TI VALOGNES, 6 octobre 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1373
TI VALOGNES, 6 octobre 2006 : RG n° 11-06-000040 ; jugement n° 95/2006
(sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 13 mars 2008 : RG n° 06/03717)
Extraits : 1/ « S'agissant de la possibilité pour le juge de relever d'office l'existence de clauses abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issues de la transposition de la directive N° 93/13 du 5 avril 1993, la Cour de justice des communautés européennes a estimé qu'une « protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (27 juin 2000, Océano Groupo). »
2/ « Aussi une clause prévoyant une augmentation du montant maximum du découvert autorisé fixé dans la convention initiale des parties sans que ne soit conclu un nouveau contrat de prêt a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur emprunteur, en exonérant le prêteur de sacrifier aux exigences légales protectrices de l'emprunteur et en privant du même coup celui-ci de cette protection. C'est ainsi par exemple que l'emprunteur se voit déchu de la possibilité de rétracter son acceptation dans le délai de 7 jours. La Commission des clauses abusives a condamné de telles clauses qui « laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur, ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation » et « créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur » (Avis 04-02 et 04-03). La Cour de cassation a au demeurant rendu un avis dans le même sens le 10 juillet 2006 en considérant que « l'article L. 132-1 du Code de la consommation répute comme non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par 1 'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ».
En conclusion, il résulte de l'ensemble des motifs sus-énoncés que bien qu'un dépassement du montant initial ait été explicitement envisagé par le contrat, et malgré l'accord au moins tacite du prêteur qui avait avancé de nouveaux fonds, ce dépassement constitue un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur, partant, faisait courir le délai biennal de forclusion ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE VALOGNES
JUGEMENT DU 6 OCTOBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 11-06-000040. Jugement n° 95/2006. A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 6 octobre 2006 ; Sous la Présidence de Anne-Laure MADURAUD, Juge placée auprès du Premier Président de la Cour d'Appel de CAEN nommée au Tribunal de Grande Instance de CHERBOURG, déléguée au Tribunal d'Instance de VALOGNES, assistée de Christine NEEL, Greffier ;
Après débats à l'audience du 8 septembre 2006, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
Société COFINOGA SA
dont le siège social est [adresse], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître BOBIER Jacky, avocat du barreau de COUTANCES
ET :
DÉFENDEUR(S) :
Mademoiselle X.
demeurant [adresse], comparante en personne le 19 mai 2006, non comparante, ni représentée le 8 septembre 2006.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 12 mars 2001, la société COFINOGA a consenti à Mademoiselle X. une ouverture de crédit reconstituable par fractions pour un montant initial de 20.000 francs (3.048,98 euros), et ouvrant droit pour le prêteur à la perception d'intérêts à un taux effectif global variant en fonction du découvert utilisé.
Par acte d'huissier en date du 12 avril 2006, la société COFINOGA a fait assigner Mademoiselle X. devant le présent Tribunal d'Instance afin d'obtenir, sous bénéfice de l'exécution provisoire, le paiement de la somme de 10.805,89 euros avec intérêts au taux contractuel de 15,29 % l'an à compter du 13 décembre 2005, au titre de ce contrat de crédit.
Elle sollicite en outre la condamnation de la défenderesse aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Après s'être présentée à la première audience à laquelle l'affaire a été appelée, Mademoiselle X. n'a plus comparu.
Lors de l'audience du 8 septembre 2006, le demandeur a indiqué que la défenderesse avait formulé une proposition de paiement par mensualités, proposition qui, en l'absence de justificatif des ressources et charges, n'apparaissait pas sérieuse. Invité à présenter ses observations sur ce point par le Tribunal, il a précisé que son action n'était pas éteinte par forclusion, le point de départ du délai de forclusion ne pouvant être situé au moment du dépassement du découvert initial de 20.000 francs en présence d'une clause contractuelle, faisant la loi des parties, prévoyant une possibilité d'augmentation du découvert jusqu'à 140.000 francs.
L'affaire a été mise en délibéré au 6 octobre 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article 472 du Nouveau Code de Procédure Civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond, le Juge ne faisant droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L'article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile fait obligation au Juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public.
S'agissant de la possibilité pour le juge de relever d'office l'existence de clauses abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issues de la transposition de la directive N° 93/13 du 5 avril 1993, la Cour de justice des communautés européennes a estimé qu'une [minute page 3] « protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (27 juin 2000, Océano Groupo).
