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CA VERSAILLES (3e ch.), 9 avril 1999

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 9 avril 1999
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 1996/8735
Date : 9/04/1999
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Lamyline
Date de la demande : 21/10/1996
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 12 mars 2002
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1743

CA VERSAILLES (3e ch.), 9 avril 1999 : RG n° 1996/8735

(sur pourvoi Cass. Civ. 1re, 12 mars 2002 : pourvoi n° 99-15711)

Publication : Lamyline ; Legifrance

 

Extrait : « Attendu que la clause litigieuse excluant la garantie en cas de chômage survenu à l'expiration d'un contrat de travail à durée ferme, combinée à la disposition qui limite la durée de la garantie, assimile, en les sanctionnant de la même manière, les efforts consentis par l'assuré en occupant un emploi fut-il précaire en cours de période de garantie, à une démission de son poste de travail, ou à son inaction prolongée ; Attendu qu'elle a pour conséquence paradoxale d'interdire à un assuré chômeur d'occuper un emploi disponible de durée déterminée pendant toute la période garantie, et porte ainsi atteinte à son droit fondamental au travail ; Attendu qu'il est ainsi démontré que cette clause procure un avantage excessif à la SA ICD VIE ; Attendu que, s'agissant d'un contrat d'adhésion, la clause litigieuse n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle, et qu'elle n'a pu qu'être imposée par l'assureur, professionnel averti, à un consommateur animé du souci d'obtenir son prêt ; Attendu qu'en conséquence cette clause est abusive, et doit être réputée non écrite ».

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 9 AVRIL 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 1996-8735. Appel d’un jugement du TGI Versailles du 23 septembre 1996.

COMPOSITION DE LA COUR : Présidence : M. M. FALCONE ; Conseillers : Mme F. SIMONNOT, Mme F. PRAGER-BOUYALA

APPELANT :

SA ICD VIE

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X., ayant accepté une offre de prêt immobilier d'un montant de 490.000 francs, remboursable en 20 ans, formulée par la SOCIETE ANONYME DE CREDIT IMMOBILIER DES ENVIRONS DE PARIS (la SA CIEP), a adhéré le 28 juin 1990, par l'intermédiaire du courtier d'assurance, le GMRA, au contrat d'assurance groupe crédit conclu par cet organisme prêteur avec la Compagnie d'Assurance sur la vie RHIN et MOSELLE - VIA, afin de bénéficier, notamment, d'une garantie en cas de chômage.

Ce contrat d'assurance collective a été repris par la SA ICD VIE.

Monsieur X. a connu une première période de chômage du 1er janvier 1992 au 24 mai 1992, au cours de laquelle il a bénéficié de cette garantie ; il a ensuite travaillé du 25 mai 1992 au 15 octobre 1992 en exécution d'un contrat de travail à durée déterminée, conclu le 25 mai 1992 avec la Société RESCAL, et s'est vu refuser le bénéfice de l'assurance chômage au terme de ce contrat.

Le 17 février 1994, la SA CIEP l'a informé que, constatant un arriéré de 31.456,37 francs, elle déclarait cet incident de paiement à la BANQUE DE FRANCE aux fins d'inscription au fichier national des incidents de recouvrement des crédits aux particuliers (le F.I.C.P.).

Monsieur X. a saisi le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES aux fins de condamnation in solidum de la SA CIEP et du GMRA à prendre en charge les mensualités de remboursement du prêt, à réparer son préjudice moral, et à faire procéder sous astreinte à la mainlevée de l'incident de paiement signalé.

 

Le jugement du 23 septembre 1996 a :

- débouté Monsieur X. de ses demandes en paiement au titre de l'assurance chômage formées contre la SA CIEP et le G.M.R.A.,

- condamné la SA ICD VIE, laquelle était intervenue volontairement dans la procédure, à prendre en charge les échéances du prêt immobilier du 16 octobre 1992 au 16 avril 1994, et à payer à Monsieur X. la somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens,

- condamné la SA CIEP à faire toutes diligences auprès de la BANQUE DE FRANCE pour la suppression du nom de Monsieur X. du FICP sous astreinte de 200 francs par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- et débouté la SA CIEP et le GMRA de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

La SA ICD VIE a régulièrement interjeté appel du jugement le 21 octobre 1996 ; elle sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, et la condamnation de Monsieur X. à lui rembourser les sommes perçues à tort avec intérêts de droit à compter des versements effectués, ainsi que sa condamnation aux dépens.

Soutenant que l'article 1134 du Code Civil a été violé, elle fait valoir que les conditions du contrat d'assurance sont précisées sur le bulletin d'adhésion, qu'un extrait du contrat d'assurance groupe a été annexé à l'acte d'ouverture de crédit régularisé devant notaire et que l'article L. 140-4 du Code des Assurances est respecté, que l'exclusion liée au chômage est écrite de manière lisible et en caractères gras, et que cette clause, connue de Monsieur X. et acceptée par lui, stipule clairement l'exclusion de toute garantie en cas de chômage à l'issue d'un contrat à durée déterminée ; elle expose qu'il n'est pas démontré en quoi cette clause aurait été imposée pour lui procurer un avantage excessif, dès lors que sa garantie s'applique si l'assuré se retrouve au chômage, sans démission de sa part, à la fin d'un contrat à durée indéterminée ; et que la clause de limitation de la garantie à un maximum de 24 mensualités n'est pas plus abusive puisqu'il ne s'agit que d'une clause de style.

 

Monsieur X. demande la confirmation du jugement, et la condamnation de la SA ICD VIE à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.

Il fait observer qu'en contradiction avec les articles L. 140-4 et L. 112-4 du Code des Assurances, il ne lui a été remis qu'un simple extrait de la police d'assurance, et que les clauses d'exclusion de garantie, imprimées dans les mêmes caractères que le reste et sans mise en évidence, ne portent ni son paraphe, ni sa signature, et soutient que son attention n'a pas été spécialement attirée sur ces clauses qui lui sont, dès lors, inopposables.

Il soutient également que la clause d'exclusion de garantie en cas de chômage à l'issue d'un contrat à durée déterminée est abusive en ce qu'elle a pour conséquence de pousser l'assuré à rester au chômage et le pénalise dans ses efforts pour trouver un travail, et rappelle que la recommandation n° 90-01 du 10 novembre 1989 de la Commission des clauses abusives vise à remédier à la confusion volontairement entretenue entre les termes de l'assurance et les garanties réelles.

 

L'instruction de l'affaire a été close le 11 février 1999.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION ET MOTIFS DE L'ARRÊT :

Attendu que l'arrêt sera contradictoire et en dernier ressort ;

 

- Sur la garantie en cas de chômage :

Attendu que les clauses des polices d'assurance édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents, et qu'il incombe au souscripteur d'une assurance de groupe de prouver qu'il a respecté son obligation de remise à l'adhérent d'une notice établie par l'assureur définissant les garanties, ainsi que le prescrivent les dispositions des articles L. 112-4 et L. 140-4 du Code des Assurances ;

Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 applicable au contrat litigieux, dispose que sont abusives et réputées non écrites les clauses, relatives à l'étendue des garanties, qui apparaissent imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique d'un professionnel, et dont il résulte à son profit un avantage excessif ;

Attendu qu'en l'espèce l'extrait du contrat d'assurance groupe souscrit par la SA CIEP, produit par la SA ICD VIE stipule :

- au paragraphe I, sous le titre NATURE ET MONTANT DES GARANTIES : « ...à compter du 91ème jour de Chômage, les Assureurs verseront une indemnité égale au montant des sommes dues à la SA CIEP sur les prêts garantis... l'indemnité en cas de Chômage sera versée tant que vous percevrez les prestations chômage ou les allocations de formation. Elle cessera dès que vous reprendrez toute nouvelle activité rémunératrice et au plus tard dans tous les cas, 15 mois après le début du chômage... En cas de plusieurs périodes de Chômage survenant pendant la durée d'un même prêt, le montant global des prestations versées par l'Assureur ne pourra excéder 24 mensualités de remboursement »,

- au paragraphe II, sous le titre ETENDUE DES GARANTIES : « Tous les risques de Décès, d'Invalidité Absolue et Définitive, d'Incapacité Temporaire ou d'Invalidité Permanente Totale et de Chômage sont couverts sauf ceux énumérés ci-après : * Chômage survenant après votre démission ou après l'expiration d'un contrat de travail de durée ferme ».

Attendu que cette clause d'exclusion de garantie en cas de chômage est imprimée avec les mêmes caractères que les autres conditions du contrat d'assurance, mais qu'elle figure dans un paragraphe homogène consacré dans son ensemble aux différents cas d'exclusion de garantie, et se trouve précédée d'un sous-titre « Pour le Chômage », de sorte qu'il doit être considéré qu'elle est rédigée en caractères très apparents et conformes aux exigences de l'article L. 112-4 dernier alinéa du Code des Assurances ;

Attendu que les parties produisent le bulletin individuel de demande d'admission signé par Monsieur X. le 28 juin 1990, précisant « Je soussigné […] certifie que le dit Organisme m'a remis lors de la signature du présent bulletin, un résumé de contrat pour m'informer des modalités d'assurance. » ;

Attendu que la SA ICD VIE produit l'acte notarié d'ouverture de crédit, régularisé le 25 août 1990 entre la SOCIETE ANONYME DE CREDIT IMMOBILIER DES ENVIRONS DE PARIS et Monsieur X., mentionnant au titre III « L'emprunteur reconnaît qu'il lui a été remis un extrait de contrat, et il en accepte toutes les clauses et conditions le concernant » ;

Attendu qu'il en résulte que Monsieur X. n'est pas fondé à soutenir que les clauses d'exclusion de garantie lui sont inopposables ;

Attendu que la clause litigieuse excluant la garantie en cas de chômage survenu à l'expiration d'un contrat de travail à durée ferme, combinée à la disposition qui limite la durée de la garantie, assimile, en les sanctionnant de la même manière, les efforts consentis par l'assuré en occupant un emploi fut-il précaire en cours de période de garantie, à une démission de son poste de travail, ou à son inaction prolongée ;

Attendu qu'elle a pour conséquence paradoxale d'interdire à un assuré chômeur d'occuper un emploi disponible de durée déterminée pendant toute la période garantie, et porte ainsi atteinte à son droit fondamental au travail ;

Attendu qu'il est ainsi démontré que cette clause procure un avantage excessif à la SA ICD VIE ;

Attendu que, s'agissant d'un contrat d'adhésion, la clause litigieuse n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle, et qu'elle n'a pu qu'être imposée par l'assureur, professionnel averti, à un consommateur animé du souci d'obtenir son prêt ;

Attendu qu'en conséquence cette clause est abusive, et doit être réputée non écrite ;

Attendu que le nombre de mensualités remboursées est limité à 24 en cas de survenance de plusieurs périodes de chômage pendant la durée d'un même prêt, que la SA ICD VIE a déjà remboursé les mensualités correspondant aux échéances du prêt au cours de la première période chômage de l'assuré, soit du 1er janvier 1992 au 24 mai 1992, et qu'elle est donc tenue de prendre en charge l'intégralité des échéances du prêt pour la période du 16 octobre 1992 au 16 avril 1994 ;

 

- Sur le préjudice moral :

Attendu qu'ainsi que les premiers juges l'ont relevé, la SA ICD VIE a varié dans ses explications du refus du bénéfice de la garantie ; qu'elle a d'abord, dans son courrier du 15 avril 1993 à SA CIEP, invoqué le fait que l'assuré avait repris une activité professionnelle pendant plus de deux mois, ce qui ne correspond à aucune stipulation contractuelle, pour invoquer ensuite, dans un courrier adressé à l'assuré le 19 août 1993, soit plus de dix mois après le début de la nouvelle période de chômage, le motif tiré de l'exclusion prévue en cas de chômage après un contrat à durée ferme, soit un motif contrecarrant tous ses efforts pour retrouver un emploi ;

Attendu que les mensualités impayées se sont accumulées, entraînant un signalement d'incident de paiement à la BANQUE DE FRANCE avec inscription de cet emprunteur au FICP ;

Attendu que l'attitude de l'assureur constitue une résistance abusive, et ouvre droit à Monsieur X. à une réparation de son préjudice moral ;

Qu'en conséquence la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamnée la SA ICD VIE au paiement de la somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la SA ICD VIE sera condamnée aux dépens d'appel, et que l'équité commande qu'elle soit condamnée au paiement de la somme complémentaire de 7.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'étant tenue aux dépens, la SA ICD VIE sera déboutée de sa propre demande sur ce fondement ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme la décision entreprise, y ajoutant,

Condamne la SA ICD VIE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne la SA ICD VIE à payer à Monsieur X. la somme complémentaire de 7.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt prononcé par Monsieur FALCONE, Président, Assisté de Monsieur LANE, Greffier Divisionnaire,

Et ont signé le présent arrêt, Monsieur FALCONE, Président, Monsieur LANE, Greffier Divisionnaire.