CA MONTPELLIER (ch. com.), 21 mai 2024
- T. com. Montpellier, 5 septembre 2022 : RG n° 2020012900 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23092
CA MONTPELLIER (ch. com.), 21 mai 2024 : RG n° 22/05099
Publication : Judilibre
Extrait : « Selon les dispositions de l'article 1171 du code civil, dans sa version applicable au litige, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. L'article L. 442-6 du code de commerce, également dans sa version applicable au litige, prohibe aussi dans le cadre de relations commerciales le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
En premier lieu, la circonstance que lors de la phase de négociation du contrat, la société Darver ait proposé un taux de 1,5 % applicable au compte prorata, taux qui est effectivement mentionné au CCAP, ne permet pas à elle seule de faire la démonstration que le CCAP aurait été négocié entre les parties, de sorte qu'il doit être regardé comme un contrat d'adhésion.
En second lieu, il doit être rappelé que la norme AFNOR NF P 03-001 applicable en matière de marchés de travaux privés ne revêt aucun caractère obligatoire et que les parties peuvent, d'un commun accord, y apporter toutes les modifications ou dérogations qu'elles désirent. En l'espèce, la société Darver a signé le CCAP, de sorte qu'elle en a accepté le contenu et les modalités. En outre, la liste des dérogations à la norme AFNOR est clairement stipulée en annexe du CCAP. Cependant, la société Darver soutient que les dispositions de l'article 9. 5 du CCAP relatives aux délais de constatation des droits à paiement créeraient un déséquilibre significatif entre les parties de sorte qu'elles devraient être considérées comme abusives et partant non écrites, et qu'il conviendrait en conséquence de revenir à la norme AFNOR elle-même.
De manière générale, peuvent être considérées comme des clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, les clauses qui reconnaissent une prérogative exorbitante à l'une des parties ou mettent un devoir exorbitant à la charge d'une partie sans justification.
En l'espèce, l'article 9.5 du CCAP prévoit : « […] » Pour l'essentiel, d'une part les dispositions du CCAP réduisent de 45 jours à 15 jours le délai de transmission du DGD après la réception des travaux par rapport à la norme AFNOR (article 19.6.2), et d'autre part, elles dérogent au principe selon lequel le silence du maître d'ouvrage à l'issue d'un délai de 30 jours vaut acceptation du DGD (article 19. 6. 4). Par ailleurs, dans son ensemble, l'article 9. 5 du CCAP organise de manière détaillée les modalités et précise les délais dans lesquels l'entreprise doit s'assurer de la bonne exécution de ses travaux au stade de leur achèvement et de leur finition, pendant et après la réception des travaux, pour pouvoir prétendre être réglée du solde du marché.
Contrairement à ce que soutient la société Darver, le CCAP ne contient aucune clause contraire aux dispositions d'ordre public contenues dans la loi du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marché de travaux privés, et qui concernerait donc la retenue de garantie mentionnée au marché (laquelle est de 5 % comme prévu dans la loi du 16 juillet 1971), ou qui porterait atteinte au mécanisme même de la retenue de garantie. Or, contrairement à ce que soutient l'appelante, les différentes clauses mentionnées à l'article 9.5 du CCAP, qui tendent seulement à renforcer les obligations de l'entreprise dans l'exécution de ses obligations contractuelles et en particulier dans l'achèvement et la conformité de ses travaux, ne sauraient être regardées comme étant un devoir exorbitant qui serait mis à la charge de l'entreprise et pouvant constituer par là même un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. En effet, notamment, la seule circonstance que le délai pour l'entreprise soit de 15 jours pour notifier son DGD alors que celui du maître de l'ouvrage est de 30 jours pour faire connaître ses observations n'apparaît nullement comme constitutif d'un déséquilibre significatif eu égard en particulier à la faculté pour le maître de l'ouvrage de disposer d'un temps supérieur à celui de l'entreprise pour vérifier le DGD compte tenu de la multiplicité éventuelle des intervenants sur son marché de travaux.
En outre, alors que le CCAP prévoit classiquement le paiement de situations intermédiaires au profit de l'entreprise au fur et à mesure de l'avancement du chantier, la circonstance que les réserves soient levées pour pouvoir prétendre effectivement au paiement du solde du chantier n'apparaît non plus nullement comme une prérogative exorbitante du maître d'ouvrage.
En conséquence, les clauses du CCAP ne sont nullement abusives et doivent trouver application.
Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la production du procès-verbal de réception et des échanges de courriers entre la société Darver et la société 3D Manager Coordination concernant le DGD, que les réserves mentionnées au procès-verbal de réception ont été levées dans les délais et donc que la société Darver pouvait adresser son DGD au maître d'ouvrage. Cependant, il ne peut qu'être constaté que le CCAP indique de manière claire et précise que la notification d'un Décompte Général et Définitif proposé par l'entreprise directement au maître d'œuvre n'a aucune valeur juridique.
Ces dispositions contractuelles doivent être appliquées strictement sauf à les priver d'effets et à méconnaître la volonté des parties.
En conséquence, la société Darver sera déboutée de ses demandes formées à l'encontre du maître d'ouvrage au titre du solde d'un marché dont elle n'a pas respecté les modalités de mise en œuvre qui sont pourtant prescrites clairement et précisément par un CCAP dont elle a expressément accepté les modalités par sa signature. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 21 MAI 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/05099. N° Portalis DBVK-V-B7G-PSGZ. Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 SEPTEMBRE 2022, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : RG N° 2020 012900.
APPELANTE :
SAS DARVER
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège [Adresse 7], [Adresse 7], [Localité 3], Représentée par Maître Virginie ARCELLA LUST de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
SAS ÉNERGIE SOLAIRE DE LA SORGUE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 5], [Adresse 5], [Localité 4], Représentée par Maître Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant
SARL 3D MANAGER COORDINATION
représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1], [Localité 2], Représentée par Maître Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, Représentée par Maître Jérémy ROUSSEL, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Aline BOUDAILLIEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 14 mars 2024
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile B85D525D8D5030285E5B8CDF386E109B, l'affaire a été débattue le 4 avril 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère, M. Thibault GRAFFIN, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile F23D2CC483AC17020CAB97538F82B395 ; - signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SAS Darver exerce une activité de travaux de maçonnerie générale et de gros œuvre en bâtiment.
L'EURL 3D Manager Coordination exerce pour sa part une activité principale d'architecture et d'ingénierie.
La SAS Energie Solaire de la Sorgue exerce quant à elle une activité principale de construction de bâtiment.
Le 12 décembre 2016, la société Energie Solaire de la Sorgue, en qualité de maître d'ouvrage, a conclu avec la société Darver un marché de travaux pour la réalisation du lot gros œuvre d'un immeuble d'habitation dans le cadre d'une opération immobilière nommée [Adresse 6] située à [Localité 8] pour un montant de 1.990.000 euros HT. Plusieurs avenants ont été conclus par la suite, portant le marché à la somme totale de 2.008.462,39 euros HT.
La société 3D Manager Coordination avait la qualité de maître d'œuvre.
Le 6 janvier 2017, le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) a été signé entre les parties et visait la norme AFNOR NF P03-001 comme document contractuel.
Le 6 décembre 2018, la réception des travaux est intervenue avec des réserves concernant les travaux réalisés par la société Darver.
Le 7 mai 2019, la société Darver a adressé à la société 3D Manager Coordination son mémoire définitif indiquant qu'en application du marché, elle lui réclamait la somme de totale de 230.058,44 euros TTC (lettre réceptionnée le 10 mai 2019).
Le 24 juin 2019, la société 3D Manager Coordination a contesté les sommes réclamées par la société Darver et lui a notifié son décompte définitif pour un montant de 18.992,94 euros TTC (lettre réceptionnée le 26 juin 2019).
Le 19 juillet 2019, la société Darver a fait part de ses observations et de sa contestation concernant le décompte définitif à la société 3D Manager Coordination.
Par exploit d'huissier en date du 25 novembre 2020, la société Darver a assigné la société Energie Solaire de la Sorgue en paiement devant le tribunal de commerce de Montpellier.
