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CA NÎMES (2e ch. com. sect. B), 25 février 2010

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (2e ch. com. sect. B), 25 février 2010
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 2e ch. com. sect. B
Demande : 07/00606
Date : 25/02/2010
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 15 février 2011, CASS. COM., 12 juillet 2011
Référence bibliographique : BOCCRF n° 3, 30 mars 2010 ; RDC 2010/4, p. 1331, obs. M. Behar-Touchais
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2350

CA NÎMES (2e ch. com. sect. B), 25 février 2010 : RG n° 07/00606

(sur pourvoi Cass. com., 15 février 2011 : pourvoi n° 10-21551 et Cass. com., 12 juillet 2011 : pourvoi n° 10-21551)

Publication : Jurica ; BOCCRF n° 3, 30 mars 2010 ; RDC 2010/4, p. 1331, obs. M. Behar-Tou­chais

 

Extraits (motifs) : 1/ « Qu'il s'ensuit que la société GPV a conclu un accord commercial avec la société Carrefour qui s'avérait certes plus favorable à celui-ci, distributeur majeur en France et donc client important pour son fournisseur mais que les conséquences financières de celui-ci dépendaient essentiellement des choix de gestion opérés par la société GPV ».

2/ « Mais attendu que, sous cette réserve justifiée, le coût de cet accès internet apparaît en l'espèce manifestement prohibitif et calculé sur des bases étrangères à son seul coût de revient additionné d'une marge commerciale normale pour la société Carrefour ou à son impact économique véritable pour ses utilisateurs, ainsi qu'il sera démontré ci-après ;

Que la cour retient donc la pertinence de ces remarques du ministre de l'Economie qui ne sont contredites en fait par aucun des éléments produits aux débats et considère également que la fixation du montant rémunération des prestations de service de la société Carrefour offertes au titre de ce « service d'aide à la gestion des clients » présentait un caractère aléatoire ne répondant à aucune logique se fondant sur le coût objectif, pour le prestataire, de ce qu'il assurait à ses partenaires commerciaux ; Qu'ainsi cette rémunération, fixée en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé avec ses clients, pour un même service global et forfaitaire, a pu varier sans raison particulière invoquée d'une année sur l'autre, de + 33,33 % (2 % en 2004 au lieu de 1,5 % en 2003 pour la société AWC) et était aussi facturé à la société GPV à hauteur de 0,3 % seulement en 2004 ; que l'importance, comparable, du nombre de factures traitées et des chiffres d'affaires réalisés entre les parties et d'une année sur l'autre n'est pas de nature à expliquer une telle différence de tarification ; qu'au contraire la société AWC réalisait plus de chiffre d'affaires que la société GPV, ce qui aurait dû entraîner de meilleures conditions commerciales pour elle : - CA avec AWC en 2003 = 5.727.133,00 euros, - CA avec AWC en 2004 = 5.369.450,00 euros, - CA avec GPV en 2004 = 4.700.000,00 euros ; Que les deux sociétés ayant signé cette convention avec la société Carrefour œuvrent dans le même domaine d'activité, la papeterie et les fournitures de bureau et sont toutes deux établies en Ardèche, tous éléments communs ne justifiant pas une différence aussi sensible de traitement commercial pour les mêmes prestations contractuelles offertes par leur client commun, la centrale d'achat de la société Carrefour ; Que la société Carrefour France n'indique pas comment elle a calculé les prix de ses prestations de service proposées à ces deux sociétés, ni les éléments de coût qu'ils représentaient pour elle à cette date, pas plus que sa marge retirée de ces conventions ou l'économie réelle calculée pour ses fournisseurs abonnés ;

Qu'une telle disparité de prix, jointe à l'impossibilité contractuelle pour les fournisseurs à qui cette prestation était offerte sous forme de ventes liées, de ne souscrire que certains des services proposés en fonction de leurs besoins réels, a conduit en l'espèce la société Carrefour à obtenir de la société AWC en 2003 et 2004 un avantage économique manifestement disproportionné au regard de la valeur du service commercial effectivement rendu à celle-ci, caractérisant un abus, en violation des exigences de l'article L. 442-6, I, 2° a), ancien, du code de commerce, susvisé ;

Qu'en effet, le fait de pouvoir consulter le suivi de factures au sein du système de traitement des paiements interne de la société Carrefour, à hauteur de 70 titres de paiement par an, même s'il était apprécié de certains services comptables ou commerciaux de la société AWC, comme le relève la société Carrefour dans ses conclusions, et permettait d'adapter partiellement la gestion de trésorerie concernant les dates de paiement effectif de ces factures, ne justifiait manifestement pas une dépense annuelle de 85.000 euros HT en 2003 et de près de 110.00,00 euros HT en 2004, alors que la même prestation était facturée, pour un chiffre d'affaires proche, 14.100,00 euros HT seulement à la société GPV, par exemple ;

Que le consentement de la société AWC à ces deux conventions trouve donc une de ses raisons dans le fait que, selon la société Carrefour elle-même dans ses conclusions, ce fournisseur réalisait 6 % de son chiffre d'affaires annuel global avec la seule centrale d'achat de la société Carrefour France et ne pouvait pas dès lors négocier en toute liberté ces accords commerciaux manifestement disproportionnés en sa défaveur ;

Que le fait, allégué par la société Carrefour, que la société AWC soit la filiale en France d'un groupe international n'est pas en soi de nature à expliquer l'accord donné à un accord commercial aussi déséquilibré, ni à exclure l'importance pour la société filiale, tenue de présenter des résultats profitables, de conserver le référencement de ses produits auprès de la chaîne d'hypermarchés et de supermarchés Carrefour en France ;

Que ceci est d'autant plus évident en l'espèce que selon le bilan comptable et le compte de résultat de la société Arjo Wiggins Canson relatif aux exercices 2003 et 2004, versés aux débats par la société Carrefour France, il apparaît que celle-ci traversait une période de difficulté passant d'un bénéfice comptable de 12.012.127,00 euros en 2003 à une perte de 13.182.580,00 euros en 2004, la rendant donc particulièrement vulnérable à l'égard de ses partenaires économiques à cette période ; […]

 « Attendu que comme le sollicite le ministre de l'économie, il convient en conséquence de la violation par la SAS Carrefour Hypermarchés France de l'article L. 442-6, I, 2° a), ancien, du code de commerce, de prononcer la nullité de la clause contractuelle fixant la rémunération des services d'aide à la gestion des clients à 1,5 % du chiffre d'affaire en 2003 et 2 % du chiffre d'affaires en 2004, avec la société AWC ».

Extraits (dispositif) : « Dit et juge qu'il n'est pas justifié de ce que les dispositions susvisées de l'article L. 442-6, ancien, du code de commerce sont contraires aux articles 6 § 1 et 7 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, pas plus qu'à la Constitution ».

