CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 20 novembre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2232
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 20 novembre 2008 : RG n° 07/02931
Extrait : « Tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur n'est pas, légalement susceptible de rétractation. S'agissant d'un contrat de télésurveillance, qui n'est assorti d'aucune opération de crédit, le client ne peut exciper d'une faculté de renonciation que si ce contrat a été conclu à la suite d'un démarchage à domicile, conformément aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation. Or il ne ressort pas des pièces versées aux débats que Monsieur X. a souscrit le contrat avec ADT à la suite d'un démarchage à domicile. De plus, l'article L. 121-22 du Code de la consommation exclut expressément de la législation sur le démarchage à domicile « les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession », ce qui est le cas en l'espèce, comme le démontrent les explications fournies par Monsieur X. et les renseignements relatifs au site à surveiller portés à l'article 29 du contrat. L'appelant est donc mal fondé à invoquer une violation du Code de la consommation. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/02931. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-QUENTIN du 13 avril 2007.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT :
Monsieur Teddy X.
[adresse], représenté par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN. Bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale N° 2007/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS.
ET :
INTIMÉS :
Société ADT TÉLÉSURVEILLANCE SA
[adresse], [minute Jurica page 2] représentée par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître PEYRON du barreau de LYON.
Monsieur Y.
[adresse],
Société VERMINORD PÊCHE, prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur Y.
[adresse],
Représentés par Maître Jacques CAUSSAIN, avoué à la Cour.
DÉBATS : A l'audience publique du 9 octobre 2008 devant Madame CORBEL et M. DAMULOT, entendu en son rapport, Conseillers, magistrats rapporteurs siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 novembre 2008.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame et M. les Conseillers en ont rendu compte à la Cour composée de : M. GRANDPIERRE, Président ; Madame CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers ; qui en ont délibéré conformément à la Loi.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 20 novembre 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
FAITS ET PROCÉDURE :
Par exploit du 19 décembre 2005, la société ADT Télésurveillance a fait assigner Monsieur X. devant le [minute Jurica page 3] tribunal d'instance de Saint-Quentin afin de voir constater la résiliation, pour défaut de paiement des loyers, d'un contrat de télésurveillance du 10 avril 2001, et condamner le défendeur à restituer, sous astreinte, le matériel, ainsi qu'à payer une indemnité de résiliation et une clause pénale.
Sur ce, Monsieur X. a, par exploit du 6 octobre 2006, appelé en garantie la SARL Verminord Pêche et Monsieur Y., liquidateur amiable de ladite société, afin de les voir condamnés à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.
Les deux instances ont fait l'objet d'une jonction et donné lieu à un jugement du 13 avril 2007 par lequel le Tribunal a :
- déclaré recevable l'action de la société ADT Télésurveillance ;
- constaté la résiliation, à compter du 11 août 2002, du contrat passé le 10 avril 2001 ;
- condamné Monsieur X. à payer à ADT Télésurveillance la somme de 1.805,03 euros, outre intérêts au taux légal depuis le prononcé de la décision ;
- ordonné à Monsieur X. de restituer le matériel à la demanderesse ;
- débouté ADT Télésurveillance du surplus de ses demandes, et Monsieur X., de ses demandes reconventionnelles ainsi que de son appel en garantie ;
- condamné Monsieur X. aux dépens, ainsi qu'à payer à ADT Télésurveillance 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 12 juillet 2007, Monsieur X. a interjeté appel de ce jugement, contre toutes les parties.
Il demande à la juridiction de céans de débouter la société ADT Télésurveillance de l'intégralité de ses prétentions, mais aussi de condamner la société Verminord et Monsieur Y. au paiement de la totalité des sommes réclamées par le prestataire, ainsi qu'à la restitution du matériel. Accessoirement, il sollicite à l'encontre de Verminord et de Monsieur Y. une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelant soutient, à titre principal, que le co-contractant et bénéficiaire du contrat était la société Verminord Pêche, en faisant valoir que le matériel a été installé dans un local pris à bail commercial par cette dernière, et dont l'adresse correspond à celle de son siège social, et qu'elle a repris les engagements qu'il a souscrits en payant la totalité des loyers. Il ajoute qu'il est dans l'incapacité totale de restituer le matériel, n'étant plus associé ni gérant de la société, laquelle est liquidée amiablement par Monsieur Y.
A titre subsidiaire, il objecte que le contrat n'est pas conforme aux dispositions du Code de la consommation, en ce qu'il ne prévoit aucune faculté de rétractation.
La société ADT Télésurveillance conclut à la confirmation du jugement, sauf à assortir la condamnation à restitution du matériel d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du présent arrêt. Accessoirement, elle demande que Monsieur X. soit condamné lui payer 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que le contrat du 10 avril 2001 a été signé par Monsieur X., sans mention de la société Verminord Pêche, que l'effet relatif des contrats résultant de l'article 1165 du Code civil ne permet pas à l'appelant d'échapper à ses engagements, et que les loyers n'ayant pas été réglés, malgré mise en demeure, elle est bien fondée à se prévaloir de la clause résolutoire convenue entre les parties.
[minute Jurica page 4] Monsieur Y. et la société Verminord Pêche, prise en la personne de son liquidateur, concluent eux aussi à la confirmation du jugement déféré, et demandent que Monsieur X. soit condamné, in solidum avec tous contestants, à leur verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Y. et le liquidateur de la société Verminord Pêche font valoir que ni le contrat du 10 avril 2001, ni le procès-verbal de réception de matériels, signés uniquement par Monsieur X., ne mentionnent la SARL Verminord Pêche ; qu'en vertu de l'article 6 du décret du 3 juillet 1978, la reprise des actes d'une société en formation doit résulter d'une volonté expresse des associés, que rien n'établit en l'espèce ; que l'alarme prise en charge par la Verminord Pêche fait l'objet d'un contrat distinct, daté du 22 mai 2002 ; et que les appareils correspondant au contrat du 10 avril 2001 ont été démontés par Monsieur X., qui les a toujours en sa possession.
Monsieur X. réplique que le contrat du 22 mai 2002, souscrit après une tentative d'effraction qui a rendu nécessaire l'installation d'équipements supplémentaires, prend en compte le matériel précédemment installé.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur l'obligation à la dette
Monsieur X. a contracté avec la société ATD le 10 avril 2001, autrement dit, entre la constitution de la société Verminord Pêche, intervenue le 15 mars 2001, et son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés, qui date du 17 avril de la même année : il convient donc de se référer à l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 210-6 du Code de commerce, et à l'article 26 du décret du 23 mars 1967.
Le premier de ces textes énonce, en son deuxième alinéa : « Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ».
Le second texte dispose, en son troisième alinéa : « (...) Les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux ou au gérant non associé qui a été désigné, de prendre des engagements pour le compte de la société. Sous réserve qu'ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés emportera reprise de ces engagements par ladite société ».
Or Monsieur X. ne justifie d'aucun mandat que lui aurait donné les associés de conclure le contrat du 10 avril 2001. Il ne justifie pas non plus d'une décision de la collectivité des associés reprenant les engagements qu'il a souscrits.
En tous cas, il n'est pas indiqué dans l'acte sous seing privé du 10 avril 2001 qu'il agissait « au nom » d'une société en formation, en l'occurrence la SARL Verminord Pêche, qui n'y est même pas mentionnée.
Dès lors, Monsieur X. est personnellement obligé par le contrat signé le 10 avril 2001.
Sur l'application du Code de la consommation :
Tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur n'est pas, légalement susceptible de rétractation. S'agissant d'un contrat de télésurveillance, qui n'est assorti d'aucune opération de crédit, le client ne peut exciper d'une faculté de renonciation que si ce contrat a été conclu à la suite d'un démarchage à domicile, conformément aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation.
Or il ne ressort pas des pièces versées aux débats que Monsieur X. a souscrit le contrat avec ADT à la suite d'un démarchage à domicile.
[minute Jurica page 5] De plus, l'article L. 121-22 du Code de la consommation exclut expressément de la législation sur le démarchage à domicile « les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession », ce qui est le cas en l'espèce, comme le démontrent les explications fournies par Monsieur X. et les renseignements relatifs au site à surveiller portés à l'article 29 du contrat.
L'appelant est donc mal fondé à invoquer une violation du Code de la consommation.
Sur la créance du télésurveilleur :
Il n'est pas contesté que les loyers afférents aux prestations de la société ADT, soit 114,82 euros par mois, n'étaient plus payés. En tout cas, Monsieur X., sur qui pèse la charge de la preuve du paiement, conformément à l'article 1315, alinéa 2, du Code civil, ne démontre pas, ni même ne prétend, le contraire.
Il n'est pas non plus contesté que la mise en demeure prévue à l'article 22 du contrat, et dont copie est versée aux débats, a bien été envoyée à Monsieur X.
En conséquence, la société ADT est bien fondée à se prévaloir de la clause résolutoire expresse et à demander le paiement des indemnités stipulées au contrat comme l'a énoncé le premier juge en des motifs qu'il convient d'adopter.
Elle est également bien fondée à demander la restitution du matériel conformément à l'article 22 du contrat. A cet égard, la Cour estime nécessaire, contrairement au Tribunal, d'assortir la condamnation d'une astreinte, destinée à en garantir l'exécution, ainsi qu'il sera précisé au dispositif du présent arrêt.
Sur l'appel en garantie :
Compte tenu des motifs exposés plus haut, au sujet de l'obligation de Monsieur X. à la dette, ainsi que des dispositions de l'article 1165 du Code civil, ni Monsieur Y. ni la société dont il est le liquidateur ne sauraient être condamnés à garantir l'appelant des condamnations prononcées à son encontre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Monsieur X., qui succombe, sera condamné aux entiers dépens d'appel, conformément au principe posé par l'article 696 du Code de procédure civile, et débouté, en conséquence, de la demande d'indemnité qu'il a présentée sur le fondement de l'article 700 dudit code.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ADT Télésurveillance l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; il convient donc de condamner Monsieur X. à lui payer une indemnité de 1.000 euros.
En revanche, aucune considération d'équité ne justifie de satisfaire, même partiellement, à la demande d'indemnité que Monsieur Y. et la société Verminord Pêche ont présentée sur le même fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a débouté purement et simplement la société ADT Télésurveillance de sa demande d'astreinte ;
Et, statuant à nouveau de ce chef,
[minute Jurica page 6] Dit que Monsieur X. devra restituer à la société ADT Télésurveillance le matériel qui fait l'objet du contrat signé le 10 avril 2001 dans les deux mois de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 20 euros par jour de retard pendant 40 jours après quoi il sera de nouveau statué ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur X. à verser à la société ADT Télésurveillance une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute Messieurs X., Y. et la société Verminord Pêche des demandes d'indemnités qu'ils ont présentées sur le même fondement ;
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens d'appel, avec application au profit de Maître Caussain et de la SCP Lemal & Guyot du droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5833 - Code de la consommation - Domaine d’application - Règles de preuve
- 5857 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Présentation générale
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel