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CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. A), 26 mai 2009

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. A), 26 mai 2009
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. A
Demande : 08/02926
Date : 26/05/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2399

CA BORDEAUX (1re ch. civ.  sect. A), 26 mai 2009 : RG n° 08/02926

Publication : Jurica

 

Extrait : « Même si dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 janvier 2005 qui n'est entrée en vigueur que le 1er août 2005, l'article L. 311-9 du Code de la consommation n'exigeait l'établissement d'une offre préalable que pour le contrat initial, ce texte ne dispensait pas le prêteur de saisir l'emprunteur d'une nouvelle offre lorsque la modification du contrat portait sur un relèvement du crédit disponible. La clause de l'offre de crédit qui prévoyait la possibilité de faire évoluer la fraction disponible sur « demande spécifique » de l'emprunteur ne permettait pas au professionnel du crédit d'éluder l'obligation, d'ordre public, de formaliser une offre préalable répondant aux conditions des articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation.

En l'occurrence la société SOFICARTE ne justifie même pas de ce que M. X. aurait formulé une demande expresse en vue d'un relèvement du découvert disponible au delà de la somme de 3.000 Euros à laquelle l'offre initiale l'avait limité. Ce n'est que par suite de l'utilisation du compte, M. X. ayant procédé à des achats pour un montant excédant le crédit disponible, que le découvert du compte a atteint à compter du mois d'avril 2004 une somme de plus de 4.000 Euros.

En toute hypothèse, la clause permettant de faire varier à la discrétion de l'organisme de crédit l'obligation de l'emprunteur dans la limite d'un deuxième plafond défini sans prise en compte de la situation personnelle de ce dernier constitue bien une clause abusive qui doit être réputée non écrite en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation. Une telle clause confère en effet au professionnel du crédit qui s'est abstenu de formuler une nouvelle offre en vue d'élever le montant du découvert disponible la faculté de décider discrétionnairement des conditions qui justifient la résiliation du contrat. Elle ne figure pas sur le modèle type n°4 défini par l'arrêté du 19 décembre 2006 qui prévoit seulement un fractionnement périodique du montant maximum autorisé. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 26 MAI 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 08/02926. ARRÊT DU : 26 MAI 2009 (Rédacteur : Jean-Claude SABRON, conseiller,). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 janvier 2008 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX (RG : 11-06-002814) suivant déclaration d'appel du 22 mai 2008.

 

APPELANTE :

SA SOFICARTE,

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE & ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Alexandra BECHAUD substituant la SCP TONNET- BAUDOUIN, avocats au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

demeurant [adresse], représenté par la SCP BOYREAU & MONROUX, avoués à la Cour, et assisté de Maître Christophe GUILLAUMEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mars 2009 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, [minute Jurica page  2] devant Jean-Claude SABRON, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Franck LAFOSSAS, président, Bernard ORS, conseiller, Jean-Claude SABRON, conseiller,

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES DONNÉES DU LITIGE :

Selon une offre préalable acceptée le 13 juin 2003, la société SOFICARTE a accordé à M. X. un crédit par découvert en compte d'une durée d'un an, renouvelable.

L'offre stipulait que le montant maximum du découvert autorisé par le prêteur était fixé à 12.500 Euros et que le montant que choisissait l'emprunteur dans cette limite constituait la fraction disponible du découvert ; cette fraction disponible était de 3.000 Euros.

Au mois de mars 2005, le découvert du compte avait atteint la somme de 9.323,23 Euros.

Le 18 avril 2005 la société SOFICARTE a fait signer par Monsieur X. un avenant portant le montant maximum du découvert autorisé à 21.500 Euros et celui de la fraction disponible à 9.000 Euros.

Le découvert n'ayant pas été ramené à cette somme de 9.000 Euros, la société SOFICARTE a prononcé la déchéance du terme à la date du 12 janvier 2006 et a adressé le 22 mai 2006 à M. X. une lettre recommandée avec AR le mettant en demeure de lui payer la somme de 11.255,56 Euros.

Par acte du 31 août 2006 elle a saisi le tribunal d'instance de BORDEAUX pour obtenir le paiement de la dite somme à majorer des intérêts au taux contractuel de 15,50 % sur la somme de 10.619,95 Euros (déduction faite de l'indemnité de résiliation de 8 %) à compter du 13 mai 2006.

Par jugement du 21 janvier 2008 le tribunal a accueilli l'exception de forclusion opposée par M. X. sur le fondement de l'article L. 311-37 du Code de la consommation en relevant que l'assignation avait été délivrée plus de deux ans après l'événement lui ayant donné naissance, lequel était constitué par le dépassement depuis le mois d'avril 2004, non régularisé par l'avenant du 18 avril 2005, de la fraction disponible contractuellement fixée à 3 000 Euros.

La société SOFICARTE a relevé appel de ce jugement dans des conditions dont la régularité ne donne pas lieu à contestation.

[minute Jurica page  3] Dans ses dernières conclusions qui ont été signifiées le 18 mars 2009, elle fait valoir qu'est opposable la clause des conditions générales du contrat de crédit qui stipule que la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé qui était fixé à 12.500 Euros.

La société appelante relève que cette formulation est conforme aux dispositions de l'arrêté du19 décembre 2006 fixant les modèles types d'offres préalables et que la clause de révision de la fraction disponible à la demande de l'emprunteur n'est pas abusive dés lors qu'elle suppose l'accord des deux parties, l'acceptation du prêteur se manifestant par la mise à disposition des fonds.

Elle ajoute qu'à a date de la souscription du contrat, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi modificative du 28 janvier 2005, l'article L. 311-9 du Code de la consommation n'exigeait la souscription d'une offre préalable que pour le contrat initial.

Dés lors, le montant maximum du découvert autorisé n'ayant jamais été dépassé, l'événement qui a donné naissance à l'action serait constitué par la première mensualité impayée et non régularisée, soit celle du mois de juillet 2005.

En toute hypothèse le dépassement retenu par le tribunal aurait été régularisé par l'avenant du 18 avril 2005 et ce n'est qu'après cette date à laquelle la fraction disponible du découvert a été fixée à 9.000 Euros que n'a pu commencer à courir le délai biennal de forclusion prévu par l'article 311-37 du Code de la consommation.

La société SOFICARTE demande en conséquence à la cour :

* de rejeter l'exception de forclusion opposée par M. X. ;

* de condamner celui-ci à lui payer la somme de 11.255,56 Euros et les intérêts au taux contractuel de 15,50 % sur la somme de 10.619,95 Euros à compter du 13 mai 2006 ;

* de condamner M. X. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. X. a conclu le 30 mars 2009 à la confirmation du jugement.

Il relève que le deuxième plafond ne peut pas trouver application en présence d'une clause particulière fixant au regard de la situation personnelle de l'emprunteur le montant du crédit disponible à un montant moindre et qu'en toute hypothèse la clause est abusive dés lors qu'elle a pour effet, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, de conférer au professionnel le droit exclusif d'interpréter les conventions.

A titre subsidiaire l'intimé invoque les dispositions de l'article L. 311-33 du Code sus visé qui sanctionnent par la déchéance du droit aux intérêts l'acceptation d'un nouveau crédit sans offre préalable.

Il ajoute que, dans cette hypothèse, la méconnaissance par le prêteur de l'obligation de mise en garde consacrée par un arrêt de la chambre mixte de la cour de cassation du 29 juin 2007 justifierait que l'emprunteur soir déchargé de son obligation de rembourser.

Encore plus subsidiairement, M. X. sollicite des délais de paiement avec réduction des intérêts au taux légal et imputation des versements en priorité sur le capital.

Il demande à la cour de condamner la société appelante aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de 2.500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES MOTIFS DE LA DÉCISION :

[minute Jurica page  4] M. X. relève à bon droit que la limite du découvert autorisé est constituée, non par le montant maximum de 12.500 Euros dans lequel l'offre de crédit est susceptible d'évoluer sous condition de l'acceptation du prêteur, mais par la fraction disponible stipulée dans l'offre initiale en fonction de la position économique personnelle de l'emprunteur (soit en l'espèce un crédit disponible de 3.000 Euros pour des revenus déclarés de 1.020 Euros par mois).

Même si dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 janvier 2005 qui n'est entrée en vigueur que le 1er août 2005, l'article L. 311-9 du Code de la consommation n'exigeait l'établissement d'une offre préalable que pour le contrat initial, ce texte ne dispensait pas le prêteur de saisir l'emprunteur d'une nouvelle offre lorsque la modification du contrat portait sur un relèvement du crédit disponible.

La clause de l'offre de crédit qui prévoyait la possibilité de faire évoluer la fraction disponible sur « demande spécifique » de l'emprunteur ne permettait pas au professionnel du crédit d'éluder l'obligation, d'ordre public, de formaliser une offre préalable répondant aux conditions des articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation.

En l'occurrence la société SOFICARTE ne justifie même pas de ce que M. X. aurait formulé une demande expresse en vue d'un relèvement du découvert disponible au delà de la somme de 3.000 Euros à laquelle l'offre initiale l'avait limité.

Ce n'est que par suite de l'utilisation du compte, M. X. ayant procédé à des achats pour un montant excédant le crédit disponible, que le découvert du compte a atteint à compter du mois d'avril 2004 une somme de plus de 4.000 Euros.

En toute hypothèse, la clause permettant de faire varier à la discrétion de l'organisme de crédit l'obligation de l'emprunteur dans la limite d'un deuxième plafond défini sans prise en compte de la situation personnelle de ce dernier constitue bien une clause abusive qui doit être réputée non écrite en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

Une telle clause confère en effet au professionnel du crédit qui s'est abstenu de formuler une nouvelle offre en vue d'élever le montant du découvert disponible la faculté de décider discrétionnairement des conditions qui justifient la résiliation du contrat.

Elle ne figure pas sur le modèle type n°4 défini par l'arrêté du 19 décembre 2006 qui prévoit seulement un fractionnement périodique du montant maximum autorisé.

Enfin, l'avenant du 18 avril 2005 qui a porté le maximum du découvert autorisé à 21 500 Euros et la fraction disponible à 9.000 Euros n'a pas pu régulariser la situation de M. X. dés lors qu'un mois avant sa souscription, au mois de mars 2005, le solde du compte, de 9.251,63 Euros, excédait ce nouveau disponible.

C'est par conséquent à bon droit que le premier juge a retenu que, le découvert autorisé ayant été dépassé à compter du mois d'avril 2004, ce dépassement qui n'avait jamais été régularisé par la reconstitution du crédit et manifestait la défaillance de l'emprunteur constituait le point de départ du délai biennal de forclusion prévu à l'article L. 311-37 du Code de la consommation.

L'application de ce texte n'a pas pour effet de spolier l'organisme de crédit qui dispose sur un autre fondement que celui du contrat de prêt du droit de recouvrer contre son client le remboursement en principal des dettes qu'il a payées pour son compte.

Il n'y a pas lieu, pour des raisons d'équité, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

[minute Jurica page  5] LA COUR,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 janvier 2008 par le tribunal d'instance de BORDEAUX.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la société SOFICARTE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP BOYREAU-MONROUX, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Franck LAFOSSAS, président, et par Annick BOULVAIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.