CA ORLÉANS (ch. civ.), 16 juin 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 1655
CA ORLÉANS (ch. civ.), 16 juin 2008 : RG n° 07/01186 ; arrêt n° 231
Publication : Juris-Data n° 370828
Extraits : 1/ « Attendu que le comité d'entreprise est une personne morale qui ne saurait se prévaloir, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il n'est pas contesté que les contrats relatifs à la location des distributeurs de café et de boissons fraîches ont été souscrits pour satisfaire aux obligations des articles R. 232-3 et 232-3-1 du code du travail et qu'ils sont ainsi en rapport direct avec l'activité professionnelle de l'intimé ; que les dispositions du code de la consommation qu'il revendique ne lui sont donc pas applicables ».
2/ « Attendu que le contrat ne saurait être plus clair sur l'indépendance des conventions de location longue durée et de prestation ; qu'il apparaît manifeste que la société KBC LEASE, qui a financé l'achat du matériel chez le fabricant, perçoit les loyers pour récupérer les fonds avancés par elle tandis que la société FONTEX était rémunérée pour les services de maintenance et d'approvisionnement des appareils en consommables ; que ces deux contrats sont donc totalement indépendants l'un de l'autre au point, d'ailleurs, qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société FONTEX, les locataires pouvaient s'adresser aux prestataires de leur choix pour obtenir les services que leur cocontractant défaillant ne pouvait plus leur assurer ; que c'est à tort que le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. estime que, du fait de la défaillance de la société FONTEX, le contrat se trouve dépourvu de cause et de contrepartie alors que le contrat de prestation avec la société FONTEX ne cesse pas par la seule mise en liquidation judiciaire de cette dernière et que, surtout, le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. bénéficie toujours de la mise à disposition des appareils en état de marche financés par la société KBC LEASE et qu'il peut faire appel à un fournisseur quelconque pour être approvisionné en boissons ; que, dès lors, l'arrêt non contesté du paiement des loyers est fautif et justifie que la résiliation soit constatée aux torts exclusifs du COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. huit jours après la mise en demeure qui lui a été adressée en vain par la société KBC LEASE ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ».
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 JUIN 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/01186. ARRÊT n° 231.
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 12 avril 2007
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
KBC LEASE FRANCE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], Représentée par Maître Estelle GARNIER avoué à la Cour, Ayant pour avocat Maître Michel MOREAU du barreau de LYON, D'UNE PART
INTIMÉE :
COMITÉ D'ENTREPRISE P. J.
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [adresse], Représenté par la SCP LAVAL-LUEGER avoués à la Cour, Ayant pour avocat la SCP FIDAL TOURS du barreau de TOURS, D'AUTRE PART
[minute page 2]
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 11 mai 2007
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 27 février 2008
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, à l'audience publique du 29 AVRIL 2008, Monsieur Bernard BUREAU, Président, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Lors du délibéré : Monsieur Bernard BUREAU, Président de Chambre, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité, Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.
Greffier : Mademoiselle Nathalie MAGNIER faisant fonction de greffier.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 16 JUIN 2008 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. a conclu avec la société FONTEX, le 29 mai 2001, des contrats pour la fourniture de sept machines à café et de six distributeurs de boissons fraîches ainsi que des contrats d'approvisionnement en consommables et de maintenance pour les matériels ;
La société FONTEX a cédé à la société KBC LEASE, qui assurait le financement de l'opération, les contrats de bail sur les appareils ;
Par la suite, la société FONTEX a été placée en liquidation judiciaire et le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. a cessé de payer ses loyers en décembre 2001 ; la société KBC LEASE l'a alors assignée pour voir résilier les contrats et la voir être condamnée à lui verser les loyers et les indemnités prévues ;
Par jugement du 12 avril 2007, le Tribunal de Grande Instance de TOURS a, notamment :
- [minute page 3] constaté la résiliation de plein droit, au 17 décembre 2003, des contrats de location conclus le 29 mai 2001 ;
- condamné le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. à payer à la société KBC LEASE la somme de 42.130,77 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2005 et capitalisation de ces derniers ;
- ordonné au COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. de restituer à la société KBC LEASE le matériel loué dans les deux mois de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 30 € par jour de retard ;
- condamné le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. à payer à la société KBC LEASE 1.000 € d'indemnité de procédure ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
Vu les conclusions récapitulatives :
- du 29 mai 2008, pour la société KBC LEASE, appelante ;
- du 17 octobre 2007, pour le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. ;
auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes ;
Au soutien de son appel la société KBC LEASE fait valoir qu'à juste raison le Tribunal a estimé que le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. ne pouvait invoquer le bénéfice du code de la consommation alors que les contrats sont en relation directe avec son activité professionnelle et qu'ils sont passés entre deux personnes morales ; elle ajoute qu'encore avec raison, le premier juge a considéré que les contrats de location du matériel d'une part et de prestation de maintenance et d'approvisionnement, d'autre part, étaient totalement indépendants et divisibles et que, dès lors, la cessation de son activité par la société FONTEX ne dispensait pas le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. de payer les loyers pour les appareils puisque le locataire pouvait faire appel à un autre prestataire ; qu'en revanche, la société KBC LEASE considère devoir faire appel car le Tribunal a réduit, de façon injustifiée au titre de la clause pénale, les sommes qui lui sont dues en application du contrat puisque ces sommes (loyers et majoration de 10 %) sont dictées par l'économie du contrat et ne sont nullement excessives dans la mesure, notamment, où le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. a conservé les appareils dont il peut se servir sans bourse délier ; elle réclame donc l'infirmation du jugement sur ce point et la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 84.110,27 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts ; elle demande encore 3.000 € d'indemnité de procédure et la condamnation du COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. à lui restituer le matériel sous astreinte de 155 € par jour de retard ;
[minute page 4] Le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. fait remarquer qu'il se différencie de l'entreprise dont il est un organisme indépendant et qu'à ce titre, il n'est pas un professionnel ; il en déduit qu'il peut invoquer les dispositions protectrices de l'article L. 132-1 du code de la consommation pour faire juger non écrites les clauses abusives des contrats ; qu'en effet, en cédant à la société KBC LEASE les contrats de location, la société FONTEX devait aussi céder ses propres obligations relatives aux contrats de prestation définissant ses obligations envers le locataire sinon les contrats de location se retrouvent dépourvus de cause et de contrepartie ; il ajoute que ces actes constituent un ensemble unique et indivisible au sens des dispositions de l'article 1218 du code civil dans la mesure où il a conclu une prestation globale avec la société FONTEX qui devait à la fois fournir les machines, assurer leur entretien et approvisionner les consommables ; il forme donc appel incident et conclut à la résiliation des contrats aux torts de la société KBC LEASE ainsi qu'a sa condamnation à lui verser 25.000 € de dommages-intérêts et 3.000 € d'indemnité de procédure ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI LA COUR :
Attendu que le comité d'entreprise est une personne morale qui ne saurait se prévaloir, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il n'est pas contesté que les contrats relatifs à la location des distributeurs de café et de boissons fraîches ont été souscrits pour satisfaire aux obligations des articles R. 232-3 et 232-3-1 du code du travail et qu'ils sont ainsi en rapport direct avec l'activité professionnelle de l'intimé ; que les dispositions du code de la consommation qu'il revendique ne lui sont donc pas applicables ;
