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CA DOUAI (3e ch.), 15 février 2007

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (3e ch.), 15 février 2007
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 3e ch.
Demande : 06/01187
Décision : 0125/07
Date : 15/02/2007
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 24/02/2006
Décision antérieure : CASS. CIV. 2e, 2 avril 2009
Numéro de la décision : 125
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1671

CA DOUAI (3e ch.), 15 février 2007 : RG n° 06/01187 ; arrêt n° 0125/07

(sur pourvoi Cass. civ. 2e, 2 avril 2009 : pourvoi n° 07-14900)

Publication : Legifrance ; site CCAB

 

Extraits : 1/ « Attendu qu’il n’est pas contesté que la condition relative à la date de réalisation du risque pour la mise en œuvre de la garantie invalidité totale et définitive est remplie ; que le litige porte sur la condition n° 1 relative à l’impossibilité définitive pour l’adhérent de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit ; Attendu que cette clause est certes ambigüe puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu’au contraire le terme « et » impose un cumul ; Que cependant l’interprétation faite par la CNP est la plus favorable à Monsieur Z. puisqu’elle considère que lorsque l’adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation ; Attendu que le tribunal a dénaturé la clause qui vise « toute activité rémunérée ou donnant gain ou profit » en considérant que la seule impossibilité pour Monsieur Z. d’exercer son activité professionnelle lui ouvrait droit à garantie ».

2/ « Attendu qu’il ne peut être contesté que Monsieur Z. qui n’a jamais exercé d’autre profession que celle d’agriculteur depuis l’âge de 14 ans, qui ne dispose d’aucun bagage scolaire ni d’aucune formation et qui était déjà âgé de 57 ans lorsqu’il a été placé en invalidité par la Mutualité Sociale Agricole, pourra difficilement retrouver une activité rémunératrice adaptée à son état de santé ; Que cependant ces difficultés sont dues non pas à l’invalidité dont Monsieur Z. est atteint, mais à des facteurs liés au marché de l’emploi, à l’âge de l’adhérent et à son niveau de formation alors que selon les termes du contrat définissant l’état d’invalidité totale et définitive l’adhérent doit être dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée du fait de son invalidité, (quand l’invalidité dont il est atteint le place dans l’impossibilité définitive de se livrer...) ; Que Monsieur Z. ne remplit pas cette condition ».

3/ « Attendu que la circonstance que la clause litigieuse exige l’impossibilité pour l’adhérent de reprendre toute activité rémunérée et non son activité professionnelle ou son activité habituelle ne suffit pas à lui conférer un caractère abusif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ; qu’elle ne crée au détriment de l’assuré aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dans la mesure où l’assureur a fixé le tarif des primes en fonction des seules exigences du contrat ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/01187. [Décision attaquée :] Jugement (N° 05/00343) rendu le 7 février 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE

 

APPELANTE :

SA CNP ASSURANCES

Ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour, assistée de Maître SEGHERS, substituant Maître Henri DECROIX, avocat au barreau de BÉTHUNE

 

INTIMÉ :

Monsieur Z.

[adresse], représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour, assisté de Maître DRUART, substituant Maître François HERMARY, avocat au barreau de BÉTHUNE

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame MERFELD, Président de chambre, Monsieur VERGNE, Président de chambre, Madame BERTHIER, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ

DÉBATS à l’audience publique du 20 décembre 2006. Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Février 2007 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 novembre 2006

Sur le rapport de Madame MERFELD, Président de Chambre. 

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

A l’occasion de deux prêts de 320.000 Francs et 50.000 Francs souscrits auprès du Crédit Agricole, Monsieur Z., né le [date], agriculteur, a adhéré les 22 novembre 1991 et 30 mai 1995 au contrat d’assurance groupe conclu par le Crédit Agricole auprès de la CNP, garantissant les risques décès, invalidité permanente et absolue et invalidité totale et définitive.

Monsieur Z. a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 10 avril 2000 du fait d’une cardiopathie avec valvulopathie aortique et n’a plus repris son activité professionnel. Il a été placé en invalidité à 100 % par la Mutualité Sociale Agricole à compter du 1er novembre 2000.

Par courriers des 13 février et 12 juillet 2001 la CNP a refusé la prise en charge sollicitée le 11 janvier 2001 par Monsieur Z. au titre de la garantie invalidité totale et définitive au motif qu’il ne remplissait pas les conditions exigées pour cette garantie ainsi définie : l’assuré est en état d’IDT lorsque les conditions n° 1 et 3 de l’IPA (invalidité permanente et absolue) sont remplies cumulativement :

- condition n° 1 : quand l’invalidité dont il est atteint le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,

- condition n° 3 : la date de réalisation du risque reconnu par l’assureur se situe avant l’âge limite de couverture stipulé aux conditions particulières.

La CNP a maintenu sa position après dépôt du rapport d’expertise médicale du Docteur C., désigné d’un commun accord entre le médecin de Monsieur Z. et celui missionné par la CNP, qui concluait comme suit :

A dater du 1er décembre 2000 on doit considérer que de façon définitive Monsieur Z. est incapable d’exercer son métier d’agriculteur car inapte à l’exercice de toutes activités physiques nécessitant une charge physique significative.

Monsieur Z. est apte à l’exercice d’une activité professionnelle ne nécessitant pas la manutention ni la réalisation d’efforts physiques. Toutefois Monsieur Z. n’a jamais exercé ce type de profession puisque depuis l’âge de 14 ans il est agriculteur. Monsieur Z. ne dispose d’aucun bagage scolaire ni de formation quelqu’elle soit et Monsieur Z. n’a exercé au cours de sa carrière que la profession d’agriculteur, jusqu’à sa mise en pension d’invalidité par la Mutualité Sociale Agricole en date du 1er novembre 2000.

Par assignation du 11 janvier 2005 délivrée à la CNP après mise en œuvre d’une procédure de référé expertise, Monsieur Z. a saisi le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE qui, par jugement du 7 février 2006, a condamné la CNP à rembourser à Monsieur Z. le montant des échéances des prêts du Crédit Agricole qu’il a réglées indûment à cet organisme bancaire depuis le 1er novembre 2000 et à lui verser la somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Tribunal a jugé que la clause qui subordonne la garantie au titre de l’invalidité totale et définitive, à la condition que l’invalidité dont l’assuré est atteint le place dont l’impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, est ambigüe et potestative puisque l’alternative « et » et « ou » et le terme « occupation » sans adjectif adjoint, donnent à l’assureur le choix de subordonner la garantie à des conditions plus ou moins strictes. Il a considéré en conséquence qu’en vertu des articles 1175 et 1162 du code civil, l’adhérent peut se prévaloir de ce caractère ambigu et potestatif pour considérer que dans l’esprit des parties et en tous cas dans son esprit, la garantie invalidité totale et définitive était due à partir du moment où son invalidité définitive reconnue l’empêchait de se livrer à son activité professionnelle qui est la seule qu’il soit capable d’exercer.

La CNP a relevé appel de ce jugement le 24 février 2006.

Vu les conclusions signifiées le 8 septembre 2006 par la Société CNP Assurances qui demande à la Cour d’infirmer le jugement, de débouter Monsieur Z. de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 4. 000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les conclusions signifiées le 24 juillet 2006 par Monsieur Z. qui sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la CNP à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, demandant à la Cour de déclarer la clause litigieuse abusive en la forme et potestative en son fond et en conséquence de l’écarter des relations contractuelles, subsidiairement d’interpréter cette clause en disant que la mention « toute activité rémunérée » doit être entendue au sens d’activité habituelle et de condamner la CNP au paiement de la somme de 26.196,54 €.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE : 

Attendu qu’il n’est pas contesté que la condition relative à la date de réalisation du risque pour la mise en œuvre de la garantie invalidité totale et définitive est remplie ; que le litige porte sur la condition n° 1 relative à l’impossibilité définitive pour l’adhérent de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit ;

Attendu que cette clause est certes ambigüe puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu’au contraire le terme « et » impose un cumul ;

