CA DOUAI (1re ch.), 11 octobre 1999
CERCLAB - DOCUMENT N° 1687
CA DOUAI (1re ch.), 11 octobre 1999 : RG n° 97/09261
(sur pourvoi Cass. civ. 3e, 11 juillet 2001 : pourvoi n° 99-20970 ; arrêt n° 1197)
Extrait : « Attendu que l'article 18-4-4 de la norme dispose qu'au cas où le maître de l'ouvrage n'a pas notifié de décompte définitif... il est tenu de payer... le solde calculé d'après le montant du mémoire définitif ; Que cet article s'applique en l'espèce puisqu'à défaut d'établissement du décompte définitif cet envoi n'a pas eu lieu dans le délai prévu à l'article 18-4-1 de la norme ; Qu'il est constant que le décompte définitif n'est établi qu'en cas de désaccord avec le mémoire définitif et qu'à défaut de contestation le mémoire s'impose aux parties ; Attendu que ces clauses ne s'avèrent ni contraires aux principes généraux de droit ni abusives dans la mesure où elles appartiennent au contrat selon l'accord des parties, que le Maître d'ouvrage ne peut ignorer les délais prévus au contrat et que le maître d'œuvre qui est un professionnel assiste le maître de l'ouvrage ».
COUR D’APPEL DE DOUAI
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 11 OCTOBRE 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 97/09261.
APPELANTE :
LA SA QUILLERY,
ayant son siège social […], représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX. Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT Avoués associés. Assistée du Cabinet LEBAS PERRIN CHAILLET, avocats à Lille.
INTIMÉE :
SCI CLINIQUE VAL DE LYS,
ayant son siège social […], représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX. Représentée par SCP MASUREL-THERY Avoués associés. Assistée de Maître SELLIER, avocat à Lille.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme ROUSSEL, président de chambre. Mme LAPLANE et Mme TURLIN, conseillers.
Mme LECLERCQ, greffier présent lors des débats.
DÉBATS à l'audience publique du SIX SEPTEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF.
[minute page 2] ARRÊT CONTRADICTOIRE, prononcé à l'audience publique du ONZE OCTOBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF, date indiquée à l'issue des débats, par Madame Roussel, président, qui a signé la minute avec Madame Hermant, greffier, présents à l'audience lors du prononcé de l'arrêt.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement en date du 15 octobre 1997 le Tribunal de Grande Instance de Lille a condamné la SCI Clinique du Val de Lys à payer à la société Quillery la somme de 932.659,23 Francs, avec intérêts moratoires sur cette somme à compter du 30 septembre 1995 et jusqu'à parfait paiement, a condamné la société Quillery à payer à la SCI Clinique du Val de Lys la somme de 481095,72 Francs à titre de pénalités pour la remise tardive des DOE et la somme de 962.191,44 Francs à titre de pénalités pour livraison tardive des travaux, a ordonné la compensation entre ces créances, a débouté les parties de leurs demandes en dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et a partagé les dépens entre elles.
La société Quillery a interjeté appel de cette décision.
Par le jeu combiné de ses écritures signifiées le 21 janvier 1998, 13 mars 1998 et 22 février 1999 elle expose que les demandes reconventionnelles du maître d'ouvrage au titre des pénalités de retard sont irrecevables dans la mesure où le projet de décompte général avait acquis un caractère irrévocable faute pour le maître d'ouvrage d'avoir adressé à l'entreprise un décompte général définitif rectifié dans le délai de 60 jours imparti par l'article 17-6-2 de la norme Afnor P 03001, qu'il appartenait au maître de l'ouvrage d'intégrer ces demandes et pénalités dans le cadre de l'envoi d'un projet de décompte général définitif rectifié, que cette analyse est confirmée par les termes de l'article 17-6-1 de la norme et que les retards allégués étaient caractérisés lorsque la société Quillery a établi son projet de décompte général définitif.
[minute page 3] Elle estime en tout état de cause que les demandes de pénalités sont mal fondées, qu'elle a respecté les obligations mises à sa charge en remettant en cours de travaux les documents visés dans ce texte, que l'envoi du 21 septembre 1999 avait pour objet les documents visés à l'article 30 du CCAP lesquels avaient été préalablement adressés en la forme d'envois successifs au maître d'œuvre, que l'article 30 ne prévoit aucune pénalité ; qu'en toutes hypothèse la réception est intervenue le 22 mai 1995 ce qui confirme que les documents avaient bien été adressés, que l'envoi des documents le 21 septembre 1999 n'est donc à l'origine d'aucun préjudice, que les pénalités doivent être supprimées ou réduites en application de l'article 1152 du code civil, qu'aucune pénalité n'avait antérieurement été envisagée entre les parties et qu'il n'a jamais été dans les intentions du maître d'œuvre et du maître d'ouvrage d'appliquer une pénalité alors que toute demande de pénalité doit initialement être agréée par le maître d'œuvre.
En ce qui concerne les pénalités pour livraison tardive de travaux la société Quillery estime qu'il ressort d'un rapport d'analyse des retards des travaux établis par la SODEG le 8 juin 1995 que les retards constatés ont eu peu de conséquence sur l'avancement des autres corps d'état et n'ont pas d'importance directe sur le retard général de livraison du bâtiment, que les pénalités de retard peuvent être annulées ou diminuées par le juge si elles s'avèrent excessives, que tel est le cas en l'espèce, qu'aucune pénalité provisoire, qu'aucune mise en demeure au titre des pénalités ne lui a été adressée.
La société Quillery conclut donc à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'il a été fait droit à la demande reconventionnelle de la SCI et elle sollicite 100.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 30.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Quillery émet par ailleurs des doutes sur l'existence de la SCI Clinique du Val de Lys et précise que la soumission du 9 juillet 1993 constitue un engagement contractuel réciproque, qu'aucune portée réelle ne peut être donnée au mandat confié à la société Quillery par les entreprises à désigner ultérieurement, la désignation ultérieure n'ayant pas été concrétisée par un document signé par les parties, que la responsabilité de la société
[minute page 4] Quillery ne peut donc pas être engagée en cas de défaillance des entreprises, que la SCI ne s'est jamais acquittée des factures dues aux entreprises dans les délais prévus, que les retards constatés ont été dus aux intempéries, aux faits de la SCI et de la SODEG, aux faits des entreprises de second œuvre et que le maître de l'ouvrage ne justifie pas avoir exercé de mesures coercitives prévues au contrat ni avoir appliqué des pénalités provisoires, qu'ainsi les pénalités imputables aux sous-traitants ne peuvent en tout état de cause être mises à la charge de la société Quillery.
Elle demande, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu la validité du décompte remis par la société Quillery par application des clauses contractuelles, de dire qu'il n'existe qu'un compte définitif et qu'il n'y a pas lieu à pénalités, subsidiairement, de dire n'y avoir lieu à pénalités de retard compte tenu des agissements du maître de l'ouvrage, d'annuler tous les effets de la solidarité et subsidiairement de dire que la remise de documents n'a pas été tardive.
La SCI Clinique du Val de Lys fait valoir par conclusions signifiées le 23 septembre 1998 que la société Quillery ne justifie d'aucune notification susceptible d'avoir fait courir les délais, qu'ainsi la société Quillery ne prouve pas avoir adressé à la société SODEG son mémoire définitif le 29 juin 1995, qu'aucun accusé de réception n'est produit, que la lettre d'envoi est datée du 29 juin alors que le décompte date du 30 juin 1999, que l'envoi d'un mémoire définitif établi pour les seuls travaux réalisés par la société Quillery ne peut faire courir les délais prévus par la norme alors que la société Quillery a la qualité de mandataire commun et qu'elle devait envoyer un mémoire définitif relatif à tous les postes du marché, que l'interprétation retenue par les premiers juges aboutirait à faire courir un délai contre une personne qui n'est pas avisée du délai, qu'une telle clause si elle existait serait nulle car contraire au principe général dont selon lequel un délai ne peut courir contre une personne qui ne peut agir, qu'une telle clause serait de plus abusive en ce qu'elle concernerait un professionnel et un non professionnel, que les premiers juges ont établi une confusion entre le mémoire définitif établi par l'entrepreneur et le décompte définitif établi par le maître d'œuvre, que le maître de l'ouvrage ne peut ratifier un décompte qui n'est pas établi par le maître d'œuvre, que cela résulte a contrario de l'article 18-4-2 de la norme ;
[minute page 5] A titre subsidiaire, la SCI demande l'annulation de l'article 17 de la norme.
En ce qui concerne sa demande reconventionnelle, la SCI souligne que les DOE ont été remis plus de 4 mois après la réception, que les délais contractuels prévus au marché n'ont pas été respectés, que la société Quillery est solidairement responsable des autres entreprises du respect des délais, que le montant des pénalités ne s'avère excessif au regard du préjudice subi.
La SCI demande donc la confirmation de la décision entreprise en ce qui concerne les pénalités et son infirmation sur la demande principale de la société Quillery et subsidiairement l'évaluation du décompte à 616.840,75 Francs.
Elle sollicite 100.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 30.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que l'existence de la SCI Clinique du Val de Lys est justifiée et n'est plus sérieusement contestée en l'état du dossier ;
I) Sur le solde des travaux :
Attendu qu'il n'est pas contesté par les parties que des dispositions contractuelles reprennent la norme AFNOR NF PO 3001, qui est applicable en l'espèce et que les modalités de règlement du mémoire définitif sont régies par cette norme ;
Attendu qu'en application de l'article 17-5-1 de la norme, dans le délai de 120 jours à dater de la réception, l'entrepreneur remet au maître d’œuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché ;
Attendu que la société Quillery produit une lettre du 29 juin 1995 adressée au maître d’œuvre la SODEG, et contenant mémoire définitif ;
[minute page 6] Attendu que si l'accusé de réception de ce courrier n'est pas produit son envoi effectif ne saurait être sérieusement contesté alors qu'aucun élément de la cause ne permet de remettre en cause cette transmission et que cet envoi est corroboré par un courrier du 3 juillet 1995 adressé par la société Quillery au maître de l'ouvrage contenant notamment notification du mémoire définitif ; que dans ces conclusions le maître de l'ouvrage ne conteste ni l'existence ni le contenu du courrier du 3 juillet 1995 ;
Que le fait que la lettre de transmission du décompte soit datée du 29 juin et le décompte du 30 juin s'explique par le fait que le décompte reprend les situations à cette date ;
Attendu que la réception étant intervenue le 22 mars 1995, la société Quillery a remis son mémoire définitif dans le délai prévu à l'article 17-5-1 ;
Attendu que le mémoire adressé par la société Quillery correspond à un mémoire définitif des travaux pour le lot gros œuvre exécuté par elle et fait courir les délais en ce qui la concerne, aucun élément de la norme ne disposant que le mémoire doit être relatif à l'intégralité des marchés ;
Attendu qu'il ressort par ailleurs des articles 17-6-1 et 17-6-2 de la norme que le maître d'œuvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues et remet ce décompte au maître de l'ouvrage ; que le maître de l'ouvrage notifie ensuite à l'entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 60 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'œuvre ;
Attendu qu'il ressort ainsi de cette norme que la notification faite au maître d'œuvre fait courir à l'égard du maître de l'ouvrage un délai de 60 jours pour notifier à l'entrepreneur le décompte définitif ;
[minute page 7] Attendu que l'article 18-4-4 de la norme dispose qu'au cas où le maître de l'ouvrage n'a pas notifié de décompte définitif... il est tenu de payer... le solde calculé d'après le montant du mémoire définitif ;
Que cet article s'applique en l'espèce puisqu'à défaut d'établissement du décompte définitif cet envoi n'a pas eu lieu dans le délai prévu à l'article 18-4-1 de la norme ;
Qu'il est constant que le décompte définitif n'est établi qu'en cas de désaccord avec le mémoire définitif et qu'à défaut de contestation le mémoire s'impose aux parties ;
Attendu que ces clauses ne s'avèrent ni contraires aux principes généraux de droit ni abusives dans la mesure où elles appartiennent au contrat selon l'accord des parties, que le Maître d'ouvrage ne peut ignorer les délais prévus au contrat et que le maître d'œuvre qui est un professionnel assiste le maître de l'ouvrage ;
Attendu qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande principale de la société Quillery ;
Sur la demande reconventionnelle formée par la SCI :
Attendu que les articles 175 et suivant de la norme applicable règlent la détermination et l'exigibilité de l'ensemble des sommes dues à l'entrepreneur après réception ; qu'ainsi l'article 17-6-1 vise « les sommes dues en exécution du marché » ; qu'il est constant que les pénalités résultent également du marché et s'imputent sur le prix des travaux ;
Qu'elles doivent donc être demandées dans le cadre de la procédure prévue par la norme au niveau du paiement ;
Qu'il apparaît, dans ces conditions, que faute pour le maître de l'ouvrage d'avoir contesté le mémoire définitif et sollicité des pénalités dans les [minute page 8] délais de contestations prévus et dans la forme d'un décompte définitif celui-ci s'avère forclos à solliciter ces pénalités postérieurement devant la juridiction saisie ;
Que la SCI Clinique du Val de Lys doit donc être déboutée de ses demandes en pénalités et le jugement déféré réformé en ce sens ;
Sur les dommages-intérêts, l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :
Attendu que les procédures ne s'avérant pas manifestement abusives, il n'y a pas lieu à octroi de dommages-intérêts à l'une ou l'autre des parties ;
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
Attendu qu'il convient de laisser la charge des dépens de première instance et d'appel à la SCI Clinique du Val de Lys qui succombe dans ses prétentions ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande principale de la société Quillery, avec intérêts.
Réforme le jugement déféré en ce qui concerne la demande reconventionnelle de la SCI Clinique Val de Lys et déboute cette SCI de ses demandes en pénalités.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
[minute page 9] Condamne la SCI Clinique Val de Lys aux dépens de première instance et d'appel et réforme et ce sens le jugement déféré, dont distraction au profit de la SCP Cochemé Kraut, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- 5850 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Principes
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 6000 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Autres références (CNC - AFNOR - Réponse ministérielle - Certification professionnelle)
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
- 6011 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation de la personne du consommateur
- 6303 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Construction - Contrat d’entreprise (droit commun)