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE SECTION B

ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/00606. Magistrat Rédacteur : M.BERTRAND. SUR APPEL DE TRIBUNAL DE COMMERCE D'ANNONAY 12 janvier 2007.

 

APPELANT :

LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE,

représenté par M. X., Directeur départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'ARDECHE, élisant domicile [adresse], représenté dans le département du GARD par Mme Y., Directrice départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, élisant domicile [adresse], représenté par M. Z., Inspecteur, présent à l'audience muni d'un pouvoir régulier,

 

INTIMÉE :

SAS CARREFOUR FRANCE venant aux droits de la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE,

poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social, représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour, assistée de Maître Xavier CLEDAT, avocat au barreau de PARIS

 

EN PRÉSENCE DU :

MINISTÈRE PUBLIC,

représenté par M. Le PROCUREUR GÉNÉRAL, près la Cour d'appel de NIMES, domicilié en ses bureaux au Palais de Justice de NIMES, représenté par M. MONDON, Avocat Général,

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 novembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller, ont entendu les plaidoiries, les réquisitions du Ministère Public et en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

GREFFIER : Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTÈRE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS : à l'audience publique du 17 décembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 février 2010, prorogé au 25 février 2010. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 25 février 2010, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu l'arrêt n° 250 rendu le 29 mai 2008 par cette cour d'appel, auquel il est renvoyé pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties antérieures, qui a notamment :

- déclaré non fondé le contredit formé par la SAS Carrefour Hypermarchés France à l'encontre d'un jugement rendu le 12 janvier 2007 par le tribunal de commerce d'Annonay,

- confirmé la décision déférée en toutes ses dispositions,

- constaté que la Cour d'appel de Nîmes était juridiction d'appel du tribunal de commerce d'Annonay, compétent pour connaître du litige opposant le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et la SAS Carrefour Hypermarchés de France,

- dit qu'il y avait lieu de faire application des dispositions de l’article 89 du code de procédure civile et d'évoquer l'affaire,

- condamné la SAS Carrefour Hypermarchés de France à supporter les frais de ce contredit ;

Vu les dernières conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour le 17 novembre 2009 et signifiées à son adversaire, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, dans lesquelles la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France après dissolution de cette dernière et transmission universelle de son patrimoine le 21 janvier 2009, soutient notamment que :

- l'amende civile réclamée contre elle, au visa de l’article L. 442-6 du code de commerce, revêt un caractère punitif et répressif, ce qui implique le respect des principes applicables en matière répressive,

- en conséquence le principe de la personnalité des délits et des peines est applicable, qui fait obstacle au prononcé d'une sanction pécuniaire envers une société, pour des faits concernant une autre société, quand bien même elle viendrait aux droits et obligations de celle-ci à la suite d'une transmission universelle de patrimoine,

- il importe peu à cet égard que la SAS Carrefour France ait été l'actionnaire unique de la SAS Carrefour Hypermarché France, personne morale juridiquement distincte d'elle et seul auteur des faits reprochés,

- la notion « d'avantage manifestement disproportionné », constitutive du délit civil prévu à l’article L. 442-6, I, 2 du code de commerce est trop imprécise et ne satisfait donc pas aux exigences du principe de la légalité des infractions et des peines, exigé par l'article 7.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, reprises par l’article 111-3 du code pénal, en ce qu'elle laisse une trop grande place à l'appréciation subjective et à l'arbitraire du juge,

- il en est de même pour la notion de « conditions commerciales ou obligations injustifiées » prévue à l'article L. 442-6-I, alinéa 2 b du code de commerce,

- les textes répressifs doivent être interprétés de façon stricte, conformément à l’article 111-4 du code pénal, ce qui exige que l'administration poursuivante explique en quoi les faits reprochés sont constitutifs d'un abus qui justifierait une condamnation d'un tel quantum que réclamé, à savoir 300.000,00 euros d'amende civile,

- l'action en nullité et l'action en restitution menées par l'administration sont irrecevables comme se heurtant au principe constitutionnel « nul ne plaide par procureur » et aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme, qui garantit aussi le droit de ne pas agir en justice, outre que la nullité demandée des contrats ou clauses litigieuses n'est prévue par aucun texte et notamment pas par l’article L. 442-6 du code de commerce,

- l'administration recourt à une interprétation extensive de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, qui revient à nier le principe de la liberté des prix et de la liberté du commerce et de l'industrie,

- l'action est mal fondée, l'abus de puissance d'achat et le caractère manifestement disproportionné des avantages perçus n'étant pas démontrés en l'espèce,

- le ministre de l'Economie et des Finances doit être condamné au paiement de la somme de 2000,00 euros pour les frais de procédure prévus par l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la cour le 17 septembre 2009 et signifiées à son adversaire le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, dans lesquelles le ministre de l'Economie et des Finances demande notamment :

- l'annulation des clauses relatives à la rémunération de la prestation « service d'aide à la gestion des comptes clients » figurant dans les contrats cadres signés entre les parties pour les années 2003 et 2004,

- l'annulation des clauses relatives aux délais de paiement accordés par la société GPV à la SAS Hypermarchés Carrefour dans l'accord commercial conclu pour l'année 2004, signé le 16 décembre 2003,

- la restitution aux deux sociétés concernées des sommes indûment perçues par la société Carrefour,

- la condamnation de la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, à payer une amende civile de 300.000,00 euro » et à lui payer une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu la communication de l'affaire au procureur général près la cour d'appel de Nîmes le 18 septembre 2009 ;

Vu les réquisitions orales du Ministère Public, intervenant en qualité de partie jointe devant la cour d'appel, prises à l'audience du 17 décembre 2009 et tendant à la condamnation de la SAS Carrefour conformément aux demandes et moyens présentés par le Ministre de l'Economie et des Finances ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 20 novembre 2009 ;

Vu les écritures des parties auxquelles il y a lieu de se référer pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens de celles-ci ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

SUR LA PROCÉDURE :

Attendu qu'il y a lieu de prendre acte de l'intervention du Ministère Public en qualité de partie jointe dans cette procédure et de ce qu'il déclare s'associer aux demandes et moyens développés par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ;

Attendu qu'il convient de donner acte à la SAS Carrefour France de ce qu'elle déclare venir aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France à la suite d'une opération de fusion-absorption avec transmission universelle du patrimoine, ce qui n'est pas contesté par les autres parties ;

 

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES :

Sur la caractère répressif des dispositions de l’article L.446-2 du code de commerce et l'application réclamée des principes applicables en matière pénale à l'amende civile de l’article L. 442-6 du code de commerce :

Attendu que les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure aux lois du 3 janvier 2008 et du 4 août 2008, ainsi qu'à l’ordonnance du 13 novembre 2008, qui est applicable aux faits de l'espèce prétendument commis entre décembre 2002 et juin 2005, avaient pour objet de permettre au ministre chargé de l'Economie ou au Ministère public d'exercer devant la juridiction civile ou commerciale une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence, selon la définition retenue par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation dans son arrêt n° 1311 rendu le 16 décembre 2008 ;

