CA PAU (2e ch. sect. 1), 19 septembre 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 2295
CA PAU (2e ch. sect. 1), 19 septembre 2006 : RG n° 05/02042 : arrêt n° 3954/06
Extraits : 1/ « Attendu que selon l'article L. 121-22 alinéa 4 du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 de ce Code, les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou de prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle ou artisanale ou de toute autre profession ; Attendu que l'installation et la maintenance d'un matériel publiphone d'intérieur à pièces et à cartes étaient exclusivement destinées à l'activité commerciale exercée par la SARL LE PETIT POT ; que cette dernière qui a contracté en qualité de professionnel ne peut en conséquence revendiquer l'application des dispositions protectrices de la loi sur le démarchage à domicile ni se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation. »
2/ « Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que le rôle de la SAS LOCAM ne s'est pas limité en l'espèce à mettre un matériel à la disposition de la SARL LE PETIT POT dans le cadre d'un contrat de location ; qu'elle a procédé par l'intermédiaire de la société PAYPHONE au démarchage de la SARL LE PETIT POT en vue de l'installation d'un matériel que celle-ci n'a ni commandé ni choisi ; que les clauses du contrat de location par laquelle la SAS LOCAM entend s'exonérer de toute responsabilité en cas de dysfonctionnement sont abusives ; que la bailleresse doit en conséquence répondre des défaillances de l'installation empêchant l'utilisation normale de celle-ci par la locataire ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 05/02042. Arrêt n° 3954/06. Nature affaire : Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires.
ARRÊT : Prononcé par Madame METTAS, Président, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame LASSERRE, Greffier, à l'audience publique du 19 septembre 2006 date indiquée à l'issue des débats.
DÉBATS : Audience publique tenue le 20 juin 2006, devant : Madame METTAS, Président, Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller chargé du rapport, Monsieur BILLAUD, Conseiller, assistés de Monsieur LASBIATES, Greffier, présent à l'appel des causes.
[minute Jurica page 2] Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
APPELANTE :
SARL LE PETIT POT
[adresse], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP P. MARBOT/S. CREPIN, avoués à la Cour, assistée de Maître SAUGE, avocat au barreau de PAU.
INTIMÉE :
SAS LOCAM
[adresse], représentée par la SCP F. PIAULT/M. LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour, assisté de Maître LE BOT, avocat au barreau de PAU, loco Maître FERRET, avocat au barreau de MONTBRISON.
Sur appel de la décision en date du 14 DÉCEMBRE 2004 rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
Le 10 juillet 2002, la SARL LE PETIT POT qui exploite le « Bar de A. », a conclu avec la société PAYPHONE un contrat de mise à disposition et de maintenance d'une installation téléphonique de type COVADIS EURO ; cette opération a été financée par la SAS LOCAM dans le cadre d'un contrat de location conclu le même jour par l'intermédiaire de la société PAYPHONE pour une durée de 48 mois moyennant le versement d'un loyer mensuel fixe de 74,75 € TTC ;
Un procès-verbal dit de « réception et de satisfaction » a été établi et signé le 19 juillet 2002 par la gérante de la SARL LE PETIT POT et la société PAYPHONE ;
Le 22 janvier 2003, la SAS LOCAM a informé la société LE PETIT POT que la SA COVADIS FRANCE se substituerait désormais à la société PAYPHONE dans les engagements découlant du contrat (suivi technique des matériels) ;
La SARL LE PETIT POT a interrompu le paiement des loyers en invoquant des [minute Jurica page 3] dysfonctionnements de l'installation ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juillet 2003, la SAS LOCAM a prononcé la déchéance du terme, en application de la clause résolutoire contractuelle pour défaut de paiement des loyers ;
Elle a requis et a obtenu le 26 août 2003, une injonction de payer à l'encontre de la SARL LE PETIT POT ;
La SARL LE PETIT POT a régulièrement fait opposition à cette ordonnance ;
Par jugement du 14 décembre 2004, le tribunal de commerce de PAU a débouté la SARL
LE PETIT POT de son opposition et l'a condamnée à payer à la SAS LOCAM :
- la somme de 2.990 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2003 ;
- 299 € au titre de la clause pénale ;
- 300 € en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
La SARL LE PETIT POT a relevé appel de ce jugement.