Par exploit d'huissier du 31 août 2021, la société Energie Solaire de la Sorgue a fait assigner en intervention forcée la société 3D Manager Coordination pour la relever et la garantir de toute condamnation.
Le 4 février 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a ordonné la jonction de ces deux affaires.
Par jugement contradictoire du 5 septembre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a :
- débouté la société Darver de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la société Darver à payer la somme de 700 euros à la société Energie Solaire de la Sorgue et la société 3D Manager Coordination au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Darver aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 120,39 euros toutes taxes comprises.
Par déclaration du 6 octobre 2022, la société Darver a relevé appel de ce jugement.
[*]
Par conclusions du 8 décembre 2022, la société Darver demande à la cour, au visa des articles 1100, 1104 et suivants et 1171 du code civil et de l'article L. 442-6 du code de commerce, de :
- réformer le jugement entrepris ;
statuant à nouveau,
- juger sa demande recevable et bien fondée, et en conséquence :
- rejeter toutes autres demandes,
à titre principal,
- condamner la société Energie Solaire de la Sorgue à lui régler la somme de 230.058,44 euros TTC au titre de son décompte général définitif, assortie des intérêts au taux légal majorée de sept points à compter du 25 juillet 2019 ;
- statuer ce que de droit quant à la demande de la société Energie Solaire de la Sorgue d'être relevée et garantie de toutes les condamnations prononcées à son encontre par la société 3D Manager ;
à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour ne faisait pas droit à la demande susvisée, par jugement avant dire droit :
- ordonner une mesure d'expertise et nommer un expert avec la mission suivante :
- entendre les parties, recueillir leur dire et explications,
- entendre tout sachant et se faire communiquer tous documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,
- dresser le bordereau des documents communiqués à l'expert, étudier et analyser ceux en rapport avec le litige,
- établir la chronologie des états des travaux réalisés,
- fournir les éléments de faits propres apprécier l'existence et la date d'une réception,
- préciser la date de notification du mémoire définitif établi par la société Darver et adressé à la maîtrise d'œuvre,
- préciser si le maître d'œuvre et/ou le maître d'ouvrage ont établi un décompte définitif à la société Darver dans le délai de 45 jours ayant suivi la réception du mémoire définitif établi par la société Darver,
- préciser si les dispositions de la norme AFNOR marché privé P03-001 trouvent à s'appliquer,
- fournir les éléments de propres à apprécier et à établir le montant des sommes dues par la Société Energie Solaire de la Sorgue à la société Darver au titre du solde de son marché, du compte prorata et du compte interentreprise, d'une manière générale analyser tous les préjudices invoqués par la société Darver en lien avec le retard de paiement de son Décompte général définitif,
- dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts près la cour d'appel ;
- dire qu'en cas de difficulté, l'expert saisira le Président qui aura ordonné l'expertise ou le juge désigné par lui ;
- et, en tout état de cause, condamner la société Energie Solaire de la Sorgue à payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Energie Solaire de la Sorgue aux frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, la société Darver fait en substance valoir les moyens suivants :
- la clause 9.5 du CCAP concernant les délais de constatation des droits au paiement, qui déroge à la norme AFNOR NF P03-001, est une clause abusive puisqu'elle crée un déséquilibre significatif à son détriment ;
- ce déséquilibre significatif concerne à la fois les délais dans lesquels elle peut présenter sa demande de paiement du solde du marché (15 jours après la réception), et en ce qu'elle impose que l'intégralité des réserves ait été levées pour prétendre au paiement du solde dû ;
- or, selon les normes en vigueur d'ordre public (loi de1971), la clause de retenue de garantie doit être limitée à 5 % du prix des travaux et doit faire l'objet d'une consignation ;
- en conséquence, la norme AFNOR redevient applicable ; et le maître d'œuvre ne lui a pas notifié le DGD dans le délai de 45 jours prévu par la norme AFNOR, de sorte que la somme réclamée par la société Darver dans son DGD est due pour ne pas avoir été contestée ;
- elle a notifié son DGD au maître d'œuvre par lettre recommandée réceptionnée le 10 mai 2019 ; cette dernière avait donc jusqu'au 25 juin 2019 pour établir son décompte définitif ;
- or le maître d'œuvre a notifié son DGD le 26 juin 2019 ;
- si elle n'a pas transmis son DGD au maître d'ouvrage, elle lui a transmis la facture correspondant au montant de son DGD ;
- de surcroît, le DGD de la société Darver est également définitif du fait de l'absence de contestation dans un délai de 30 jours par le maître d'ouvrage ;
- en effet, après avoir reçu les observations émises par le maître d'œuvre le 26 juin 2019, la société Darver a adressé ses observations le 25 juillet 2019 ; or, ces observations n'ont jamais été contestées par le maître d'ouvrage dans un délai de 30 jours ;
- en outre, toutes les réserves ont été levées avant le 20 décembre 2018 et aucune pénalité de retard n'est due.
