TI SAINT-BRIEUC, 27 avril 1992
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 125
TI SAINT-BRIEUC, 27 avril 1992 : RG n° 77/92
Extrait : « En l'espèce, la C.S.C.V. justifie répondre aux conditions de l'article ler de la Loi. Elle est en conséquence recevable à intervenir à l'action intentée par les époux X. devant ce Tribunal qui, en vertu de l'article R. 321-2 du Code de l'Organisation Judiciaire, connaît des actions dont le contrat de louage d'immeubles est l'objet, la cause ou l'occasion. Il résulte également de l'article 68 du Nouveau Code de Procédure Civile que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentées les moyens de défense. La C.S.C.V. ayant présenté sa demande oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 843 du Nouveau Code de Procédure Civile, c'est à tort que l'Agence de BRETAGNE conteste la validité de la saisine de ce Tribunal ».
« Il convient ainsi de déclarer illicite la clause figurant au contrat type de location présentée par l'Agence de BRETAGNE selon laquelle si le locataire résilie le bail dans les conditions légales avant la fin de la durée contractuelle, ou si le bail est résilié judiciairement par anticipation, le locataire qui demandera la résiliation anticipée ou contre lequel interviendra un jugement de résiliation devra rembourser au propriétaire, au prorata temporis de la durée non courue, la part de frais et honoraires versés par celui-ci lors de la réalisation de la présente location. Dès lors, il est sans intérêt pour la solution du présent litige, d'une part de s'interroger sur le caractère abusif ou non de ladite clause, d'autre part, de s'interroger si la clause attaquée figure dans la liste des clauses réputées non écrites définies à l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 ».
TRINUNAL D’INSTANCE DE SAINT-BRIEUC
JUGEMENT DU 27 AVRIL 1992
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. N° 77/92. JUGEMENT CONTRADICTOIRE en PREMIER ressort en date du 27 avril 1992
DEMANDEURS :
Monsieur et Madame X.
demeurant [adresse] - Madame X. comparant en personne Monsieur X. absent.
DÉFENDERESSE :
AGENCE DE BRETAGNE
prise en la personne de Monsieur Y. [adresse]. Représentée par Maître CHAULEUR avocat à SAINT-BRIEUC.
INTERVENANT :
La CONFÉDÉRATION SYNDICALE DU CADRE DE VIE (CSCV)
[adresse]. Représentée par Monsieur Z. Olivier dûment mandaté.
PRÉSIDENT : Monsieur Dominique PANNETIER Juge chargé du service du Tribunal d'Instance de SAINT-BRIEUC.
GREFFIER : Madame Danièle CESSAC Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier.
DÉBATS : A l’audience publique du 16 mars 1992.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par déclaration au greffe de ce Tribunal en date du 24 janvier 1992 Monsieur et Madame X. ont sollicité la convocation de l'Agence de BRETAGNE devant le Tribunal d'Instance de SAINT-BRIEUC pour obtenir le remboursement d'une somme de 2.180 francs retenue selon eux à tort sur le dépôt de garantie qu'ils ont versé lors de la signature d'un bail et se décomposant ainsi :
- 1.680 francs au titre d'une clause qu'ils estiment non conforme à l'esprit de la loi obligeant le locataire, en cas de départ anticipé, au remboursement au prorata temporis de la durée non courue de la part de frais et honoraires versés par le propriétaire,
- 500 francs de provision sur charges non justifiées.
Les époux X. demandent également à l'Agence de BRETAGNE de produire le justificatif des sommes retenues sur le dépôt de garantie pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la provision en attente du décompte du syndic, la quittance pour consommation d'eau et celle des loyers de février à juin 1991.
Enfin ils demandent la somme de 472 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LA CONFÉDÉRATION SYNDICALE du CADRE DE VIE, par déclaration au greffe du 24 janvier 1992 est intervenue au litige en application des articles 5 et 6 de la loi du 5 janvier 1988. Elle demande au Tribunal d'ordonner la suppression de la clause litigieuse figurant au bail qui selon eux est une clause illicite et à tout le moins une clause abusive. Elle demande également une somme de 4.700 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En réponse l'Agence de BRETAGNE demande au Tribunal de se déclarer incompétent sur la demande de la CSCV, de débouter les époux X. de leurs prétentions et de les condamner à lui payer la somme de 1.500 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 3] L'Agence de BRETAGNE fait valoir que la demande de la C.S.C.V. étant indéterminée elle ne pouvait intervenir au présent litige par simple déclaration au greffe. Elle indique également que si l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 permet aux associations de consommateurs agréées de demander à la juridiction civile d'ordonner la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposées par les professionnels aux consommateurs, cette action ne peut être exercée, en l'absence de toutes autres précisions, que devant le Tribunal de Grande Instance qui a plénitude de juridiction. AU FOND l'Agence de BRETAGNE expose que la clause litigieuse figurant au bail est conforme aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et n'apparaît pas au nombre des clauses réputées non écrites figurant à l'article 4 de ladite loi. Elle ajoute que cette clause doit être assimilée à une clause pénale qui n'est pas prohibée. Elle fait également valoir que cette clause ne peut être considérée comme une clause abusive au sens de l'article 35 de la loi du 10 Janvier 1978. Enfin elle expose qu'elle a régulièrement communiqué les justificatifs demandés par les époux X. et que ceux-ci ont reçu leur décompte le 22 janvier 1992 avec le solde créditeur leur revenant.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
1°) SUR L'INTERVENTION DE LA C.S.C.V. :
Il résulte de la combinaison des articles 1, 3 et 5 de la loi du 5 janvier 1988 que les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, intervenir devant les juridictions civiles et demander notamment que soit ordonnée la suppression d'une clause illicite dans les contrats ou les types de contrats proposés aux consommateurs. En l'espèce, la C.S.C.V. justifie répondre aux conditions de l'article ler de la Loi. Elle est en conséquence recevable à intervenir à l'action intentée par les époux X. devant ce Tribunal qui, en vertu de l'article R. 321-2 du Code de l'Organisation Judiciaire, connaît des actions dont le contrat de louage d'immeubles est l'objet, la cause ou l'occasion.
[minute page 4] Il résulte également de l'article 68 du Nouveau Code de Procédure Civile que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense.
La C.S.C.V. ayant présenté sa demande oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 843 du Nouveau Code de Procédure Civile, c'est à tort que l'Agence de BRETAGNE conteste la validité de la saisine de ce Tribunal.
En conséquence il convient de rejeter l'exception d'incompétence et celle aux fins de non-recevoir formulées par la défenderesse.
2°) SUR LA CLAUSE LITIGIEUSE :
Il figure au contrat conclu entre les parties la clause suivante :
« Cependant si le locataire résilie le présent bail dans les conditions légales avant la fin de cette durée contractuelle, ou si le bail est résilié judiciairement par anticipation, le locataire qui demandera la résiliation anticipée ou contre lequel interviendra un jugement de résiliation devra rembourser au propriétaire, au prorata temporis de la durée non courue, la part de frais et honoraires versés par celui-ci lors de la réalisation de la présente location. »
Or, il résulte des dispositions de l'article 12 de la loi du 6 juillet 1989, dispositions d'ordre public en vertu de l'article 2 de la même loi, que le locataire peut résilier le contrat de location à tout moment, dans les conditions de forme et de délai prévues au 2ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 15.
Le contrat de bail ne pouvait donc insérer une clause limitant cette liberté de résilier le bail à tout moment en conditionnant celle-ci à l'obligation de verser une certaine somme d'argent.
Cette clause est également de nature à remettre en cause les dispositions prévues par l'article 5 de la même loi selon lesquelles la rémunération des personnes qui se livrent ou prêtent leurs concours à l'établissement d'un acte de location appartenant à autrui tel que défini à l'article 2 est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire, dispositions également d'ordre public.
