CASS. CIV. 1re, 27 janvier 1998
CERCLAB - DOCUMENT N° 2063
CASS. CIV. 1re, 27 janvier 1998 : pourvoi n° 95-18203 ; arrêt n° 168
Extrait : « Mais attendu que Mme X. invoquant, de manière générale, le caractère abusif de la clause, n’a pas soutenu devant les juges du fond que celle-ci lui avait été imposée, comme l’exigeait l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995, par un abus de la puissance économique de son co-contractant et qu’elle avait procuré à celui-ci un avantage excessif, de sorte que la cour d’appel n’avait pas à rechercher ce qui ne lui était pas demandé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 JANVIER 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 95-18203. Arrêt n° 168.
DEMANDEUR à la cassation : Madame Y. épouse X.
DÉFENDEUR à la cassation : Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Deux-Sèvres
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Pierrette Y. épouse X., demeurant […], en cassation d’un arrêt rendu le 13 juin 1995 par la cour d’appel de Poitiers (Chambre civile, section 2), au profit de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Deux-Sèvres, dont le siège est […], défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 9 décembre 1997, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Bénas, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Chartier, Ancel, Durieux, Guérin, Sempère, Bargue, conseillers, M. Savatier, Mme Bignon, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bénas, conseiller, les observations de Maître Foussard, avocat de Mme X., de Maître Capron, avocat de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Deux-Sèvres, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le 16 août 1987, la Caisse régionale de Crédit agricole des Deux-Sèvres (la CRCAM) a consenti à Mme X. deux prêts d’épargne logement remboursables en 120 mois ; qu’après avoir saisi le tribunal de commerce de Niort d’une action en paiement contre la société Atlantique Jouets et Mme X., en sa qualité de caution, la CRCAM a assigné, Mme X. devant le tribunal de grande instance de Niort en remboursement des deux prêts personnels en se fondant sur la clause des conditions générales des prêts, selon laquelle le remboursement des prêts peut être exigé immédiatement, si l’emprunteur se trouve en état d’insolvabilité révélé notamment par des prêts impayés et toutes formes de poursuites ; que l’arrêt attaqué (Poitiers, 13 juin 1995) a fait droit à la demande ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que cette clause n’était pas abusive, sans rechercher si elle n’avait pas été imposée à Mme X. par la CRCAM par un abus de sa puissance économique afin de bénéficier d’un avantage excessif de sorte que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que Mme X. invoquant, de manière générale, le caractère abusif de la clause, n’a pas soutenu devant les juges du fond que celle-ci lui avait été imposée, comme l’exigeait l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995, par un abus de la puissance économique de son co-contractant et qu’elle avait procuré à celui-ci un avantage excessif, de sorte que la cour d’appel n’avait pas à rechercher ce qui ne lui était pas demandé ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il est encore fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que les conditions d’exigibilité des prêts étaient réunies, alors, selon le moyen, d’une part, qu’en ne recherchant pas si Mme X. n’avait pas exécuté les obligations découlant de ces prêts, la cour d’appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles 1134, 1188, 1892, 1895 et 1899 du Code civil et alors, d’autre part, qu’en s’abstenant de rechercher si Mme X. ne pouvait pas faire face, grâce à l’actif de son patrimoine personnel, aux condamnations prononcées à son encontre, en qualité de caution de la société Atlantique Jouets, par le tribunal de commerce de Niort, dans son jugement du 9 juin 1993, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, d’une part, que la seule condition exigée par la clause contractuelle litigieuse était l’état d’insolvabilité du débiteur, de sorte que la cour d’appel n’avait pas davantage à rechercher si Mme X. respectait ou non ses obligations découlant des prêts, cette circonstance étant étrangère à l’application de la clause ;
Attendu, d’autre part, que la cour d’appel a constaté que la banque a tenté sans succès d’exécuter le jugement définitif du tribunal de commerce de Niort du 9 juin 1993 ayant condamné Mme X. à lui payer diverses sommes, en sa qualité de caution de la société Atlantique Jouets qui a fait l’objet d’une décision de liquidation judiciaire ; qu’elle en a déduit souverainement que l’insolvabilité de Mme X. était établie ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel des Deux-Sèvres ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme Y. épouse X..
