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CA PARIS (25e ch. sect. A), 14 octobre 1997

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (25e ch. sect. A), 14 octobre 1997
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 25e ch. sect. A
Demande : 97/03604
Date : 14/10/1997
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : T. COM. PARIS (10e ch.), 8 novembre 1996
Numéro de la décision : 152
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1315

CA PARIS (25e ch. sect. A), 14 octobre 1997 : RG n° 97/03604 ; arrêt n° 152

Publication : Juris-Data n° 023939

 

Extrait : « Mais considérant que la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs n'est pas applicable dans les contrats conclus entre professionnels lorsque l'objet du contrat a un rapport direct avec l'activité professionnelle du cocontractant ; Or considérant que l'utilisation d'un matériel de photocopie par l'appelante est en relation directe avec son activité dès lors que son objet social est la création, l'acquisition, l'exploitation de tous établissements de prestations de services, le conseil en expropriation, l'assistance et les démarches administratives, les expertises ».                     

 

COUR D’APPEL DE PARIS

VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 1997

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 97/03604.  Arrêt n° 152. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 8 novembre 1996 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS (10ème Ch.) RG n° 96/99328 (Mr. CARRALE).

Date ordonnance de clôture : 24 juin 1997. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision CONFIRMATION.

 

APPELANTE :

Société CABINET X.-Y. - SARL actuellement dénommée Société EXPRODEF

ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, représentée par la SCP BERNABE-RICARD, avoué assistée de Maître LEICK RAYNALDY, avocat substitué par Maître JAULIN

 

INTIMÉS :

Société COPIEURLAND NANTERRE - SA

ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par la SCP MIRA-BETTAN, avoué assistée de Maître BETTAN, avocat substitué par Maître MARGUERAT

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : PRÉSIDENT : Madame RENARD-PAYEN CONSEILLERS ; Monsieur FAUCHER, Madame DEURBERGUE

GREFFIER : Madame MARTEYN

DÉBATS à l'audience publique du 9 septembre 1997

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement par Madame RENARD-PAYEN, Président, qui a signé la minute, avec Madame MARTEYN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Cour statue sur l'appel interjeté par la société Cabinet X.-Y., actuellement dénommée EXPRODEF, du jugement du Tribunal de Commerce de Paris (10ème Chambre), prononcé le 8 novembre 1996, qui l'a condamnée à payer à la société COPIEURLAND NANTERRE la somme de 42.287,66 francs avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 1996, ainsi qu'une indemnité de 1.500 francs en vertu de l'article 700 du NCPC.

Le 30 janvier 1995, la société COPIEURLAND NANTERRE a vendu un photocopieur de marque CANON type NP-3825 à la société Cabinet X.-Y., qui, le 5 septembre 1995, a souscrit un contrat de maintenance, d'une durée de cinq ans.

Le 4 avril 1996, la société Cabinet X.-Y. a informé son cocontractant de la cession de l'appareil et par voie de conséquence de la résiliation du contrat d'entretien.

La société COPIEURLAND NANTERRE lui en a donné acte et lui a réclamé, sans succès, le paiement de l'indemnité prévue au contrat en cas de rupture anticipée, puis l'a assignée devant le Tribunal de Commerce de Paris qui a fait droit à sa demande.

Appelante de cette décision, la société X.-Y. fait valoir en substance que :

- le contrat de maintenance, accessoire de la chose, a été transféré en même temps qu'elle au nouvel acquéreur,

- [minute page 3] s'il y a eu résiliation de la convention, la vente de l'appareil a eu pour effet de faire disparaître son obligation qui est devenue sans cause,

- la clause d'indemnité de résiliation est une clause pénale, qu'elle est abusive au sens de la loi du 10 janvier 1978, et qu'elle doit être réputée non écrite,

- que cette clause est excessive.

Elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement déféré, au débouté des prétentions de l'intimée, subsidiairement à la réduction à néant de la clause pénale, enfin à la condamnation de la société COPIEURLAND NANTERRE, à lui payer une indemnité de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du NCPC.

