CA COLMAR (3e ch. civ. B), 15 février 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 1401
CA COLMAR (3e ch. civ. B), 15 février 2006 : RG n° 04/00851 ; arrêt n° 06/0155
Publication : Legifrance ; Site CCAB
Extrait : « Mais attendu que s'agissant d'un bail commercial conclu pour les besoins exclusifs de l'activité professionnelle de M. X. les dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives sont inapplicables en l'espèce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE - SECTION B
ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 B 04/00851. Arrêt n° 06/0155. Décision déférée à la Cour : 25 septembre 2003 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE MULHOUSE.
APPELANTE :
SCI P. [adresse]
[adresse], Représentée par Maître Henri-Paul STUCK, avocat à MULHOUSE
INTIMÉ :
Monsieur X.
[adresse], Représenté par la SCP G. et T. CAHN - D.S. BERGMANN, avocats à COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 11 janvier 2006, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LEIBER, Président, Mme SCHIRER, Conseiller, M. STEINITZ, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. DOLLE, Greffier
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile. - signé par M. Adrien LEIBER, président et M. François DOLLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Selon contrat de renouvellement de bail commercial conclu le 10 juin 1991 avec la SCI [adresse] à MULHOUSE, M. X., antiquaire, s'est notamment engagé à :
* faire assurer pour toute la durée du bail les locaux pris en location et tous les objets garnissant les lieux loués contre les risques d'incendie, d'explosion et de dégâts des eaux, sans aucune exception, auprès d'une compagnie notoirement solvable (...),
* s'assurer pour les mêmes risques contre le recours des tiers et des voisins, voire du bailleur,
* renoncer et faire renoncer ses assureurs à tout recours contre le bailleur,
* s'assurer du trouble qui pourrait lui être apporté par des tiers à sa jouissance par voie de fait ou autrement (...),
* assurer sa responsabilité civile (...).
Par acte introductif d'instance déposé au greffe du Tribunal d'instance de MULHOUSE le 28 juin 2001 la SCI P. a demandé que M. X. soit condamné, sous peine d'astreinte, à produire une attestation d'assurance conforme aux obligations contractées.
Par jugement du 25 septembre 2003 le Tribunal d'instance de MULHOUSE a constaté que M. X. justifiait avoir souscrit une police d'assurance multirisques pour les lieux loués et a considéré que la clause de renonciation de l'assureur à tout recours contre le bailleur était abusive et nulle, dès lors que le bailleur ne pouvait pas valablement s'exonérer des conséquences d'une éventuelle faute lourde.
Il a en conséquence débouté la SCI P. de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 230 €.
Selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 4 février 2004 la SCI P. a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions récapitulatives du 30 mai 2005 l'appelante soutient que le tribunal a statué ultra petita et sans respecter le principe du contradictoire sur la validité de la clause de renonciation par l'assureur à tout recours contre le bailleur, en la considérant comme nulle et non avenue, alors qu’une telle clause contractuelle est parfaitement possible dans le cadre d'un bail commercial,
- qu'il appartient à M. X. de justifier d'une assurance qui prenne en charge ces risques sans recours contre le bailleur,
- qu'en outre il ne démontre pas être assuré pour les troubles qui pourraient être apportés par les tiers à sa jouissance des lieux loués.
Elle conclut à l'infirmation du jugement, à la condamnation de M. X. à produire sous astreinte de 152,45 € par jour de retard une attestation d'assurance conforme aux engagements pris dans le contrat de bail et à sa condamnation à lui payer la somme de 609,80 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, outre un montant [minute page 3] identique par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. X. soutient que la clause de renonciation par l'assureur à tout recours contre le bailleur aurait pour effet de décharger celui-ci de son obligation d'entretien de l'immeuble et de garantie d'une jouissance paisible du locataire,
- qu'à bon droit cette clause a été déclarée nulle,
- que pour le surplus il a produit les polices d'assurances et la quittance de primes y afférent.
Il conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui payer un montant de 500 € à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 29 novembre 2005.
Vu le dossier de la procédure et les documents annexes versés aux débats.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que c'est à tort que la SCI appelante reproche au premier juge d’avoir statué ultra petita et hors débat contradictoire, alors que dans ses conclusions du 27 mai 2003 M. X. avait expressément fait valoir que la clause de renonciation à tout recours contre le bailleur était abusive et qu'il appartenait donc à la SCI de répondre à cette argumentation avant les débats du 4 septembre 2003.
Mais attendu que s'agissant d'un bail commercial conclu pour les besoins exclusifs de l'activité professionnelle de M. X. les dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives sont inapplicables en l'espèce.
Attendu que la clause de renonciation à tout recours contre le bailleur, telle que prévue dans le contrat de bail du 10 juin 1991, ne s'étend pas à toutes les obligations du bailleur, mais ne concerne que les risques « incendie, explosion et dégâts des eaux »,
- qu'elle n'a donc pas pour effet de décharger le bailleur de ses obligations essentielles, ce qui entraînerait l'annulation du bail pour défaut de cause.
Attendu que les conventions d'exonération de responsabilité sont d'une manière générale licites, hormis le cas où le débiteur aurait commis une faute intentionnelle ou une faute lourde, provoquant en l'espèce de façon délibérée un incendie, une explosion ou un dégâts des eaux, dans lequel cas une telle convention serait écartée.
Attendu que M. X. a commis une faute contractuelle en ne reproduisant pas la clause de renonciation à recours contre le bailleur dans les contrats d'assurance qu'il passait, au besoin moyennant surprime (cf. Cass. 1ère civ., 13 nov. 1997 : Bull. 1997, I, n° 301),
- que toutefois, le locataire ayant lui-même renoncé à un tel recours, l'assureur n'aura dans la plupart des cas aucun recours contre le bailleur dès lors qu'il agit par subrogation dans les droits du locataire.
[minute page 4] Attendu que pour le surplus il appartient également à M. X. de justifier d'une assurance contre les troubles occasionnés par des tiers, ainsi qu'il s'y est engagé.
Attendu que l'astreinte sollicitée par la SCI est excessive et qu'il n'y a lieu de la faire courir qu'à compter de la signification du présent arrêt ;
Attendu que la résistance de M. G ne peut pas être considérée comme « abusive » dès lors qu'il a obtenu gain de cause en première instance, même si c'est à tort,
- qu'il convient par contre de le condamner à une indemnité de procédure au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE l'appel recevable et bien fondé.
INFIRME le jugement rendu le 25 septembre 2003 par le Tribunal d'instance de MULHOUSE,
et statuant à nouveau :
CONDAMNE M. X. à produire, sous astreinte de 30 € (trente euros) par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, une attestation d'assurance pour les locaux loués [adresse], conforme aux stipulations du bail renouvelé du 10 juin 1991, notamment en ce qui concerne la renonciation de l'assureur à tout recours contre le bailleur pour les risques incendie, explosion et dégâts des eaux.
REJETTE la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.
CONDAMNE M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 600 € (six cents euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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