CA VERSAILLES (12e ch. A), 17 mai 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 1731
CA VERSAILLES (12e ch. A), 17 mai 2001 : RG n° 1136/99
Publication : Juris-Data n° 185119
Extrait : « Que ces clauses ne sont pas abusives, en ce qu'il y a rien d'anormal à ce qu'un bailleur, qui se contente en réalité de financer un matériel choisi par le locataire et acquis auprès d'un fournisseur également choisi par le locataire, n'ait pas à répondre envers celui-ci des défaillances du matériel ou de l'incompétence du fournisseur ».
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
DOUZIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 17 MAI 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Arrêt R.G. n° 1136/99
APPELANTE :
SA PREFI
SCP Debray-Chemin
INTIMÉE :
- SARL BS PRESSING
Maître Treynet
- Maître Riffier (liquidateur de la Société Airliz)
Scp Bommart-Minault
COMPOSITION DE LA COUR : Présidence : Mme Françoise CANIVET ; Conseillers : M Alain RAFFEJEAUD, M Jacques DRAGNE.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 11 mars 1997, la société BS PRESSING a conclu avec la société PREFI un contrat de location d'un matériel de conditionnement d'air pour une durée de 48 mois, moyennant un loyer mensuel de 1.085,39 Francs.
Le matériel a été fourni et installé par la société AIRLIZ, également chargée de la maintenance.
Mécontente du matériel livré la société BS PRESSING a sollicité et obtenu en référé la désignation d'un expert en la personne de M. Y., lequel, a conclu que l'appareil était inadapté et dangereux et que le travail réalisé ne respectait aucune règle de l'art et de sécurité.
C'est dans ces conditions que la société BS PRESSING a assigné les sociétés AIRLIZ et PREFI devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement en date du 10 novembre 1998, a prononcé la résiliation du contrat de location et du contrat de financement, et a condamné solidairement les sociétés PREFI et AIRLIZ au remboursement du loyer d'avril 1997 de 1.085,39 Francs, ainsi qu'à payer à la société BS PRESSING la somme de 9.648 Francs au titre de la dépose de l'appareil et des travaux sur les tuyauteries d'alimentation d'eau et sur l'électricité, la somme de 8.000 Francs en remboursement des frais d'expertise avancés, la somme de 25.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour l'ensemble des préjudices subis et enfin, la somme de 8.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.
La société PREFI a interjeté appel de ce jugement le 5 janvier 1999.
Parallèlement, elle a saisi les premiers juges au motif qu'ils auraient statué ultra petita, mais, par jugement en date du 17 mars 2000, ceux-ci se sont déclarés incompétents au profit de la cour de céans, puis, par arrêt en date du 26 octobre 2000, la cour a rejeté le contredit formé contre ce jugement en raison de l'effet dévolutif de l'appel.
Au soutien de son appel, la société PREFI a tenu, à titre liminaire, à s'insurger contre l'affirmation selon laquelle elle aurait exécuté spontanément le jugement déféré et à contester l'irrecevabilité de son appel soulevé par la société BS PRESSING, de même que le prétendu abus qu'elle aurait commis dans la manière de conduire la procédure.
En venant à la critique du jugement déféré, elle a fait grief aux premiers juges d'avoir statuer ultra petita en la condamnant au paiement des sommes de 1.085,39 Francs, 9.648 Francs et 25.000 Francs, alors que de telles condamnations n'avaient été demandées par la société BS PRESSING ni dans son assignation, ni oralement à l'audience.
Elle a, pour ce motif, sollicité l'annulation totale du jugement, subsidiairement son annulation partielle ou à tout le moins le retranchement des condamnations contestées du dispositif du jugement.
La société BS PRESSING ayant sollicité en appel sa condamnation au paiement des trois sommes ci-dessus, la société PREFI a conclu à l'irrecevabilité de ces demandes au motif qu'elles étaient nouvelles en cause d'appel, en rappelant incidemment qu'elles avaient été rejetées par un jugement du 31 mars 2000 dont la société BS PRESSING n'avait pas relevé appel.
Pour le surplus, la société PREFI a conclu à la réformation du jugement, en faisant valoir que le contrat de location ne pouvait pas être résilié à défaut de l'inexécution par elle-même de ses obligations contractuelles.
Elle a conclu à l'irrecevabilité de l'appel incident de la société BS PRESSING en cas d'annulation du jugement, et, dans le cas contraire, à son mal fondé, en soutenant que les dispositions des articles 1131, 1184, 1721 et 1722 du Code civil invoquées par la société BS PRESSING étaient inopérantes, dès lors que le contrat de location avait prévu en ses articles 11B et 11C que le bailleur n'aurait pas à souffrir des dysfonctionnements pouvant affecter le matériel ; qu'elle n'avait aucune responsabilité dans le fait que le « montage financier » se serait révélé préjudiciable pour la société BS PRESSING en raison de la mise en liquidation judiciaire de la société AIRLIZ ; qu'elle n'avait aucune responsabilité dans le choix du fournisseur conformément à l'article 1er du contrat de location ; que l'appareil n'était dangereux et inadapté qu'en raison des conditions dans lesquelles il avait été installé par la société AIRLIZ ; qu'enfin, les articles 1382 à 1384 étaient inapplicables, dès lors qu'il existait un contrat et qu'en toute hypothèse, la garde avait été transférée à la locataire.
Elle a sollicité la condamnation solidaire de la société BS PRESSING et de Maître RIFFIER, ès qualités de liquidateur de la société AIRLIZ, à lui payer la somme de 30.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La société BS PRESSING a répliqué qu'elle avait renoncé à son moyen d'irrecevabilité de l'appel, que la société BS PRESSING lui avait causé un préjudice en restant « taisante" » pendant vingt mois avant de conclure, qu'aucun texte ne prévoyait la nullité du jugement pour le motif allégué par l'appelante et que les condamnations prononcées avaient été demandées oralement à l'audience.
Elle a donc conclu à la confirmation du jugement entrepris et a sollicité, en outre, le paiement d'une somme de 1 Franc à titre de dommages et intérêts, ainsi que d'une somme de 30.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
A titre subsidiaire, elle a formé appel incident pour obtenir, en outre, une condamnation « conjointe et solidaire » de la société PREFI et de Maître RIFFIER ès qualités à lui payer les sommes obtenues en première instance.
Elle a fait valoir que ses prétentions étaient recevables par application des dispositions des articles 565 et 566 du NCPC, que la nullité ou la résiliation du contrat devait être prononcée sur le fondement des articles 1131, 1184, 1721 et 1722 du Code civil, que les clauses de non-garantie que la société PREFI lui opposait étaient abusives, que celle-ci avait manqué à son devoir de conseil tant en qualité de bailleur que de financier, qu'il lui appartenait également de chercher un partenaire sérieux pour la fourniture de services et qu'enfin, elle engageait également sa responsabilité en application des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil.
Maître Laurence RIFFIER, ès qualités de liquidateur de la société AIRLIZ, s'en est rapportée à justice, sous réserve de la justification d'une déclaration de créance, et a sollicité une somme de 8.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Considérant que la société BS PRESSING a pu développer ses moyens de défense en réponse aux conclusions au fond, certes tardives, de l'appelante et qu'elle ne peut donc arguer d'aucun préjudice du fait de ce retard ;
Considérant qu'il ne ressort ni des énonciations du jugement déféré, ni de notes d'audience ou autres pièces versées aux débats, que les condamnations de la société PREFI au paiement des sommes de 1.085,39 Francs, 9.648 Francs et 25.000 Francs aient été sollicitées en première instance par la société BS PRESSING, même oralement à l'audience ;
Qu'ainsi, il apparaît que le tribunal a statué ultra petita ;
Considérant que dès lors que la société PREFI entendait également contester les autres dispositions du jugement, seule la voie de l'appel lui était ouverte pour le tout ;
Considérant qu'aucun texte ne sanctionne par la nullité le jugement qui s'est prononcé sur des choses non demandées ;
Qu'il y a lieu simplement à retranchement des dispositions litigieuses, de la même manière que l'aurait fait le juge qui a statué, saisi en application des dispositions de l'article 464 du NCPC ;
Mais considérant que la société BS PRESSING sollicite devant la cour condamnation de la société PREFI au paiement des sommes allouées à tort par les premiers juges ;
Que ces demandes sont recevables en application des dispositions de l'article 566 du NCPC, dès lors qu'elles ne sont que l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande originaire en résiliation du contrat de location ;
Qu'elles ne sont en revanche pas fondées, de même que toutes les autres demandes dirigées contre la société PREFI, conformément aux termes du contrat ;
Qu'ainsi, l'article 11 du contrat stipule notamment que « le locataire s'engage, en cas de non conformité, mauvais fonctionnement, vices et plus généralement en cas de défectuosités quelconques, à ce que le bailleur ne souffre aucun préjudice direct ou indirect et soit indemnisé de la perte éprouvée ou du gain manqué », que « le bailleur délègue au locataire tous les droits et actions qu'il détient en tant que propriétaire », qu' « en cas de résolution du contrat pour une cause indépendante du fait personnel du bailleur, le locataire restera redevable de tous les loyers » et que « le locataire ayant choisi le matériel et son fournisseur sous sa seule responsabilité, renonce à tout recours contre le bailleur pour motif de vices rédhibitoires ou cachés, que ce soit pour demander des dommages et intérêts, interrompre le paiement régulier des termes de loyers prévus, obtenir des dommages et intérêts, la résiliation ou la résolution du contrat » ;
Que ces clauses ne sont pas abusives, en ce qu'il y a rien d'anormal à ce qu'un bailleur, qui se contente en réalité de financer un matériel choisi par le locataire et acquis auprès d'un fournisseur également choisi par le locataire, n'ait pas à répondre envers celui-ci des défaillances du matériel ou de l'incompétence du fournisseur ;
Qu'il résulte, en l'espèce, suffisamment du rapport d'expertise de M. Y. que le matériel livré était inadapté et la société AIRLIZ d'une rare incompétence ;
Que c'est donc vainement que la société BS PRESSING multiplie à l'encontre de la société PREFI des griefs qui sont inopérants ;
Qu'il convient donc de la débouter de toutes ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société PREFI ;
Qu'il n'y a, d'autre part, pas lieu à condamnation de Maître RIFFIER ès qualités, mais à fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société AIRLIZ, dès lors que la société BS PRESSING justifie d'une déclaration de créance régulière, après relevé de forclusion, pour un montant de 51.733 Francs non contesté ;
Considérant que l'équité et la situation économique des parties justifient de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;
Considérant que les dépens seront partagés par moitié entre les parties qui succombent ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement :
- Réforme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat conclu entre la société BS PRESSING et la société AIRLIZ.
Statuant à nouveau,
- Déboute la société BS PRESSING de toutes ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société PREFI.
Vu l'ordonnance de relevé de forclusion en date du 26 mai 1999,
Vu la déclaration de créance en date du 8 mars 1999,
- Fixe à la somme de 51.733 Francs la créance de la société BS PRESSING au passif de la liquidation judiciaire de la société AIRLIZ.
- Fait masse des dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de la procédure de référé, et dit qu'ils seront partagés par moitié entre la société BS PRESSING, d'une part, et Maître RIFFIER ès qualités de liquidateur de la société AIRLIZ, d'autre part, et recouvrés par les avoués de la cause dans les termes de l'article 699 du NCPC.
- Rejette toutes autres demandes comme étant non fondées ou sans objet.
Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier, C. CLAUDE ; Le Président, Francs. CANIVET
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