CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 6 octobre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2250
CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 6 octobre 2008 : RG n° 06/03749 ; arrêt n° 08/0914
Extraits : 1/ « Attendu qu'en vertu de l'article L. 121-21 du Code de la consommation les dispositions de la loi sur le démarchage à domicile ne protègent que les personnes physiques. Attendu que le contrat de location a été conclu par le GAEC du HOHNECK (représenté par sa gérante Mme A.), lequel dispose de la personnalité morale. Attendu que selon les propres conclusions du GAEC du HOHNECK « il a reçu la visite d'un représentant en téléphonie de la Société PROTECNICOM pour lui proposer une installation téléphonique permettant de communiquer entre les bâtiments d'exploitation de la ferme, l'étable et la fromagerie » ; que le contrat de location comporte la mention selon laquelle « le locataire déclare et atteste que le matériel loué est strictement et exclusivement destiné à l'exercice de son activité sociale ou professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celle-ci » ; qu'aucune preuve n'est rapportée à l'appui des allégations du GAEC selon lesquelles « l'épouse de l'agriculteur, gérante du GAEC, souhaitait que sa ferme, en sa partie habitation, puisse être reliée à l'exploitation » et ce contrairement à ce qu'a retenu le premier juge qui a fait siennes ces affirmations non étayées. Attendu que le jugement qui a annulé le contrat pour non respect des formalités prévues par la loi sur le démarchage à domicile sera par conséquent infirmé. »
2/ « Attendu que ne peut pas plus être invoquée la liquidation judiciaire de la Société PROTECNICOM survenue le 1er juillet 2003 dès lors que, d'une part aucune résiliation du contrat de prestations de services ne peut résulter du seul fait de la procédure de liquidation judiciaire de la Société PROTECNICOM ; que cette résiliation n'a pas été demandée d'autre part par le GAEC du HOHNECK à l'encontre du liquidateur de la Société PROTECNICOM qui n'est pas à la cause (Cass. Com. 5.6.05) ».
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 3 A 06/03749. Arrêt n° 08/0914. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 juin 2006 par le Tribunal d'instance de COLMAR.
APPELANTE :
SAS GRENKE LOCATION
ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Stéphanie THIERY (avocat au barreau de STRASBOURG).
INTIMÉ :
GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION DU HOHNECK
ayant son siège [adresse], représenté par Maître Antoine GARNON (avocat au barreau de STRASBOURG).
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 juin 2008, en audience publique, devant la cour composée de : Madame RASTEGAR, président de chambre, [minute Jurica page 2] Madame MAZARIN-GEORGIN, conseiller, Madame WEBER, vice-président placé faisant fonction de conseiller qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD
ARRÊT : - Contradictoire. - Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - Signé par Madame F. RASTEGAR, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le rapport :
Un contrat de location longue durée portant sur du matériel de téléphonie fourni par la Société PROTECNICOM a été conclu le 1er octobre 2001 entre la Société GRENKE LOCATION et le GAEC du HOHNECK.
Le 7 décembre 2004 la Société GRENKE LOCATION a fait assigner le GAEC du HOHNECK devant le tribunal d'instance de COLMAR en paiement de la somme de 3.057,89 euros correspondant au solde restant dû au titre de ce contrat de location.
Le premier juge a, par jugement avant dire droit du 31 janvier 2006, soulevé d'office l'application des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation relatifs au démarchage à domicile, dans la mesure où le contrat de téléphonie semblait concerner non la personne morale du GAEC proprement dite mais la ferme A., c'est à dire l'un des agriculteurs du GAEC du HOHNECK qui entendait s'équiper en matériel téléphoniques.
Par jugement du 30 juin 2006 le tribunal d'instance de COLMAR a :
- prononcé la nullité du contrat de location conclu entre la Société GRENKE LOCATION et le GAEC du HOHNECK
- débouté la Société GRENKE LOCATION de toutes ses prétentions
- condamné la Société GRENKE LOCATION à rembourser au GAEC du HOHNECK la somme de 2.062,19 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2005
- ordonné la capitalisation des intérêts
- condamné la Société GRENKE LOCATION aux dépens et au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le premier juge a considéré :
- qu'il n'existait qu'une seule convention, à savoir le contrat de location, même si le matériel a été mis à disposition par un tiers ;
- [minute Jurica page 3] que le contrat a été signé par l'intermédiaire du représentant de la Société PROTECNICOM laquelle était donc le mandataire de la Société GRENKE LOCATION ;
- que le contrat a été signé à l'occasion d'un démarchage à [ville S.], adresse du GAEC ;
- que la Société GRENKE LOCATION ne démontre pas le caractère erroné des explications fournies par le GAEC selon lesquelles le but de l'installation de téléphonie était de permettre de communiquer entre les bâtiments de la ferme, l'étable et la fromagerie, et que l'épouse de l'agriculteur, gérante du GAEC, souhaitait que sa ferme en sa partie habitation puisse être reliée à l'exploitation ;
- que le matériel de téléphonie ne devait pas servir à l'activité de la personne morale proprement dite mais devait équiper la ferme de certaines personnes physiques qui faisaient partie du GAEC ;
- que le contrat n'avait pas un rapport direct avec l'activité professionnelle ;
- que les dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile sont applicables ; que les formalités prescrites à peine de nullité n'ont pas été respectées ; qu'en conséquence le contrat est nul.
La Société GRENKE LOCATION a interjeté appel de ce jugement le 2 août 2006.
Par dernières conclusions reçues le 16 juillet 2007 elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris
- de condamner le GAEC du HOHNECK à lui payer la somme de 3.057,89 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2004, date de la mise en demeure
- de le condamner aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- la société GRENKE LOCATION n'a effectué aucun démarchage auprès du GAEC du HOHNECK qui lui a adressé une demande de location ; elle n'a donné aucun mandat à la Société PROTECNICOM de contracter en son nom ;
- le preneur est un GAEC doté de la personnalité morale, les dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation ne sont applicables qu'aux personnes physiques ;
- le GAEC a attesté dans la demande de location que les biens choisis étaient en rapport direct avec son activité professionnelle et le coût de l'installation téléphonique d'un montant supérieur à 3.000 euros corrobore ce fait ;
- sont rappelées les clauses du contrat de location concernant les obligations de la société GRENKE LOCATION, l'exclusion de toute responsabilité quant au choix du matériel et à la défaillance du fournisseur et la cession par le bailleur au locataire de tous droits et actions à l'encontre du vendeur du matériel, notamment l'action en garantie des vices ;
- la Société GRENKE LOCATION a exécuté ses obligations en achetant le matériel à PROTECNICOM et en le mettant à la disposition du locataire ; le GAEC a signé sans réserve la confirmation de livraison du matériel attestant de la conformité à la commande et du bon [minute Jurica page 4] fonctionnement du matériel ;
- la Société GRENKE LOCATION n'a pas manqué à son obligation de délivrance ;
- le GAEC a payé les loyers pendant trois ans, et n'a cessé de payer les loyers qu'à compter du 6 mars 2004 ;
- aucune action en résolution du contrat conclu avec PROTECNICOM na été engagée, la liquidation judiciaire n'entraîne pas la résiliation du contrat ;
- le défaut de paiement des loyers a entraîné la résiliation anticipée du contrat de location et le bailleur a droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme du contrat (articles 13-15 des conditions générales).
Par dernières conclusions reçues le 8 octobre 2007 le GAEC du HOHNECK demande à la cour :
- de confirmer le jugement
- de débouter la Société GRENKE LOCATION de ses demandes
- de la condamner aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir pour sa part que :
- un même document signé le 10 août 2001 comporte le contrat de fourniture et de prestation de services et le contrat de location ;
- il s'agissait bien d'un démarchage à domicile effectué par le représentant de la Société PROTECNICOM ;
- l'installation devait permettre à l'épouse de l'agriculteur de relier la partie habitation de la ferme et le lieu d'exploitation ;
- le matériel a été livré le 1er octobre 2001 mais n'a pas été installé et est resté dans des cartons ;
- la Société PROTECNICOM n'a pu être jointe ;
- elle a été placée en liquidation judiciaire le 1er juillet 2003 ;
- à défaut d'installation effective du matériel celui-ci est inutile ; de plus, en raison de sa liquidation judiciaire, PROTECNICOM n'est plus en mesure d'assurer la maintenance du matériel ; dès lors le contrat de location se trouve être résilié eu égard à son caractère indivisible du contrat principal dont la résiliation est acquise ;
- il n'y a pas eu de procès-verbal d'installation et la Société GRENKE LOCATION n'apporte pas la preuve de la livraison d'un matériel en état de fonctionnement et dûment installé ;
- l'économie globale du contrat a pris fin faute pour le prestataire de s'exécuter ou à tout le moins au jour de sa liquidation judiciaire ;
- en l'absence d'installation d'un matériel en état de fonctionner les sommes prélevées par [minute Jurica page 5] GRENKE LOCATION au titre des loyers doivent être restituées sur le fondement de la répétition de l’indu ou de l’enrichissement sans cause.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Sur la nullité du contrat de location :
Attendu qu'en vertu de l'article L. 121-21 du Code de la consommation les dispositions de la loi sur le démarchage à domicile ne protègent que les personnes physiques.