[minute page 5] Il convient ainsi de déclarer illicite la clause figurant au contrat type de location présentée par l'Agence de BRETAGNE selon laquelle si le locataire résilie le bail dans les conditions légales avant la fin de la durée contractuelle, ou si le bail est résilié judiciairement par anticipation, le locataire qui demandera la résiliation anticipée ou contre lequel interviendra un jugement de résiliation devra rembourser au propriétaire, au prorata temporis de la durée non courue, la part de frais et honoraires versés par celui-ci lors de la réalisation de la présente location.
Dès lors, il est sans intérêt pour la solution du présent litige, d'une part de s'interroger sur le caractère abusif ou non de ladite clause, d'autre part, de s'interroger si la clause attaquée figure dans la liste des clauses réputées non écrites définies à l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989.
En conséquence il convient, conformément aux dispositions des articles 3 et 5 de la loi du 5 janvier 1988, de faire droit à la demande de la C.S.C.V. et d'ordonner la suppression de cette clause des baux types présentés par l'Agence de BRETAGNE.
3°) SUR LES SOMMES DUES AUX ÉPOUX X. :
Pour les motifs sus-énoncés, il convient de dire que la retenue d'une somme de 1.680 francs au titre du remboursement prorata temporis des frais de location, rédaction de bail, état des lieux en raison du départ anticipé des époux X. sur le dépôt de garantie que ces derniers ont versé lors de la signature du bail est illicite. L'Agence de BRETAGNE sera donc condamnée à leur rembourser cette somme.
S'agissant de la demande de remboursement d'une somme de 500 francs de provision sur charges qui aurait été retenue également sur le dépôt de garantie, il convient de constater qu'un décompte définitif des charges locatives a été établi le 22 janvier 1992 soit deux jours seulement avant la saisine de ce Tribunal. Ce décompte n'ayant pas été contesté à l'audience, hormis la retenue de la somme de 1.680 francs, il convient de ne pas faire droit à cette demande, et ce d'autant plus que l'Agence de BRETAGNE a produit tous les justificatifs sur les sommes figurant audit décompte.
[minute page 6]
4°) SUR L'ARTICLE 700 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux X. et de la C.S.C.V. les frais irrépétibles du procès. Il sera donc alloué aux époux X. la somme de 472 francs, et à la C.S.C.V. la somme de 500 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL statuant publiquement, par jugement CONTRADICTOIRE et en PREMIER ressort :
REJETTE l'exception d'INCOMPÉTENCE et celle aux fins de non-recevoir de l'Agence de BRETAGNE,
LA CONDAMNE a payer aux époux X. la somme de MILLE SIX CENT QUATRE VINGTS (1.680) avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent jugement,
ORDONNE la suppression de la clause figurant au contrat type de location présenté par l'Agence de BRETAGNE et formulée ainsi :
« Cependant si le locataire résilie le présent bail dans les conditions légales avant la fin de cette durée contractuelle, ou si le bail est résilié judiciairement par anticipation, le locataire qui demandera la résiliation anticipée ou contre lequel interviendra un jugement de résiliation devra rembourser au propriétaire, au prorata temporis de la durée non courue, la part de frais et honoraires versés par celui-ci lors de la réalisation de la présente location. »
[minute page 7] CONDAMNE l'Agence de BRETAGNE à payer aux époux X. la somme de QUATRE CENT SOIXANTE DOUZE francs (472) et à la CONFÉDÉRATION SYNDICALE DU CADRE DE VIE la somme de CINQ CENTS francs (500) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE l'AGENCE DE BRETAGNE aux entiers DÉPENS.
Ainsi jugé et publiquement prononcé le VINGT-SEPT AVRIL mil neuf cent quatre VINGT-DOUZE. La minute est signée du JUGE D'INSTANCE et du Greffier.
- 5770 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Procédure - Compétence
- 5772 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Procédure - Formes - Intervention
- 5841 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Clauses abusives - Décret du 24 mars 1978 (anc. art. R. 132-1 c. consom.)
- 6393 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (1) - Présentation générale
- 6401 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (9) - Suites de la fin du contrat