[*]
Par conclusions du 3 mars 2023, la société Energie Solaire de la Sorgue demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants et 1231-1 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement querellé ;
en conséquence :
- débouter la société Darver de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la société Darver à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Darver aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire : si par impossible la cour infirmait le jugement querellé,
- juger que le solde du marché ne peut excéder la somme de 18.992,94 euros ;
- condamner la SARL 3D Manager à relever et garantir la société Energie Solaire de la Sorgue de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, et subsidiairement
- condamner la SARL 3D Manager à lui payer la somme de 211.065,50 euros au titre de la perte de chance de pouvoir contester le décompte général définitif ;
- réserver les droits de la société Energie Solaire de la Sorgue au titre des préjudices subis du fait des manquements de la société Darver ;
- condamner toute partie succombant à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner toute partie succombant à lui payer les entiers dépens.
La société Energie Solaire de la Sorgue expose en substance les moyens suivants :
- contrairement à ce que soutient la société Darver, le CCP ne constitue pas un contrat d'adhésion puisqu'il a été librement négocié entre les parties ;
- en outre, le CCP fait référence à la norme AFNOR à laquelle il prévoit certaines dérogations ;
- ces dérogations ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, puisque les délais dérogatoires concernent également le maître d'ouvrage ;
- les clauses contenues dans le CCP ne sont donc pas abusives ;
- en outre, la société Darver n'a pas respecté les dispositions cumulatives de l'article 9.5 du CCAP en particulier l'envoi de sa proposition de DGD au maître d'ouvrage ; notamment, en ce qu'il prévoit que la notification d'un DGD directement au maître d'œuvre n'a aucune valeur juridique, ce qui est le cas en l'espèce ;
- en effet, la société Darver n'a pas notifié son décompte au maître de l'ouvrage mais uniquement au maître d'œuvre ;
- en outre, la société Darver n'a pas notifié au maître d'ouvrage d'observations sur le décompte définitif dans le délai de 30 jours ;
- le maître d'œuvre a réceptionné le mémoire définitif de la société Darver le 10 mai 2019 ;
- par ailleurs, au cours du chantier, le maître d'œuvre a alerté à plusieurs reprise la société Darver sur des retards importants et sur des désordres ; en particulier le démontage de la grue n'a eu lieu que le 23 décembre 2018 alors qu'il était prévu au 27 décembre 2017 ;
- à titre subsidiaire, la société 3D Manager Coordination devra la relever et la garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle du fait des manquements constatés dans l'établissement du DGD et du respect des délais, et dans la perte de chance qu'elle a eue de ne pouvoir contester le DGD.
[*]
Par conclusions du 17 mai 2023, la société 3D Manager Coordination demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1100, 1171 et 1231-1 du code civil, de l'article L. 442-6 du code de commerce et des articles 10 et 263 du code de procédure civile, de :
à titre principal,
- juger que la société Darver ne formule dans son dispositif aucune demande à l'égard de la société 3D Manager ;
- juger l'appel de la société Darver caduque à l'encontre de la société 3D Manager et en toute hypothèse infondé ;
- juger que la société Darver ne formule aucune critique à l'égard du jugement dont appel ;
- juger l'appel interjeté par la société Darver infondé et l'en débouter ;
- juger la société Darver mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter la société Darver de ses demandes ;
- condamner la société Darver et tout succombant à verser à la société 3D Manager une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
à titre subsidiaire,
- juger que la société Darver a accepté les clauses du CCAP par la régularisation de son marché ;
- juger en conséquence la société Darver irrecevable et mal fondée en sa demande de nullité des clauses dérogatoires du CCAP ;
- juger que la société Darver ne rapporte pas la preuve d'un déséquilibre significatif causé par les clauses dérogatoires de l'article 9.5 du CCAP ;
- juger qu'aucune dérogation n'est prévue par le CCAP en ce qui concerne la retenue de garantie ;
- juger que les clauses contenues à l'article 9.5 du CCAP ne peuvent être qualifiées d'abusives ;
- débouter la société Darver de ses demandes visant à les écarter ;
- juger que la société Darver n'a pas observé ses obligations contractuelles issues des articles 19.5 et suivants de la norme AFNOR ;
- juger que la société Darver n'a pas observé ses obligations contractuelles issues des clauses dérogatoires de l'article 9.5 du CCAP ;
- juger que le mémoire de la société Darver ne revêt aucun caractère définitif ;
- juger dès lors la société Darver infondée en son action en paiement ;
- juger que la société 3D Manager a respecté ses obligations contractuelles ;
- juger que n'est pas rapportée la preuve d'un quelconque manquement de la société 3D Manager dans sa mission de maîtrise d'œuvre ;
- juger que sa responsabilité sera écartée ;
- juger que la société Darver ne justifie pas d'un motif légitime au soutien de sa demande d'expertise ;
en conséquence de ce qui précède
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
- juger l'appel interjeté par la société Darver infondé et l'en débouter ;
- la mettre hors de cause ;
- condamner in solidum la société Darver et tout succombant à lui verser une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
à titre très subsidiaire,
- juger que la société Darver ne rapporte pas la preuve d'un quelconque manquement de la société 3D Manager dans sa mission de maîtrise d'œuvre, en lien direct et certain avec un préjudice ;
- juger en toute hypothèse que seule la société Energie Solaire de la Sorgue est tenue de solder le marché de la société Darver ;
- juger que le préjudice subi, dans l'hypothèse improbable d'une quelconque faute de 3D Manager, ne peut consister qu'en une perte de chance ;
- juger que la perte de chance fait obstacle à l'indemnisation complète d'un préjudice ;
- juger que l'indemnisation ne peut consister qu'en une fraction du préjudice ;
- juger que la réalité et l'étendue de cette perte de chance ne sont pas démontrées ;
en conséquence
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, notamment en ce que sa responsabilité a été écartée ;
- juger l'appel interjeté par la société Darver infondé et l'en débouter ;
- débouter la société Darver de toutes ses demandes ;
- débouter la société Energie Solaire de la Sorgue de son appel en garantie et de ses demandes dirigées contre elle ;
- la mettre hors de cause ;
- condamner in solidum la société Darver et tout succombant à lui verser une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
et, à titre infiniment subsidiaire,
- limiter le solde du marché de la société Darver à 18.992,94 euros ;
- rejeter toutes demandes plus amples ou contraires.
La société 3D Manager Coordination expose en substance les moyens suivants :
- la société Darver ne forme aucune demande à son encontre ;
- le CCAP a été librement négocié entre les parties et ne constitue donc nullement un contrat d'adhésion ;
- en outre, les clauses dérogatoires ne créent aucun déséquilibre entre les parties, puisqu'elles sont applicables tant à l'entreprise qu'au maître de l'ouvrage ;
- la société Darver n'a pas notifié au maître d'ouvrage ses observations sur le décompte définitif ;
- en outre, les réserves n'ont jamais été levées ;
- la société Darver n'a pas notifié son mémoire définitif au maître d'ouvrage ; - or, la cour de céans a jugé récemment que le non-respect de la procédure d'établissement du mémoire définitif et du décompte définitif rendait irrecevable l'entrepreneur à solliciter les paiements stipulés au marché ;
- par ailleurs, elle n'a commis aucune faute, de sorte qu'elle ne saurait être condamnée à relever et garantir la société Energie Solaire de la Sorgue de ses condamnations ;
[*]
L'ordonnance de clôture est datée du 14 mars 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Selon les dispositions de l'article 1171 du code civil, dans sa version applicable au litige, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
L'article L. 442-6 du code de commerce, également dans sa version applicable au litige, prohibe aussi dans le cadre de relations commerciales le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
En premier lieu, la circonstance que lors de la phase de négociation du contrat, la société Darver ait proposé un taux de 1,5 % applicable au compte prorata, taux qui est effectivement mentionné au CCAP, ne permet pas à elle seule de faire la démonstration que le CCAP aurait été négocié entre les parties, de sorte qu'il doit être regardé comme un contrat d'adhésion.
En second lieu, il doit être rappelé que la norme AFNOR NF P 03-001 applicable en matière de marchés de travaux privés ne revêt aucun caractère obligatoire et que les parties peuvent, d'un commun accord, y apporter toutes les modifications ou dérogations qu'elles désirent.
En l'espèce, la société Darver a signé le CCAP, de sorte qu'elle en a accepté le contenu et les modalités. En outre, la liste des dérogations à la norme AFNOR est clairement stipulée en annexe du CCAP.
Cependant, la société Darver soutient que les dispositions de l'article 9. 5 du CCAP relatives aux délais de constatation des droits à paiement créeraient un déséquilibre significatif entre les parties de sorte qu'elles devraient être considérées comme abusives et partant non écrites, et qu'il conviendrait en conséquence de revenir à la norme AFNOR elle-même.
De manière générale, peuvent être considérées comme des clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, les clauses qui reconnaissent une prérogative exorbitante à l'une des parties ou mettent un devoir exorbitant à la charge d'une partie sans justification.
En l'espèce, l'article 9.5 du CCAP prévoit :
« Par dérogation à la norme NF P 03001, et notamment à ses articles 19.6.2., 20/4/1 et 20.4.2., le Décompte Général et Définitif est réglé de la manière suivante : pour pouvoir prétendre au paiement du solde, les conditions énumérées ci-après doivent toutes être réunies :
- Le Décompte Général et Définitif doit être accepté par le Maître d'œuvre et le Maître de l'Ouvrage. Il est précisé que (') la notification d'un Décompte Général et Définitif proposé par l'Entreprise directement au Maître d'œuvre n'a aucune valeur juridique. Ainsi le décompte n'est pas réputé accepté même s'il est présenté par l'Entrepreneur et que le Maître d'œuvre et le Maître de l'Ouvrage restent silencieux plus de 30 jours, et ce en dérogation à l'Article 19.6.2. De même, par dérogation aux articles 19.6.2 et 20.4.1., l'Entrepreneur ne pourra se prévaloir que le Décompte Général et Définitif est réputé accepté ni prétendre à un quelconque règlement sur la base de cette proposition ;
- Retourner une proposition de Décompte Définitif et Général dans les 15 jours suivant la réception du marché pour avis du Maître de l'Ouvrage. Le document à remplir est annexé au présent CCAP.
- Avoir levé l'ensemble des réserves du Bureau de Contrôle afin que ce dernier soit en mesure de fournir au Maître de l'Ouvrage un rapport de fin de chantier vierge d'observations.
- Avoir transmis l'ensemble des exemplaires de son Dossier des Ouvrages exécutés.
Il est rappelé que l'ensemble de ces conditions doit être rempli pour que le Maître de l'Ouvrage traite le Décompte Général et Définitif de l'entrepreneur. Le paiement du solde se décalera d'autant. Passé le délai contractuel de levée des réserves, le décompte restera pendant jusqu'au règlement total par des intervenants extérieurs des conditions non remplies par l'Entrepreneur défaillant. Ce n'est qu'à l'issue du solde des conditions du traitement du Décompte Général et Définitif que le Maître d'œuvre sera en mesure d'établir une nouvelle proposition de Décompte Général et Définitif, les montants correspondants aux prestations des intervenants extérieurs suite à la défaillance de l'Entreprise ne pouvant être connus qu'après exécution. Dans l'intervalle, l'Entreprise ne pourra prétendre à aucun règlement et subira à l'issue les déductions afférentes. Également, les pénalités prévues au marché courent, le Maître de l'Ouvrage reste seul décisionnaire de leur application. »
Pour l'essentiel, d'une part les dispositions du CCAP réduisent de 45 jours à 15 jours le délai de transmission du DGD après la réception des travaux par rapport à la norme AFNOR (article 19.6.2), et d'autre part, elles dérogent au principe selon lequel le silence du maître d'ouvrage à l'issue d'un délai de 30 jours vaut acceptation du DGD (article 19. 6. 4).
Par ailleurs, dans son ensemble, l'article 9. 5 du CCAP organise de manière détaillée les modalités et précise les délais dans lesquels l'entreprise doit s'assurer de la bonne exécution de ses travaux au stade de leur achèvement et de leur finition, pendant et après la réception des travaux, pour pouvoir prétendre être réglée du solde du marché.
Contrairement à ce que soutient la société Darver, le CCAP ne contient aucune clause contraire aux dispositions d'ordre public contenues dans la loi du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marché de travaux privés, et qui concernerait donc la retenue de garantie mentionnée au marché (laquelle est de 5 % comme prévu dans la loi du 16 juillet 1971), ou qui porterait atteinte au mécanisme même de la retenue de garantie.
Or, contrairement à ce que soutient l'appelante, les différentes clauses mentionnées à l'article 9.5 du CCAP, qui tendent seulement à renforcer les obligations de l'entreprise dans l'exécution de ses obligations contractuelles et en particulier dans l'achèvement et la conformité de ses travaux, ne sauraient être regardées comme étant un devoir exorbitant qui serait mis à la charge de l'entreprise et pouvant constituer par là même un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.
En effet, notamment, la seule circonstance que le délai pour l'entreprise soit de 15 jours pour notifier son DGD alors que celui du maître de l'ouvrage est de 30 jours pour faire connaître ses observations n'apparaît nullement comme constitutif d'un déséquilibre significatif eu égard en particulier à la faculté pour le maître de l'ouvrage de disposer d'un temps supérieur à celui de l'entreprise pour vérifier le DGD compte tenu de la multiplicité éventuelle des intervenants sur son marché de travaux.
En outre, alors que le CCAP prévoit classiquement le paiement de situations intermédiaires au profit de l'entreprise au fur et à mesure de l'avancement du chantier, la circonstance que les réserves soient levées pour pouvoir prétendre effectivement au paiement du solde du chantier n'apparaît non plus nullement comme une prérogative exorbitante du maître d'ouvrage.
En conséquence, les clauses du CCAP ne sont nullement abusives et doivent trouver application.
Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la production du procès-verbal de réception et des échanges de courriers entre la société Darver et la société 3D Manager Coordination concernant le DGD, que les réserves mentionnées au procès-verbal de réception ont été levées dans les délais et donc que la société Darver pouvait adresser son DGD au maître d'ouvrage.
Cependant, il ne peut qu'être constaté que le CCAP indique de manière claire et précise que la notification d'un Décompte Général et Définitif proposé par l'entreprise directement au maître d'œuvre n'a aucune valeur juridique.
Ces dispositions contractuelles doivent être appliquées strictement sauf à les priver d'effets et à méconnaître la volonté des parties.
En conséquence, la société Darver sera déboutée de ses demandes formées à l'encontre du maître d'ouvrage au titre du solde d'un marché dont elle n'a pas respecté les modalités de mise en œuvre qui sont pourtant prescrites clairement et précisément par un CCAP dont elle a expressément accepté les modalités par sa signature.
Le jugement sera confirmé.
En outre, au regard des circonstances de l'affaire ci-dessus énoncées, l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire n'apparaît pas utile à la solution du litige, de sorte que cette demande sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Darver aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la SAS Energie Solaire de la Sorgue et la SARL 3D Manager Coordination la somme de 1.500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,