CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 11 octobre 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1241
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 11 octobre 2007 : RG n° 06/01379 ; arrêt n° 372
Publication : Juris-Data n° 351882
Extraits : 1/ « Toutefois, le délai de forclusion édicté par ce texte est inapplicable au moyen d'office soulevé par la juridiction de céans dans son arrêt du 3 mai 2007. En effet, l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui définit les clauses abusives, est un texte à vocation générale, distinct des dispositions spécifiques applicables au crédit à la consommation, lesquelles sont regroupées sous les articles L. 311-1 et suivants du dit code. On rappellera en outre que la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives s'oppose à toute réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. »
2/ « En l'espèce, est bien abusive la clause de l'offre acceptée le 20 juin 1995 permettant, sans nouvelle offre préalable, une augmentation du découvert maximum initialement autorisé lors de l'ouverture de crédit, dans la limite d'un plafond fixé à 140.000 francs. Elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage [qu’il peut tirer de la mise à disposition d’une somme plus importante] ; elle crée donc bien à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Par ailleurs, la distinction entre « découvert utile » et « découvert maximum autorisé » avancée par le prêteur ne résulte d'aucune stipulation contractuelle, l'offre employant seulement - et systématiquement - le terme de « découvert autorisé ». La clause litigieuse doit donc être réputée non écrite. »
3/ « La clause permettant au prêteur d'augmenter à sa convenance, sans nouvelle offre, le montant maximum du découvert autorisé, étant réputée non écrite, le dépassement intervenu en mai 1997 doit être assimilé à un incident de paiement non régularisé. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 06/01379. Arrêt n° 37. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SOISSONS du 17 février 2006.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], Représenté par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître Philippe COURT du barreau de SOISSONS
ET :
INTIMÉE :
SA COFINOGA
[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître HOURDIN, avocat au barreau de SAINT QUENTIN
DÉBATS : A l'audience publique du 28 juin 2007 devant Mme CORBEL et M. DAMULOT, entendu en son rapport, Conseillers, magistrats rapporteurs siégeant sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 octobre 2007.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. et Mme le Conseiller en ont rendu compte à la Cour composée de : Mme CORBEL, Conseiller désigné pour remplacer dans le service de l'audience le Président de la 1ère chambre, 1ère section empêché, M. DAMULOT et Mme SIX, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
[minute page 2] PRONONCÉ PUBLIQUEMENT Le 11 octobre 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; Mme CORBEL, Conseiller, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
FAITS ET PROCÉDURE :
Par arrêt du 3 mai 2007, auquel chacun se reportera, au besoin, pour un plus ample rappel des données du litige, la juridiction de céans a, avant dire droit sur les prétentions des parties, ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à s'expliquer sur le moyen d'office tiré du caractère éventuellement abusif de la clause de l'offre acceptée le 20 juin 1995 permettant, sans nouvelle offre préalable, une augmentation du découvert maximum initialement autorisé lors de l'ouverture de crédit, dans la limite d'un plafond fixé à 140.000 francs.
Monsieur X. soutient qu'il s'agit bien d'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, en ce qu'elle dispense le prêteur de son obligation d'information, et lui permet d'augmenter dans des proportions considérables le montant du découvert convenu, sans modification du taux d'intérêt.
Il ajoute que le découvert initialement convenu ayant été dépassé en mai 1997, sans qu'une régularisation n'intervienne dans les deux ans, la société COFINOGA est irrecevable en son action, du fait de la forclusion biennale prévue à l'article L. 311-37 du Code de la consommation.
Subsidiairement, il demande que le contrat de crédit soit déclaré nul pour vice du consentement, au motif qu'il n'avait signé l'offre que parce qu'il pensait que son épouse en ferait autant.
« Plus subsidiairement encore », il demande à la Cour de déchoir COFINOGA du droit aux intérêts, en faisant valoir que la partie adverse ne justifie pas du respect des formalités prévues par l'article L. 311-9, alinéa 2, du Code de commerce. Il sollicite en outre la confirmation du jugement en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement, avec imputation prioritaire sur le capital des versements effectués, en application de l'article 1244-1 du Code civil.