Prétentions et moyens des parties :
Au soutien de son appel, la SARL LE PETIT POT déclare que dès le mois d'août 2003, l'installation a présenté des difficultés de fonctionnement, dont elle a informé en vain la société PAYPHONE, chargée de la maintenance ; que cette société a été remplacée 7 mois plus tard par une autre société qui n'a pu résoudre les problèmes et lui a proposé un appareil différent ; qu'en raison de la défaillance totale de son fournisseur, elle a alors décidé de suspendre les loyers d'un matériel qui ne fonctionnait pas ;
L'appelante prétend que la SAS LOCAM, qui a été son seul interlocuteur, lui a fait signer les contrats sans attirer son attention sur les conditions de vente, figurant en termes quasiment illisibles aux dos des documents contractuels et qui déchargeaient le loueur de toute responsabilité en cas de dysfonctionnement des appareils ; que cette clause uniquement favorable au professionnel rédacteur de la convention est abusive ; elle fait valoir que la maintenance était indissociable de l'installation ; que la redevance qui incluait à la fois le loyer et les prestations de maintenance était d'ailleurs encaissée par la seule SAS LOCAM ; la SARL LE PETIT POT considère qu'elle était dès lors fondée à suspendre le paiement des loyers en raison des manquements de la SAS LOCAM à ses propres obligations ;
L'appelante conclut à l'infirmation du jugement dont appel ; elle demande à la Cour de débouter la SAS LOCAM de toutes ses demandes ; de prononcer la résolution du contrat de location et de condamner la SAS LOCAM à titre reconventionnel, à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil outre 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SAS LOCAM réplique que le contrat de location est juridiquement indépendant du contrat de maintenance et que le locataire dispose en vertu du contrat de location du droit d'agir directement aux lieu et place du bailleur contre le fournisseur en cas d'inexécution par celui-ci de ses obligations ; elle prétend que la SARL LE PETIT POT ne peut en [minute Jurica page 4] conséquence lui opposer les éventuels dysfonctionnements du matériel loué pour justifier le non-paiement des loyers et qu'il lui appartenait d'exercer son recours contre le fournisseur ;
La SAS LOCAM déclare que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ne sont pas applicables en l'espèce car la SARL LE PETIT POT a contracté en qualité de professionnel ;
Elle conclut à la confirmation du jugement dont appel et sollicite l'octroi de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur l'application des dispositions protectrices du Code de la consommation :
Attendu que selon l'article L. 121-22 alinéa 4 du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 de ce Code, les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou de prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle ou artisanale ou de toute autre profession ;
Attendu que l'installation et la maintenance d'un matériel publiphone d'intérieur à pièces et à cartes étaient exclusivement destinées à l'activité commerciale exercée par la SARL LE PETIT POT ; que cette dernière qui a contracté en qualité de professionnel ne peut en conséquence revendiquer l'application des dispositions protectrices de la loi sur le démarchage à domicile ni se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
Sur l'interdépendance des contrats de location et de maintenance :
Attendu que les deux contrats ont été souscrits le même jour par la SARL LE PETIT POT par l'intermédiaire de la seule société PAYPHONE, laquelle est intervenue en la double qualité de fournisseur du matériel et de mandataire de la bailleresse : la SAS LOCAM ;
Attendu que cette dernière était donc propriétaire de ce matériel acquis auprès de la société PAYPHONE ; que les deux sociétés se sont entendues pour procéder, dans la même opération de démarchage, à la mise à disposition du matériel auprès de clients potentiels et à leur adhésion à un contrat de location préétabli ; que cette opération unique permettait à la société PAYPHONE de placer ses produits auprès de la SAS LOCAM et à celle-ci de rentabiliser son investissement en se déchargeant sur le locataire de toute responsabilité en cas de dysfonctionnement de l'appareil ;
Attendu que la clause du contrat de location selon laquelle, « le bailleur donne mandat au locataire pour désigner le type et la marque du matériel qui répond à ses propres besoins d'utilisation ainsi que le fournisseur de son choix » ne correspond pas à la réalité ; qu'il n'existe en fait qu'un seul type d'appareil produit par le même fournisseur et dont la mise à disposition est proposée au client démarché contre paiement d'un loyer ;
Attendu que la SAS LOCAM ne produit d'ailleurs pas le bon de commande dont la locataire devait, aux termes des conditions générales du contrat de location, lui dénoncer les clauses et conventions afin de les lui rendre opposables ;
Attendu qu'il apparaît qu'aucune commande de matériel n'a été faite par la SARL LE PETIT POT qui n'a pas eu d'autre choix que celui d'accepter ou de refuser l'offre [minute Jurica page 5] d'installation ;
Attendu que l'entente conclue entre la société PAYPHONE et la SAS LOCAM pour placer le matériel résulte de la représentation des deux sociétés par un démarcheur unique, de la conclusion concomitante des contrats d'installation et de location et également de la perception par la SAS LOCAM d'une redevance mensuelle unique incluant le montant du loyer et du coût des prestations de services du fournisseur ;
Attendu que l'existence de relations de partenariat est également établie par la lettre adressée le 22 janvier 2003 par la SAS LOCAM à la SARL LE PETIT POT pour l'informer qu'elle s'était rapprochée de la S.A. COVADIS FRANCE qui assurerait désormais le suivi technique du matériel loué en remplacement de la société PAYPHONE ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites, que dès le mois suivant l'installation, l'appareil a présenté des dysfonctionnements pour lesquels, la SARL LE PETIT POT a tenté de se rapprocher de la société PAYPHONE qui avait déjà disparu ; que notamment les cartes offertes gratuitement lors de l'installation ne marchaient pas et ont dues être remboursées par la SARL LE PETIT POT à ses clients ; que sur les indications de la SAS LOCAM, la SARL LE PETIT POT s'est adressée à la SAS COVADIS FRANCE qui était censée substituer la société PAYPHONE ;
Attendu que le 11 mars 2003, la SARL LE PETIT POT a refusé l'intervention de remise en service de l'installation par la SA COVADIS FRANCE dont les conditions n'étaient pas celles prévues dans le contrat de maintenance initial ; qu'en effet, la SA COVADIS FRANCE déclarait ne pouvoir assurer le service après-vente de l'appareil installé par la société PAYPHONE et réclamait le versement d'une somme de 200 à 300 € pour le recharger avec de nouvelles cartes, sans compter l'obligation imposée à la locataire de changer d'opérateur à des tarifs plus élevés ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que le rôle de la SAS LOCAM ne s'est pas limité en l'espèce à mettre un matériel à la disposition de la SARL LE PETIT POT dans le cadre d'un contrat de location ; qu'elle a procédé par l'intermédiaire de la société PAYPHONE au démarchage de la SARL LE PETIT POT en vue de l'installation d'un matériel que celle-ci n'a ni commandé ni choisi ; que les clauses du contrat de location par laquelle la SAS LOCAM entend s'exonérer de toute responsabilité en cas de dysfonctionnement sont abusives ; que la bailleresse doit en conséquence répondre des défaillances de l'installation empêchant l'utilisation normale de celle-ci par la locataire ;
Attendu que la SARL LE PETIT POT qui n'a pas eu l'usage du matériel loué dans les conditions contractuelles est fondée à opposer à la bailleresse l'inexécution de ses obligations et à demander la résolution judiciaire de la location ;
Attendu que la demande reconventionnelle de la SARL LE PETIT POT n'est justifiée par aucun préjudice caractérisé ; qu'il y a lieu de la débouter de ce chef de réclamation ; qu'il lui sera seulement alloué la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort ;
Infirme le jugement du tribunal de commerce de PAU du 14 décembre 2004 ;
[minute Jurica page 6] Prononce la résolution du contrat de location aux torts de la SAS LOCAM avec toutes ses conséquences de droit ;
Déboute la SAS LOCAM de ses demandes ;
Déboute la SARL LE PETIT POT de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne la SAS LOCAM à payer à la SARL LE PETIT POT la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Condamne la SAS LOCAM aux dépens ; autorise la SCP MARBOT/CREPIN, avoués, à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Michèle LASSERRE Roberte METTAS
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5888 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères – Démarchage - Identité temporaire de critère avec les clauses abusives (rapport direct)
- 5895 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Contrat n’ayant d’utilité que dans un cadre professionnel
- 5916 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : moyens de communication
- 6153 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Extension directe sans texte