T. COM. ÉPINAL, 28 mars 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 205
T. COM. ÉPINAL, 28 mars 2000 : RG n° 98/530
(sur appel CA Nancy (2e ch. com.), 10 sept. 2002 : RG n° 00/02352 ; arrêt n° 1669/2002)
Extrait : « Attendu que Mr X. forme sa demande sur le fait que le contrat ne prévoit pas de rétractation au mépris de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation mais qu'au regard de l'article L. 121-22 al. 2 de ce même Code, il est rappelé que ne sont pas soumis à la réglementation du démarchage à domicile, les ventes, locations et les prestations de services, lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, que l'on peut considérer que Mr X. voulant protéger son outil de travail, a signé ce contrat de télésurveillance et qu'il y a donc bien un rapport direct, que la jurisprudence est constante en la matière et répond en faveur d'un lien direct existant entre un contrat de télésurveillance et une activité commerciale, que Mr X. exploite bien un commerce (café et vente d'article de pêche), que le Tribunal déboutera Mr X. de sa demande de nullité du contrat d'abonnement de télésurveillance nonobstant le fait que ce dernier a réglé 29 loyers, c'est-à-dire jusqu'au 17 juin 1996, avant de contester ledit contrat et que la demande de Mr X. est jugée irrecevable ».
TRIBUNAL DE COMMERCE D’ÉPINAL
JUGEMENT DU 28 MARS 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro Répertoire : R.G. n° 98/530.
DEMANDEUR :
SECURIVILLE SA
[adresse], Demandeur comparant par Maître MALAGOU, Avocat au barreau de Epinal
DÉFENDEUR :
Monsieur X. « chez Y. »
[adresse], Défendeur comparant par Maître REICHERT, Avocat au barreau de Saint-Dié
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré (hors la présence du Greffier) : Monsieur SPONY faisant fonctions de Président, Mrs BIZE, PARVE, Juges, assistés de Maître BERGER, Greffier.
Lors du prononcé : Mme BOILEAU faisant fonctions de Président, Mrs BIZE, ROUMIEU, Juges assistés de Maître BERGER, Greffier.
DÉBATS : Audience publique du 30 novembre 1999.
JUGEMENT : Décision contradictoire en premier ressort, délibérée par les Juges cités ci-dessus.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] La SA SECURIVILLE a le 27 janvier 1998 déposé une requête au Président du Tribunal de Commerce de céans tendant à obtenir de Mr X. le paiement d'une somme de 21.273,84 Francs en principal, augmentée de la clause pénale de 2,5 %, 280,70 Francs soit au total 21.554,54 Francs nonobstant les intérêts de retard, les frais et accessoires et les dépens de l'instance,
à la suite de cette requête, une ordonnance d'injonction de payer rendue le 03 juin 1998 dans les termes requis a été signifiée à Mr X. par acte de Maître A., huissier de justice à [ville] le 19 juin 1998,
par courrier du 30 juin 1998 reçu au greffe le 01 juillet 1998, le débiteur présumé fait opposition,
par les soins de Mr le greffier, les parties ont été convoquées à l'audience publique du 03 novembre 1998,
après renvois multiples à la demande des parties et avec leur accord, l'affaire a finalement été appelée à l'audience publique du 30 novembre 1999,
après dépôt des dossiers, le Président a annoncé que les débats étaient clos et fixé au 28 mars 2000 le terme du délibéré,
il a été délibéré de la cause par les Juges des débats et à l'audience du 28 mars 2000, le jugement est rendu,
MOYENS DES PARTIES :
Pour justifier l'opposition formée par sa lettre du 01 juillet 1998, Mr X. déclare que le contrat qu'il a signé avec la société SECURIVILLE est litigieux et entaché de nullité et qu'il demande au Tribunal de constater la nullité du contrat, remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement à la convention,
condamner SECURIVILLE à restituer l'intégralité des sommes perçues au titre du contrat causé par le contrat de télésurveillance,
condamner SECURIVILLE au paiement de la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
Par conclusions, Mr X. expose que :
il a été démarché par SECURIVILLE. Un contrat d'abonnement de télésurveillance était alors conclu entre les parties, ce contrat était présenté par le démarcheur comme un contrat de prestations de services, le matériel était soi-disant mis gracieusement à la disposition de Mr X., faveur consentie, car étant sélectionné comme référence publicitaire ainsi qu'il est mentionné dans le contrat,
mais que néanmoins, SECURIVILLE a sans nul doute fait signer également à l'insu de Mr X. un contrat de location de matériel avec LOCAM selon un procédé aujourd'hui notoirement connu et largement dénoncé par la presse, que d'ailleurs Mr X. n'a jamais été destinataire du moindre exemplaire de cette convention de location,
Mr X. découvrant qu'on lui avait fait signer un contrat de location de matériel et non un contrat de prestation de télésurveillance seul, a signalé à SECURIVILLE et à LOCAM de ce qu'il résiliait les contrats,
que selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation en matière de démarchages, les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation sont applicables aux relations entre les personnes pratiquant le démarchage et les commerçants, personnes physiques, lorsque les conventions n'ont pas de rapport direct avec les activités exercées par le client échappant ainsi à sa compétence professionnelle, rappelons que Mr X. exploite un café et [minute page 3] articles de pêche et que de ce fait, les contrats de location sont sans rapport avec l'activité exercée par celui-ci. Il résulte des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation que diverses mentions obligatoires doivent figurer sur le contrat signé à l'occasion de ce démarchage à peine de nullité de contrat, en particulier le contrat de SECURIVILLE ne comporte pas de faculté de renonciation, de même, il ne reprend pas le texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la Consommation et en résulte de ces manquements la nullité du contrat de prestations de services,
qu'en conséquence, les parties doivent être replacées dans l'état où elles se trouvaient antérieurement à la convention, chacune devant restituer à l'autre ce qu'elle a perçu et demande au Tribunal de constater la nullité du contrat,
de condamner SECURIVILLE à restituer l'intégralité des sommes perçues au titre du contrat de télésurveillance,
condamner SECURIVILLE au paiement de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens,
Par des conclusions récapitulatives, SECURIVILLE réplique que :
Mr X. justifie les raisons pour lesquelles il remet en cause l'ordonnance d'injonction de payer, premièrement que la représentante de SECURIVILLE aurait à son insu, fait signer un contrat de location de matériel avec LOCAM et deuxièmement que Mr X. doit bénéficier des dispositions du Code de la Consommation puisque la signature d'un contrat de télésurveillance ne rentrerait pas dans l'objet de son activité commerciale, il n'en demeure pas moins que Mr X. a insuffisamment pris en compte les motifs pour lesquels LOCAM apparaît dans la présente procédure, qu'il est bien porté sur la requête remise par Mr le Président du Tribunal de Commerce, son intervention en la seule qualité de mandataire administratif de SECURIVILLE,
que celle-ci n'a pas fait signer de contrat de location, mais bien uniquement un contrat d'abonnement de télésurveillance d'une durée de 48 mois comme il l'est expressément mentionné sur la convention et que Mr X. a signé et qu'il lui a bien été présenté comme un contrat de prestations de services,
que Mr X. dit également que le matériel était soi-disant mis gracieusement à sa disposition et que tel ne serait pas le cas, puisqu'il lui est demandé de régler un arriéré supérieur à 20.000 Francs, qu'il suffit là encore de se reporter au contrat d'abonnement de télésurveillance pour observer que la seule somme réclamée est celle correspondant à sa prestation d'abonnement de télésurveillance, qu'il n'est facturé aucune somme pour le matériel nécessaire à la bonne exécution de cette prestation de service,
qu'il est également fait état par Mr X. que SECURIVILLE ne prévoit pas la possibilité de rétractation dans son contrat de prestations et ce au mépris de ce qu'imposerait le Code de la Consommation, mais que le dit Code n'est pas à retenir dans une affaire de cette nature, que Mr X. étant propriétaire d'un fonds de commerce et qu'il est patent, que s'il a convenu de s'équiper d'une installation de télésurveillance, c'est bien à seule fin de protéger son commerce,
en outre, Mr X. attend plus d'une année avant de dénoncer ce contrat et arrête de régler ses locations et que pour être certain de ne plus être inquiété par SECURIVILLE pour demande en paiement de ses arriérés de locations, il va s'abstenir de leur donner sa nouvelle adresse, que le 16 septembre 1996, une lettre de mise en demeure ne pourra être retirée, faute d'avoir été adressée à la nouvelle adresse de Mr X., la dite nouvelle adresse demeure inconnue à SECURIVILLE,
que les jurisprudences sont constantes à ce sujet et répondent en faveur d'un lien direct existant entre un contrat de télésurveillance et une activité commerciale, que si d'aventure la SA SECURIVILLE avait édité un bordereau de rétractation, il n'aurait pas manqué de lui être objecté par certains de ses interlocuteurs et qu'il lui appartenait d'en supporter les conséquences,
[minute page 4] qu'il n'y a donc pas lieu de retenir quelque moyen de nullité que ce soit, mais bien au contraire il est demandé au Tribunal de :
- débouter Mr X. de son opposition, le condamner à lui payer la somme de 21.273,84 Francs,
- le condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
En réplique, le conseil de Mr X. apporte les remarques suivantes :
Mr X. a manifesté en teneur non équivoque sa volonté de résilier le contrat litigieux par LRAR [N.B. lettre recommandée avec accusé de réception], que SECURIVILLE n'a jamais daigné répondre aux griefs formulés par Mr X., que force est d'admettre que le contrat n'est pas clair pour une personne non initiée, que chacun sait que les conditions figurant au dos des contrats sont rarement lues, à tort, par les signataires,
mais que néanmoins, l'article 2 du contrat intitulé « prise d'effet du contrat » dispose que le contrat ne prendra effet qu'après la signature du PV de prise en charge de l'installation, que SECURIVILLE ne justifie pas de la signature d'un tel document et qu'il ne pourra qu'être constaté que le contrat signé entre les parties n'a jamais pris effet avec toutes les conséquences que cela comporte,