La société COFINOGA demande pour sa part à la Cour de condamner la partie adverse à lui payer la somme de 17.577,90 euros, suivant décompte arrêté au 12 décembre 2004, outre intérêts au taux de 15,02 % sur la somme de 16.460,64 euros depuis le 13 décembre 2004 jusqu'à parfait paiement, outre 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au moyen d'office soulevé par la Cour, elle oppose la forclusion biennale prévue à l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.
A l'inverse, elle conteste l'acquisition de la forclusion opposée par Monsieur X. à son action en paiement, en faisant valoir que le découvert utile, ou fraction disponible à l'ouverture du compte, ne se confond pas avec le découvert maximum autorisé, prévu lui aussi dès l'origine, mais qui n'a jamais été dépassé.
[minute page 3] Elle conteste également le vice du consentement allégué par Monsieur X., en relevant que celui-ci se contente de procéder par voie d'affirmation et a signé l'offre en sachant que son épouse, pour sa part, ne l'avait pas fait.
Enfin, elle reproche au jugement entrepris d'avoir réduit l'indemnité de résiliation alors que cette dernière, prévue par la loi, ne saurait être considérée comme manifestement excessive.
Pour un plus ample rappel des faits de l'espèce, ainsi que de l'argumentation des parties, on se reportera, au besoin, à leurs dernières conclusions, déposées le 31 mai 2007 pour la société COFINOGA, et le 8 juin suivant pour Monsieur X.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la forclusion opposée à la Cour par le prêteur :
Le contrat litigieux a certes été conclu antérieurement à la loi du 11 décembre 2001 et, comme tel, se trouve soumis à l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de ladite loi.
Toutefois, le délai de forclusion édicté par ce texte est inapplicable au moyen d'office soulevé par la juridiction de céans dans son arrêt du 3 mai 2007. En effet, l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui définit les clauses abusives, est un texte à vocation générale, distinct des dispositions spécifiques applicables au crédit à la consommation, lesquelles sont regroupées sous les articles L. 311-1 et suivants du dit code.
On rappellera en outre que la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives s'oppose à toute réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.
La société COFINOGA est donc mal fondée à opposer à la Cour la forclusion biennale.
Sur le caractère abusif de la clause litigieuse :
Aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En l'espèce, est bien abusive la clause de l'offre acceptée le 20 juin 1995 permettant, sans nouvelle offre préalable, une augmentation du découvert maximum initialement autorisé lors de l'ouverture de crédit, dans la limite d'un plafond fixé à 140.000 francs.
Elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage [qu’il peut tirer de la mise à disposition d’une somme plus importante] [NB phrase reconstituée, sans certitude absolue, à partir d’une minute difficile à lire et conforme à la formule utilisée par la même formation dans d’autres décisions] ; elle crée donc bien à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et [minute page 4] obligations des parties au contrat.
Par ailleurs, la distinction entre « découvert utile » et « découvert maximum autorisé » avancée par le prêteur ne résulte d'aucune stipulation contractuelle, l'offre employant seulement - et systématiquement - le terme de « découvert autorisé ».
La clause litigieuse doit donc être réputée non écrite.
Sur la forclusion opposée à COFINOGA par l'emprunteur :
Il ressort de la reconstitution de compte permanent versée aux débats par la société COFINOGA que le découvert consenti a été définitivement dépassé en mai 1997.
La clause permettant au prêteur d'augmenter à sa convenance, sans nouvelle offre, le montant maximum du découvert autorisé, étant réputée non écrite, le dépassement intervenu en mai 1997 doit être assimilé à un incident de paiement non régularisé.
Or la société COFINOGA n'a assigné Monsieur X. en paiement que le 17 mai 2005 : elle est donc forclose en son action, en vertu de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, que les parties connaissent bien (puisqu'elles l'ont toutes deux invoqué) et dont il est, par conséquent, inutile de rappeler ici les dispositions.
Le prêteur sera donc déclaré irrecevable en son action et ses prétentions, et le jugement entrepris, réformé de ce chef.
Sur les dépens :
La société COFINOGA, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, conformément au principe posé par l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, auquel aucune considération d'équité ne justifie de déroger en l'espèce.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Et, statuant à nouveau,
Déclare la société COFINOGA forclose en son action ;
En conséquence, rejette l'intégralité de ses prétentions ;
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application au profit de la SCP TETELIN-MARGUET & de SURIREY du droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER
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