CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 4 mai 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2394
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 4 mai 2010 : RG n° 08/03820
Publication : Jurica
Extrait : « M. X. soutient que la clause de l'annexe 2441 du contrat d'assurance prévoyant que « seuls les bâtiments équipés d'alarme thermostatique installée par un professionnel agrée en parfait état de fonctionnement peuvent faire l'objet du présent contrat » est manifestement abusive et non causée au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, une telle clause procurant à l'assureur un avantage excessif, et que, si l'exigence d'un système d'alarme en parfait état de marche peut s'expliquer lors de la souscription du contrat, elle ne peut s'imposer durant toute la période contractuelle, sauf à ôter du contrat d'assurance l'existence d'un risque et donc d'une quelconque cause.
La société AVIVA fait valoir que sa clause d'exclusion de garantie n'a vocation à s'appliquer que lorsque le système d'alarme se trouve défectueux en raison d'un défaut d'entretien régulier de son assuré et qu'il ne s'agit nullement d'une clause abusive.
C'est par de justes motifs, adoptés par la Cour, que les premiers juges ont considéré que cette clause ne présentait pas de caractère abusif dès lors que l'obligation mise à la charge de l'assuré d'entretenir de façon régulière son système d'alarme ne crée par un déséquilibre entre les parties au contrat, un tel entretien s'avérant justifié compte tenu du risque garanti. Il convient en outre de relever que cette exclusion de garantie est limitée, les cas de non garantie étant clairement et limitativement énoncés dans le corps du document contractuel. En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté ce moyen de nullité du contrat invoqué par M. X. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 4 MAI 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/03820. APPEL D'UN jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AMIENS du 2 juillet 2008.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître Jacques CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Maître CHIVOT, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMÉE :
SA AVIVA ASSURANCES
[adresse], représentée par Maître Bertrand LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par la SCPA CROISSANT, de LIMERVILLE, ORTS, LEGRU, avocats au barreau D'ABBEVILLE
[minute Jurica page 2]
DÉBATS : Audience publique du 2 mars 2010, devant : M. DE LAGENESTE, Président, Madame LORPHELIN entendue en son rapport et Madame DUBAELE, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 4 mai 2010
GREFFIER : Madame HAMDANE
ARRRÊT : PRONONCÉ le 4 mai 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. DE LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Madame HAMDANE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Par un acte sous seing privé du 26 février 2003, M. X. a souscrit auprès de la société AVIVA ASSURANCES un contrat multirisque exploitation à effet au 1er février 2003 et un contrat relatif aux accidents d'élevage et la mortalité des animaux, prenant effet au 1er février 2003, ce second contrat ayant été modifié par un avenant du 3 septembre 2003 pour tenir compte d'un changement d'élevage, M. X. ayant décidé d'élever des poulets. Ce contrat prévoyait la garantie de la société AVIVA ASSURANCES en cas de mort par asphyxie, froid ou étouffement des volailles résultant notamment de l'arrêt accidentel du fonctionnement des installations d'aération ou de chauffage qui pourrait survenir dans les poulaillers.
Le 29 décembre 2005, vers 8 heures, M. X. constatait la perte de vingt six mille poulets âgés de quarante quatre jours dans le bâtiment N° 3 de son élevage. Le jour même, il déclarait le sinistre à sa compagnie d'assurance, laquelle l'informait, après expertise et par un courrier du 23 mars 2006 du cabinet BREART, de sa non garantie en raison de l'absence de vérification par l'éleveur du bon fonctionnement du transmetteur téléphonique et de l'absence de moyen de secours à l'intérieur du poulailler comme l'ouverture automatique des trappes de ventilation.
M. X. a fait assigner la société AVIVA ASSURANCES devant le tribunal de grande instance d'AMIENS en réparation de ce sinistre dans le cadre de sa garantie contractuelle.
