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TI ROUEN, 4 septembre 2009

Nature : Décision
Titre : TI ROUEN, 4 septembre 2009
Pays : France
Juridiction : Rouen (TI)
Demande : 08-001465
Décision : 09/2807
Date : 9/10/2007
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 20/08/2008
Décision antérieure : CA ROUEN (ch. prox.), 1er juillet 2010
Numéro de la décision : 2807
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1867

TI ROUEN, 4 septembre 2009 : RG n° 11-08-001465 ; jugt n° 09/2807

(sur appel CA Rouen (ch. prox.), 1er juillet 2010 : RG n° 09/04557)

 

Extrait : « Le contrat prévoit expressément que la fraction disponible peut évoluer sur demande expresse des emprunteurs dans la limite du montant du découvert maximum autorisé, sans que ne soit prévu la signature d'une nouvelle offre, il s'agit d'une augmentation de crédit tacite. Cette clause permet au prêteur de ne pas faire de nouvelle offre pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial et donc porte atteinte aux droits de l'emprunteur et le prive notamment de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation.

Or, il résulte de l'article L. 311-10 du Code de la Consommation, qu'en matière de crédit à la consommation, toute modification du montant du crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une nouvelle offre préalable, offre comportant certaines mentions obligatoires. Dès lors, la clause d'augmentation tacite du découvert ci-dessus rappelée doit être déclarée abusive et le prêteur devait présenter une nouvelle offre dès augmentation du capital prêté initialement.

Conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la Consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant l'incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur.

En l'espèce, le dépassement du montant autorisé dès juillet 2000 n'a jamais été régularisé, aucune nouvelle offre de crédit n'a été faite et la demande de la société FIDEM, présentée oralement à l'audience du 18 novembre 2008, est atteinte par la forclusion et sera déclarée irrecevable. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE ROUEN

JUGEMENT DU 4 SEPTEMBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-08-001465. Jugement n° 09/2807. JUGEMENT CONTRADICTOIRE.

 

DEMANDEUR :

Madame X. née Y.,

[adresse], représentée par Maître AURIAU Juliette, avocat au barreau de ROUEN, Aide juridictionnelle n° 200800XX du [date]

 

DÉFENDEURS :

Monsieur X.,

[adresse], représenté par Maître DUSSART Céline, avocat au barreau de ROUEN, Aide Juridictionnelle totale n° 200801YY du [date]

SA FIDEM,

[adresse], représentée par SELA BADINA et Associés, avocat au barreau de ROUEN, plaidant par Maître LEFEZ, avocat au barreau de ROUEN,

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats à l'audience publique du 23 juin 2009 :

JUGE : Jocelyne LABAYE,

GREFFIER : Édith PARMENTIER

Le présent jugement a été signé par Jocelyne LABAYE, juge et Édith PARMENTIER, greffier présent lors du délibéré prononcé par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par actes des 20 et 26 août 2008, Madame Y. épouse X. a fait assigner Monsieur X. et la société FIDEM SA pour demander au tribunal, vu le plan de surendettement en cours, vu les courriers de relance de la société FIDEM, de :

- enjoindre à la société FIDEM d'avoir à produire aux débats, sous injonction en tant que de besoin, les documents contractuels sur la base desquels elle poursuit, à son encontre, le paiement des sommes qui lui sont dues

- en tout état de cause, lui donner acte de ce qu'elle n'a jamais souscrit aucun contrat de crédit auprès de la société

- en conséquence, exclure la solidarité découlant de l'application de l'article 220 du Code Civil pour le remboursement des sommes dues

- condamner Monsieur X. et la société FIDEM à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les condamner aux dépens de la procédure.

A l'appui de ses demandes, Madame X. expose que, mariée depuis juillet 1976 avec Monsieur X., le couple est séparé, une procédure de divorce est en cours et une ordonnance de non conciliation a été rendue le 24 janvier 2008.

Madame X. fait valoir que la demande de divorce est essentiellement motivée par le fait, qu'à l'été 2007, elle a découvert de multiples lettres de relance émanant d'organismes de crédit à la consommation pour des contrats de crédit dont elle soutient ignorer tout, son mari aurait imité sa signature ainsi que son écriture aux fins de l'engager en tant que co-emprunteur.

Son mari lui aurait également caché les mises en demeure et actes de poursuites qui lui avaient été adressés personnellement ou au nom du couple, de même que des ordonnance d'injonction de payer.

Madame X. a alors déposé un dossier de surendettement, en cours de traitement, elle ajoute avoir dû faire elle-même les recherches pour retrouver les créanciers, son mari étant, depuis 2007, « morosif » et même dépressif. L'endettement du couple atteindrait 300.000 €.

Dans un certain nombre de dossiers, aucun jugement de condamnation n'est intervenu et Madame X. souhaite faire reconnaître par le tribunal que Monsieur X. sera seul tenu du payement des sommes dues et que les dispositions de l'article 220 du Code Civil ne recevront pas application.

Selon les lettres de relance et les mises en demeure adressées par la société FIDEM, il est réclamé une somme de 8.333,69 € au titre d'un crédit souscrit sous le n° 4214 XX, Madame X. demande communication de ce [minute page 3] contrat, la société FIDEM ne lui ayant pas adressé, malgré demande amiable.

Les assignations ont fait l'objet d'inscriptions au rôle sous les n° 11-08-1465 et n° 11-08-1534, procédures jointes à l'audience du 22 septembre 2008. Les parties ont sollicité des renvois pour échange de pièces et conclusions.

La société FIDEM indique avoir produit les pièces contractuelles et ne conteste pas que le contrat n'est signé que de Monsieur X. La société conclut au rejet des demandes de Madame X.

La société FIDEM demande :

* condamnation de Monsieur X. à lui payer :

- 10.334,85 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la demande (conclusions 19 novembre 2008)

* condamnation de Monsieur et Madame X. à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En réplique aux écritures de la société FIDEM, Madame X. fait valoir qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale pour la procédure et conclut au rejet des demandes de la société à son encontre.

Monsieur X. remarque que le montant du découvert autorisé est dépassé depuis juin 2000 sans qu'aucune régularisation ne soit intervenue depuis, dès lors, la forclusion de l'action lui paraît acquise.

Subsidiairement, Monsieur X. conclut à la déchéance du droit aux intérêts de la société pour absence de bordereau détachable dans l'offre de prêt, pour dépassement du montant du capital pouvant être emprunté, pour défaut d'information annuelle sur les conditions de renouvellement du contrat. Il demande qu'il soit enjoint à la société de produire un nouveau décompte duquel seront extraits les intérêts. Il demande également au tribunal de mettre à néant la demande au titre de l'indemnité légale et de ramener le taux des intérêts de retard au taux légal.

Monsieur X. conclut à la responsabilité de la société FIDEM qui lui a octroyé un crédit sans vérifier ses revenus et son endettement et sans s'assurer de sa solvabilité et qui, ainsi, a manqué à son obligation d'information et de conseil, il réclame indemnisation du préjudice qu'il dit subir et demande condamnation de la société FIDEM à lui payer une somme équivalente au montant des sommes réclamées par la société.

Il demande condamnation de la société FIDEM à lui verser la somme de 750€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et sa condamnation aux dépens.

La société FIDEM réplique que le premier impayé non régularisé est en date de décembre 2006, la demande en paiement de novembre 2008 a interrompu le délai biennal de forclusion, en outre, le point de départ du délai se situe à août 2008, date [minute page 4] du plan adopté par la Commission de surendettement. Au surplus, la défaillance de l'emprunteur ne peut consister que dans le dépassement du montant du maximum du découvert autorisé, non du dépassement de découvert initial. En l'espèce, le découvert maximum autorisé n'a jamais été dépassé et la forclusion n'est donc pas encourue.

Monsieur X. a, en signant l'offre, approuvé une mention selon laquelle il a reconnu être en possession de la notice d'assurance et d'un exemplaire du contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation. Il résulte des pages de l'historique que les lettres de renouvellement annuelles ont bien été envoyées ainsi qu'il apparaît sur les relevés de compte. Il ne peut donc y avoir déchéance du droit aux intérêts pour la société FIDEM.

La société FIDEM objecte qu'elle s'est renseignée sur la situation financière de l'emprunteur et déclare produire la fiche de renseignements remplie, à ce sujet, par Monsieur X. lors de la souscription du contrat. Monsieur X. a indiqué des revenus à hauteur de 30.000 francs soit 4.573,47 euros pour lui-même et 309,90 euros pour son épouse avec un crédit immobilier de 457,35 euros et un autre crédit de 365,88 euros, les mensualités devant être remboursées n'apparaissaient pas excessives [eu] égard à la situation financière déclarée et d'un disponible de plus de 4.000 euros. Elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts.

La société FIDEM estime que l'indemnité légale de 8 % ne peut être considérée comme excessive [eu] égard au préjudice subi par la société. Elle maintient ses demandes en paiement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Par acte sous signatures privées en date du 28 décembre 1999, la société FIDEM a consenti à Monsieur X. une offre préalable d'ouverture de crédit utilisable par fraction, d'un montant de 50.000 F. ou 7.622,45 € avec un découvert utile initiale de 10.000 F. ou 1.524,49 €, remboursable à un taux variable en fonction de l'utilisation du compte.

La société demanderesse verse aux débats notamment :

- l'offre de crédit non rétractée dans le délai légal

- l'historique du compte

- un décompte conforme aux dispositions de l'article L. 311-30 du code de la consommation.

Il n'est pas contesté que le contrat a été signé uniquement par Monsieur X., la société FIDEM ne présente à ce titre aucune demande à l'encontre de Madame X., toutefois, cette dernière n'a eu connaissance du contrat qu'après délivrance de l'assignation et elle ne sera pas condamnée à payer une indemnité de procédure mais n'en sera pas non plus bénéficiaire puisque titulaire de l'aide juridictionnelle totale, sans démonstration de frais particuliers.

[minute page 5] La décision du Juge de l'Exécution qui statue sur les mesures recommandées et valide le montant des créances tel qu'estimé par la Commission de surendettement, n'a pas autorité de chose jugée et le tribunal peut statuer sur la validité et la fixation de la créance.

Par application des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent, à peine de forclusion, être formées devant le Tribunal d'Instance dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance. Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision du juge de l'exécution sur les mesures mentionnées à l'article L. 331-7.

Il résulte de l'article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile que les fins de non recevoir doivent être soulevées d'office par le juge lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, ce qui est le cas pour le délai de forclusion prévu par l'article L. 311-37 rappelé ci-dessus, et ce même si l'emprunteur, bénéficiaire de cette forclusion, n'a pas comparu puisque, du fait du caractère d'ordre public de ses dispositions, l'emprunteur ne peut, même de façon expresse, renoncer à leur application.

Monsieur et Madame X. ont déposé un dossier de surendettement, par ordonnance du 1er août 2008, le Juge de l'Exécution a donné force exécutoire aux mesures recommandées par la Commission consistant en un moratoire de 18 mois. L'adoption des mesures interrompt le délai de prescription, selon l'article L. 311-37, ce qui suppose que la prescription n'était pas acquise lorsqu'elles ont été adoptées, étant précisé que la commission de surendettement n'a pas compétence pour décider si une créance est atteinte par la forclusion.

Ainsi, c'est seulement si le délai de deux ans n'est pas expiré lorsque la Commission approuve le plan conventionnel de redressement que, d'une part le délai de deux ans sera valablement suspendu et que, d'autre part, un nouveau délai commencera à courir à compter du premier incident non régularisé intervenant postérieurement à l'adoption du plan.

Décider que l'adoption d'un plan peut interrompre un délai de forclusion déjà écoulé revient à permettre aux parties et notamment au prêteur, de contourner les dispositions d'ordre public de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation.

Cela aurait également pour conséquence de placer le débiteur bénéficiant d'un plan conventionnel de redressement dans une situation plus défavorable que celui n'en bénéficiant pas puisque, dans le premier cas pourrait être réclamée une créance atteinte par la forclusion, créance dont il ne pourrait pas être demandé paiement en l'absence de plan de redressement, ce qui est manifestement contraire au principe [minute page 6] d'égalité et à l'esprit des dispositions tant sur le crédit à la consommation que de celles sur le traitement des situations de surendettement.

L'offre de crédit était consentie pour un découvert maximum autorisé de 50.000 francs ou 7.622,45 euros à charge pour l'emprunteur d'effectuer des versements mensuels minima en fonction de l'utilisation du crédit, un découvert utile de10.000 francs ou 1.524,49 euros a été accordé initialement. Le montant du crédit autorisé a été dépassé dès juillet 2000 en raison des demandes de virements de Monsieur X., il est demeuré de plus de 10.000 F. puis de près de 4.000 €, aucune nouvelle offre de crédit n'a été régularisée.

Le contrat prévoit expressément que la fraction disponible peut évoluer sur demande expresse des emprunteurs dans la limite du montant du découvert maximum autorisé, sans que ne soit prévu la signature d'une nouvelle offre, il s'agit d'une augmentation de crédit tacite.

Cette clause permet au prêteur de ne pas faire de nouvelle offre pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial et donc porte atteinte aux droits de l'emprunteur et le prive notamment de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation.

Or, il résulte de l'article L. 311-10 du Code de la Consommation, qu'en matière de crédit à la consommation, toute modification du montant du crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une nouvelle offre préalable, offre comportant certaines mentions obligatoires.

Dès lors, la clause d'augmentation tacite du découvert ci-dessus rappelée doit être déclarée abusive et le prêteur devait présenter une nouvelle offre dès augmentation du capital prêté initialement.

Conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la Consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant l'incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur.

En l'espèce, le dépassement du montant autorisé dès juillet 2000 n'a jamais été régularisé, aucune nouvelle offre de crédit n'a été faite et la demande de la société FIDEM, présentée oralement à l'audience du 18 novembre 2008, est atteinte par la forclusion et sera déclarée irrecevable.

Au vu des circonstances de la cause, de la solution apportée au litige et de la situation des parties, il convient de ne pas faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamne la société FIDEM aux dépens.

[minute page 7] L'exécution provisoire de la décision n'apparaît pas opportune et ne sera pas ordonnée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute Madame Y. épouse X. de ses demandes,

Déclare forclose et irrecevable l'action de la société FIDEM,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

Condamne la société FIDEM aux dépens.

LE PRÉSIDENT       LE GREFFIER