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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 12 mars 2007

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 12 mars 2007
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 05/02997
Date : 12/03/2007
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 4/07/2005
Décision antérieure : TI SAINT-MARCELLIN, 26 avril 2005
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2264

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 12 mars 2007 : RG n° 05/02997

 

Extrait : « L'article 26 de la loi du 12 juin 2003 en assimilant à des transports de marchandises, les opérations de transport effectuées dans le cadre d'un déménagement, a pour effet de légitimer la prescription annale contenue dans les contrats de déménagement, et d'exclure la référence à une prétendue clause abusive. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 MARS 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/02997. Appel d'un Jugement rendu par le Tribunal d'Instance de ST-MARCELLIN en date du 26 avril 2005, R.G. n° 11-04-0254 suivant déclaration d'appel du 4 juillet 2005.

 

APPELANTE :

Madame X.

née [date] à [ville], de nationalité française, [adresse], représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour, assistée de la SCP BRASSEUR - M'BAREK, avocats au barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître M'BAREK, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2005/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

[minute Jurica page 2]

INTIMÉE :

SARL ALLO SUD EST DÉMÉNAGEMENTS, représentée par son gérant M. Y. exerçant sous l'enseigne « LES DÉMÉNAGEURS BRETONS »

[adresse], représentée par Maître Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour, assistée de Maître Fabrice RENAUDIN, avocat au barreau de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Hélène PAGANON, Greffier.

DÉBATS : À l'audience publique du 5 février 2007, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport. Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme X. a confié à la société Allo Sud-Est Déménagements, suivant devis du 15 octobre 2003, le déménagement de ses biens mobiliers d'un appartement situé à [adresse S.], à un appartement situé dans la même localité, à environ un kilomètre, [adresse R.].

Se plaignant de la mauvaise exécution de la prestation effectuée le 31 octobre 2003, elle a fait un règlement incomplet à la société Allo Sud-Est Déménagements.

Elle a adressé un courrier recommandé à celle-ci le 5 novembre 2003 pour faire part des anomalies et des dégâts qu'elle avait constatés.

La société Allo Sud-Est Déménagements a obtenu du président du Tribunal d'Instance de SAINT-MARCELLIN une ordonnance d'injonction de payer pour la somme de 830,24 € outre intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2004, contre laquelle Mme X. a fait opposition.

Par jugement du 26 avril 2005 le Tribunal d'Instance de SAINT-MARCELLIN a condamné Mme X. à payer à la société Allo Sud-Est Déménagements la somme de 830,23 € outre intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2004 et condamné la société Allo Sud-Est Déménagements à payer à Mme X. la somme de 230 € à titre de dommages-intérêts pour exécution défectueuse de la prestation du déménageur ; la même décision a déclaré irrecevable l'action engagée par Mme X. pour avarie et perte.

[minute Jurica page 3] Mme X. a interjeté appel de cette décision le 4 juillet 2005.

Elle fait valoir que le contrat de déménagement n'étant pas un contrat de transport, spécialement dans son cas compte tenu de la distance à parcourir, l'article 19 des conditions générales de ce contrat qui limite à un an l'exercice de l'action du non professionnel, sans restreindre le délai d'action du professionnel, est une clause abusive et en tout cas lui est inopposable puisqu'elle n'a pas contresigné les conditions générales.

Elle soutient que l'article L. 133-6 du Code de Commerce est inapplicable à la présente espèce tant du fait de la recommandation de la Commission des clauses abusives qu'en raison de la jurisprudence de la Cour de Cassation.

Elle prétend encore que par le courrier du 10 juin 2004 qui suivait l'opposition à l'injonction de payer, elle a formé une demande indemnitaire en son principe qui a interrompu la prescription d'un an.

Enfin elle invoque l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'agir pour la défense de ses intérêts par le fait de plusieurs hospitalisations qui ont suspendu le délai de prescription d'un an, de sorte que la demande reconventionnelle qu'elle a formulée par conclusions du 23 novembre 2004 est recevable.

Elle reprend sa demande de dommages-intérêts et réclame la somme de 3.335,20 € en réparation de son préjudice matériel et celle de 1.500 € en réparation de son préjudice moral ; elle sollicite une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* * *

La société Allo Sud-Est Déménagements répond que les conditions générales du contrat conclu avec Mme X. sont des conditions type de la chambre syndicale des entreprises de déménagement ; elles figurent sur le devis, la lettre de voiture de chargement et la lettre de voiture de livraison, documents qui ont été signés par Mme X.

Elle maintient que l'action de Mme X. est prescrite, non pas en application des dispositions du Code de Commerce, mais de l'article 19 du contrat qu'elle a signé.

Elle conteste le caractère abusif de la clause de l'article 19 et fait état de décisions de justice et d'articles de doctrine sur le sujet et soutient qu'il n'y a pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties du fait de cette clause.

La société Allo Sud-Est Déménagements fait également valoir que depuis la loi du 12 juin 2003, sont considérées comme des transports de marchandises les opérations de transport effectuées dans le cadre d'un déménagement, et qu'elle est fondée à s'appuyer sur les dispositions du Code de Commerce en ce qui concerne la prescription de l'action.

Elle prétend qu'elle ne peut être condamnée à quel que titre que ce soit puisque l'article L. 133-6 alinéa 2 du Code de Commerce vise toutes les actions auxquelles le contrat peut donner lieu.

Elle conteste toute interruption du délai de prescription, ni l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer ni le contenu du courrier du 10 juin 2004 valant actes interruptifs, pas plus qu'une prétendue reconnaissance du droit de la réclamante, elle-même n'ayant fait que rejeter les réclamations de Mme X. en se fondant sur la présomption de livraison conforme et réclamer le solde de la facture.

Elle invoque à titre subsidiaire la présomption de livraison conforme et rappelle les dispositions de [minute Jurica page 4] l'article 14 des conditions générales du contrat au vu desquelles Mme X. aurait dû, dès la livraison, émettre des réserves écrites, précises et détaillées en présence des représentants de l'entreprise.

Elle conteste la demande de dommages-intérêts, souligne que l'expert de Mme X. a évalué les dommages à 1.500 € et fait état des dispositions de l'article 14 du contrat pour s'opposer au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Elle demande à la Cour de rejeter la demande reconventionnelle de Mme X. comme irrecevable et mal fondée, de condamner Mme X. à lui payer la somme de 830,24 € outre intérêts à compter du 31 octobre 2003 sur la base d'une fois et demi le taux de l'intérêt légal et la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

L'article 26 de la loi du 12 juin 2003 en assimilant à des transports de marchandises, les opérations de transport effectuées dans le cadre d'un déménagement, a pour effet de légitimer la prescription annale contenue dans les contrats de déménagement, et d'exclure la référence à une prétendue clause abusive.

Les conditions générales du contrat de déménagement figurent au dos du devis, au dos de la lettre de voiture de chargement et au dos de la lettre de voiture de livraison et son bien opposables à Mme X.

S'agissant du délai pour agir, il est dit dans des termes clairs à l'article 19 que « de convention expresse entre les parties, il est convenu que les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier » ; le délai d'un an pour agir à compter du déménagement en cas d'avarie ou de perte a donc bien été porté à la connaissance de Mme X.

Le Tribunal a justement décidé que la demande d'indemnisation n'avait été formée par Mme X. que par le dépôt de ses conclusions le 23 novembre 2004 ; à cet égard, le courrier daté du 10 juin 2004 adressé au président du Tribunal d'Instance, ne peut pas être considéré comme une action en justice, puisqu'il ne formule aucune demande chiffrée en paiement de dommages-intérêts ; le délai d'un an n'a donc pas été interrompu le 10 juin 2004.

Sur la suspension de la prescription, il est de principe que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir, ne s'applique pas lorsqu'il disposait encore à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription.

Mme X. justifie avoir été hospitalisée dans deux établissements entre le 12 mars 2004 et le 6 avril 2004, puis dans un troisième établissement du 22 avril au 29 mai 2004 ; cependant, à l'issue de cette dernière hospitalisation, elle disposait encore de plusieurs mois pour exercer son action contre la société Allo Sud-Est Déménagements ; ce moyen ne peut être accueilli.

La décision qui a déclaré prescrite l'action engagée par Mme X. pour avarie et perte sera confirmée.

Sur l'exécution défectueuse de la prestation, aucune prescription tirée du Code de Commerce ne peut être opposée à Mme X., et le contrat liant les parties ne limite à un an le délai pour agir que dans le cas de perte, avarie, ou retard.

Par des attestations régulières en la forme et contre lesquelles la société Allo Sud-Est Déménagements ne s'est pas inscrite en faux, Mme X. établit que les conditions de réalisation du déménagement et le comportement du personnel qui y a participé, lui ont causé un [minute Jurica page 5] préjudice.

En effet, selon les témoins, elle a dû faire appel à ses voisins pour calmer les déménageurs et accélérer les opérations qui se sont terminées à plus de 23 heures, et a dû subir, comme les occupants de l'immeuble, les bruits et va-et-vient à des heures très avancées dans la soirée, et parer aux nuisances constituées par les cartons et bouteilles de bière vides laissés par les déménageurs dans la pelouse, et l'allée à l'extérieur.

En application de l'article 11 du contrat liant les parties, la société Allo Sud-Est Déménagements est responsable du préjudice causé à Mme X. et devra lui payer la somme de 1.200 € à titre de dommages-intérêts.

Mme X. ne conteste pas qu'elle n'a pas réglé le solde du prix convenu ; au regard de la mauvaise exécution de sa prestation par la société Allo Sud-Est Déménagements, la stipulation qu'en cas de retard de règlement du prix, des pénalités de retard seront exigibles sur la base d'une fois et demi le taux de l'intérêt légal est manifestement excessive ; la décision qui a accordé les intérêts au taux légal sur la somme de 830,23 € sera confirmée.

Les circonstances de la cause ne justifient pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré sauf à élever à la somme de 1.200 € les dommages-intérêts alloués à Mme X.,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles de l'aide juridictionnelle.

PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame PAGANON, Greffier.