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CASS. CIV. 1re, 14 juin 2000

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 14 juin 2000
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 98-15445
Date : 14/06/2000
Nature de la décision : Rejet
Décision antérieure : CA BESANÇON (1e ch. civ.), 17 février 1998
Numéro de la décision : 1224
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2043

CASS. CIV. 1re, 14 juin 2000 : pourvoi n° 98-15445 ; arrêt n° 1224

 

Extrait : « Attendu, ensuite, qu’en relevant que la clause de présomption de propriété des biens inscrits au nom d’un époux, prévue à l’article 4 du contrat, conférait au mari qui avait seul pouvoir de gérer la société d’acquêts et d’inscrire les biens acquis pendant le mariage selon son bon vouloir, un avantage excessif, les juges du fond ont caractérisé en quoi cette disposition était abusive ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 JUIN 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 98-15445. Arrêt n° 1124.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Madame Y.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. X., demeurant […], en cassation d’un arrêt rendu le 17 février 1998 par la cour d’appel de Besançon (1re chambre civile), au profit de Madame Y., demeurant […], défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 10 mai 2000, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Cassuto-Teytaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Ancel, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Cassuto-Teytaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. X., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Y., les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, tel qu’il est énoncé au mémoire en demande et figure en annexe au présent arrêt

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que M. X. et Mme Y. se sont mariés en 1957 après avoir fait précéder leur union d’un contrat de mariage notarié instituant un régime de séparation des biens assorti d’une société d’acquêts ; qu’après leur divorce, les ex-époux se sont trouvés en désaccord sur l’interprétation de leur contrat de mariage, notamment sur la consistance de la société d’acquêts ;

Attendu que l’arrêt confirmatif attaqué (Besançon, 17 février 1998), a estimé que la société d’acquêts ayant existé entre M. X. et Mme Y., comprenait tous les biens acquis à titre onéreux par les époux, ensemble ou séparément, à l’exclusion de ceux pour lesquels il serait démontré qu’ils avaient été financés par des fonds autres que ceux provenant des fruits et revenus des biens de l’un ou l’autre époux ou des produits de leur industrie, commune ou séparée ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu, d’abord que, la convention matrimoniale litigieuse est ambiguë ; qu’il s’ensuit que son interprétation par les juges du fond, exclusive de toute dénaturation, s’avérait nécessaire ; que, dès lors, dans ses deux premières branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Attendu, ensuite, qu’en relevant que la clause de présomption de propriété des biens inscrits au nom d’un époux, prévue à l’article 4 du contrat, conférait au mari qui avait seul pouvoir de gérer la société d’acquêts et d’inscrire les biens acquis pendant le mariage selon son bon vouloir, un avantage excessif, les juges du fond ont caractérisé en quoi cette disposition était abusive ; qu’il s’ensuit que dans sa troisième branche, le moyen n’est pas fondé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X. aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X. à payer à Mme Y. la somme de 10 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour M. Sxxxx.

 

MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN     (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la Société d'acquêts ayant existé entre Monsieur Jean Sxxxx et Madame Josée Lxxxx comprend tous les biens acquis à titre onéreux par les époux, ensemble ou séparément, pendant le mariage, à l'exclusion de ceux pour lesquels il serait démontré qu'ils ont été financés par des fonds autres que ceux provenant des fruits et revenus des biens de l'un ou l'autre époux, ou des produits de leur industrie, commune ou séparée et ordonné en conséquence la détermination, par les notaires chargés de la liquidation et partage du régime matrimonial, de la consistance de la société d'acquêts sur ces bases.

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS adoptés des premiers juges QU'il résulte de l'article 3 du contrat de mariage que la Société d'acquêts est alimentée par les fruits et revenus de chaque époux, provenant soit de leurs biens personnels, soit de leur industrie, commune ou séparée, sous déduction des sommes affectées aux charges du mariage ; que le fait que la société d'acquêts ait été envisagée dans un article traitant en même temps de la contribution aux charges du mariage a pour seul effet sur la consistance de la société d'acquêts de soumettre celle-ci, prioritairement par rapport aux biens personnels des époux, au prélèvement, pendant le mariage, des sommes nécessaires pour faire face aux charges du ménage ; que la contribution des époux aux charges du mariage ne faisant l'objet d'aucune discussion, cette question est sans incidence sur la détermination des bénéfices de la société d'acquêts au jour de sa dissolution ; que la recherche de la commune intention des parties conduit à interpréter le contrat de mariage dans un sens favorable à l'épouse ; qu'en effet lors du mariage, la future épouse, mineure, n'était propriétaire d'aucun bien, et avait peu de perspectives de se constituer un patrimoine personnel ; qu'au contraire, le futur époux était sous agent d'assurance et était appelé à reprendre l'exploitation du portefeuille d'assurances de son père, agent d'assurance, avec lequel il travaillait déjà ; que les futurs époux ont fait le choix du régime de la séparation de biens afin que le portefeuille d'assurances ne tombe pas en communauté ; toutefois, afin de faire profiter la future épouse de l'enrichissement prévisible du ménage, ils ont constitué une société d'acquêts ; que celle-ci était donc destinée à permettre à l'épouse d'obtenir la moitié de l'accroissement du patrimoine du ménage, exception faite des biens acquis par le mari par voie de donation ou de succession ; que l'article 4 du contrat de mariage énonce les présomptions de propriété suivantes :

