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T. COM. PARIS (1re ch. B), 26 juin 1995

Nature : Décision
Titre : T. COM. PARIS (1re ch. B), 26 juin 1995
Pays : France
Juridiction : TCom Paris. 1re ch. sect. B
Demande : 94/004448
Date : 26/06/1995
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 20/12/1993
Décision antérieure : CA PARIS (5e ch. sect. B), 27 novembre 1997
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 290

T. COM. PARIS (1re ch. B), 26 juin 1995 : RG n° 94/004448

(sur appel CA Paris (5e ch. B), 27 novembre 1997 : RG n° 95/24038 ; arrêt n° 235)

 

Extrait : « Attendu que la Société PERRIN revendique ensuite le bénéfice de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs qui lui permettrait de renoncer à son engagement dans le cadre du délai de réflexion prévu, Mais attendu que la Société PERRIN, personne morale contractante, ne peut à ce titre relever de ces dispositions, le Tribunal la dira mal fondée en sa demande,

Attendu que la Société PERRIN reproche en outre au contrat de revêtir un caractère abusif au sens de la loi du 10 janvier 1978 en ne comportant pas de date de début d’exécution, mais attendu que cette date s’entend dans les usages à la prochaine parution et que les parutions prévues ont eu lieu, le Tribunal dira la Société PERRIN mal fondée en ses demandes d’annulation ou de résiliation du contrat ».

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE B

JUGEMENT DU 26 JUIN 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94/004448.

 

ENTRE :

La SA SITIC

dont le siège social se trouve [adresse], PARTIE DEMANDERESSE, Assistée de Maître GRANGER, Avocat (M9022) et comparant par Maître ORTOLLAND, Avocat (D897).

 

ET :

1) La SARL PERRIN

dont le siège social se trouve [adresse].

2) Mme X.

demeurant [adresse].

PARTIES DÉFENDERESSES : Assistées de Maître LOPASSO, Avocat au Barreau de TOULON ([adresse]) et comparant par le Cabinet MONTA (D1721).

 

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] LES FAITS :

Monsieur X. associé de la Société PERRIN a signé le 9 février 1993 un ordre de publicité au nom de son épouse, gérante de ladite société, et a apposé le cachet commercial.

L’insertion, d’un montant de 11.860 Francs, portait sur la vente du fonds de commerce de la Société PERRIN et devait paraître deux fois dans L’ARGUS DU FONDS DE COMMERCE ET DE L’INDUSTRIE, publication spécialisée éditée par la Société SITIC.

Par courrier du 12 février 1993 Mme X. informait la Société SITIC qu’elle suspendait la mise en vente de sa société et que, dès que cela serait nécessaire elle réutiliserait ses services

Par courrier recommandé AR en date du 24 février 1993 la Société SITIC rappelait que les sociétés sont exclues du bénéfice de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage à domicile.

[minute page 3] Par lettre recommandée AR en date du 2 mars 1993, la Société SITIC indiquait qu’il ne lui « est pas possible de vérifier l’identité et le pouvoir des personnes qui se présentent comme responsables en possédant le cachet de l’entreprise » et qu’il convenait de régler le montant de la facture.

Par courrier en date du 3 mars 1993 Monsieur X. donnait à la Société SITIC un certain nombre d’explications sur les circonstances qui l’avaient conduit à signer cet ordre de publicité et qu’il n’y avait donc pas lieu à règlement.

Par courrier recommandé AR en date du 23 mars 1993, la Société SITIC maintenait sa demande de règlement.

Puis la Société SITIC par différents courriers en date des 14 et 27 avril, 3 mai, 4 et 10 juin, 8 juillet et 25 août 1993 a continué à demander le paiement sans succès et a alors assigné devant ce Tribunal.

 

PROCÉDURE :

Par acte d’huissier en date du 20 décembre 1993 la Société SITIC a assigné la Société PERRIN demandant au Tribunal de :

- Condamner la Société PERRIN à lui payer :

1°/ la somme de 11.860 Francs en principal assorti des intérêts de droit à compter du 3 mai 1993 date de la mise en demeure ;

2°/ la somme de 2.965 Francs au titre de la clause pénale prévue aux conditions générales de vente ;

3°/ la somme de 2.643,59 Francs au titre de l’article 700 du NCPC ;

4°/ le coût des présentes et les entiers dépens ;

- Ordonner l’exécution provisoire sans constitution de garantie.

 

A l’audience du 16 février 1994 la Société PERRIN a déposé des conclusions demandant au Tribunal de :

- Prononcer la résiliation pour inexécution du contrat du 9 février 1993 ou à tout le moins sa nullité ;

- Débouter la Société SITIC de toutes ses demandes ;

- La condamner à lui payer la somme de 12.000 Francs avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et capitalisation annuelle au titre des dommages-intérêts ;

- La condamner aux entiers dépens et au paiement d’une somme de 15.000 Francs en application de l’article 700 du NCPC ;

- Ordonner l’exécution provisoire sans constitution de garantie.

 

A l’audience du 6 mars 1995 la Société SITIC a déposé deux jeux de conclusions dans lesquelles elle précise sa position, répond aux observations contenues dans les conclusions adverses et maintient ses prétentions premières demandant au Tribunal de lui adjuger ses précédentes écritures.

[minute page 4]

A cette même audience la Société PERRIN dépose de nouvelles conclusions venant préciser certains points du litige et demande au Tribunal de lui adjuger ses précédentes écritures

 

A son audience du 22 mai 1995 où toutes les parties étaient représentées le juge rapporteur a clos les débats.

Il sera statué par un jugement contradictoire en premier ressort sur l’ensemble des demandes principales et reconventionnelles.

 

MOYEN DES PARTIES :

La Société SITIC fait valoir que sa créance est fondée sur un bon de commande signé par Monsieur X., principal associé de la Société PERRIN, comportant le cachet commercial de la société.

Elle précise que son commercial a pu légitimement croire qu’il traitait avec une personne habilitée et que la théorie du mandat apparent s’applique pleinement à la situation.

Elle fournit à l’appui de son argumentation le bon de commande sur lequel apparaissent les coordonnées du contractant, en l’occurrence la gérante épouse de Monsieur X., l’enseigne de la Société PERRIN SARL, le cachet de la Société PERRIN et la signature de Monsieur X.

Elle rappelle qu’une personne morale, en l’espèce la Société PERRIN ne peut bénéficier de la loi SCRIVENER et ne peut se rétracter après avoir signé l’ordre de publicité.

Enfin elle fait remarquer que le courrier du 12 février 1993, signé par la gérante de la Société PERRIN confirme, en voulant suspendre la publication de l’annonce, qu’elle se considérait comme bien concernée par la signature de l’ordre de publicité.

La Société PERRIN conteste cette argumentation en prétendant que le signataire de l’ordre n’était pas habilité à signer car il n’était ni dirigeant social ni salarié et qu’il n’avait rencontré le commercial de L’ARGUS qu’à titre informatif sans vouloir s’engager.

Elle soutient en outre que seule l’Assemblée Générale de la Société PERRIN pouvait décider de la vente du fonds de commerce et que Monsieur X. n’était pas en mesure, seul et sur sa propre initiative, de vendre un élément essentiel de la société.

Enfin elle rappelle une jurisprudence de la Cour d’Appel de VERSAILLES du 20 novembre 1985 qui a débouté de sa demande en paiement une officine d’annonces qui n’avait pas vérifié que le bon à tirer de l’ordre avait été bien accepté. Elle indique que le courrier de Madame X. du 12 février 1993 démontre que la Société PERRIN ne souhaitait pas entamer de relations d’affaires et qu’ainsi L’ARGUS n’a pas voulu constater le défaut de consentement au sens de l’article 1108 du Code Civil.

De plus la Société PERRIN soutient que le contrat en cause, qui revêtait tous les caractères d’un contrat d’adhésion, contenait des stipulations qui ont un caractère abusif au sens de la loi du 10 janvier 1978.

[minute page 5] Elle précise à ce titre que le contrat ne comportait pas de date permettant de connaître son commencement d’exécution.

Par ailleurs elle s’appuie sur la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile pour faire constater que Monsieur X., en toute bonne foi, croyait bénéficier du délai légal de réflexion prévu par ladite loi

La Société PERRIN conclut alors que le contrat doit être réputé avoir été annulé le 12 février 1993 et même résilié pour inexécution au sens de l’article 1184 du Code Civil car aucun acquéreur potentiel ne s’est manifesté.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que le bon de commande portant sur l’ordre de publicité de vente du fonds de commerce de la Société PERRIN à faire paraître dans L’ARGUS DU FONDS DE COMMERCE ET DE L’INDUSTRIE, édité par la Société SITIC, a bien été signé en date du 9 février 1993,

Attendu que le montant de la facture correspondante s’élevant à 11.860 Francs n’a pas été réglé,

mais attendu que le signataire de l’ordre de publicité, Monsieur X., n’est ni salarié ni gérant de la Société PERRIN mais seulement associé principal n’ayant pas qualité pour s’engager sans pouvoir du gérant ou de l’Assemblée des associés,

Attendu cependant que le bon de commande comportait la mention du gérant, épouse du signataire, et le cachet commercial de la Société PERRIN,

Attendu qu’ainsi le bon de commande comporte toutes les mentions légales nécessaires à sa validité et que Monsieur X. en signant ledit bon de commande s’engageait pour le compte de la société, au nom de celle-ci et non en son nom personnel,

Attendu qu’à défaut d’être le représentant légal de la société Monsieur X. a agi comme s’il avait pouvoir et mandat de conclure l’ordre de publicité,

Attendu que par courrier en date du 12 février 1993 la gérante n’a pas remis en cause le mandat apparent que s’était constitué Monsieur X.,

Attendu que bien au contraire ce courrier confirmait l’accord intervenu mais en demandait la suspension pour report de la vente du fonds de commerce objet de l’insertion publicitaire,

Attendu qu’en conséquence le Tribunal dira l’ordre de publicité valablement conclu au nom de la Société PERRIN,

[minute page 6] Attendu que la Société PERRIN revendique ensuite le bénéfice de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs qui lui permettrait de renoncer à son engagement dans le cadre du délai de réflexion prévu,

Mais attendu que la Société PERRIN, personne morale contractante, ne peut à ce titre relever de ces dispositions, le Tribunal la dira mal fondée en sa demande,

Attendu que la Société PERRIN reproche en outre au contrat de revêtir un caractère abusif au sens de la loi du 10 janvier 1978 en ne comportant pas de date de début d’exécution, mais attendu que cette date s’entend dans les usages à la prochaine parution et que les parutions prévues ont eu lieu, le Tribunal dira la Société PERRIN mal fondée en ses demandes d’annulation ou de résiliation du contrat,

Attendu que le Tribunal déboutera la Société PERRIN en toutes ses demandes,

En conséquence le Tribunal dira la Société SITIC bien fondée en sa demande principale et condamnera la Société PERRIN à lui régler la somme de 11.860 Francs en principal assorti des intérêts de droit à compter du 3 mai 1993 date de la mise en demeure adressée,

Attendu que la Société SITIC demande en sus de condamner la Société PERRIN au paiement de la somme de 2.965, Francs au titre de la clause pénale prévue aux conditions générales de vente, soit 25 % du principal,

Attendu que cette clause est lisible et figure clairement au verso de l’ordre de publicité, le Tribunal condamnera la Société PERRIN à payer cette somme à la Société SITIC,

Attendu que, vu la nature de l’affaire, le Tribunal l’estime nécessaire, il ordonnera l’exécution provisoire, sans constitution de garantie,

Attendu d’autre part que pour faire reconnaître ses droits la Société SITIC a engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le Tribunal condamnera la Société PERRIN à lui payer la somme de 2.000 Francs au titre de l’article 700 du NCPC, déboutant pour le surplus

Attendu que les entiers dépens seront mis à la charge de la Société PERRIN,

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort,

- Déclare la SA SITIC bien fondée en toutes ses demandes principales.

- Déclare la SARL PERRIN mal fondée en toutes ses demandes.

- Condamne la SARL PERRIN à payer à la SA SITIC la somme de ONZE MILLE HUIT CENT SOIXANTE FRANCS avec intérêts légaux à compter du 3 mai 1993.

- Condamne la SARL PERRIN à payer à la SA SITIC la somme de DEUX MILLE NEUF CENT SOIXANTE CINQ FRANCS au titre de la clause pénale.

- Condamne la SARL PERRIN à verser à la SA SITIC la somme de DEUX MILLE FRANCS au titre de l’article 700 du NCPC, déboutant pour le surplus.

- Ordonne l’exécution provisoire sans constitution de garantie.

- Condamne la société PERRIN aux entiers dépens dont ceux à recouvrer par le Greffe, liquidés à la somme de 275,21 Francs TTC (App. 5,25 + Aff. 42,00 + Emol. 184,80 + TVA 43,16).

Confié lors de l’audience du 3 avril 1995 à Monsieur GERONIMI, en qualité de Juge-Rapporteur,

Mis en délibéré le 22 mai 1995,

Délibéré par Messieurs ALLAROUSSE, BLANCHARD, GERONIMI et prononcé à l’audience publique où siégeaient : Monsieur MESNARD, PRÉSIDENT, Messieurs ALLAROUSSE, ZIMERAY, POCQUET du HAUT JUSSE, SCHIFF, GUERIN, LEBOUCHARD, GERONIMI, SOUTUMIER, JUGES, les parties en ayant été préalablement avisées.

La Minute du Jugement est signée par le Président du Délibéré et par Monsieur OLIVERO Greffier.

Monsieur GERONIMI,

Juge-Rapporteur.