Que cette action particulière, dont les conditions d'exercice ont été définies par le législateur et figurent dans le code de commerce, hors de toute référence au code pénal, au code de procédure pénale ou à toute autre disposition légale ou réglementaire de nature pénale, n'est pas en elle-même soumise aux dispositions de la loi pénale française, ni par sa nature, ni par son objet, en ce qu'elle tend à restaurer l'équilibre économique dans les relations commerciales entre professionnels du commerce lorsque cet équilibre a été rompu et à maintenir la libre concurrence lorsque celle-ci ne s'exerce plus dans un domaine particulier, ni par la volonté exprimée par le législateur ;

Que selon l’article L. 442-6 du code de commerce, le ministre de l'Economie ou le ministère public peuvent demander à la juridiction civile ou commerciale compétente :

- d'ordonner la cessation des pratiques commerciales restrictives prohibées par ce texte,

- de constater la nullité des clauses contractuelles prévoyant ces pratiques prohibées ou des contrats illicites,

- d'ordonner la répétition de l'indu au profit des partenaires commerciaux victimes de ces pratiques, même en l'absence de ceux-ci au procès,

- de demander la réparation des préjudices subis par les partenaires commerciaux de la personne à qui les pratiques commerciales restrictives prohibées sont reprochées,

- de prononcer une amende civile d'un maximum fixé alors à 2.000.000,00 euros ;

Qu'il convient de constater que parmi ces mesures prévues par la loi, seule l'amende civile est susceptible d'être considérée comme une sanction de nature punitive, toutes les autres mesures étant uniquement destinées à mettre fin à une situation illicite ou à réparer les préjudices directs causés par celle-ci, ce qui est exclusif de la nature pénale de sanction répressive invoquée par la SAS Carrefour et relève d'une action civile, même si elle est menée de façon particulière en l'espèce par le ministre de l'Economie ;

Que l'amende civile que peuvent prononcer les juridictions civiles ou commerciales, par sa double nature répressive et indemnitaire, et par son objet, n'est pas une sanction pénale soumise comme telle aux dispositions des articles 111-3 et 111-4 du code pénal, invoquées spécialement par la SAS Carrefour dans ses conclusions ;

Qu'en l'espèce son montant élevé, inhabituel pour une amende civile, est motivé notamment, comme le relève fort justement la SAS Carrefour dans ses conclusions (page 11) par le caractère lucratif de la faute commise dans les cas prévus par les professionnels à qui s'applique ce texte, qui nécessite donc, en ce cas particulier, de prévoir pour son efficacité un montant plus élevé de l'amende civile que pour une simple violation d'une règle de procédure civile sans but lucratif particulier ;

Que ce montant élevé ne suffit pourtant pas à caractériser, en lui-même, une volonté d'en faire uniquement ni même principalement une sanction punitive à l'égard de la personne à qui des pratiques commerciales restrictives prohibées sont reprochées ;

Qu'elle traduit ici, essentiellement, une volonté de réparer ainsi de façon globale et par l'intermédiaire de l'Etat, récipiendaire des fonds, le préjudice collectif indirect subi par l'ensemble des acteurs économiques sur le marché, y compris les consommateurs qui ne peuvent encore exercer d'action de groupe sur le modèle de la « class action » existante dans d'autres pays, notamment lorsque le préjudice résulte d'une hausse des prix pratiqués entre les acteurs économiques du commerce, privés d'une partie de leur marge commerciale normale, ce qui est imputable à ces pratiques faussant le libre jeu de la concurrence ;

Que l'amende civile est prévue également par l’article L. 442-6 du code de commerce pour avoir un effet préventif et dissuasif, par sa seule existence et la possibilité de son application, vis à vis des acteurs économiques désireux de recourir à des pratiques restrictives prohibées mais lucratives en matière commerciale, ce qui n'en fait pas nécessairement une sanction punitive de nature pénale, ni exclusivement ni essentiellement ;

Attendu ensuite que le fait que les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce puissent être considérées comme relevant de la matière pénale, au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, rendant applicables les dispositions de l'article 6 § 1 et 7 § 1 de cette convention européenne d'application directe en France, n'entraîne pas la conséquence de les soumettre nécessairement aux dispositions alléguées des articles 111-3, 111-4, 121-1 et 121-2 du code pénal français mais seulement aux dispositions conventionnelles susvisées ;

Qu'à cet égard la cour constate qu'il n'est pas argué, au titre de la présente procédure et de la mise en œuvre éventuelle des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, d'une violation de la convention européenne susvisée ; que même à considérer, comme le fait la SAS Carrefour, que l'article 7 § 1 de la Convention lui est applicable, celui-ci exige seulement que l'infraction reprochée à une personne protégée par la Convention ait existé en droit français à la date où les faits entraînant une condamnation ont été commis et que la peine prononcée n'excède pas celle qui était prévue au moment où l'infraction a été commise, ce qui est manifestement le cas en l'espèce, de façon incontestée ;

Que l'invocation de ces dispositions conventionnelles européennes est donc inopérante à l'égard de la demande de la SAS Carrefour France relative à l'application à son profit des articles 111-3, 111-4, 121-1 et 121-2 du code pénal ;

Que l'invocation de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, est tout aussi inopérante à cet égard, l'amende civile de l’article L. 442-6 du code de commerce ne constituant pas, de par sa nature partiellement indemnitaire et préventive exposée ci-dessus et de par son champ d'application limité aux seuls acteurs économiques et non à tous les citoyens, une sanction ayant le caractère d'une punition ni d'une peine au sens de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, visé par cette décision ;

Attendu par ailleurs qu'il n'est pas soutenu que les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, ont été jugées contraires à la Déclaration des Droits de l'Homme ni à la Constitution, en tout ou en partie, par le Conseil Constitutionnel ni même qu'ils font l'objet d'un recours en constitutionnalité en cours devant cette juridiction ;

Qu'au surplus, l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, invoqué, dispose que « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'en l'espèce il est constant que le montant maximum de l'amende civile prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version ancienne appliquée par cette cour à l'espèce, était fixé par la loi avant la prétendue commission des pratiques restrictives prohibées par la SAS Carrefour Hypermarchés France ; qu'il n'a donc nullement été contrevenu à ces dispositions, en toute hypothèse ;

Qu'en outre le Conseil Constitutionnel, dans sa décision alléguée du 17 janvier 1989, a considéré qu'il résultait des dispositions de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soit respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère ainsi que le principe du respect des droits de la défense ;

Qu'il n'a ainsi nullement considéré qu'il était aussi requis, pour une sanction prévue par une loi particulière applicable en matière civile et commerciale, en dehors du droit pénal lui-même, que soit respecté strictement le principe de la personnalité des délits et des peines, notamment dans son interprétation particulière proposée par la SAS Carrefour, concernant les personnes morales ayant absorbé une société par transmission universelle de patrimoine, qui seraient dès lors exemptées de toute responsabilité personnelle et sanction d'amende civile encourues pour des faits répréhensibles commis en matière de pratiques commerciales antérieurement à la fusion-absorption par la société absorbée, tout en recevant par ailleurs l'intégralité de ses droits et actions de nature civile ou commerciale ;

Attendu que c'est donc à tort que la SAS Carrefour France invoque à son profit la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, dans son arrêt n° 4128 du 20 juin 2000 et dans celui prononcé le 14 octobre 2003, selon laquelle aux termes de l'article 121-2, puis de l’article 121-1 du code pénal, nul n'est responsable que de son propre fait, ce qui s'oppose à l'incrimination pénale d'une société ayant absorbé avec transmission universelle du patrimoine une autre société, laquelle était l'auteur d'une infraction pénale, au motif que la dissolution de cette dernière a entraîné la perte de son existence juridique et donc de toute possibilité de poursuite pénale à son encontre ;

Attendu ensuite que c'est également à tort que la SAS Carrefour considère que l’article L. 442-6 du code de commerce contreviendrait aussi au principe de la légalité des délits et des peines en ce qu'il confierait à l'administration auteur de la demande, une faculté d'incrimination et d'appréciation de la peine totalement arbitraire, notamment quant au montant de l'amende civile réclamée ; qu'en effet ce principe invoqué s'applique non pas aux demandes des parties au procès, lesquelles sont libres et présentées sous leur seule responsabilité, mais seulement à la juridiction chargée de retenir ou non la responsabilité encourue et de prononcer éventuellement la condamnation à une amende civile, sans obligation légale particulière pour ce faire ;

Qu'en l'espèce celle-ci est une juridiction civile ou commerciale, qui est libre de son choix et de son appréciation vis à vis du demandeur, fut-il une administration ou le Ministère public, et qui demeure tenue de motiver ses décisions juridiques conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, selon la définition légale des pratiques commerciales prohibées figurant à l’article L. 442-6 du code de commerce et les éléments de preuve produits par l'administration à l'appui de ses prétentions ; que la qualification des faits est également soumise par ailleurs au débat contradictoire préalable des parties, puis placée sous le contrôle de la Cour de Cassation ; que l'incrimination et la condamnation éventuelle d'un acteur économique au titre des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce ne sont donc pas soumis à l'arbitraire comme le soutient la SAS Carrefour France ;

Attendu par ailleurs qu'il résulte du procès-verbal des décisions de l'associé unique de la SAS Carrefour Hypermarchés France du 21 janvier 2009, versé aux débats par la SAS Carrefour France, qui était cet associé unique, qu'à la suite de sa dissolution anticipée prononcée dans le cadre de l’article 1844-5, alinéa 3 du code civil, il a été convenu dans les charges et conditions notamment que :

« 5) La société Carrefour France prendra en charge tous les actifs et passifs de la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS FRANCE qui pourraient se révéler par la suite même pour des causes antérieures. Elle sera substituée de plein droit à la société dissoute dans tous les droits et actions en cours ou à exercer.

6) Après réalisation définitive des présentes, elle aura tous pouvoirs pour, aux lieux et place de la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS FRANCE, relativement aux droits et biens transmis ou au passif pris en charge, intenter ou suivre toutes actions judiciaires tant en demande qu'en défense, donner tous acquiescements à toutes décisions, recevoir ou payer toutes sommes ensuite de ces décisions. » ;

Qu'il en résulte que l'action judiciaire fondée sur l'application de l’article L. 442-6 du code de commerce étant en cours depuis l'année 2005, c'est en toute connaissance de cause, volontairement, et sans aucune réserve à cet égard qu'elle aurait pu prévoir dans cet acte sous seing privé, que la SAS Carrefour France, qui était auparavant l'actionnaire unique de la SAS Carrefour Hypermarchés France et qui ne soutient pas avoir ignoré l'existence de cette instance judiciaire, a repris le 21 janvier 2009 l'ensemble des droits et actions de cette société ; qu'elle a ainsi volontairement et expressément entendu se substituer juridiquement à celle-ci dans toutes ses actions judiciaires en cours, en ce compris donc la demande d'application à son encontre de l'amende civile prévue par ce texte, au titre de faits antérieurement commis dans cadre du procès alors déjà en cours devant la cour d'appel de Nîmes ;

Qu'elle a ainsi aussi, par cette convention et son intervention volontaire dans cette instance, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, implicitement mais nécessairement renoncé à se prévaloir vis à vis du ministre de l'Economie, partie adversaire dans la procédure en cours, de l'extinction de la personne morale dissoute par sa seule décision d'actionnaire unique, survenue en cours d'instance, pour s'exonérer par avance de tout risque de condamnation à une amende civile encourue par la SAS Carrefour Hypermarchés France, aux droits de laquelle elle se trouve désormais et est intervenue volontairement en cette qualité dans cette procédure ;

Qu'il s'ensuit que l'amende civile de l’article L. 442-6 du code de commerce est encourue par la SAS Carrefour France, société substituée ayant absorbé après fusion et transmission universelle de son patrimoine, la SAS Carrefour Hypermarchés France, à qui sont imputées des pratiques restrictives prohibées en matière commerciale, si ces faits sont établis à l'encontre de cette dernière, du fait de la transmission dans son patrimoine de cette action judiciaire alors en cours depuis 2005, figurant dans le patrimoine de la société absorbée à la date de la fusion-absorption et de la transmission universelle de son patrimoine, le 21 janvier 2009 ;

 

Sur l'irrecevabilité alléguée de l'action en nullité et restitution de l'administration :

Attendu que la SAS Carrefour France soutient en premier lieu que si le ministre de l'Economie peut, selon l’article L. 442-6 du code de commerce demander au juge de constater la nullité de clauses ou contrats illicites, ce ne peut être que si cette nullité est constatée par un texte, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de l’article L. 442-6-1° du code de commerce, qui est invoqué ;

Mais attendu que dès lors qu'une clause d'une convention ou un contrat prévoit l'obligation pour une partie d'exécuter une obligation prohibée par des dispositions légales d'ordre public, telles les dispositions susvisées de l’article L. 442-6-I du code de commerce, cette obligation repose nécessairement sur une cause illicite, atteinte donc de nullité relative au sens de l’article 1131 du code civil ; qu'elle peut ainsi être annulée par la juridiction désignée compétente par le législateur pour prononcer cette nullité, lorsque celle-ci est requise par la partie protégée ou tout intéressé, comme c'est le cas en l'espèce ;

Attendu que la SAS Carrefour France invoque ensuite l'irrecevabilité de l'action de l'administration, substituée aux deux sociétés commerciales contractantes avec elle, comme contrevenant à la fois au principe constitutionnel « nul ne plaide par procureur » et à l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme, qui garantit le droit pour une personne de ne pas agir en justice, ce qui s'opposerait à l'action intentée en l'absence des sociétés Arjo Wiggins Canson et Garnier Ponsonnet Vuillard ;

Mais attendu qu'ainsi que l'a rappelé la Chambre commerciale, économique et financière de la Cour de Cassation dans son arrêt précité du 16 décembre 2008, « l'action du ministre chargé de l'économie, exercée en application des dispositions de l'article L. 442-6-III (du code de commerce), qui tend à la cessation des pratiques qui sont mentionnées dans ce texte, à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l'indu et au prononcé d'une amende civile, est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs....que l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie concernait un domaine d'activité où la liberté contractuelle des fournisseurs peut parfois être rendue virtuelle par des pratiques commerciales que le législateur a voulu interdire pour garantir les droits fondamentaux des opérateurs économiques ; »

Que dès lors cette action doit être déclarée recevable, même en l'absence des sociétés Arjo Wiggins Canson et Garnier Ponsonnet Vuillard, prétendument victimes des pratiques commerciales restrictives prohibées imputées à la SAS Carrefour France ;

Attendu ensuite que la SAS Carrefour France soutient également que l'action serait irrecevable en ce qu'elle est exercée sur le fondement d'un mandat tacite de représenter les sociétés commerciales victimes, lesquelles peuvent toujours s'opposer à ce que cette action soit menée en leur nom, en vertu du droit fondamental de ne pas agir en justice ;

Mais attendu que si l'action particulière du Ministre de l'Economie, prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce est prévue notamment mais pas exclusivement dans l'intérêt des partenaires économiques de la partie dont la responsabilité est recherchée, elle n'est pas exercée en représentation juridique de ces derniers, qui ne peuvent donc être considérés comme exerçant une action en justice à leur corps défendant, l'action du ministre étant autonome, ainsi que l'a rappelé la Cour de Cassation dans l'arrêt susvisé ;

Attendu au surplus qu'il n'est pas justifié, ni même allégué en l'espèce, que les sociétés Arjo Wiggins Canson et Garnier Ponsonnet Vuillard, non parties à cette instance, se seraient opposées à l'action du Ministre de l'Economie dans cette procédure les concernant ;

Qu'il convient donc d'écarter les fins de non-recevoir d'irrecevabilité invoquées par la SAS Carrefour France ;

 

Sur l'interprétation de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce par l'Administration et le principe de la liberté des prix :

Attendu que la SAS Carrefour reproche également à son adversaire, préliminairement à l'examen du fond du litige de raisonner « in abstracto » sur la rentabilité pour les sociétés contractantes des accords commerciaux conclus librement par elles, ce qui reviendrait à contrevenir au principe de la liberté des prix et au principe de la liberté de commerce et d'industrie, les acteurs économiques décidant seuls des prix de leurs prestations ;

Mais attendu que ce moyen ne concerne pas la validité de la procédure mais seulement le bien-fondé éventuel des demandes de l'administration et des moyens qu'elle invoque, qu'il appartiendra à la cour d'apprécier au fond, dans le respect des principes généraux invoqués, peu important la présentation juridique de ces demandes par cette partie ;

 

Sur les demandes concernant la société Garnier Ponsonnet Vuillard (GPV) :

Attendu que la représentante du ministre de l'Economie, la directrice départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Ardèche, Mme Y., conclut que ses services ont relevé, dans les relations commerciales ayant existé entre la société GPV, entreprise de papeterie et fournitures de bureau en gros, et la centrale d'achat des produits non alimentaires du groupe Carrefour, la SAS Carrefour Hypermarchés France, la signature d'une convention annuelle de coopération commerciale intitulée « service d'aide à la gestion des comptes clients », le 16 décembre 2003 en l'espèce, susceptibles de caractériser des pratiques commerciales prohibées par l'article L. 442-6, I, 2° b) du code de commerce, dans sa rédaction issue des lois n° 2001-420 du 15 mai 2001 et n° 2003-7 du 4 janvier 2003 ;

Qu'elle soutient que la convention portant sur les services du centre de règlement des fournisseurs, en date du 16 décembre 2003 a permis à la société Carrefour d'obtenir pour l'année 2004 un délai de paiement supérieur à celui habituellement pratiqué par ce fournisseur, la société GPV, qui figurait dans ses conditions générales de vente, soit :

- 90 jours fin de mois le 10 (correspondant à 100 à 130 jours après l'émission de la facture),

- au lieu de 30 jours fin du mois de facture (30 à 60 jours après l'émission de la facture) ;

Qu'elle invoque également la souscription par la société GPV d'un service de gestion des comptes clients proposé par la société Carrefour, en contrepartie d'une rémunération fixée à 0,3 % du chiffre d'affaires annuel réalisé entre les parties, ce qui correspond à la somme de 14.100 euros HT environ en 2004, pour un chiffre d'affaires allégué dans les conclusions de 4.700.000,00 euros entre les parties, ce qui n'est pas contesté ;

Qu'elle précise que les prestations proposées par la société Carrefour étaient les suivantes :

- la possibilité d'opter pour un paiement par virement,

- l'accès au site internet de Carrefour, au moyen d'un compte confidentiel,

- l'accès à des financements anticipés, consentis dans la limite des fonds disponibles et selon des modalités définies sur internet, en collaboration avec le Crédit Agricole-Indosuez ;

Qu'elle observe que la société GPV a justement eu recours en janvier, août, septembre et décembre 2004 à ces modalités de financement anticipé de ses créances, payables normalement à plus de 100 jours du fait de l'accord commercial lui-même, pour un montant de 3.232.374 euros sur un chiffre d'affaires total de 4.700.000 euros, soit les deux tiers de celui-ci avec Carrefour ;

Qu'elle considère que ceci a seulement permis au fournisseur de ramener le délai de paiement de ses créances à 40 ou 88 jours pendant ces 4 mois, soit le retour à ce que prévoyaient ses conditions générales de vente avant l’accord du 16 décembre 2003, mais au prix d'intérêts à des taux variant de 5,08 % à 6 % l'an, payés à la société Carrefour, pour un montant total de 21.361,47 euros ;

Qu'elle en conclut que cette opération globale, au détriment de la société GPV caractérise le déséquilibre des forces commerciales entre les deux sociétés, au détriment du fournisseur ;

Qu'à l'appui de cette thèse, elle relève que le Crédit Agricole exerçant son activité bancaire en Ardèche, à la même période, consentait à sa clientèle commerciale des taux de crédit de trésorerie meilleurs marchés, de 4,077 % à 4,168 % l'an ; qu'elle en tire que la société Carrefour a perçu de son fournisseur des intérêts pour des produits financiers supérieurs aux taux pratiqués par son propre partenaire financier dans l'octroi de produits équivalents, en récupérant une partie de la rémunération pour elle-même ;