chaque époux est présumé propriétaire de tous les biens inscrits à son nom - sont présumés dépendre de la société d'acquêts tous les biens inscrits au nom des deux époux ou acquis conjointement - chaque époux est présumé propriétaire des effets à usage personnel - les autres biens sont présumés dépendre de la société d'acquêts, sauf preuve contraire ; que les présomptions de propriété ne sont que des règles de preuve qui ne remettent pas en question les règles de fond de l'article 3 concernant la composition de la société d'acquêts ; qu'il s'agit de présomptions simples qui doivent céder devant la preuve contraire, pouvant être faite par tout moyen ; qu'il est donc loisible à l'épouse de démontrer que les biens inscrits au nom du mari et présumés lui appartenir à titre personnel dépendent en réalité de la société d'acquêts, pour avoir été financés au moyen des fruits et revenus des biens de l'un ou l'autre époux, ou des produits de leur industrie, commune ou séparée ; mais que cette preuve est en l'espèce particulièrement difficile à supporter par l'époux ; qu'en effet du fait des pouvoirs exclusifs qui lui ont été conférés pour gérer la société d'acquêts, le mari a pu inscrire les biens acquis pendant le mariage selon son bon vouloir ; qu'ainsi, seul un appartement acquis en indivision à xxxx aurait été inscrit au nom des époux ; que les présomptions de propriété édictées par le contrat de mariage apparaissent en définitive contraires :

- à l'esprit de la convention qui est de permettre à l'épouse de profiter de l'enrichissement du ménage pendant la durée du mariage,

- au droit commun des contrats, selon lequel est abusive une clause conférant à une des parties un avantage excessif et privant l'autre partie des moyens de faire valoir ses propres droits ;

qu'il convient donc d'écarter la présomption de propriété concernant les biens inscrits au nom d'un seul époux, et d'interpréter le contrat en ce sens que tous les biens acquis à titre onéreux par les époux pendant le mariage, ensemble ou séparément, dépendent de la société d'acquêt, sauf à ce qu'il soit démontré qu'ils ont été acquis au moyen de deniers ayant une origine autre que les fruits et revenus des biens de l'un ou l'autre époux, ou les produits de leur industrie ; que cette détermination de la consistance de la société d'acquêts ne justifie pas l'instauration d'une expertise mais relève de la mission des notaires chargés des opérations de liquidation ; que la composition de la société d'acquêts devra être recherchée à la date du 13 février 1986 jour de l'assignation en divorce en application de l'article 262-1 du Code Civil ; que Monsieur Sxxxx devra communiquer au notaire liquidateur tous les éléments nécessaires à la détermination du patrimoine du ménage.

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE d'une part l'article 3 du contrat de mariage, signé par Monsieur Jean Sxxxx et Madame Josée Lxxxx, stipule que la Société d'acquêts est composée des fruits et revenus de chaque époux provenant soit de leurs biens personnels, soit de leur industrie commune ou séparée, sous déduction des sommes affectées aux charges du mariage, l'article 4 stipule que chaque époux est présumé propriétaire de tous les biens inscrits à son nom et que ne sont présumés dépendre de la Société d'acquêts que les biens inscrits au nom des deux époux ou acquis conjointement ; que dès lors en affirmant que les présomptions de propriété édictées sont contraires à l'esprit de la convention qui est de permettre à l'épouse de profiter de l'enrichissement du ménage pendant la durée du mariage et qu'il convient d'interpréter le contrat de mariage en ce sens que tous les biens acquis à titre onéreux par les époux pendant le mariage, ensemble ou séparément, dépendent de la société d'acquêts, sauf preuve d'une acquisition par des moyens autres que les fruits et revenus de l'un ou l'autre époux, que les produits de leur industrie, la Cour d'Appel, qui a ainsi refusé d'appliquer les clauses claires et précises de la convention matrimoniale dont elle était saisie, a violé l'article 1134 du Code Civil ;

ALORS QUE d'autre part l'arrêt attaqué a relevé, par motifs adoptés, que les présomptions sont des présomptions simples qui doivent céder devant la preuve contraire, pouvant être faite par tout moyen, ainsi que le prévoit expressément le contrat de mariage, et reconnu qu'il est loisible à l'épouse de démontrer que les biens inscrits au nom du mari, et présumés lui appartenir, dépendent en réalité de la société d'acquêts ; que dès lors en retenant que cette preuve contraire était particulièrement difficile à rapporter pour l'époux, pour écarter la présomption de propriété concernant les biens inscrits au nom d'un seul époux et décider que la société d'acquêts comprend tous les biens acquis à titre onéreux par les époux ensemble ou séparément pendant le mariage, la Cour d'Appel a modifié la loi des parties et violé l'article 1134 du Code Civil ;

ALORS QU'en outre en retenant, pour écarter la présomption de propriété concernant les biens inscrits au nom d'un seul époux et décider que tous les biens acquis à titre onéreux par les époux pendant le mariage, ensemble ou séparément, dépendent de la société d'acquêts, qu'elle constituait une clause abusive conférant à une des parties un avantage excessif et privant l'autre partie des moyens de faire valoir ses propres droits, parce que la preuve contraire à cette présomption est en l'espèce particulièrement difficile à rapporter pour l'époux en raison des pouvoirs exclusifs conférés au mari pour gérer la société d'acquêts, la Cour d'Appel, qui a elle-même constaté que la présomption de propriété est une présomption simple cédant devant la preuve contraire pouvant être faite par tous moyens et reconnu qu'il est loisible à l'époux de démontrer que les biens inscrits au nom du mari dépendant en réalité de la Société d'acquêts, n'a pas caractérisé en quoi cette présomption simple de propriété était constitutive d'un abus privant l'époux de la possibilité de faire valoir ses droits, et ainsi entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code Civil.