que la jurisprudence évoquée par SECURIVILLE est loin d'être constante, puisque la haute Cour a récemment fait bénéficier un professionnel de la loi de 1972 dans un cas similaire,
qu'en l'espèce, le contrat de télésurveillance échappe manifestement à la compétence professionnelle de Mr X., que le contrat de télésurveillance litigieux ne respecte pas les exigences imposées à peine de nullité par le Code de la Consommation, que les dernières écritures du concluant conservent donc toute leur pertinence et par ces motifs, allouer de plus fort au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LE TRIBUNAL :
- Sur la recevabilité de l'opposition :
Attendu qu'il convient de constater que l'opposition a été faite dans les délais légaux et que de ce chef, elle est donc recevable,
- Sur le mérite de l'opposition :
Attendu que Mr X. fonde sa demande sur le fait qu'on lui aurait fait signer à son insu, un contrat de location de matériel avec une autre société et que le contrat d'abonnement de télésurveillance signé avec SECURIVILLE serait entaché de nullité du fait que ledit contrat ne comporte pas la faculté de renonciation, dispositions contenues dans l'article L. 121-23 du Code de la Consommation,
- Motivations :
Attendu que Mr X. a le 16 mai 1995 signé un contrat d'abonnement de télésurveillance avec SECURIVILLE, d'une durée de 48 mois pour un montant TTC de 1.779 Francs et non pas un contrat de location de matériel avec LOCAM, que cette société n'est autre qu'un mandataire administratif étant chargé par SECURIVILLE de la gestion de ses contrats d'abonnement de télésurveillance,
que d'autre part, Mr X. a signé également le 22 mai 1995 le PV de prise en charge de l'installation et que sur ce point, Mr X. a peut-être été bien naïf mais en aucun cas trompé, les documents au dossier étant suffisamment clairs,
[minute page 5] Attendu également que la somme qui lui est réclamée est bien celle portant sur les loyers impayés sur 19 loyers du 30 juin 1996 au 30 décembre 1998,
qu'une clause pénale de 2,5 % lui sera demandée plus une indemnité de résiliation de 100 % des loyers à échoir, résiliation du contrat d'abonnement de télésurveillance, en vertu de la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement de la part de Mr X., ainsi que le précise l'article 7 du contrat d'abonnement de télésurveillance,
que SECURIVILLE par l'intermédiaire de son mandataire LOCAM, engageait une procédure à l'encontre de Mr X. par LRAR le 16 septembre 1996 lui signifiant la rupture de son contrat pour non paiement de ses loyers,
que ce courrier est revenu pour faute de mauvaise adresse, qu'une 2e mise en demeure toujours par courrier recommandé AR, est bien parvenu à Mr X. le 20 janvier 1998 et que le 27 janvier 1998, SECURIVILLE présentait une requête d'injonction de payer,
- Sur la demande en nullité :
Attendu que Mr X. forme sa demande sur le fait que le contrat ne prévoit pas de rétractation au mépris de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation mais qu'au regard de l'article L. 121-22 al. 2 de ce même Code, il est rappelé que ne sont pas soumis à la réglementation du démarchage à domicile, les ventes, locations et les prestations de services, lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, que l'on peut considérer que Mr X. voulant protéger son outil de travail, a signé ce contrat de télésurveillance et qu'il y a donc bien un rapport direct,
que la jurisprudence est constante en la matière et répond en faveur d'un lien direct existant entre un contrat de télésurveillance et une activité commerciale,
que Mr X. exploite bien un commerce (café et vente d'article de pêche),
que le Tribunal déboutera Mr X. de sa demande de nullité du contrat d'abonnement de télésurveillance nonobstant le fait que ce dernier a réglé 29 loyers, c'est-à-dire jusqu'au 17 juin 1996, avant de contester ledit contrat et que la demande de Mr X. est jugée irrecevable,
- Sur les autres motifs :
Attendu que SECURIVILLE est jugée fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 700 du NCPC, que la somme de 5.000 Francs sollicitée sera revue à 1.500 Francs pour accord,
que succombant, Mr X. devra supporter les dépens,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
- reçoit l'opposition de Mr X. mais la déclare mal fondée,
- condamne Mr X. à payer à SECURIVILLE la somme de 21.273,84 Francs en principal avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance d'injonction de payer,
- condamne Mr X. à payer à SECURIVILLE la somme de 1.500 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
- [minute page 6] déboute Mr X. de sa demande de nullité du contrat d'abonnement de télésurveillance,
- condamne Mr X. aux entiers dépens liquidés pour frais de greffe à la somme de 779,49 TTC.
La présente minute est signée par Mr BIZE, juge du délibéré.
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5905 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Protection et sécurisation de l’activité
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel