CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 25 janvier 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1406
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 25 janvier 2005 : RG n° 02/04941
Publication : Juris-Data n° 269914
Extrait : « Selon bon n° XX du 5 avril 2000, la société BETONS ET AGREGATS D'ETAMPES (BAE) a passé commande à la société LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES (LIEBHERR) d'une bétonnière portée et d'un tapis télescopique avec radiocommande qui devaient être montés sur un véhicule de marque Iveco. […] Attendu que s'agissant d'un contrat ayant un rapport direct avec l'activité de la société BAE, qui exploite selon les termes de ses conclusions « une centrale de béton », celle-ci n'est pas un « non-professionnel » au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et ne peut se prévaloir de la législation sur les clauses abusives introduite par ce texte ; que les stipulations susvisées ne peuvent être tenues pour nulles ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 25 JANVIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 02/04941. Décision déférée à la Cour : 10 octobre 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPÉTENCE COMMERCIALE DE COLMAR.
APPELANTE et demanderesse :
LA SA BÉTONS ET AGRÉGATS D'ETAMPES « BAE »,
ayant son siège social [adresse], représentée par son représentant légal, Représentée par Maître Marceline ACKERMANN, Avocat à la Cour, Plaidant : Maître DUFIEF, substituant Maître SCHBATH, Avocat à PARIS,
INTIMÉE et défenderesse :
LA SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES,
ayant son siège social [adresse], représentée par son représentant légal, Représentée par Maître Antoine S. SCHNEIDER, Avocat à la Cour, Plaidant : Maître HUNZINGER, Avocat à COLMAR,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 décembre 2004, en audience publique, devant la Cour composée de : M. HOFFBECK, Président de Chambre, M. DIE, Conseiller, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme SCHOENBERGER,
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé en audience publique par M. Michel HOFFBECK, président, - signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Marie SCHOENBERGER, greffier présent au prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Selon bon n° XX du 5 avril 2000, la société BETONS ET AGREGATS D'ETAMPES (BAE) a passé commande à la société LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES (LIEBHERR) d'une bétonnière portée et d'un tapis télescopique avec radiocommande qui devaient être montés sur un véhicule de marque Iveco.
Reprochant à la société LIEBHERR d'avoir tardé à livré le camion équipé et de lui avoir livré un engin défectueux, la société BAE a, selon assignation du 6 mars 2001, introduit devant le Tribunal de grande instance de Colmar une action en responsabilité à son encontre.
Par jugement du 10 octobre 2002, le Tribunal de grande instance de Colmar a :
- débouté la société BAE de l'ensemble de ses prétentions en retenant d'une part que les conditions générales de vente de la société LIEBHERR interdisaient à la société BAE de réclamer une quelconque indemnisation au titre d'un retard de livraison, qui n'était au demeurant pas établi, d'autre part que la société BAE ne démontrait pas que le véhicule avait été immobilisation en raison des dysfonctionnements allégués,
- condamné la société BAE au paiement d'une somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration reçue le 29 octobre 2002, la société BAE, a interjeté appel de cette décision.
Selon conclusions remises au greffe le 21 mai 2004, la société BAE demande à la Cour de :
- recevoir la société BAE en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris ;
- condamner la société LIEBHERR à lui payer la somme globale de 38.598,88 € à titre de dommages et intérêts ;
- condamner la société LIEBHERR à lui payer la somme de 3.900 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- débouter la société LIEBHERR de toutes ses demandes ;
- condamner la société LIEBHERR aux dépens.
Au soutien de son appel, la société BAE fait valoir en substance :
- que les premiers juges ont méconnu les éléments factuels ;
- que le véhicule a été équipé d'une radiocommande qui ne fonctionnait pas et que la société LIEBHERR a tardé à réparer cette panne qui rendait dangereuse l'utilisation de l'engin ;
- que le positionnement défectueux du tapis empêchait le véhicule de circuler normalement ;
- que ces désordres ont interdit toute utilisation du véhicule durant plusieurs semaines ;
- que la société LIEBHERR a failli à ses obligations en n'installant pas correctement les équipements commandés et ne veillant pas à leur bon fonctionnement ;
- que la société LIEBHERR qui ne peut se retrancher derrière les clauses abusives de ses conditions générales de vente, doit répondre du préjudice occasionné par le retard de livraison.
Suivant conclusions remises le 19 mars 2004, la société LIEBHERR qui reprend la [minute page 3] motivation des premiers juges et se retranche derrière ses conditions générales de vente pour dénier tout droit à indemnisation, prie la Cour de :
- déclarer l'appel mal fondé ;
- confirmer le jugement entrepris ;
- condamner la société BAE aux dépens ;
- condamner la société BAE au paiement d'une somme de 3.811,23 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2004.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que l'appel a été interjeté suivant les formes légales, dans le mois du prononcé du jugement entrepris ; qu'il est régulier en la forme et recevable ;
Attendu que la société BAE sollicite la réparation des préjudices que lui auraient occasionné en premier lieu un retard de livraison et en second lieu des vices de l'équipement fourni ;
Sur le préjudice occasionné par le retard de livraison :
Attendu que selon le bon de commande n° XX du 5 avril 2000, la livraison devait intervenir « fini semaine 33/34 » pour une « arrivée du porteur fin juin » ; que la « confirmation de commande » faisait état d'un « délai prévisionnel : Semaine 33/34 (à affiner selon date d'arrivée réelle du porteur) » ; que cette mention était reproduite sur la facture proforma ;
Attendu que le porteur a été confié à la société LIEBHERR le 19 juillet 2000, le véhicule équipé étant mis à la disposition de la société BAE à compter du 18 octobre ;
Attendu que l'article 2 des conditions générales de vente de la société LIEBHERR, dont l'opposabilité n'est pas discutée, dispose d'une part que « le délai de livraison n'est fourni qu'à titre indicatif » (article 2-1), d'autre part qu'« en toutes hypothèses, les parties conviennent d'exclure toute réclamation de dommages et intérêts ou application de pénalités » (article 2-3) ;
Attendu que s'agissant d'un contrat ayant un rapport direct avec l'activité de la société BAE, qui exploite selon les termes de ses conclusions « une centrale de béton », celle-ci n'est pas un « non-professionnel » au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et ne peut se prévaloir de la législation sur les clauses abusives introduite par ce texte ; que les stipulations susvisées ne peuvent être tenues pour nulles ; que dans ces conditions, la société BAE n'est pas fondée à poursuivre l'indemnisation du préjudice que lui aurait occasionné l'inobservation d'un délai prévisionnel de livraison, et ce d'autant moins que le porteur n'a pas été remis à l'intimée à la date convenue ;
[minute page 4]
Sur le préjudice occasionné par les défauts des équipements montés :
Attendu que l'article 6 des conditions générales de vente de l'intimée, intitulé « Garantie contractuelle », stipule notamment :
« 6-1 Portée de la garantie
Liebherr Malaxage & Techniques s'engage à remédier à toute défaillance de fonctionnement de ses produits imputable soit à un défaut dans la conception, la matière, la fabrication, voire le montage si cette opération lui est confiée et ce dans les limites ci-après.
6-2 Point de départ, limite et durée de la garantie contractuelle
6-2-1 Matériels neufs
Sauf convention écrite particulière, l'engagement de Liebherr Malaxage & Techniques en matière de garantie est de 6 mois. Cette période court soit à partir du jour de la mise en route, soit celui de la remise du produit. La garantie ainsi concédée couvre le coût de remplacement des pièces reconnues défectueuses y compris les frais de main-d'œuvre et de déplacement y afférents directement. Les moyens auxiliaires, tels que manutention, énergies diverses voire assistance en personnes sont à la charge du client. »
Que l'article 8-2 précise qu'« il incombe à Liebherr Malaxage & Techniques de remédier à toute défaillance avec diligence et à ses frais aussitôt qu'elle en est avisée » ;
Attendu qu'ayant la même spécialité que son fournisseur, la société BAE ne peut contester la régularité de cette clause limitative de garantie ; qu'en exécution de cette clause, elle n'est pas fondée à réclamer à la société LIEBHERR la réparation de l'éventuel préjudice économique occasionné par l'immobilisation de l'engin, du fait de ses vices cachés, celle-ci n'étant tenue qu'au remplacement des pièces défectueuses ;
Attendu que la société LIEBHERR indique, sans être démentie par sa cliente, qu'elle avait été avisée de la défaillance du système de télécommande du tapis à béton le 2 novembre 2000, qu'elle avait procédé le 6 novembre au remplacement du cordon d'alimentation de la batterie et qu'elle avait définitivement porté remède à la panne le 13 novembre en remplaçant la « radio » ; que cette chronologie démontre que la société LIEBHERR a été réactive et il ne saurait lui être reproché d'avoir manqué à son obligation de remédier « avec diligence » à la panne de la télécommande ;
Attendu que le 20 novembre 2000, la société LIEBHERR a procédé à la « remise en ligne» du tapis qui était, selon les écritures de l'appelante, décalé de 18 cm par rapport à son axe normal ; qu'aucun élément du dossier ne démontre que la société LIEBHERR aurait tardé à effectuer cette mise en conformité étant observé que la Cour ignore la date à laquelle ce défaut de conformité, qui n'était pas un vice occulte, a été relevé et que l'appelante ne prouve nullement que ce défaut de conformité, que son assignation en référé du 15 novembre 2000 aux fins d'expertise n'évoquait pas, aurait empêché la circulation du véhicule sur la voie publique, dans des conditions normales ;
Attendu que la société LIEBHERR n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa garantie contractuelle ;
Attendu en conclusion que la société BAE doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions;
[minute page 5] Attendu que la société BAE supportera les dépens et réglera, au titre de la procédure d'appel, une indemnité de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré eu dernier ressort,
Déclare la société BAE recevable en son appel ;
Le rejetant quant au fond, confirme le jugement entrepris ;
Condamne la société BAE à payer à la société LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES une somme de mille huit cents euros (1.800 €) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la société BETONS ET AGREGATS D'ETAMPES aux dépens.
Et le présent arrêt a été signé par M. HOFFBECK, Président de Chambre, et par Mme SCHOENBERGER, Greffier présent au prononcé.
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5930 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Matériels et matériaux