Attendu que le contrat de location a été conclu par le GAEC du HOHNECK (représenté par sa gérante Mme A.), lequel dispose de la personnalité morale.
Attendu que selon les propres conclusions du GAEC du HOHNECK « il a reçu la visite d'un représentant en téléphonie de la Société PROTECNICOM pour lui proposer une installation téléphonique permettant de communiquer entre les bâtiments d'exploitation de la ferme, l'étable et la fromagerie » ;
que le contrat de location comporte la mention selon laquelle « le locataire déclare et atteste que le matériel loué est strictement et exclusivement destiné à l'exercice de son activité sociale ou professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celle-ci » ;
qu'aucune preuve n'est rapportée à l'appui des allégations du GAEC selon lesquelles « l'épouse de l'agriculteur, gérante du GAEC, souhaitait que sa ferme, en sa partie habitation, puisse être reliée à l'exploitation » et ce contrairement à ce qu'a retenu le premier juge qui a fait siennes ces affirmations non étayées.
Attendu que le jugement qui a annulé le contrat pour non respect des formalités prévues par la loi sur le démarchage à domicile sera par conséquent infirmé.
Sur la résiliation du contrat :
Attendu que le GAEC DU HOHNECK soutient en premier lieu que la Société GRENKE LOCATION aurait manqué à son obligation de délivrance, et que le matériel, certes livré, n'a jamais fonctionné.
Attendu que cette affirmation est là encore démentie par la signature par le GAEC du HOHNECK du document intitulé « confirmation de livraison » le 1er octobre 2001 qui atteste que le matériel loué est en parfait état de fonctionnement et a été livré intégralement, et par le procès-verbal de prise en charge de l'installation du même jour portant la mention « test qualité OK le 2 octobre 2001 ».
Attendu que la preuve de la fausseté de ces documents n'est pas rapportée par le GAEC du HOHNECK ;
que d'ailleurs celui-ci a payé les loyers à la Société GRENKE LOCATION jusqu'au mois de mars 2004 et n'a jamais adressé une quelconque réclamation ni à la Société PROTECNICOM ni à la Société GRENKE LOCATION sur l'absence d'installation du matériel ;
que le seul document qu'il produit est un courrier recommandé adressé à la Société PROTECNICOM le 5 février 2004 en ces termes : « Le 10 août 2001 nous avons passé un contrat d'abonnement avec votre société. Or, n'ayant aucune utilité d'une telle installation, nous désirons résilier le contrat dans les plus brefs délais » ;
[minute Jurica page 6] qu'il n'est par conséquent aucunement question d'absence d'installation ou de défauts de fonctionnement du matériel et que l'argumentation du GAEC pour se soustraire à ses obligations, au stade de la procédure, apparaît être développée pour les besoins de la cause.
Attendu que ne peut pas plus être invoquée la liquidation judiciaire de la Société PROTECNICOM survenue le 1er juillet 2003 dès lors que, d'une part aucune résiliation du contrat de prestations de services ne peut résulter du seul fait de la procédure de liquidation judiciaire de la Société PROTECNICOM ;
que cette résiliation n'a pas été demandée d'autre part par le GAEC du HOHNECK à l'encontre du liquidateur de la Société PROTECNICOM qui n'est pas à la cause (Cass. Com. 5.6.05) ;
qu'en revanche, la résiliation anticipée du contrat de location a été à bon droit prononcée par la Société GRENKE LOCATION pour défaut de paiement des loyers à compter du 6 mars 2004 par lettre recommandée du 16 juin 2004 et est justifiée en application des articles 13 et 15 des conditions générales de location ;
que conformément à l'article 15, le GAEC doit à la Société GRENKE LOCATION l'indemnité de résiliation égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat, outre les loyers échus et impayés, soit la somme de 3.057,89 euros, au demeurant non contestée.
Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner le GAEC du HOHNECK à payer à la Société GRENKE LOCATION la somme de 3.057,89 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2004, date de la mise en demeure ;
que la demande reconventionnelle en restitution des loyers ne peut qu'être rejetée.
Attendu que le GAEC du HOHNECK qui succombe sera condamné aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Condamne le GAEC du HOHNECK à payer à la Société GRENKE LOCATION la somme de 3.057,89 euros (trois mille cinquante sept euros et quatre-vingt neuf cents) avec les intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2004,
Déboute le GAEC du HOHNECK de sa demande reconventionnelle,
Condamne le GAEC du HOHNECK aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
- 5712 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Obstacles au contrôle du juge - Obligation de mise en cause dans les contrats liés
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie
- 5959 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Usage mixte professionnel et privé