Intimée, la société COPIEURLAND NANTERRE réplique que la convention de prestations de services liant les parties a été passée entre des professionnels, qu'il s'en suit que les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 ne sont pas applicables, et que c'est aussi à tort que l'appelante invoque le Code des assurances en une telle matière. L'intimée soutient que la cause du contrat doit exister au moment de sa formation, ce qui était le cas en l'espèce. Elle prétend que l'indemnité de résiliation est en réalité une clause de dédit. Elle en conteste à tout le moins le caractère abusif ou excessif et fait valoir que son montant ne peut être réduit que sous certaines conditions qui ne sont pas remplies.

Elle prie en conséquence la Cour de confirmer le jugement déféré, de condamner l'appelante à lui payer une indemnité complémentaire de 12.000 francs par application de l'article 700 du NCPC, et, par conclusions séparées signifiées le 7 août 1997, d'ordonner, enfin, la capitalisation des intérêts.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que le contrat de maintenance souscrit le 5 septembre 1995 a pris effet à cette date, non, comme le soutient l'appelante, à la date de l'acquisition du photocopieur intervenue le 30 janvier 1995 ; qu'il a été conclu pour une durée de cinq ans ;

Considérant que l'intimée s'est engagée à fournir, contre paiement d'une redevance trimestrielle forfaitaire, des prestations définies aux conditions générales dont le préambule est ainsi rédigé :

« Le présent avenant fait partie intégrante de l'assurance COPIEURLAND. Il garantit au client les prestations de service assurant le bon fonctionnement du matériel... ainsi que la [minute page 4] fourniture des pièces détachées et des encres noires et couleur. En particulier, le présent avenant garantit au client les délais d'intervention et le respect des pénalités définis au paragraphe 2 « Service Après Vente » de l'assurance COPIEURLAND » ;

Considérant que l'article 7-6 du contrat prévoit qu'en cas de résiliation anticipée par le client, celui-ci s'engage à payer une indemnité équivalente à 70 % du montant des redevances normalement dues pour la période du contrat restant à courir jusqu'à son terme ;

Considérant que l'appelante prétend qu'elle ne serait pas tenue du paiement d'une telle indemnité parce qu'elle a cédé le photocopieur et qu'elle en a informé l'intimée ; que procédant d'abord par un raisonnement par analogie, elle soutient que, comme la carte grise qui est un accessoire nécessaire du véhicule vendu, le contrat de maintenance du 5 septembre 1995 doit être délivré aux termes de l'article 1615 du Code civil avec le photocopieur pour en permettre l'usage normal ; qu'il en est en effet l'accessoire ; que l'appelante fait valoir ensuite que l'article L. 121-10 du Code des assurances est applicable aux relations des parties, puisque le contrat se réfère expressément à une « assurance fournisseur », qu'il fait donc partie intégrante de celle-ci ; qu'il a été transféré au nouvel acquéreur en tant qu'accessoire de la chose vendue et qu'il n'a pas été résilié ;

Mais considérant que même si les parties ont utilisé le terme « assurance », c'est dans une acception différente de celle retenue par l'appelante ; qu'il ne s'agit pas d'une convention dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, dépendraient d'un événement incertain ; que la société COPIEURLAND NANTERRE s'est uniquement engagée à effectuer la maintenance de l'appareil contre paiement, non d'une prime mais d'une redevance forfaitaire ; que la qualification des rapports liant les parties est celle d'un contrat de prestations de services auquel les dispositions du Code des assurances ne sont pas applicables ;

Considérant par ailleurs que cette convention conclue huit mois après l'achat et la livraison du photocopieur, indépendamment donc du contrat de vente qui ne comportait aucune obligation de souscrire un contrat d'entretien, n'est pas un accessoire nécessaire de l'appareil au sens de l'article 1615 du Code civil ; qu'il s'en suit qu'il n'a pu être cédé ou transféré en même temps que lui ;