Que dès lors le ministre de l'Economie soutient que c'est en abusant de sa position de leader dans la distribution des produits de papeterie vendus par la société GPV et de sa puissance d'achat, que la société Carrefour Hypermarchés France, centrale d'achat d'un poids commercial sans commune mesure avec son fournisseur, a imposé à sa partenaire de lui consentir des délais de trésorerie anormalement élevés, qui ont provoqué un besoin de financement de trésorerie chez celle-ci, auquel elle a répondu avec un produit financier d'un coût supérieur au prix du marché, donc injustifié et résultant d'une négociation déséquilibrée, réduisant indirectement la marge nette du fournisseur ;

Qu'il observe qu'un mécanisme commercial similaire avait été conclu entre les parties en 2003, ayant donné lieu à un règlement d'intérêts par la société GPV à la société Carrefour de 68.633,00 euro ;

Qu'il s'ensuit, selon le ministre de l'Economie, comme pour le ministère public qui se joint à son action et fait siens ses demandes et moyens, que la société Carrefour a abusé de sa puissance d'achat vis à vis de la société GPV, en la soumettant à des obligations créant un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 442-6 I.2° b) du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable ;

Mais attendu que ces dispositions légales stipulaient qu'engagent la responsabilité de son auteur et l'obligent à réparer le préjudice causé le fait, par tout commerçant, notamment, b) d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des relations commerciales ou obligations injustifiées ;

Qu'en l'espèce la société Carrefour soutient, sans être démentie sur ce point, que ses conditions générales d'achat acceptées dans le cadre d'une négociation commerciale par la société GPV au lieu de ses propres conditions générales de vente, le 16 décembre 2003 pour l'année 2004, comme l'année précédente, étaient alors parfaitement licites et généralisées chez tous les grands distributeurs ;

Qu'en droit commercial rien n'impose de préférer les conditions générales de vente d'un fournisseur aux conditions générales d'achat d'un distributeur client, qui sont soumises à la négociation commerciale des parties, dans le cadre de la réglementation économique applicable ;

Que d'autre part elle fait observer, à juste titre en l'espèce, que le fournisseur n'avait pas l'obligation de recourir au financement proposé dans l'accord commercial, générateur d'une rémunération pour la société Carrefour ;

Qu'en effet il ressort des propres conclusions du Ministre de l'Economie (page 16 et 18) que la société GPV après avoir eu recours au financement anticipé prévu pour l'année 2003, à concurrence de presque tout son chiffre d'affaires (4.524.429 euros) et payé 68.633,00 euros d'intérêts à ce titre, n'y a eu recours en 2004 qu'à hauteur des deux tiers de celui-ci, soit 3.232.374 euros sur 4.700.000 euros et que pendant 4 mois sur 12 mois, ce qui a entraîné une réduction des intérêts payés à Carrefour, ramenés à la somme de 21.361,47 euros ; que cette somme, rapportée au chiffre d'affaires annuel réalisé avec ce client, ne caractérise pas en elle-même une dépense importante pour le fournisseur traduisant sa dépendance commerciale, comme allégué par le ministre de l'Economie ;

Qu'il n'est pas argué que ce changement de politique commerciale du fournisseur a entraîné des représailles de la part de la société Carrefour ou des menaces de changement de leurs relations commerciales ;

Qu'il s'ensuit que la société GPV a conclu un accord commercial avec la société Carrefour qui s'avérait certes plus favorable à celui-ci, distributeur majeur en France et donc client important pour son fournisseur mais que les conséquences financières de celui-ci dépendaient essentiellement des choix de gestion opérés par la société GPV ;

Qu'en effet il ne résulte d'aucun des éléments versés aux débats que les besoins de financement de trésorerie de la société GPV, résultant en partie de l'acceptation de conditions générales de paiement de ses ventes à la société Carrefour moins favorables que celles qu'elle pratiquait avec d'autres clients, imposaient à la société GPV de ne solliciter des demandes de financement que par l'intermédiaire de la société Carrefour, sans recourir plutôt à un organisme bancaire disponible sur la place ;

Qu'il est au contraire établi, en fait, par le caractère partiel, irrégulier et facultatif du recours au financement convenu avec la société Carrefour, de la part de la société GPV, que celle-ci a pu librement choisir, pour des raisons de gestion et de politique commerciale qu'il n'appartient pas à cette cour d'apprécier, surtout en l'absence de l'intéressée, dans certains cas de se financer par ses fonds propres, dans d'autres cas de recourir à des concours financiers de son ou ses partenaires bancaires habituels et enfin dans d'autres cas encore, moins souvent en 2004 qu'en 2003, d'avoir recours au financement proposé par la société Carrefour et le Crédit Agricole Indosuez ;

Que certes celui-ci pouvait s'avérer un peu plus onéreux que les produits bancaires existants (+1 % l'an en moyenne selon les conclusions du Ministre de l'Economie) mais sans qu'on puisse non plus exclure qu'il présentât aussi des avantages en termes de souplesse et de rapidité par rapport aux exigences habituelles liées aux crédits de trésorerie ou d'escompte consentis par les banques, qui imposent également certaines conditions ou délais de traitement aux emprunteurs et exigent parfois aussi des garanties personnelles de leurs dirigeants, notamment ;

Que par ailleurs la tarification globale du service d'aide à la gestion des comptes clients sur internet, fixée à 0,3 % du chiffre d'affaires annuel réalisé entre les partenaires commerciaux n'est pas particulièrement arguée comme étant injustifiée au regard des prestations effectivement fournies à la société GPV, par le ministre de l'économie, au sens de l'article L. 442-6, I, 2 b) du code de commerce ;

Attendu qu'il s'ensuit que la preuve n'est pas rapportée en l'espèce que la société Carrefour Hypermarché France a abusé d'une relation de dépendance à son égard de la société GPV, pour la soumettre à des conditions commerciales ou des obligations injustifiées, au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I. 2 b) du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 2005 ;

Qu'il convient donc de rejeter l'ensemble des demandes du ministre de l'Economie et du ministère Public, présentées au titre des faits reprochés à la société Carrefour, à l'égard de la société GPV, y compris sa demande d'annulation de la convention fixant les conditions et délais de paiement entre les parties, qui n'était pas en elle-même illicite lorsqu'elle a été conclue et mise en œuvre entre les parties ;

 

Sur les demandes concernant la société Arjo Wiggins Canson (AWC) :

Attendu que le Ministre de l'Economie reproche à la centrale d'achat de la société Carrefour, dans ses contrats cadres de collaboration et de coopération commerciale intitulés « service d'aide à la gestion des comptes clients » conclus avec la société Arjo Wiggins Canson (AWC) les 13 décembre 2002 et 9 décembre 2003, d'avoir facturé à ce fournisseur des prestations de service du centre de règlement des fournisseurs dont celui-ci n'avait pas l'utilité réelle et donc d'avoir perçu une rémunération manifestement disproportionnée au regard de la valeur du service rendu, ce qui est prohibé par les dispositions de l'article L. 442-6-I, 2° a), ancien, du code de commerce ;

Que les prestations de service offertes par la société Carrefour étaient les suivantes :

- la possibilité d'opter pour un paiement par virement,

- l'accès au site internet de Carrefour, au moyen d'un compte confidentiel,

- l'accès à des financements anticipés, consentis dans la limite des fonds disponibles et selon des modalités définies sur internet, en collaboration avec le Crédit Agricole-Indosuez,

- l'obtention, via le site internet, d'informations complètes sur les factures « bonnes à payer » transmises par les différentes entités du groupe Carrefour, enregistrées au service des comptes clients, avec possibilité de téléchargement dans la comptabilité du fournisseur abonné, ainsi que sur les paiements émis, avec le détail des factures et des avoirs émis par le fournisseur et les factures de coopération commerciale émises par Carrefour,

- la faculté de payer par virement, réduisant les coûts bancaires pour le fournisseur,

- l'accès rapide et très simple à un financement anticipé des factures, par simple demande via le site internet ;

Qu'en contrepartie de cette prestation globale, il était demandé au fournisseur de verser à la société Carrefour un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé avec elle de 1,5 % en 2003 et de 2 % en 2004, soit 85.907,00 euro » HT en 2003 et 107.389,00 euro » HT en 2004, selon les chiffres donnés par le ministre de l'Economie et des Finances, incontestés par la SAS Carrefour France ;

Que le ministre de l'Economie relève dans ses conclusions qu'en fait la société AWC, durant ces deux années, n'a eu recours qu'à l'accès internet du site Carrefour pour obtenir des informations de suivi comptable, ce qui n'est pas contesté, et caractérise selon lui une rémunération excessive pour ce seul service ;

Qu'il constate qu'avec le service comptable de 5 personnes dont elle était dotée en interne, assurant déjà le suivi des en-cours comptables de tous ses clients, le suivi d'environ 70 titres de paiement récapitulant chacun 10 à 40 factures par an pour la société Carrefour ne rendait nullement nécessaire cette prestation, laquelle apportait seulement quelques avantages pour ce service ; que dès lors qu'elle n'utilisait pas non plus le crédit proposé par la société Carrefour pour le règlement anticipé de ses factures ni le règlement par virement des factures, la rémunération de ce service était manifestement disproportionnée au regard de la valeur du service rendu ;

Que pour mettre en exergue la disproportion du service rendu et de la rémunération contractuellement réclamée, le Ministre de l'Economie compare ce coût annuel avec le coût salarial de personnel comptable ; qu'il en ressort qu'avec la somme payée, la société AWC aurait pu rémunérer deux postes et demi de comptables, soit largement plus que nécessaire pour traiter la comptabilité avec la seule société Carrefour ;

Que cependant cette comparaison n'est que partiellement vraie, la société Carrefour faisant observer à juste titre qu'avec cet accès internet, le service comptable de la société AWC avait accès aux informations internes du système centralisé des règlements au sein du groupe Carrefour, ce qu'un service comptable externe ne pouvait faire, pour suivre les paiements ;

Mais attendu que, sous cette réserve justifiée, le coût de cet accès internet apparaît en l'espèce manifestement prohibitif et calculé sur des bases étrangères à son seul coût de revient additionné d'une marge commerciale normale pour la société Carrefour ou à son impact économique véritable pour ses utilisateurs, ainsi qu'il sera démontré ci-après ;

Que la cour retient donc la pertinence de ces remarques du ministre de l'Economie qui ne sont contredites en fait par aucun des éléments produits aux débats et considère également que la fixation du montant rémunération des prestations de service de la société Carrefour offertes au titre de ce « service d'aide à la gestion des clients » présentait un caractère aléatoire ne répondant à aucune logique se fondant sur le coût objectif, pour le prestataire, de ce qu'il assurait à ses partenaires commerciaux ;

Qu'ainsi cette rémunération, fixée en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé avec ses clients, pour un même service global et forfaitaire, a pu varier sans raison particulière invoquée d'une année sur l'autre, de + 33,33 % (2 % en 2004 au lieu de 1,5 % en 2003 pour la société AWC) et était aussi facturé à la société GPV à hauteur de 0,3 % seulement en 2004 ; que l'importance, comparable, du nombre de factures traitées et des chiffres d'affaires réalisés entre les parties et d'une année sur l'autre n'est pas de nature à expliquer une telle différence de tarification ; qu'au contraire la société AWC réalisait plus de chiffre d'affaires que la société GPV, ce qui aurait dû entraîner de meilleures conditions commerciales pour elle :

- CA avec AWC en 2003 = 5.727.133,00 euros,

- CA avec AWC en 2004 = 5.369.450,00 euros,

- CA avec GPV en 2004 = 4.700.000,00 euros ;

Que les deux sociétés ayant signé cette convention avec la société Carrefour oeuvrent dans le même domaine d'activité, la papeterie et les fournitures de bureau et sont toutes deux établies en Ardèche, tous éléments communs ne justifiant pas une différence aussi sensible de traitement commercial pour les mêmes prestations contractuelles offertes par leur client commun, la centrale d'achat de la société Carrefour ;

Que la société Carrefour France n'indique pas comment elle a calculé les prix de ses prestations de service proposées à ces deux sociétés, ni les éléments de coût qu'ils représentaient pour elle à cette date, pas plus que sa marge retirée de ces conventions ou l'économie réelle calculée pour ses fournisseurs abonnés ;

Qu'une telle disparité de prix, jointe à l'impossibilité contractuelle pour les fournisseurs à qui cette prestation était offerte sous forme de ventes liées, de ne souscrire que certains des services proposés en fonction de leurs besoins réels, a conduit en l'espèce la société Carrefour à obtenir de la société AWC en 2003 et 2004 un avantage économique manifestement disproportionné au regard de la valeur du service commercial effectivement rendu à celle-ci, caractérisant un abus, en violation des exigences de l'article L. 442-6, I, 2° a), ancien, du code de commerce, susvisé ;

Qu'en effet, le fait de pouvoir consulter le suivi de factures au sein du système de traitement des paiements interne de la société Carrefour, à hauteur de 70 titres de paiement par an, même s'il était apprécié de certains services comptables ou commerciaux de la société AWC, comme le relève la société Carrefour dans ses conclusions, et permettait d'adapter partiellement la gestion de trésorerie concernant les dates de paiement effectif de ces factures, ne justifiait manifestement pas une dépense annuelle de 85.000 euros HT en 2003 et de près de 110.00,00 euros HT en 2004, alors que la même prestation était facturée, pour un chiffre d'affaires proche, 14.100,00 euros HT seulement à la société GPV, par exemple ;

Que le consentement de la société AWC à ces deux conventions trouve donc une de ses raisons dans le fait que, selon la société Carrefour elle-même dans ses conclusions, ce fournisseur réalisait 6 % de son chiffre d'affaires annuel global avec la seule centrale d'achat de la société Carrefour France et ne pouvait pas dès lors négocier en toute liberté ces accords commerciaux manifestement disproportionnés en sa défaveur ;