Aux termes des dispositions d'ordre public de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance à peine de forclusion.
Le point de départ du délai à l'expiration duquel ne peut plus s'exercer une action se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui leur a donné naissance.
Dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai biennal court à compter de la première échéance impayée non régularisée (Assemblée Plénière de la Cour de Cassation 6 juin 2003).
Notamment, le dépassement du plafond maximal fixé sur l'offre manifeste la défaillance de l'emprunteur, et fait courir le délai de forclusion (Civ. 1re, 7 décembre 2004, n° 03-19.862, Bouchardon Belloeil, JCP 2005, IV, 1152).
Par ailleurs, la Cour de cassation, dans l'arrêt Sanchez (Civ. 1re, 17 mars 1998, Sanchez, RTD com. oct.-déc. 1998, p. 907 obs. B. Bouloc.), a indiqué que tout dépassement du plafond de découvert prévu au contrat de crédit par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit.
Dans son arrêt Villatte (Cass. 1ère civ., 18 janv. 2000, Villatte, Bull. civ. I, n° 14. D. 2000, AJ p. 134), elle a rappelé que « toute modification du montant ou du taux d'un crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une offre préalable ».
L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date (art. 7) a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant la fin du premier alinéa de l'art. L. 311-9 en ce sens : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti ». Il s'agit là d'assurer une bonne information du consommateur et d'éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés.
Aussi une clause prévoyant une augmentation du montant maximum du découvert autorisé fixé dans la convention initiale des parties sans que ne soit conclu un nouveau contrat de prêt a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur emprunteur, en exonérant le prêteur [minute page 4] de sacrifier aux exigences légales protectrices de l'emprunteur et en privant du même coup celui-ci de cette protection. C'est ainsi par exemple que l'emprunteur se voit déchu de la possibilité de rétracter son acceptation dans le délai de 7 jours.
La Commission des clauses abusives a condamné de telles clauses qui « laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur, ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation » et « créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur » (Avis 04-02 et 04-03).
La Cour de cassation a au demeurant rendu un avis dans le même sens le 10 juillet 2006 en considérant que « l'article L. 132-1 du Code de la consommation répute comme non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par 1 'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ».
En conclusion, il résulte de l'ensemble des motifs sus-énoncés que bien qu'un dépassement du montant initial ait été explicitement envisagé par le contrat, et malgré l'accord au moins tacite du prêteur qui avait avancé de nouveaux fonds, ce dépassement constitue un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur, partant, faisait courir le délai biennal de forclusion
La Cour de cassation a d'ailleurs rendu, le 30 mars 2005, une décision en ce sens, et précisé que cette défaillance « ne peut être regardée comme utilement effacée par l’octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière » (Civ. 1re, 30 mars 2005, n° 02-13.765, Cofinoga/Fumanal, Gaz. Pal. 1er/2 juillet 2005 p. 9, concl. J. Sainte-Rose - Bull. civ. I n° 159 p. 134).
A l'appui de ses prétentions, le demandeur fournit notamment :
- le contrat de prêt conclu le 12 mars 200I
- un historique du compte ;
- une lettre recommandée du 25 octobre 2005 se prévalant de la déchéance du terme et valant mise en demeure ;
- un décompte détaillé des sommes réclamées. L'assignation a été délivrée le 12 avril 2006.
[minute page 5] Il résulte de l'historique de compte produit aux débats que Mademoiselle X., dès le mois d'octobre 2001, a, par les utilisations de son compte, dépassé le montant du découvert maximum autorisé de 20.000 francs. Ce dépassement n'a jamais été régularisé par la suite et, bien au contraire, n'a fait que s'aggraver.
En conséquence la défaillance de l'emprunteur constituant le premier incident de paiement non régularisé remonte au mois d'octobre 2001, nonobstant la clause contractuelle prévoyant la possibilité d'une augmentation du montant du découvert autorisé jusqu'à 140.000 francs sans souscription d'une nouvelle offre préalable conforme, laquelle en effet, étant abusive, doit être réputée non écrite.
L'action en paiement de la société COFINOGA, engagée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé est donc forclose ; ses demandes seront déclarées irrecevables, et elle sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
CONSTATE que l'action en paiement de la société COFINOGA est forclose,
DÉCLARE irrecevables les demandes de la société COFINOGA,
CONDAMNE la demanderesse aux entiers dépens.
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. NEEL A. L. MADURAUD
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5999 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Avis de la Commission des clauses abusives
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives