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CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 29 novembre 2007

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 29 novembre 2007
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch. sect. civ et com.
Demande : 06/02093
Date : 29/11/2007
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI CHERBOURG, 1er JUIN 2006
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1223

CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 29 novembre 2007 : RG n° 06/02093 

Publication : Juris-Data n° 354970

 

Extraits : 1/ « Pour déchoir CREDIPAR du droit aux intérêts contractuels le premier juge a considéré que la présence simultanée d'une clause de réserve de propriété au bénéfice de l'organisme prêteur et d'une clause de transfert de garantie de la chose sur le consommateur rompt l'équilibre entre les parties contractantes au détriment de l'emprunteur-consommateur. Cette argumentation ne peut être retenue. Il convient de relever tout d'abord que la sanction de la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts n'a pas vocation à recevoir application à l'égard des clauses abusives qui ne peuvent qu'être réputées non écrites. Il convient en outre de relever que la clause selon laquelle l'emprunteur s'engage à faire assurer le véhicule pendant toute la durée du remboursement du crédit contre le vol, l'incendie et les risques causés aux tiers qui n'a pas pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur les risques de la chose survenus par cas fortuit ou force majeure, ne peut être considérée comme abusive, alors au surplus que l'assurance des risques causés aux tiers relève du domaine de l'assurance obligatoire dont est tenu le conducteur du véhicule. Le jugement mérite dès lors d'être réformé de ce chef ».

2/ « Pour débouter CREDIPAR de sa demande en restitution du véhicule, le premier juge a considéré comme abusive la clause prévoyant que la subrogation de CREDIPAR dans les droits du vendeur serait effective à l'instant même du paiement effectué par le prêteur au profit du vendeur et que la quittance constituerait à elle seule la preuve valable et suffisante de la subrogation au motif qu'une telle clause aurait pour effet de dégager l'organisme prêteur de la charge de la preuve lui incombant normalement du caractère concomitant du paiement et de la subrogation et de supprimer toute possibilité pour le débiteur de rapporter la preuve contraire. Cette argumentation  ne peut être retenue dès lors que le subrogeant à savoir la Société NORD COTENTIN AUTOMOBILES a dès le 22 juillet 2007 manifesté expressément sa volonté de subroger son cocontractant CREDIPAR dans la clause de réserve de propriété stipulée à son profit à l'instant même du paiement, que s'agissant de cocontractants professionnels, ils ne pouvaient se voir imposer une restriction aux modalités de preuve de leur accord, et que le paiement étant intervenu le 8 août 2003 ainsi qu'il en est justifié (pièce n° 10), la subrogation est devenue effective à cette date. La condition de concomitance entre la subrogation et le paiement posée par l'article 1250 1° du Code Civil étant remplie du fait de la volonté clairement manifestée par le subrogeant fut-ce antérieurement au paiement. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/02093.

ORIGINE : DÉCISION en date du 1er juin 2006 du Tribunal d’Instance de CHERBOURG.

 

APPELANTE :

SA CREDIPAR

[adresse], Prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués, assistée de Maître Isabelle HOUDAN, avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

[adresse], Non comparant bien que régulièrement assigné

Madame Y.

[adresse], Non comparante bien que régulièrement assignée

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller, rédacteur Mme VALLANSAN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 25 Octobre 2007

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier,

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2007 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Mme LE GALL, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] La SA CREDIPAR est appelante d'un jugement rendu le 1er juin 2006 par le Tribunal d'Instance de Cherbourg qui a condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y. à lui payer la somme de 5.955,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2005 et qui l'a déboutée du surplus de ses demandes.

Par conclusions du 31 août 2007, elle demande à la Cour de réformer la décision entreprise, de condamner solidairement Monsieur X. et Madame Y. à lui payer la somme de 9.845,38 euros outre les intérêts de retard au taux contractuel à compter du 12 décembre 2005, de valider la saisie appréhension notifiée aux débiteurs par Maître H., huissier de justice à [ville C.], et de lui allouer une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Assignés le 13 septembre 2007, Monsieur X. et Madame Y. n'ont pas constitué avoué.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 22 juillet 2003, la SA CREDIPAR a consenti à Monsieur X. et à Madame Y. un prêt d'un montant de 10.886 euros pour une durée de 72 mois au taux de 11,50 % représentant des échéances mensuelles s'élevant à 234,77 euros.

Ce prêt était destiné à l'acquisition d'un véhicule ROVER immatriculé […].

Il comportait une clause de réserve de propriété au profit de la SARL NORD COTENTIN AUTOMOBILES, Concessionnaire Peugeot à Tourlaville, vendeur du véhicule avec subrogation au profit de CREDIPAR.

Les débiteurs ayant cessé de régler les échéances à compter du 10 juin 2005, une mise en demeure a été adressée à Monsieur X. le 21 septembre 2005.

La SA CREDIPAR a par ailleurs obtenu le 17 octobre 2005 du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Cherbourg une ordonnance l'autorisant à appréhender le véhicule.

Cette ordonnance a été notifiée à Monsieur X. le 26 octobre 2005.

Le débiteur a régularisé une opposition le 27 octobre 2005.