Attendu que l'article 5 du contrat de location longue durée prévoyait expressément la possibilité pour la société FONTEX de céder les matériels ; qu'il énonçait que, dans une telle hypothèse, le cessionnaire encaissera et facturera au locataire les prestations à charge pour lui de les reverser au fournisseur ; qu'il stipule, en outre, très clairement : « le locataire ne fait pas de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition à son engagement L'attention du locataire a par ailleurs été attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction du loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur » ;
Attendu que le contrat ne saurait être plus clair sur l'indépendance des conventions de location longue durée et de prestation ; qu'il apparaît manifeste que la société KBC LEASE, qui a financé l'achat du matériel chez le fabricant, perçoit les loyers pour récupérer les fonds avancés par elle tandis que la société FONTEX était rémunérée pour les services de maintenance et d'approvisionnement des appareils en consommables ; que ces deux contrats sont donc totalement indépendants l'un de l'autre au point, d'ailleurs, qu'après la mise [minute page 5] en liquidation judiciaire de la société FONTEX, les locataires pouvaient s'adresser aux prestataires de leur choix pour obtenir les services que leur cocontractant défaillant ne pouvait plus leur assurer ; que c'est à tort que le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. estime que, du fait de la défaillance de la société FONTEX, le contrat se trouve dépourvu de cause et de contrepartie alors que le contrat de prestation avec la société FONTEX ne cesse pas par la seule mise en liquidation judiciaire de cette dernière et que, surtout, le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. bénéficie toujours de la mise à disposition des appareils en état de marche financés par la société KBC LEASE et qu'il peut faire appel à un fournisseur quelconque pour être approvisionné en boissons ; que, dès lors, l'arrêt non contesté du paiement des loyers est fautif et justifie que la résiliation soit constatée aux torts exclusifs du COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. huit jours après la mise en demeure qui lui a été adressée en vain par la société KBC LEASE ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Attendu que l'article 9 du contrat stipule qu'en cas de résiliation, outre la restitution du matériel, « le locataire devra verser au bailleur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale au montant des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat tel que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 % ... » ;
Attendu que le Tribunal a condamné le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. au paiement des loyers échus mais, considérant les dispositions précitées relatives aux majorations de 10 % et au paiement des loyers à échoir comme une clause pénale manifestement excessive, à limité à 1.000 € pour chacun des deux contrats (machines à café n° XX et boissons fraîches n° YY) le montant de cette clause ;
Mais attendu que la somme ainsi allouée à la société KBC LEASE, qui ne va obtenir que la restitution d'un matériel quasiment dépourvu de toute valeur marchande, ne suffit même pas à amortir le financement initial des appareils facturés par la société FONTEX à la société KBC LEASE pour la somme de 61.637,23 € ; que si l'on ajoute à cette somme l'indemnisation du manque à gagner du bailleur et les frais administratifs entraînés par la résiliation, la clause pénale prévue au contrat n'apparaît pas manifestement excessive et, dès lors, il sera fait droit à l'appel de la société KBC LEASE sur le montant des sommes à lui revenir ;
Attendu, en revanche, que le montant de l'astreinte apparaît suffisant eu égard à la réformation qui précède ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser supporter à l'appelante la charge de la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû engager ; qu'il lui sera accordé une indemnité de 2.000 € à ce titre ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
VU les articles L. 132-1 du code de la consommation ;
VU les articles 1131, 1134, 1154, 1217 et 1218 du code civil ;
VU les articles R. 232-3 et 232-3-1 du code du travail ;
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. à payer à la société KBC LEASE la somme de 42.130,77 € en application des dispositions des contrats ;
STATUANT À NOUVEAU sur le point réformé :
CONDAMNE le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. à payer à la société KBC LEASE la somme de quatre vingt quatre mille cent dix euros et vingt-sept centimes d' euros (84.110,27 €) avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2005 ;
DIT que les intérêts des sommes dues poileront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la première demande en justice ;
CONFIRME, en toutes ses autres dispositions, le jugement entrepris ;
CONDAMNE le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. à payer à la société KBC LEASE la somme de deux mille euros (2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le COMITÉ D'ENTREPRISE P. J. aux dépens d'appel ;
ACCORDE à Maître GARNIER, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Arrêt signé par Monsieur Bernard BUREAU, président et Mademoiselle Nathalie MAGNIER, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5911 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Intensité du lien avec l’activité - Contrat imposé par la réglementation
- 5929 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Mise à disposition d’un distributeur de boissons
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)