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
L'arrêt attaqué encourt la censure,
EN CE QU'il a condamné Mme X. à payer à la CRCAM les sommes de 42.596,40 Frs et 77.519,82 Frs au titre des prêts contractés avec la CRCAM ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE les clauses considérées légalement comme abusives et interdites sont réglementées conformément à l'article L 132 du Code de la consommation , et notamment par le décret du 24 mars 1978 permettant au juge de prononcer la nullité ; que la clause d'exigibilité anticipé est ainsi stipulée : "Le remboursement peut être exigé immédiatement et en totalité en cas de survenance de l'un ou l'autre des événements ci-après : "si l'emprunteur se trouve en état d'insolvabilité ou de cessation des paiements révélés notamment par des prêts impayés et toutes formes de poursuites"" ; que la notion d'insolvabilité, d'impayé et de poursuites peut s'apprécier objectivement et n'est pas en contradiction avec les dispositions de l'article 1134 du Code civil selon lesquelles "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites" ; que le décret n° 68.464 du 24 mars 1978, pris en application de la loi du 10 janvier 1978 n'interdit nullement la prise en compte de l'insolvabilité, d'impayé et de poursuites judiciaires rendant exigible un prêt faisant l'objet d'un défaut de paiement ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, sont réputées non écrites les clauses relatives aux conditions de résiliation des conventions conclues entre professionnels et non professionnels lorsqu'elles apparaissent imposées aux non professionnels par un abus de la puissance économique de l'autre partie et lui confèrent un avantage excessif ; qu'en décidant que la clause d'exigibilité immédiate stipulée dans les conditions générales du contrat-type de prêt de la CRCAM des Deux-Sèvres n'était abusive dès lors que les notions d'insolvabilité, d'impayé et de poursuites pouvaient s'apprécier objectivement, sans rechercher si la clause n'avait pas été imposée à Mme X. par la CRCAM des Deux-Sèvres par un abus de sa puissance économique afin de bénéficier d'un avantage excessif, la cour d'appel a, dans son arrêt infirmatif, privé sa décision de base légale au regard de l'article L 132-1 du Code de la consommation .
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
L'arrêt encourt la censure,
EN CE QU'il a condamné Mme X. à payer à la CRCAM les sommes de 42.596,40 Frs et 77.519,82 Frs au titre des prêts contractés avec la CRCAM ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la débitrice a été mise en demeure le 18 décembre 1992, visant les sommes dues en sa qualité de caution de la Société ATLANTIQUE JOUETS et les prêts immobiliers personnels ; que les conditions d'exigibilité en cas d'insolvabilité sont réunies puisque les poursuites judiciaires ont été engagées contre Mme Y., épouse X., caution de la Société ATLANTIQUE JOUETS et que par jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Niort le 9 juin 1993, elle a été condamnée à payer la somme de 228.148 Frs et 383.935 Frs ; que le jugement est définitif sans qu'aucun règlement ne soit intervenu étant précisé que la SA ATLANTIQUE JOUETS a fait l'objet d'une décision de liquidation judiciaire ; qu'il a justifié que la banque a tenté des exécutions sans succès ainsi qu'il résulte d'un jugement prononcé par le juge de l'exécution du Tribunal de Niort en date du 7 novembre 1994 ; que le jugement prononcé le 9 juin 1993 avait accordé un délai de grâce de six mois à la Société ATLANTIQUE JOUETS, à Mme X. et qu'en dépit d'un commandement délivré le 5 mai 1994, aucun règlement n'est intervenu ; que les consorts X. ont tenté d'engager la responsabilité civile de la CRCAM qui aurait procédé à une rupture brutale et abusive des crédits à une époque où elle avait besoin de fonds pour assurer la livraison de commandes fermes de plus de 6 MF ; que par jugement en date du 13 février 1995 prononcé par le Tribunal de grande instance de Niort, la demande a été rejetée, cependant que la décision est frappée d'appel ; que le défaut de paiement de la débitrice et son insolvabilité sont établis ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, premièrement, même en présence d'une clause d'exigibilité immédiate, visant l'état d'insolvabilité, la déchéance du terme n'est encourue que lorsque l'emprunteur n'exécute plus son obligation de payer ; qu'en décidant que les conditions d'exigibilité en cas d'insolvabilité du prêteur étaient réunies sans rechercher, comme le demandait Mme X., si elle n'avait pas exécuté les obligations découlant des prêts contractés le 16 août 1987, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1188 1892, 1895 et 1899 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, en s'abstenant de rechercher si Mme X. ne pouvait pas faire face, grâce à l'actif de son patrimoine personnel, aux condamnations prononcées à son encontre, en qualité de caution de la Société ATLANTIQUE JOUETS par le Tribunal de commerce de Niort dans son jugement du 9 juin 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1188 1892, 1895 et 1899 du Code civil.
- 5722 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Jurisprudence antérieure à la loi du 17 mars 2014
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5833 - Code de la consommation - Domaine d’application - Règles de preuve
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
- 6615 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Instruments et services de paiement - Carte bancaire