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CASS. CIV. 2e, 17 février 2005

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 2e, 17 février 2005
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 2
Demande : 03-11170
Date : 17/02/2005
Nature de la décision : Rejet
Numéro de la décision : 278
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1971

CASS. CIV. 2e, 17 février 2005 : pourvoi n° 03-11170 ; arrêt n° 278

 

Extrait : « attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non-professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 03-11170. Arrêt n° 278.

DEMANDEUR à la cassation : Société AXA France IARD anciennement dénommée AXA assurances IARD, société anonyme

DÉFENDEUR à la cassation : Établissement français du sang venant aux droits du Centre de transfusion sanguine (CRTS) de Montpellier et autres.

Président : M. DINTILHAC.

 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 novembre 2002), que M. X. a été contaminé en décembre 1986 par le virus de l'hépatite C, du fait de la transfusion de produits sanguins fournis par l'association Centre régional de transfusion sanguine de Montauban (l'association) en provenance du Centre régional de transfusion sanguine de Montpellier (le CRTS de Montpellier), aux droits duquel est venu l'Etablissement français du sang (EFS) ; que la contamination n'ayant été révélée que le 7 mars 1996, les consorts X., ont, le 29 janvier 1999, assigné, en indemnisation de leur préjudice, l'association qui a appelé en garantie le CRTS de Montpellier et son assureur, la société AXA France IARD (AXA) ; que celui-ci a opposé le caractère tardif de la réclamation de la victime, portée à la connaissance du CRTS le 1er juin 1999, et dénié sa garantie au motif que le contrat, résilié depuis le 31 décembre 1989, comportait une clause stipulant la cessation de la garantie au 1er janvier 1995, soit à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la résiliation du contrat d'assurance, et ce conformément à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 et son annexe pris en application de l'article L. 667 du Code de la santé publique ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu'AXA fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir son assuré des condamnations prononcées contre lui, après avoir déclaré non écrite la clause litigieuse au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 29 janvier 2000, déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, alors selon le moyen :

1°/ que la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les articles 2 et 1134 du Code civil, ensemble les principes susvisés ;

2°/ que ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1er et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;

3°/ que la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code civil, ensemble l'article L. 113-8 du Code des assurances, la cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la déclaration d'illégalité du règlement litigieux s'impose au juge civil et que la compagnie d'assurance ne peut invoquer le bénéfice de ladite clause ; que la cour d'appel en a exactement déduit, sans remettre en cause les droits acquis ou l'objectif de sécurité juridique, que ladite clause, en ce qu'elle tendait à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré était génératrice d'une obligation sans cause et, comme telle, illicite et réputée non écrite ;

Et attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des communautés européennes ;

Attendu, enfin, qu'ayant souverainement relevé l'absence, lors de la formation du contrat, de toute erreur portant sur la substance des droits en cause, viciant le consentement de l'assureur, que l'arrêt qui a exactement retenu que l'erreur ne pouvait être imputée à la déclaration d'illégalité, fût-elle intervenue postérieurement à la formation du contrat, a rejeté à bon droit la demande d'annulation de celui-ci ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à l'Etablissement français du sang la somme de 2.000 euros ;

Vu les articles 700 du nouveau Code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Axa France IARD à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 2.000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille cinq.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Célice, Blanpainc et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Axa France Iard.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Compagnie AXA à garantir l'E.F.S. des condamnations prononcées au profit de la CPAM du TARN ET GARONNE d'une part, et des consorts Mxxxx d'autre part, à la suite de la contamination de M. Jean Mxxxx, par le virus de l'hépatite C, et débouté la compagnie de toutes ses demandes ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE "la compagnie AXA, venant aux droits de la compagnie UAP, est l'assureur de l'Etablissement Français du Sang venant aux droits du Centre Régional de Transfusion Sanguine de MONTPELLIER aux termes d'un contrat prenant effet au 20 décembre 1979 et résilié le 31 décembre 1989 ; que la contamination est donc survenue pendant la durée de validité du contrat ; que cependant ce document prévoyait que la garantie n'était due que pour les réclamations portées à la connaissance de l'assuré pendant un délai de 5 ans après la date d'expiration du contrat ; qu'en l'espèce la réclamation a été portée à la connaissance du Centre Régional de Transfusion Sanguine que le 1er juin 1999 soit postérieurement à la date d'expiration du délai de 5 ans ; que cependant ces clauses de réclamation sont illicites car contraires aux dispositions de l'article 1131 du Code Civil en ce qu'elles aboutissent à priver l'assuré du bénéfice de l'assurance pour un fait qui ne lui est pas imputable ; qu'elles créent en effet pour l'assureur, qui aurait perçu les primes sans contrepartie, un avantage dépourvu de cause ; qu'on ne saurait cependant considérer ces clauses comme illicites en matière d'assurance obligatoire, quand elles se trouvent insérées dans les polices types définies par voie réglementaire ; qu'en l'espèce la clause était conforme à celle définie par un arrêté du 27 juin 1980 ; que toutefois l'article 4 de l'annexe mentionnant la clause type reproduite au contrat en cause a été déclaré illégal par un arrêtarrêt du Conseil d'Etat en date du 11 décembre 2000 ; (...) que l'appelant soutient que la déclaration d'illégalité, qui n'est pas une annulation, ne vaut que pour l'avenir et que les contrats conclus sous l'empire de la norme déclarée ultérieurement illégale doivent être maintenus, sauf à porter atteinte à l'économie du contrat et au principe de sécurité juridique ; qu'en matière de contamination virale la révélation du sinistre intervient le plus fréquemment de façon tardive ; que dès lors la limitation de la garantie aux cinq années suivant l'expiration du contrat conduit à priver de toute assurance effective l'organisme qui a livré le produit alors même que la réalisation du risque est intervenue pendant la période de garantie ; que dès lors même si le contrat n'est pas totalement dépourvu de cause (il est possible en effet que la révélation du sinistre intervienne dans les 5 années suivant l'expiration du contrat) il devient tellement déséquilibré que la cause de l'engagement de l'assuré est pratiquement anéantie ; qu'une telle clause doit donc être considérée comme abusive ; que toutefois lorsque cette disposition contractuelle est adoptée en application de dispositions réglementaires, elle ne saurait être ainsi considérée ; mais que quand la disposition réglementaire a été déclarée illégale sur une argumentation reprenant les mêmes éléments que ceux développés plus ci-dessus, elle ne saurait valider cette clause car ce qui est en question n'est pas la valeur légale de la disposition annulée, mais sa portée juridique ; que la seule validité formelle d'une disposition au moment de la formation du contrat ne permet pas de déroger à une situation fondée sur le droit contractuel dès lors que cette disposition n'était pas légale" ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1/. ALORS QUE la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'Appel a violé les articles 2 et 1134 du Code Civil, ensemble les principes susvisés ;

2/. ALORS, EN OUTRE, QUE ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ET AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE "l'appelant soutient que si la limitation de la clause de garantie est rendue inopérante, l'objet même de la convention se trouverait modifié et l'erreur de droit commise par l'assureur priverait son engagement de tout effet ; que cependant l'assureur ne peut valablement invoquer une erreur de droit s'agissant d'une clause qui était elle-même contraire au droit et dont l'objet était, en limitant la portée de la garantie, de priver l'assuré de la couverture même du risque, cause de son engagement ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il fait droit à l'action en garantie contre la compagnie AXA" ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

3/. ALORS QUE la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code Civil, ensemble l'article L.113-8 du Code des Assurances, la Cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble.