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CA COLMAR (3e ch. civ.), 26 octobre 1992

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ.), 26 octobre 1992
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3e ch. civ.
Demande : III U 3133/89
Date : 26/10/1992
Nature de la décision : Infirmation
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1418

CA COLMAR (3e ch. civ.), 26 octobre 1992 : RG n° III U 3133/89

 

Extrait : « Attendu qu'elle soutient à tort que serait abusive la clause limitative de l'article L 10 et qu'en tout état de cause, elle serait inapplicable en cas de détournement frauduleux ; […] Attendu que l'article L. 10 du même code qui lui fait suite, prévoit que l'administration est toutefois responsable jusqu'à concurrence d'une somme fixée par décret et sauf le cas de perte par force majeure, des valeurs insérées dans les lettres et régulièrement déclarées ; que ce texte apporte donc une limitation à la règle générale d'exclusion d'indemnité notamment en cas de spoliation, en cas d'envoi par pli recommandé telle que prévue par l'article L. 8, et ce puisqu'il prévoit, une indemnisation dans ce cas sauf en cas de perte par force majeure, cette indemnisation étant toutefois limitée dans ce cas à la valeur régulièrement déclarée ;

Attendu qu'au vu de ce qui précède, le CRÉDIT AGRICOLE ne saurait en conséquence soutenir que la clause limitative de l'article 10 serait inapplicable en cas de détournement frauduleux ; Attendu que cette limitation de responsabilité ne saurait être qualifiée d'abusive ; qu'elle procède en effet de la loi et s'impose donc même en cas de faute lourde ; qu'il en a jugé ainsi par une jurisprudence constante de la Cour de Cassation et que la jurisprudence du Conseil d'État invoqué par le CRÉDIT AGRICOLE apparaît par conséquent inopérante ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 1992

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° III U 3133/89.

APPELANTE et demanderesse :

Le CRÉDIT AGRICOLE Caisse Régionale du Haut Rhin

ayant son siège […], représenté par son Directeur audit siège, représentée par Maîtres CAHN & Associés, avocats à COLMAR,

 

INTIMÉS et défendeurs :

- Monsieur X.

demeurant […], mais actuellement sans adresse connue, non représenté,

- Monsieur Le Ministre des POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

Ministère des P & T, [adresse], représenté par Maîtres HARNIST & ACKERMANN, avocats à COLMAR,

 

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré : Mme WALTZ, Conseiller faisant fonction de Président de la Section A de la 3ème Chambre Civile, spécialement désigné à cet effet par ordonnance de M. le Premier Président en date du 13 décembre 1991, M. SCHMITT & Mme RASTEGAR, Conseillers,

Greffier : M. DOLLE.

DÉBATS : En audience non publique le 6 juillet 1992

ARRÊT CONTRADICTOIRE A L'ÉGARD de M. LE MINISTRE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS, ET PAR DÉFAUT A L'ENCONTRE DE M. X. : Prononcé en audience publique le 26 octobre 1992 par Mme WALTZ

OBJET : RESPONSABILITÉ PTT FAUTE LOURDE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Cinq agences de la Caisse Régionale du Crédit Agricole du Haut Rhin ont envoyé par le canal de la poste 6 plis déclarés contenant des devises, lesquels ont été subtilisés le 28 mars 1987 par Monsieur X., préposé employé des Postes et Télécommunications au bureau central de MULHOUSE, actuellement disparu ;

Le Ministre des PTT a indemnisé le Crédit Agricole du montant de la valeur déclarée soit 6 x 7.500 francs en invoquant à l'appui de sa thèse l'article L. 10 du Code des Postes et en faisant valoir que peu importait la nature de la faute commise par l'administration qui est sans influence sur le montant de la réparation ;

Le Crédit Agricole, estimant devoir être indemnisé compte tenu non de la valeur déclarée mais des devises effectivement contenues dans les plis, a assigné Monsieur X. et le Ministre des Postes au paiement solidaire de 1.224.653 francs et de 30.000 francs à titre de dommages et intérêts ;

Le Tribunal de Grande Instance de COLMAR, initialement saisi, s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal d'Instance ;

Par jugement en date du 14 juin 1989, le Tribunal d'Instance de COLMAR a constaté qu'il n'était pas valablement saisi en ce qui concerne Monsieur X. et a débouté le Crédit Agricole de sa demande ;

Ce dernier a interjeté appel de cette décision ;

Il fait valoir au soutien de son appel :

- que le premier juge a considéré à tort qu'il n'était pas valablement saisi contre X. ; que celui-ci a été régulièrement assigné devant le Tribunal de Grande Instance puis devant le Tribunal d'Instance conformément aux dispositions de l'article 659 du Nouveau code de procédure civile ; qu'il a par la suite été régulièrement assigné devant la Cour ;

- qu'en l'espèce, s'agissant non pas d'une perte mais d'un vol, c'est à dire d'un fait intentionnel commis par un préposé de l'administration, celle-ci ne saurait se retrancher derrière l'article L. 10 du Code des Postes et Télécommunications qui fait suite aux articles L. 7 et L. 8 qui prévoit une limitation de responsabilité et qui ne s'applique qu'en cas de perte, c'est à dire de fait involontaire de l'administration ;

- qu'à supposer ce texte applicable, même en cas de vol, il n'en demeure pas moins que la clause limitative de responsabilité doit être écartée en raison de la faute lourde de l'administration qui reconnaît le vol et a porté plainte de ce chef contre son préposé ;

- que la clause contractuelle invoquée par l'administration des postes est abusive ;

- que les intérêts sont dus sur la différence entre la dette de l'administration et le montant versé à compter-du jour de la sommation ;

[minute page 3] L'appelante conclut :

« Recevoir l'appel,

Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- Dire et constater que Monsieur X. avait été régulièrement assigné devant le Tribunal d'Instance ;

- Condamner les défendeurs solidairement à payer au CRÉDIT AGRICOLE demandeur la somme de 1.124.653 francs avec les intérêts légaux à partir du 12 juin 1987 ;

- Condamner les défendeurs solidairement à payer au CRÉDIT AGRICOLE demandeur la somme de 30.000 francs à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 15.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

- Condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens des deux instances. »

 

Le Ministre des Postes et Télécommunications réplique :

Sur la saisine du premier juge :

- qu'il entend sur ce point s'en remettre à la sagesse de la Cour ;

Sur la notion de perte :

- que le CRÉDIT AGRICOLE fait, à tort, une distinction entre la perte d'un pli à valeur déclarée et le vol dudit pli ;

- qu'il persiste à tort à faire soutenir que la clause limitative de l'article L. 10 serait abusive et, par une interprétation erronée des textes, qu'elle serait inapplicable en cas de détournement frauduleux ;

- que l'article L. 8 prévoit très précisément le cas de la soustraction frauduleuse puisqu'il mentionne qu'aucune indemnité n'est due en cas de spoliation ;

- qu'est inopérante en l'espèce la jurisprudence du Conseil d'État invoquée, la Cour de Cassation ayant retenu que la limitation de responsabilité de l'administration procède de la loi et qu'elle est donc également applicable en cas de faute lourde ; qu'en acceptant d'acheminer un pli chargé dans lequel l'expéditeur a pu insérer, sans aucun contrôle, des valeurs bien supérieures à celle qu'il déclare, l'administration accepte seulement de rembourser ce qui lui est déclaré et que, de son côté, l'expéditeur renonce à toute réclamation pour ce qu'il dissimule ;

[minute page 4] Il conclut :

« Rejeter l'appel,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamner le CRÉDIT AGRICOLE du HAUT RHIN en tous les dépens.

Le condamner à payer au Trésor Public la somme de 5.000 francs, au titre de l'article 700 du NCPC. »

 

Monsieur X. a été régulièrement cité devant la Cour par huissier, celui-ci ayant établi le procès-verbal de recherches prévu par l'article 659 du Nouveau code de procédure civile après avoir, en vain, recherché son adresse ;

Il n'a pas constitué avocat et n'a fait valoir aucun moyen ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI LA COUR :

Vu la procédure, les pièces et les conclusions échangées entre les parties auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens :

Attendu qu'il échet de statuer par défaut à l'égard de Monsieur X. en application des articles 653-654 et 659 du Nouveau code de procédure civile, celui-ci n'ayant pas été cité à personne devant la Cour et l'huissier ayant dressé un procès-verbal de recherches infructueuses ;

 

Quant à la recevabilité de l'appel :

Attendu que l'appel régulièrement interjeté dans les délais légaux, est recevable en la forme ;

 

Quant à la saisine du Tribunal d'instance :

Attendu qu'il résulte du dossier et des pièces versées aux débats que, contrairement aux motifs retenus par le premier juge, Monsieur X. a été régulièrement cité devant le Tribunal d'Instance de COLMAR pour le 14 décembre 1988, date à laquelle étaient fixés les débats oraux, l'huissier ayant, faute d'avoir retrouvé son adresse actuelle, dressé le procès-verbal de recherches prévu par l'article 659 du Nouveau code de procédure civile ;

qu'il convient à toutes fins utiles de relever que la demanderesse avait oublié de remettre au premier juge l'assignation sus-visée qui ne figure pas dans le dossier de première instance ;

qu'en tout état de cause, Monsieur X. ayant été régulièrement cité devant le Tribunal d'Instance selon assignation avec procès-verbal de recherches infructueuses, la décision rendue, susceptible d'appel, est par conséquent réputé contradictoire à son encontre ;

[minute page 5]

Quant au fond :

Attendu que par des motifs pertinents que la Cour adopte, le premier juge a fait une juste appréciation en droit et en fait des circonstances et éléments de la cause ;

Attendu que l'appelante ne fait valoir devant la Cour aucun moyen de nature à entraîner l'infirmation sur le fond de la décision entreprise ;

Attendu qu'elle soutient à tort que serait abusive la clause limitative de l'article L 10 et qu'en tout état de cause, elle serait inapplicable en cas de détournement frauduleux ;

Attendu en effet que l'article 8 du Code des Postes et Télécommunications, en sa rédaction antérieure à 1990 et applicable au cas d'espèce, stipule que l'administration « n'est tenue à aucune indemnité soit pour détérioration, soit pour spoliation des objets recommandés... la perte sauf le cas de force majeure donne seule le droit au profit de l'expéditeur à une indemnité dont le montant est fixé par décret ».

que cet article écarte donc clairement et sans ambiguïté l'absence de toute indemnité à la charge de l'administration en cas de spoliation, c'est à dire de « dépossession par fraude ou par violence », donc notamment en cas de vol ;

Attendu que l'article L. 10 du même code qui lui fait suite, prévoit que l'administration est toutefois responsable jusqu'à concurrence d'une somme fixée par décret et sauf le cas de perte par force majeure, des valeurs insérées dans les lettres et régulièrement déclarées ;

que ce texte apporte donc une limitation à la règle générale d'exclusion d'indemnité notamment en cas de spoliation, en cas d'envoi par pli recommandé telle que prévue par l'article L. 8, et ce puisqu'il prévoit, une indemnisation dans ce cas sauf en cas de perte par force majeure, cette indemnisation étant toutefois limitée dans ce cas à la valeur régulièrement déclarée ;

Attendu qu'au vu de ce qui précède, le CRÉDIT AGRICOLE ne saurait en conséquence soutenir que la clause limitative de l'article 10 serait inapplicable en cas de détournement frauduleux ;

Attendu que cette limitation de responsabilité ne saurait être qualifiée d'abusive ; qu'elle procède en effet de la loi et s'impose donc même en cas de faute lourde ;

qu'il en a jugé ainsi par une jurisprudence constante de la Cour de Cassation et que la jurisprudence du Conseil d'Etat invoqué par le CRÉDIT AGRICOLE apparaît par conséquent inopérante ;

Attendu que la confirmation de la décision entreprise s'impose ;

[minute page 6] Attendu que la CAISSE RÉGIONALE du HAUT RHIN du CRÉDIT AGRICOLE qui succombe en ses prétentions au fond doit être condamnée aux entiers dépens ;

que l'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile en faveur du Trésor Public à qui il y a lieu d'allouer de ce chef la somme de 2.000 francs ;

que la demande de l'appelante de ce chef ne saurait prospérer ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et en dernier ressort, par arrêt contradictoire à l'égard de Monsieur Le Ministre des Postes et Télécommunications, par défaut à l'encontre de Monsieur X.

Déclare recevable en la forme l'appel interjeté ;

Le dit très partiellement fondé ;

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a constaté n'être pas valablement saisie en ce qui concerne Monsieur X. ;

Constate que Monsieur X. a été régulièrement cité devant le premier juge et que le jugement rendu est réputé contradictoire à son encontre ;

Confirme pour le surplus le jugement dont appel ;

Condamne la CAISSE RÉGIONALE DU HAUT RHIN du CRÉDIT AGRICOLE aux, entiers dépens ;

Le condamne à payer au TRÉSOR PUBLIC la somme de 2.000 francs (deux mille francs) en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires ;

Et le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.