Par un jugement du 2 juillet 2008, le tribunal de grande instance d'AMIENS a pour l'essentiel :
- dit non abusive la clause d'exclusion de garantie en cas de défaut d'entretien du système d'alarme ;
- rejeté la contestation de signature du document « description des risques » soulevée par M. X. ;
- reconnu un caractère contractuel aux annexes 2441 et 2442 ;
- [minute Jurica page 3] rejeté la demande de nullité du contrat multirisque exploitation souscrit par M. X. ;
- dit que M. X. a manqué à ses obligations contractuelles par défaut d'entretien ;
- dit que la société AVIVA ASSURANCES n'est pas tenue de garantir le sinistre survenu le 29 décembre2005 ;
- débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné M. X. à supporter les dépens et à verser à la société AVIVA ASSURANCES une indemnité de 1.000 euros pour ses frais d'instance.
Aux termes d'ultimes conclusions du 23 septembre 2009, expressément visées, M. X., appelant de ce jugement, prie la Cour de l'infirmer en toutes ses dispositions, d'annuler la clause relative au bon fonctionnement de l'alarme, de constater qu'il n'est pas signataire de l'acte de description du risque à assurer en date du 31 décembre 2002 et de l'annexe au contrat volailles 2441, à titre subsidiaire, de constater le bon entretien du système d'alarme et de ventilation, en tout état de cause de condamner la société AVIVA ASSURANCES à lui verser la somme de 44.200 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance valant mise en demeure en réparation du sinistre du 29 décembre 2005, la somme de 5.283,26 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du retard apporté au règlement du sinistre, ainsi qu'une somme de 5.000 euros pour ses frais d'instance et de la condamner à supporter les entiers dépens.
Dans des conclusions en réponse du 10 avril 2009, expressément visées, la société AVIVA ASSURANCES prie la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de rejeter l'ensemble des prétentions de M. X., à titre subsidiaire, de limiter à 31.105, 62 euros la réparation du sinistre du 29 décembre 2005, en tout état de cause de condamner M. X. à supporter les entiers dépens et à lui verser une indemnité de 2.500 euros pour ses frais d'instance d'appel.
L'affaire a été clôturée en cet état et a été fixée à l'audience du 2 mars 2010 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 décembre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CECI EXPOSÉ, LA COUR :
I - Sur la nullité du contrat pour fausse déclaration de l'assuré :
La société AVIVA invoque la nullité du contrat d'assurance par application de l'article L. 113-8 du Code des assurances. Elle reproche à M. X. d'avoir fait une fausse déclaration en certifiant avoir répondu sincèrement et exactement aux questions posées dans le questionnaire de pollicitation, document signé par ses soins le 31 décembre 2002, notamment sur l'existence d'ouverture automatique de la trappe de ventilation et sur le système de brumisation, alors que ses poulaillers ne sont pas équipés de telles installations. Elle conteste l'argumentation développée par l'appelant, lequel dénie comme étant sienne la signature apposée sur le descriptif du risque à assurer en faisant valoir que sa mauvaise foi est évidente au regard des éléments de comparaison que constituent les autres documents contractuels signés de sa main et qu'il n'a jamais contesté ce document, ni émis la moindre contestation antérieurement au présent litige, en particulier, lors du règlement des primes d'assurance.
Pour faire échec à ce moyen de nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle, M. X. dénie comme étant sienne la signature apposée sur l'acte de description du risque à assurer du 31 décembre 2002.
[minute Jurica page 4] C'est par une juste analyse que la Cour fait sienne que les premiers juges ont constaté que la signature figurant sur le document contractuel intitulé « description du risque à assurer et garanties demandées » en date du 31 décembre 2002 présente de nombreuses similitudes avec celle, non contestée par M. X., apposée sur un courrier du 29 décembre 2005 et sur le contrat « accident d'élevage conditions particulières à effet au 1er février 2003 ».
En outre, la Cour relève que la signature portée sur la carte nationale d'identité versée aux débats à titre d'élément de comparaison ne diffère pas de manière significative de celle apposée sur le document du 31 décembre 2002 et présente, au contraire, d'importantes similitudes avec celle-ci. M. X. n'est donc pas fondé à soutenir qu'il n'a pas signé le questionnaire de pollicitation.
Cependant, c'est par une juste application des dispositions de l'article L. 113-9 du Code des assurances que les premiers juges ont considéré que la mauvaise foi de M. X. ne saurait se déduire de simples réponses inexactes ou incomplètes à ce questionnaire de pollicitation dont il n'est pas contesté par les parties qu'il a été rempli de la main de l'agent d'assurance mandaté par la société AVIVA et non de la main de M. X. lui-même, et que la circonstance que celui-ci ait apposé sa signature sur la deuxième page de ce document en certifiant avoir sincèrement et exactement répondu aux questions posées, ne saurait présumer de sa mauvaise foi.
En l'absence d'éléments nouveaux permettant d'établir que M. X. aurait sciemment fourni de fausses informations, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle formée par la société AVIVA, étant rappelé que la constatation de la déclaration inexacte de l'assuré n'ayant été révélée que postérieurement au sinistre, la sanction prévue par l'article L. 113-9 in fine du Code des assurances consiste en une réduction de l'indemnité.
II - Sur la validité de la clause relative au système d'alarme :
M. X. soutient que la clause de l'annexe 2441 du contrat d'assurance prévoyant que « seuls les bâtiments équipés d'alarme thermostatique installée par un professionnel agrée en parfait état de fonctionnement peuvent faire l'objet du présent contrat » est manifestement abusive et non causée au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, une telle clause procurant à l'assureur un avantage excessif, et que, si l'exigence d'un système d'alarme en parfait état de marche peut s'expliquer lors de la souscription du contrat, elle ne peut s'imposer durant toute la période contractuelle, sauf à ôter du contrat d'assurance l'existence d'un risque et donc d'une quelconque cause.
La société AVIVA fait valoir que sa clause d'exclusion de garantie n'a vocation à s'appliquer que lorsque le système d'alarme se trouve défectueux en raison d'un défaut d'entretien régulier de son assuré et qu'il ne s'agit nullement d'une clause abusive.
C'est par de justes motifs, adoptés par la Cour, que les premiers juges ont considéré que cette clause ne présentait pas de caractère abusif dès lors que l'obligation mise à la charge de l'assuré d'entretenir de façon régulière son système d'alarme ne crée par un déséquilibre entre les parties au contrat, un tel entretien s'avérant justifié compte tenu du risque garanti. Il convient en outre de relever que cette exclusion de garantie est limitée, les cas de non garantie étant clairement et limitativement énoncés dans le corps du document contractuel.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté ce moyen de nullité du contrat invoqué par M. X.
III - Sur la non opposabilité de la clause relative au système d'alarme :
M. X. fait valoir que l'annexe 2441 ne comporte aucune signature. Il en déduit que les [minute Jurica page 5] conditions particulières relatives au contrat « accident d'élevage », l'annexe au contrat volailles 2441 et la clause d'exclusion visée dans cette annexe et relative au système d'alarme ne lui seraient pas opposables.
Cependant, comme l'ont justement retenu les premiers juges, M. X. n'est pas fondé à soutenir que l'annexe 2441 au contrat d'assurance ne lui serait pas opposable en l'absence de sa signature apposée sur ce document, alors que le contrat 73480571 à effet du 1er février 2003, signé de sa main, précise, dans les dispositions diverses et en termes parfaitement apparents, qu'il a approuvé « les annexes 2441 et 2442 et le contrat AGRITER 73462287 ».
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'argumentation développée par M. X. et retenu que la clause d'exclusion de garantie litigieuse lui est bien opposable.
IV - Sur le défaut d'entretien du système d'alarme :
M. X. fait valoir que son transmetteur téléphonique avait été remplacé le 31 août 2001 et que sa batterie avait été changée le 21 avril 2005, soit six mois avant le sinistre, qu'il procédait régulièrement à des tests pour vérifier l'efficacité du système et que, contrairement aux constatations du cabinet SARTEC, désigné en qualité d'expert amiable, le système d'alarme avait parfaitement fonctionné à l'occasion de deux incidents survenus dans le poulailler le 21 septembre 2005 et le 25 novembre 2005. Il prétend encore que ses bâtiments étaient parfaitement aux normes, que s'il n'existait pas d'ouverture automatique des trappes de ventilation, la société AVIVA en avait connaissance en raison de sa visite de l'installation en 2003 et que le système de ventilation statique était opérationnel. Il souligne enfin que son assureur n'avait jamais émis de telles réserves lors de l'indemnisation de précédents sinistres, notamment en juin 2005.
La société AVIVA soutient au contraire que l'expertise a établi que le déclenchement d'un disjoncteur s'est produit dans le bâtiment N°3 provoquant un arrêt de la ventilation et la mort des volailles par asphyxie, que le transmetteur téléphonique ne fonctionnait pas en raison de deux pannes internes, situation ignorée de M. X. à défaut de vérification de contrôle, et que le poulailler était dépourvu de moyens de secours, en particulier de trappes automatiques de ventilation.
Elle souligne que les interventions des établissements MORET dont se prévaut l'appelant, sont postérieures à la survenance du sinistre et que les factures qu'il produit aux débats, n'ont aucune relation avec l'entretien du transmetteur téléphonique. Elle fait enfin observer que l'attestation de M. Y., lequel se présente comme un membre de la famille de M. X., est dépourvue de valeur probante et qu'elle est totalement imprécise quant aux dates auxquelles il aurait procédé à des essais ou des dépannages sur les installations de l'élevage.
C'est par une juste analyse des éléments produits aux débats par les parties que les premiers juges ont considéré que M. X. a manqué aux obligations contractuelles posées par l'annexe 2441 par défaut d'entretien de la centrale d'alarme et du transmetteur téléphonique, seul moyen permettant d'éviter l'asphyxie des volailles en cas de défaillance des installations électriques en l'absence d'ouverture automatique des trappes de ventilation et d'un système de brumisation. En effet, les factures et les attestations fournies par M. X. démontrent qu'il n'avait souscrit aucun contrat de maintenance de ces installations et qu'il faisait appel de façon irrégulière aux services de la société MORET, entreprise spécialisée dans l'électricité industrielle, voire à des membres de sa famille pour vérifier ses installations.
L'expertise du cabinet SARETEC, mandaté par la société AVIVA, a mis en évidence que le transmetteur téléphonique défectueux, lors du sinistre survenu le 29 décembre 2003, avait été implanté en un lieu humide et qu'un des fils d'alimentation était cassé, ainsi qu'a pu le constater l'entreprise MORET, laquelle a précisé que son intervention pour la recherche de la panne était postérieure au sinistre du 29 décembre 2003.
[minute Jurica page 6] En conséquence, la société AVIVA est bien fondée à opposer à M. X. l'exclusion de garantie prévue au contrat et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation formées par celui-ci en réparation du sinistre du 29 décembre 2003.
Sur les dépens et les frais d'instance :
M. X. succombant en ses prétentions, le jugement doit être confirmé en ses dispositions mettant à sa charge les dépens de première instance et le règlement à la société AVIVA d'une indemnité par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il convient en outre de le condamner à supporter les dépens d'appel et de le débouter de sa demande d'indemnité pour ses frais d'instance.
L'équité commande enfin de faire droit à la demande d'indemnité formée par la société AVIVA pour ses frais d'instance exposés en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu 2 juillet 2008 le tribunal de grande instance d'AMIENS ;
- Condamne M. X. à payer à la société AVIVA une indemnité de 2.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais exposés en appel ;
- Déboute M. X. de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamne M. X. aux dépens d'appel ;
- Accorde à la SCP LE ROY, Avoués à la Cour, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
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