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CA LYON (1re ch. civ. A), 10 janvier 2008

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 10 janvier 2008
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1er ch. civ.
Demande : 06/08116
Date : 10/01/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 20/12/2006
Décision antérieure : TGI BOURG-EN-BRESSE (ch. civ.), 23 octobre 2006, CASS. CIV. 2e, 12 février 2009
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1328

CA LYON (1re ch. civ. A), 10 janvier 2008 : RG n° 06/08116

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Il n’est pas contesté que lors de la demande d’adhésion qu’elle formula le 18 juin 2002, Madame Y. a omis de déclarer le suivi d’un traitement dépressif avec hospitalisation en 1992 (suite à la disparition de membres de sa famille dans une avalanche). Madame Y. invoque toutefois à bon droit les dispositions de l’article L. 113-9 du Code des Assurances aux termes desquelles l’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance. […] Il convient par ailleurs d’observer que si certaines questions dudit questionnaire de santé fixent une période maximale de déclaration des pathologies ou des traitements, et ce pour des traitements d’une certaine importance, ayant notamment entraîné un arrêt de travail de plus de 30 jours (en l’occurrence une période de 5 années), d’autres ne précisent aucun délai sans pour autant indiquer expressément qu’il convient de les déclarer quelle que soit la date, même éloignée, à laquelle ils sont survenus, et ce, contrairement aux recommandations émises par la Commission des clauses abusives (recommandation n° 90-01 publiée au BOCCRF du 28/08/1990).

Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, Madame Y. ne peut être considérée que de bonne foi au sens de l’article L. 113-9 du Code des Assurances et le jugement entrepris doit être réformé en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat d’assurance. »

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 10 JANVIER 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G n° 06/08116. Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE Au fond du 23 octobre 2006 : RG [ou jugement] 2006/527.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

[adresse], représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour, assistée par Maître CONRAD, avocat au barreau de Bourg en Bresse

 

INTIMÉE :

SA CNP ASSURANCES

[adresse], représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour, assistée par Maître LEFEBVRE avocat au barreau de Bourg en Bresse

 

L’instruction a été clôturée le 31 août 2007. L’audience de plaidoiries a eu lieu le 16 novembre 2007. L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2008

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l’affaire a été débattue devant Monsieur VOUAUX-MASSEL, Président, (sans opposition des avocats dûment avisés) qui a fait lecture de leur rapport, a entendu les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistée de Madame SAUVAGE, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur VOUAUX-MASSEL, président, Madame BIOT, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller,

ARRÊT : contradictoire ; prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile ; signé par Monsieur VOUAUX-MASSEL, président et par Madame JANKOV, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame Y. a contracté un prêt immobilier auprès du Crédit Agricole des Savoie afin d’acquérir sa résidence principale.

Dans le cadre de cet emprunt, Madame Y. a adhéré à un contrat d’assurance souscrit par l’établissement financier auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance pour les garanties décès et perte totale et irréversible d’autonomie, sauf si celle-ci résulte des conséquences de l’accident de la voie publique porté sur le questionnaire de santé rempli le 18 juin 2002, ainsi que pour la garantie ITT, sauf si celle-ci résulte de cet accident de la voie publique.

Madame Y. a été placée en arrêt de travail à compter du 12 décembre 2002, à la suite d’un accident de la route survenu le 11 décembre 2002.

La Caisse Nationale de Prévoyance a dénié sa garantie en raison d’une omission d’inscription d’un antécédent médical de 1992 lors de l’adhésion au contrat d’assurance-groupe le 18 juin 2002.

Suivant acte d’huissier du 15 septembre 2005, Madame Y. faisait assigner la Caisse Nationale de Prévoyance devant le Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE aux fins de voir annuler la décision de refus de prise en charge de la Caisse Nationale de Prévoyance et de condamner cette dernières à assurer les échéances du prêt immobilier à compter du mois de janvier 2004.

Suivant jugement en date du 23 octobre 2006, le Tribunal de Grande Instance a prononcé l’annulation du contrat d’assurance souscrit par Madame Y. et l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Madame Y. a relevé appel de cette décision suivant acte du 20 décembre 2006.

Dans des écritures auxquelles la Cour se réfère expressément, Madame Y. qui a omis de déclarer le suivi d’un traitement prescrit pour un syndrome dépressif avec hospitalisation en 1992, excipe de sa bonne foi, arguant tant des informations erronées recueillies auprès de l’employée du Crédit Agricole en charge du dossier que de l’approximation des questions figurant au questionnaire de santé. Elle soutient par ailleurs que la Caisse Nationale de Prévoyance ne rapporte pas la preuve que l’inexactitude a modifié l’opinion du risque qu’en avait l’assureur. Madame Y., qui conclut en conséquence à l’infirmation du jugement, demande à la Cour de dire que la Caisse Nationale de Prévoyance devra prendre en charge les échéances du prêt souscrit auprès du Crédit Agricole à compter du mois de janvier 2004 jusqu’à paiement intégral et de l’y condamner. Elle sollicite également le règlement de l’intérêt au taux légal sur toutes les échéances acquittées depuis le mois de janvier 2004 au titre de l’emprunt immobilier, outre capitalisation conformément à l’article 1154 du Code civil. Elle sollicite enfin la condamnation de la Caisse Nationale de Prévoyance à lui verser une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans des écritures auxquelles la Cour se réfère expressément, la Caisse Nationale de Prévoyance a conclu à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat d’assurance sur le fondement des dispositions de l’article L. 113-8 du Code des Assurances, dès lors que, selon elle, Madame Y. a sciemment omis de déclarer un syndrome dépressif avec hospitalisation survenu en 1992. Subsidiairement, la Caisse Nationale de Prévoyance soutient que Madame Y. ne peut prétendre à sa prise en charge sans qu’il soit établi au préalable que Madame Y. était en état d’ITT conformément à la définition contractuelle et ce depuis le mois de janvier 2004. A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la Cour de dire que toute éventuelle prise en charge au titre de la garantie ITT ne pourra se faire que dans els termes et limites contractuels et au profit de l’organisme prêteur bénéficiaire du contrat d’assurance et auxquels les échéances devront être réglées directement. La Caisse Nationale de Prévoyance sollicite enfin la condamnation de Madame Y. à lui verser une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et sa condamnation aux dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il n’est pas contesté que lors de la demande d’adhésion qu’elle formula le 18 juin 2002, Madame Y. a omis de déclarer le suivi d’un traitement dépressif avec hospitalisation en 1992 (suite à la disparition de membres de sa famille dans une avalanche).

Madame Y. invoque toutefois à bon droit les dispositions de l’article L. 113-9 du Code des Assurances aux termes desquelles l’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance.

En effet, alors qu’il résulte du questionnaire de santé que Madame Y. a parfaitement signalé un accident survenu en mars 1999, ainsi qu’un test de dépistage de séropositivité VIH pratiqué en mai 2001, elle justifie par une attestation très circonstanciée de Monsieur B. qui était présent le 18 juin 2002 en tant que conseiller financier, que Madame Y. avait sollicité l’aide de Madame C., employée du Crédit Agricole des Savoie, en charge du dossier qui, interrogée par Madame Y. sur la déclaration de l’antécédent de 1992, lui avait répondu que cela remontait à trop loin et que seuls les antécédents récents devaient être signalés. Il convient par ailleurs d’observer que si certaines questions dudit questionnaire de santé fixent une période maximale de déclaration des pathologies ou des traitements, et ce pour des traitements d’une certaine importance, ayant notamment entraîné un arrêt de travail de plus de 30 jours (en l’occurrence une période de 5 années), d’autres ne précisent aucun délai sans pour autant indiquer expressément qu’il convient de les déclarer quelle que soit la date, même éloignée, à laquelle ils sont survenus, et ce, contrairement aux recommandations émises par la Commission des clauses abusives (recommandation n° 90-01 publiée au BOCCRF du 28/08/1990).

Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, Madame Y. ne peut être considérée que de bonne foi au sens de l’article L. 113-9 du Code des Assurances et le jugement entrepris doit être réformé en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat d’assurance.

En l’espèce, la Caisse Nationale de Prévoyance ne rapporte, d’aucune manière, la preuve que l’inexactitude de la déclaration et plus particulièrement l’omission de déclarer un syndrome dépressif remontant à plus de 10 ans, aurait modifié l’opinion du risque qu’elle en avait.

Elle prétend, en se bornant à l’affirmer, qu’elle n’aurait accepté de garantir Madame Y. que pour le risque décès, en excluant ainsi le risque perte totale et irréversible d’autonomie et le risque incapacité temporaire totale.

Toutefois, force est de constater, en premier lieu, à la lecture des conditions générales, que le syndrome dépressif avec hospitalisation ne figure pas au nombre des cas d’exclusions des garanties du contrat

Il convient également d’observer qu’à la suite du signalement par Madame Y., dans le questionnaire de santé, d’un accident survenu en mars 1999 (soit dans les cinq années précédant l’adhésion), la compagnie d’assurances avait simplement décidé à réception de la demande d’adhésion d’exclure des garanties les conséquences de cet accident.

Or, si l’on peut supposer qu’une décision similaire aurait pu être prise en cas de déclaration du syndrome dépressif remontant à dix ans, cela n’aurait pas empêché Madame Y. de bénéficier de la garantie qu’elle revendique présentement, dès lors qu’il est constant que l’incapacité dont elle se prévaut, est consécutive à un accident de la voie publique survenue le 11 décembre 2002.

En tout cas, la Caisse Nationale de Prévoyance n’indique pas davantage la majoration de prime qu’aurait éventuellement pu entraîner la connaissance de cet antécédent.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la sanction de réduction de l’indemnité prévue à L. 113-9 alinéa 3 du Code des Assurances n’est pas applicable en l’espèce.

Alors qu’aux termes des conditions générales du contrat souscrit la garantie est due (rubrique « Incapacité temporaire totale ») lorsque l’assuré se trouve, à la suite d’un accident ou d’une maladie, dans l’incapacité, reconnue médicalement, d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel, Madame Y. justifie par un certificat médical du 1er février 2006, se trouver depuis l’accident de la voie publique survenu le 11 décembre 2002 dans une situation d’incapacité totale de travail, avec impossibilité de reprendre le travail depuis lors, sans que la Caisse Nationale de Prévoyance ne vienne à aucun moment apporter sur le plan médical une quelconque contradiction à ces constatations.

Le délai conventionnel de franchise étant expiré à la date à partir de laquelle Madame Y. demande sa prise en charge au titre de la garantie ITT (1er janvier 2004), il convient de faire intégralement droit à sa demande, y compris, à titre de dommages-intérêts, au paiement des intérêts sur les échéances qu’elle a effectivement acquittées depuis janvier 2004.

Il est équitable d’allouer à Madame Y., en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité au titre des frais, non compris dans les dépens, qu’elle a dû exposer pour assurer sa défense en première instance et en cause d’appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 octobre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE ;

Et statuant à nouveau,

Dit que la Caisse Nationale de Prévoyance devra prendre en charge au titre de la garantie ITT le montant intégral des échéances du prêt souscrit par Madame Y. auprès de la Caisse Agricole des Savoie et ce, à compter du mois de janvier 2004 ;

L’y condamne en tant que de besoin ;

Condamne en outre la Caisse Nationale de Prévoyance à régler à Madame Y. l’intérêt au taux légal de toutes les échéances qu’elle a effectivement acquittées depuis janvier 2004 au titre de l’emprunt immobilier et ordonne la capitalisation de ces intérêts selon les conditions prescrites à l’article 1154 du Code civil ;

Condamne le Caisse Nationale de Prévoyance à payer à Madame Y. une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la Caisse Nationale de Prévoyance aux dépens de première instance et d’appel et autorise l’avoué de son adversaire à recouvrer directement contre elle les sommes dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision suffisante.