. 122-28 dudit code en cas d'absence de rapport direct entre le contrat souscrit et l'activité exercée par le commerçant) ne peuvent être invoquées avec succès par la SARL ARACHNEE Productions dès lors que le contrat de vente n'a pas été conclu à l'issue d'un démarchage effectif ; qu'au surplus le démarchage, à le supposer établi, aurait été accompli auprès d'une personne morale, ce qui rend également sans effet les dispositions légales susvisées ;

Attendu que le bon de commande prévoyant la cession d'un véhicule automobile constitue une vente parfaite, non soumise aux dispositions du code de la consommation ; que la SARL ARACHNEE Productions ne peut se prévaloir de la faculté de rétractation au surplus exercée au-delà du délai légal de sept jours, en violation de l'article L. 122-25 du code de la consommation [minute page 5] prévoyant de surcroît la formalité de la lettre recommandée avec avis de réception ;

Attendu qu'il est avéré selon procès-verbal d'huissier du 18 juillet 2003 que la SAS ALCOR-Mercédès-Benz ne peut plus livrer à la SARL ARACHNEE Productions le véhicule litigieux pour l'avoir vendu à une date et à un prix qu'elle abstient de préciser ; qu'il s'ensuit que le jugement qui a ordonné l'exécution de la vente ne peut être confirmé et que l'inexécution par la SARL ARACHNEE Productions de son obligation de prendre livraison doit se résoudre en dommages et intérêts ; que pour l'évaluation de ces derniers, il convient de constater que la SAS ALCOR-Mercédès-Benz n'indique pas la date à laquelle elle a vendu le véhicule dont s'agit, ni son prix, (ce qui aurait permis apprécier toute l'étendue de son préjudice) ; qu'il convient de fixer, au vu des seuls éléments fournis au débat, à 5.000 Euros le montant du préjudice subi par la SAS ALCOR-Mercédès-Benz ; que la SAS ALCOR-Mercédès-Benz ne peut prétendre à aucune somme au titre des frais de gardiennage qu'elle aurait exposés, en l'absence de tous éléments sur la durée de la période de gardiennage ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 800 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au titre de l'ensemble de la procédure (première instance et appel) ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel de la SAS ARACHNEE Productions comme régulier en la forme,

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, condamne la SAS ARACHNEE Productions à porter et payer à la SAS ALCOR-Mercédès-Benz la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement attaqué à titre compensatoire et celle de 800 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure.

Condamne la SAS ARACHNEE Productions aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'Avoués Jacques AGUIRAUD et Philippe NOUVELLET sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.