CA PARIS (5e ch. sect. B), 27 novembre 1997
CERCLAB - DOCUMENT N° 1314
CA PARIS (5e ch. sect. B), 27 novembre 1997 : RG n° 95/24038 ; arrêt n° 235
Publication : RJDA 1998/4, n° 524
Extrait : « Considérant qu'il importe peu que les dispositions protectrices de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972 ne soient pas applicables à des personnes morales ; que deux sociétés commerciales peuvent convenir de placer leurs relations contractuelles dans le cadre de cette loi de protection des « personnes physiques » ;
Qu'il en est ainsi lorsque le démarcheur à domicile utilise sans émettre de réserve expresse pour traiter avec une société commerciale un imprimé dont l'essentiel du verso auquel renvoie expressément le recto, est consacré à l'adoption sans restriction comme première condition générale et à l'énoncé de dispositions de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972 incluant la faculté de rétractation, et prend soin d'établir la commande au nom de Madame X. utilisant l'enseigne Y. au lieu de le faire au nom de la société Y. quand bien même les mots SARL Y. auraient été ajoutés au dessus ».
COUR D’APPEL DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 95/24038. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 26 juin 1995 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 1ère Ch. RG n° : 94/04448.
Date ordonnance de clôture : 3 octobre 1997. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision : INFIRMATION.
APPELANTE :
Société à responsabilité limitée Y.
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par la SCP DAUTHY-NABOUDET, avoué, assistée de Maître LOPASSO, Avocat au Barreau de TOULON, qui a fait déposer son dossier
APPELANTE :
Madame X.
demeurant société Y. [adresse], représentée par la SCP DAUTHY-NABOUDET, avoué, assistée de Maître LOPASSO, Avocat au Barreau de TOULON, qui a fait déposer son dossier
[minute page 2]
INTIMÉE :
Société anonyme SITIC
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP ANNIE BASKAL, avoué, assisté de Maître ORTOLLAND, Avocat au Barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR Lors du délibéré : Président : Monsieur LECLERCQ (loi du 7 janvier 1988) ; Conseillers : Monsieur BOUCHE et Monsieur BREILLAT.
GREFFIER : Madame LAISSAC.
DÉBATS : À l'audience publique du 29 OCTOBRE 1997 Monsieur LECLERCQ, magistrat chargé du rapport a entendu la plaidoirie, l'avocat ne s'y étant pas opposé. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur LECLERCQ, président lequel a signé la minute avec Madame LAISSAC, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant que la société à responsabilité limitée Y. et Madame X., sa gérante, ont fait appel d'un jugement contradictoire du 26 juin 1995 du Tribunal de Commerce de PARIS qui a condamné la société Y. à payer à la société SITIC la somme de 11.860 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 1993 ainsi que 2.965 Francs de clause pénale et 2.000 Francs d'indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et a ordonné l'exécution provisoire des condamnations ;
Que les appelantes exposent que Monsieur X., époux de la gérante de la société Y., a pris contact, à réception d'un « courrier personnalisé » proposant une rencontre « sans engagement et sans exclusivité », avec la société SITIC, éditrice d'une revue périodique d'annonces de cessions de fonds [minute page 3] de commerce, et a signé le 9 février 1993 à l'insu de son épouse une commande prérédigée d'annonce concernant la cession du fonds de commerce de la société Y., et que Madame X. a annulé cette commande dès qu'elle en a été informée, par lettre du 12 février 1993 ;
Qu'elles contestent que Monsieur X. ait eu un mandat, fut-il même seulement apparent, pour engager la société Y. alors au surplus que la cession du fonds de commerce n'avait même pas été décidée, et reproche au représentant de la société SITIC de n'avoir pas vérifié la qualité du signataire pour traiter au nom de la société Y. et à la société SITIC d'avoir refusé de tenir compte de la lettre d'annulation lui révélant la nullité de la commande ;
Qu'elles ajoutent que la société Y. doit bénéficier des dispositions de l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 auxquelles la société SITIC s'est volontairement soumise en les reproduisant sur l'imprimé de commande, d'autant que le contrat avait été conclu en dehors du champ d'activité de la société Y. ; qu'elles relèvent enfin que certaines clauses de la commande seraient abusives et que la société SITIC ne justifie d'aucun envoi de « bon à tirer »,et prétendent que la clause pénale est manifestement « excessive » ;
Qu'elles prétendent que la société SITIC qui se targue de fournir une assistance, des conseils et une intermédiation par le biais d'un fichier informatique, exerce illicitement une activité d'intermédiaire en cession de fonds de commerce, en prenant soin de n'en aviser ses cocontractants que par une mention imprimée « en caractères minuscules » ;
Qu'elles demandent à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de constater la résiliation ou prononcer la nullité de la commande du 9 février 1993, de condamner la société SITIC à payer 12.000 Francs de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et capitalisation de ces intérêts, subsidiairement de réduire la clause pénale et de leur allouer 18.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant que la société SITIC confirme que Monsieur X., porteur de parts de la société Y., a signé le 9 février un « ordre de publicité au nom de son épouse gérante de la société » Y. et apposé le cachet commercial de [minute page 4] l'entreprise sur cette commande ; qu'elle ajoute que Madame X. l'a informée le 12 février 1993 de ce qu'elle « suspendait la mise en vente de la société » et résiliait le contrat publicitaire par application des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ;
Qu'elle soutient que Monsieur X. disposait d'autant plus d'un mandat apparent qu'il était l'époux de la gérante, et conteste l'applicabilité à des professionnels des dispositions de protection des consommateurs de la loi du 22 décembre 1972 qui n'étaient reproduites dans le contrat pré-imprimé que parce que ce document n'existait qu'en un seul modèle applicable tant aux entreprises qu'aux particuliers ;
Qu'elle soutient que les clauses incriminées ne sont pas abusives, que les deux insertions convenues ont paru et que la clause pénale n'est pas abusive ; qu'elle demande à la Cour de confirmer le jugement, de lui accorder 20.000 Francs de dommages et intérêts pour résistance abusive et 10.000 Francs supplémentaires pour ses frais irrépétibles et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant que la commande litigieuse a été signée le 9 février 1993 à l'aide d'un imprimé à en-tête « L'ARGUS DU FONDS DE COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE - LE SPECIALISTE DES TRANSACTIONS INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES » [adresse], a été établie au nom de « Madame X. enseigne Y. […] SARL » au « prix global HT de 8.500 Francs » soit net à payer 11.860 Francs après adjonction de 1.500 Francs HT d’« action conseil » ;
Que la société SITIC n'apparaît qu'en caractères minuscules en bas de page par cette mention « Revue éditée par SITIC SA (société d'information de transactions industrielles et commerciales) » sans indication d'adresse, précédée, il est vrai, d'un avertissement imprimé en caractères un peu plus gros et rédigé ainsi « Attention - l'argus n'est pas une agence - Vous traitez directement sans exclusivité, sans commission » ;
Considérant qu'une mention imprimée au recto renvoie aux « conditions générales figurant au verso dont le client déclare avoir pris connaissance et approuvé le contenu » ; qu'un tiers du verso est réservé aux « conditions générales » dont la première stipule que « sous réserve de l'application des dispositions de la loi 72-1137 du 27 décembre 1972 (sic) citée [minute page 5] ci-dessous, les insertions définies au recto ne peuvent être annulées, séparées, décalées » ; que les deux tiers restants sont réservés à la reproduction des quatre premiers articles de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972 et in fine à une formule d'annulation de commande imprimée en caractères minuscules ;
Considérant qu'il n'est contesté ni que la commande a été signée à TOULON à l'occasion d'un démarchage à domicile faisant suite à la diffusion d'une circulaire d'offre de services, que le fonds de commerce faisant l'objet de l'annonce commandée appartenait à la SARL Y. dont le nom et la forme juridique figuraient au-dessus du nom du donneur d'ordre, et a été signé par Monsieur X., mari de la gérante de cette société, ni que Madame X. a rétracté la commande le 12 février 1993 par une lettre remerciant « l'ARGUS » de sa « visite du 9 février 1993 » et l'informant de ce qu'elle « souhaitait suspendre la mise en vente de sa société » et ne « manquerait pas de faire appel à ses services dès que cela serait nécessaire » ;
Considérant qu'il importe peu que les dispositions protectrices de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972 ne soient pas applicables à des personnes morales ; que deux sociétés commerciales peuvent convenir de placer leurs relations contractuelles dans le cadre de cette loi de protection des « personnes physiques » ;
Qu'il en est ainsi lorsque le démarcheur à domicile utilise sans émettre de réserve expresse pour traiter avec une société commerciale un imprimé dont l'essentiel du verso auquel renvoie expressément le recto, est consacré à l'adoption sans restriction comme première condition générale et à l'énoncé de dispositions de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972 incluant la faculté de rétractation, et prend soin d'établir la commande au nom de Madame X. utilisant l'enseigne Y. au lieu de le faire au nom de la société Y. quand bien même les mots SARL Y. auraient été ajoutés au dessus ;
Qu'à supposer même qu'une ambiguïté puisse subsister du fait de cet ajout et de l'indication, en tête du rappel des dispositions de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972, de ce que ce texte « concerne les personnes physiques », il n'en demeure pas moins que Monsieur X., signataire de la commande, et à travers lui la société Y., ont pu légitimement croire qu'ils disposaient de la faculté de rétractation dans les sept jours de la conclusion du contrat dont Madame X. a fait usage que la convention ambiguë s'interprète au profit de l'obligé ;
[minute page 6] Considérant que la commande a été annulée dans le délai imparti ; qu'il est dès lors inutile de se prononcer sur la qualité que le porteur de parts minoritaire Monsieur X. pouvait avoir pour engager la sociétés et sur l'illicéité de l'activité de la société SITIC dont la circulaire d'offre de services à l'origine du démarchage de la société Y. se garde de préciser qu'elle n'est qu'un éditeur d'annonces et promet des interventions s'apparentant à celles d'un véritable intermédiaire en transactions sur fonds de commerce ;
Qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société SITIC à verser à la société Y. 12.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que les appelantes n'apportent aucune justification d'un préjudice autre que les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme la décision déférée ;
Déboute la société SITIC de ses prétentions et les appelantes de leur demande de dommages et intérêts ;
Condamne la société SITIC à payer à la société Y. 12.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
La condamne en tous les dépens de première instance et d'appel ;
Admet SCP DAUTHY-NABOUDET avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- 5831 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Illustrations voisines : démarchage à domicile
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 6435 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Publicité