Considérant que l'appelante prétend ensuite que la vente du photocopieur a eu pour effet de faire disparaître la cause du contrat de maintenance puisque l'intimée n'a plus de prestations à exécuter ;

[minute page 5] Considérant toutefois que dans un contrat synallagmatique à durée déterminée, les parties sont contraintes d'exécuter leurs obligations jusqu'au terme convenu, sauf faculté de résiliation offerte à chacune d'entre elles ; que le cocontractant qui n'a pas pris l'initiative d'une rupture anticipée des relations qui lui occasionne nécessairement un dommage, est en droit d'obtenir la réparation de celui-ci par le paiement d'une indemnité ;

Considérant que si c'est l'intimée qui a notifié la résiliation de la convention de maintenance, elle l'a fait en tirant les conséquences de la décision de l'appelante de céder le matériel ; qu'elle ne demande pas à cette dernière de payer les redevances forfaitaires qui pourraient être dues jusqu'au terme du contrat, mais de l'indemniser du préjudice que lui a causé cette rupture anticipée ;

Considérant que l'appelante prétend encore que cette clause imposée par un professionnel à un non professionnel doit être réputée non écrite parce qu'elle est économiquement abusive au sens de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ; qu'elle interdit, selon elle, au client de céder le matériel et de mettre fin au contrat pendant une durée de cinq ans, alors que dans le même temps le prestataire de services dispose d'une faculté de résiliation de plein droit dans de multiples cas ; qu'ainsi lui est conféré un avantage excessif ;

Mais considérant que la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs n'est pas applicable dans les contrats conclus entre professionnels lorsque l'objet du contrat a un rapport direct avec l'activité professionnelle du cocontractant ;

Or considérant que l'utilisation d'un matériel de photocopie par l'appelante est en relation directe avec son activité dès lors que son objet social est la création, l'acquisition, l'exploitation de tous établissements de prestations de services, le conseil en expropriation, l'assistance et les démarches administratives, les expertises ;

Considérant que la clause litigieuse n'offre pas la faculté à l'intimée de rétracter son consentement et de se délier unilatéralement de son obligation, mais qu'elle tend à sanctionner l'inexécution par le cocontractant de ses obligations ; qu'il s'agit d'une clause pénale ;

Considérant que l'appelante soutient enfin que la somme réclamée dépasse largement la valeur d'achat de l'appareil, que, le préjudice est inexistant parce que le prestataire de services peut utiliser les fournitures qu'il a en stock pour d'autres clients et que le contrat a été exécuté pendant plusieurs mois ;

[minute page 6] qu'elle estime que le montant de cette indemnité est excessif et qu'il doit être réduit à néant ;

Mais considérant que le caractère manifestement excessif de cette indemnité n'est pas démontré, eu égard au fait notamment qu'elle ne tend pas à obtenir le paiement d'une somme égale au montant des redevances encore à percevoir jusqu'à l'expiration du contrat et de ce que l'intimée a limité sa demande en effectuant son décompte à partir de l'acquisition de l'appareil, non de la date d'effet du contrat de maintenance ; que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que les conditions de l'article 1154 du Code civil sont remplies et qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'anatocisme formulée par l'intimée par conclusions signifiées le 7 août 1997 ;

Considérant que l'équité commande d'allouer une indemnité complémentaire de 5.000 francs à l'intimée sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; qu'en revanche l'appelante, partie perdante, doit conserver la charge de ses frais irrépétibles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Ordonne la capitalisation des intérêts sur les sommes dues à compter du 7 août 1997,

Déboute la société EXPRODEF (anciennement CABINET X.-Y.) de ses demandes,

La condamne à payer à la société COPIEURLAND NANTERRE une indemnité complémentaire de 5.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC,

La condamne aux dépens d'appel, admet la SCP MIRA-BETTAN au bénéfice de l'article 699 du NCPC.