CREDIPAR a alors été amenée à saisir le Tribunal d'Instance de Cherbourg d'une demande en paiement et d'une demande visant à la validation de la saisie appréhension du véhicule, par acte du 20 décembre 2005.

Monsieur X. et Madame Y. ont comparu en personne, se sont opposés à la restitution du véhicule et ont sollicité des délais.

[minute page 3] C'est dans ces conditions que le jugement entrepris a été rendu.

Pour déchoir CREDIPAR du droit aux intérêts contractuels le premier juge a considéré que la présence simultanée d'une clause de réserve de propriété au bénéfice de l'organisme prêteur et d'une clause de transfert de garantie de la chose sur le consommateur rompt l'équilibre entre les parties contractantes au détriment de l'emprunteur-consommateur.

Cette argumentation ne peut être retenue.

Il convient de relever tout d'abord que la sanction de la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts n'a pas vocation à recevoir application à l'égard des clauses abusives qui ne peuvent qu'être réputées non écrites.

Il convient en outre de relever que la clause selon laquelle l'emprunteur s'engage à faire assurer le véhicule pendant toute la durée du remboursement du crédit contre le vol, l'incendie et les risques causés aux tiers qui n'a pas pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur les risques de la chose survenus par cas fortuit ou force majeure, ne peut être considérée comme abusive, alors au surplus que l'assurance des risques causés aux tiers relève du domaine de l'assurance obligatoire dont est tenu le conducteur du véhicule.

Le jugement mérite dès lors d'être réformé de ce chef

Au vu des pièces produites aux débats, il convient donc de condamner Monsieur X. et Madame Y., qui sont solidairement tenus aux termes du contrat du 22 juillet 2003 à payer à CREDIPAR les sommes suivantes arrêtées au 12 décembre 2005 :

- échéances impayées du 10 juin 2005 au 10 septembre 2005 :           939,08 euros

- intérêts de retard sur échéances impayées au taux de 11,50 %          :           28,02 euros

- capital restant dû au 10 septembre 2005                                           :           8.005 euros

- intérêts de retard sur capital restant dû au taux de 11,50 %   :           162,14 euros

9.134,24 euros

Cette somme sera assortie de l'intérêt au taux contractuel à compter du 12 décembre 2005 jusqu'à parfait paiement.

CREDIPAR est également fondée à solliciter le règlement de l'indemnité de 8 % d'un montant de 42,38 euros sur le capital restant dû au titre des échéances impayées et celle de 640,40 euros sur le capital restant dû après déchéance du terme, soit la somme de 682,78 euros qui sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 12 décembre 2005.

[minute page 4] Pour débouter CREDIPAR de sa demande en restitution du véhicule, le premier juge a considéré comme abusive la clause prévoyant que la subrogation de CREDIPAR dans les droits du vendeur serait effective à l'instant même du paiement effectué par le prêteur au profit du vendeur et que la quittance constituerait à elle seule la preuve valable et suffisante de la subrogation au motif qu'une telle clause aurait pour effet de dégager l'organisme prêteur de la charge de la preuve lui incombant normalement du caractère concomitant du paiement et de la subrogation et de supprimer toute possibilité pour le débiteur de rapporter la preuve contraire.

Cette argumentation  ne peut être retenue dès lors que le subrogeant à savoir la Société NORD COTENTIN AUTOMOBILES a dès le 22 juillet 2007 manifesté expressément sa volonté de subroger son cocontractant CREDIPAR dans la clause de réserve de propriété stipulée à son profit à l'instant même du paiement, que s'agissant de cocontractants professionnels, ils ne pouvaient se voir imposer une restriction aux modalités de preuve de leur accord, et que le paiement étant intervenu le 8 août 2003 ainsi qu'il en est justifié (pièce n° 10), la subrogation est devenue effective à cette date. La condition de concomitance entre la subrogation et le paiement posée par l'article 1250 1° du Code Civil étant remplie du fait de la volonté clairement manifestée par le subrogeant fut-ce antérieurement au paiement.

Dans ces conditions, le jugement sera réformé en ce qu'il a refusé la restitution du véhicule en réputant non écrite la clause subrogeant CREDIPAR dans la clause de réserve de propriété du vendeur.

L'ordonnance rendue par le Juge de l'Exécution de Cherbourg le 17 octobre 2005 et sa notification au débiteur le 26 octobre 2005 valant saisie conservatoire, il n'y a cependant pas lieu de valider la saisie appréhension.

Il n'apparaît pas inéquitable que CREDIPAR supporte les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés sur la procédure il ne sera donc pas fait droit à sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Réforme le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau

Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer à la SA CREDIPAR. la somme de 9.134,24 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 11,50 % à compter du 1er décembre 2005 jusqu'à parfait paiement ainsi que la somme de 682,78 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2005 jusqu'à parfait paiement.

Dit n'y avoir lieu à valider la saisie appréhension.

[minute page 5] Dit qu'en cas de vente du véhicule aux enchères publiques, le prix de vente viendra en déduction des condamnations présentement prononcées.

Déboute la SA CREDIPAR de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT

N. LE GALL               M. HOLMAN