Que cependant l’interprétation faite par la CNP est la plus favorable à Monsieur Z. puisqu’elle considère que lorsque l’adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation ;

Attendu que le tribunal a dénaturé la clause qui vise « toute activité rémunérée ou donnant gain ou profit » en considérant que la seule impossibilité pour Monsieur Z. d’exercer son activité professionnelle lui ouvrait droit à garantie ;

* * *

Attendu qu’il résulte du rapport du Docteur E., expert commis par ordonnance du juge des référés du 26 décembre 2002, que Monsieur Z. a présenté des troubles valvulaires aortiques qui ont justifié une intervention chirurgicale le 16 juin 2000 pour un remplacement valvulaire aortique par une valve mécanique ; qu’une infection survenue en août 2000 conduisit à la mise en place d’une nouvelle prothèse aortique ; que Monsieur Z. fut hospitalisé jusqu’au 5 octobre 2000 dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital de [ville T.] ; qu’en juillet 2002 il fut proposé un changement de traitement en raison d’une hyperthyroïdie ;

Que l’expert judiciaire a fixé l’incapacité temporaire totale du 10 avril au 5 octobre 2000, suivie d’une période d’incapacité partielle à 75 % du 6 octobre au 23 novembre 2000 puis à 50 % du 24 novembre 2000 au 11 octobre 2002 ; qu’il propose une date de consolidation au 11 octobre 2002 avec un taux d’incapacité permanente partielle de 50 %, en indiquant que Monsieur Z. est inapte aux ports de charges lourdes d’un poids supérieur à 10 kg et au travail avec marche prolongée ou rapide mais que son état est compatible avec un travail léger, un travail administratif ou de direction et la conduite automobile ;

Qu’il conclut que si Monsieur Z. est inapte à la reprise de son activité professionnelle antérieure d’agriculteur il n’est pas inapte à se livrer à toute activité ou occupation rémunérée lui procurant gain et profit à condition que cette occupation soit aménagée compte tenu de son âge et de son état de santé antérieur ;

Attendu que ces conclusions rejoignent celles du Docteur C., expert désigné d’un commun accord par les parties au terme de la procédure de conciliation instituée par le contrat d’assurance ;

Attendu qu’il ne peut être contesté que Monsieur Z. qui n’a jamais exercé d’autre profession que celle d’agriculteur depuis l’âge de 14 ans, qui ne dispose d’aucun bagage scolaire ni d’aucune formation et qui était déjà âgé de 57 ans lorsqu’il a été placé en invalidité par la Mutualité Sociale Agricole, pourra difficilement retrouver une activité rémunératrice adaptée à son état de santé ;

Que cependant ces difficultés sont dues non pas à l’invalidité dont Monsieur Z. est atteint, mais à des facteurs liés au marché de l’emploi, à l’âge de l’adhérent et à son niveau de formation alors que selon les termes du contrat définissant l’état d’invalidité totale et définitive l’adhérent doit être dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée du fait de son invalidité, (quand l’invalidité dont il est atteint le place dans l’impossibilité définitive de se livrer...) ;

Que Monsieur Z. ne remplit pas cette condition ;

* * *

Attendu que la circonstance que la clause litigieuse exige l’impossibilité pour l’adhérent de reprendre toute activité rémunérée et non son activité professionnelle ou son activité habituelle ne suffit pas à lui conférer un caractère abusif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ; qu’elle ne crée au détriment de l’assuré aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dans la mesure où l’assureur a fixé le tarif des primes en fonction des seules exigences du contrat ;

Attendu qu’il convient d’infirmer le jugement et de débouter Monsieur Z. de ses demandes ;

Attendu qu’il serait toutefois inéquitable de prononcer une condamnation au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à son égard ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant en audience publique et contradictoirement,

Infirme le jugement et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur Z. de ses demandes,

Le condamne aux dépens de première instance et d’appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE-FRANCHI avoués,

Déboute la Société CNP Assurances de sa demande au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier,                              Le Président,

S. AMBROZIEWICZ             E. MERFELD