Que le fait, allégué par la société Carrefour, que la société AWC soit la filiale en France d'un groupe international n'est pas en soi de nature à expliquer l'accord donné à un accord commercial aussi déséquilibré, ni à exclure l'importance pour la société filiale, tenue de présenter des résultats profitables, de conserver le référencement de ses produits auprès de la chaîne d'hypermarchés et de supermarchés Carrefour en France ;

Que ceci est d'autant plus évident en l'espèce que selon le bilan comptable et le compte de résultat de la société Arjo Wiggins Canson relatif aux exercices 2003 et 2004, versés aux débats par la société Carrefour France, il apparaît que celle-ci traversait une période de difficulté passant d'un bénéfice comptable de 12.012.127,00 euros en 2003 à une perte de 13.182.580,00 euros en 2004, la rendant donc particulièrement vulnérable à l'égard de ses partenaires économiques à cette période ;

 

Sur les mesures sollicitées par le ministre de l'Economie :

Attendu que comme le sollicite le ministre de l'économie, il convient en conséquence de la violation par la SAS Carrefour Hypermarchés France de l'article L. 442-6, I, 2° a), ancien, du code de commerce, de prononcer la nullité de la clause contractuelle fixant la rémunération des services d'aide à la gestion des clients à 1,5 % du chiffre d'affaire en 2003 et 2 % du chiffre d'affaires en 2004, avec la société AWC ;

Attendu qu'il y a lieu également de condamner la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, à restituer l'indu perçu au titre de cette convention partiellement illicite et dépourvue de cause réelle à la société AWC, que la cour évalue en l'espèce, compte-tenu du service réellement rendu, évalué lui à 0,3 % du chiffre d'affaires annuel, et des autres éléments exposés ci-dessus, aux sommes sur facturées de 1,2 % du chiffre d'affaires annuel en 2003 et de 1,7 % du chiffre d'affaires annuel en 2004 pour cette société, soit (5.727.133,00 euros x 1,2 % =) 68.725,59 euros et de (5.369.450,00 euros x 1,7 % =) 91.280,65 euros ;

Attendu qu'en raison du trouble causé à l'ordre public économique par le recours à des pratiques prohibées par la SAS Carrefour France, qui a eu pour effet de réduire indûment la marge obtenue par son fournisseur la société AWC au titre des marchandises vendues à la centrale d'achat de la société Carrefour et dans une proportion significative, de nature à entraîner des répercussions générales sur les tarifs pratiqués par cette entreprise et à fausser le libre jeu de la concurrence sur ce marché, il convient de condamner la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, à une amende civile fixée, en fonction de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, à la somme de 150.000,00 euros, le surplus de la demande du ministre de l'Economie de ce chef étant rejeté comme injustifié ;

 

SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :

Attendu qu'il y a lieu d'allouer au ministre de l'Economie et des Finances la somme de 1.500,00 euro pour les frais irrépétibles de procédure qu'il a du exposer, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que devra lui payer la SAS Carrefour France, condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de la SAS Carrefour France les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant, publiquement et par arrêt contradictoire, après communication au ministère public,

Vu les articles 6 § 1 et 7 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Vu l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen,

Vu les articles 6, 9 et 455 du code de procédure civile,

Vu les articles 2, 1131 et 1315 du code civil,

Vu les articles L. 236-3, L. 236-4 et L. 442-6, I, 2a) et 2b) du code de commerce, dans sa rédaction issue des lois n° 2001-420 du 15 mai 2001 et n° 2003-7 du 4 janvier 2003,

Vu l'arrêt n° 250 de la cour d'appel de Nîmes, en date du 29 mai 2008,

Donne acte au ministère public de son intervention en qualité de partie jointe et de ce qu'il s'associe aux demandes et moyens développés par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ;

Donne acte à la SAS Carrefour France de ce qu'elle déclare venir aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, à la suite d'une opération de fusion-absorption avec transmission universelle du patrimoine, ce qui n'est pas contesté par les autres parties ;

Dit et juge qu'il n'est pas justifié de ce que les dispositions susvisées de l'article L. 442-6, ancien, du code de commerce sont contraires aux articles 6 § 1 et 7 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, pas plus qu'à la Constitution ;

Dit et juge que les dispositions invoquées des articles 111-3, 111-4, 121-1 et 121-2 du code pénal ne s'appliquent pas à l'amende civile prévue à l'article L. 442-6, ancien, du code de commerce ;

Dit et juge que l'amende civile de l’article L.446-2 du code de commerce est encourue par la SAS Carrefour France, société substituée ayant absorbé après fusion et transmission universelle de son patrimoine la SAS Carrefour Hypermarchés France, pour des faits commis par cette dernière société antérieurement à la fusion, intervenue le 21 janvier 2009 ;

Rejette les fins de non-recevoir d'irrecevabilité de la demande d'annulation des clauses et conventions illicites conclues entre la SAS Carrefour Hypermarchés France et la SA Arjo Wiggins Canson ou la SA Garnier Ponsonnet Vuillard, invoquées par la SAS Carrefour France ;

Rejette les fins de non-recevoir d'irrecevabilité de l'action en nullité et en restitution menée par le ministre de l'Economie et des Finances, nonobstant l'absence au procès des société Arjo Wiggins Canson et Garnier Ponsonnet Vuillard, invoquées par la SAS Carrefour France ;

Déboute le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie de l'ensemble de ses demandes relatives aux conventions conclues entre la SAS Carrefour Hypermarchés France et la société Garnier Ponsonnet Vuillard ;

Prononce la nullité de la clause contractuelle fixant la rémunération des services d'aide à la gestion des clients à 1,5 % du chiffre d'affaire en 2003 et 2 % du chiffre d'affaires en 2004, dans les contrats cadres commerciaux conclus par la SAS Carrefour Hypermarchés France avec la société Arjo Wiggins Canson, en date des 13 décembre 2002 et 9 décembre 2003 ;

Condamne la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, à restituer l'indu perçu au titre de cette convention n°03.32.XX.01 partiellement illicite et dépourvue de cause réelle à la société Arjo Wiggins Canson, au titre des années 2003 et 2004, soit les sommes respectives de 68.725,59 euros et de 91.280,65 euros ;

Condamne la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, à une amende civile fixée, à la somme de 150.000,00 euros, le surplus de la demande du ministre de l'Economie et des Finances de ce chef étant rejeté comme injustifié ;

Condamne la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, aux dépens de première instance et d'appel et à payer au Ministre de l'Economie et des Finances la somme de 1.500,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Ainsi prononcé et jugé à NÎMES le 25 février 2010.

Arrêt signé par Monsieur J.G. FILHOUSE, Président de Chambre et Madame D. RIVOALLAN, Greffier divisionnaire.