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CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 22 juin 2006

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 22 juin 2006
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch. sect. civ et com.
Demande : 04/02875
Date : 22/06/2006
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TI CAEN, 2 septembre 2004
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2403

CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 22 juin 2006 : RG n° 04/02875

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales. En l'espèce, les irrégularités alléguées - absence de mention de l'identité du prêteur, emplacement de la signature de l'emprunteur, typographie, violation de l'obligation de reproduction d'un texte légal - à les supposer établies, ne constituent pas des clauses abusives. En conséquence, le Tribunal a justement considéré que le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par Madame X. dans ses écritures du 30 octobre 2003 devant le Tribunal, soit plus de deux ans après la formation du contrat, était irrecevable comme atteint de la forclusion, et le jugement sera confirmé de ce chef. »

2/ « Concernant l'indemnité de 8 %, le Tribunal l'a réduite à néant au motif qu'elle constituait une clause pénale manifestement excessive. Cependant la clause pénale ne constitue pas une clause abusive et son montant n'apparaît pas manifestement excessif dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaires. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 22 JUIN 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 04/02875. Origine : DÉCISION en date du 2 septembre 2004 du Tribunal d’Instance de CAEN.

 

APPELANTE :

Madame X.

[adresse], représentée par Maître Jean TESNIERE, avoué, assistée de Maître François LEBOCQ CASTILLON, avocat au barreau de CAEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

 

INTIMÉS :

SA SPP

[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP DUPAS-TRAUTVETTER YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués, assistée de Maître BLANGY substituant Maître Marie-Noëlle DESQUESNES PUYRAVAU, avocat au barreau de CAEN

Monsieur Y.

[adresse], représenté par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués, assisté de Maître VIGNON substituant Maître Ghislaine DEJARDIN, avocat au barreau de CAEN [minute Jurica page 2] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro XXX du 22 juin 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur LE FEVRE, Président, Madame HOLMAN, Conseiller, rédacteur, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,

DÉBATS : Audience publique du 18 mai 2006

GREFFIER : Madame LE GALL, greffier, lors des débats

ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2006 et signé par Monsieur LE FEVRE, Président, et Madame LE GALL, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame X. a interjeté appel du jugement rendu le 2 septembre 2004 par le Tribunal d'instance de CAEN dans un litige l'opposant la SA SPP (la banque) et M. Y.

Le 29 décembre 1999, la banque a consenti aux époux Y. - aujourd'hui divorcés aux termes d'un jugement du 10 novembre 2003 - une ouverture de crédit d'un montant de 50.000 Francs remboursable en 48 mensualités au TEG de 8,60 % l'an.

En raison d'incidents de paiement la banque a prononcé la déchéance du terme le 5 novembre 2002, et mis en demeure les débiteurs par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2002 pour M. Y., 26 mars 2003 pour Madame X.

Ces mises en demeure étant demeurées infructueuses, sur requête de la banque une injonction de payer a été rendue le 28 avril 2003 à l'encontre des époux Y. pour la somme de 4.880,15 € en principal avec intérêts au taux de 8,59 % à compter du 22 novembre 2002, 100 € à titre de clause pénale.

Madame X. a régulièrement formé opposition à cette ordonnance et par le jugement déféré le Tribunal a :

- condamné Madame X. à payer à la banque la somme de 4.880,15 € avec intérêts au taux de 8,59 % à compter du 22 novembre 2002 ;

- débouté la banque de ses demandes à l'encontre de M. Y. et du surplus de ses demandes à l'encontre de Madame X. ;

- condamné in solidum la banque et Madame X. à payer à M. Y. la somme de 350 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

- [minute Jurica page 3] condamné Madame X. à payer à la banque la somme de 200 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Vu les écritures signifiées :

* le 16 août 2005 par Madame X. qui conclut à l'infirmation du jugement, à la nullité de la requête en injonction de payer, subsidiairement de l'ordonnance d'injonction de payer et de sa signification, très subsidiairement au rejet des demandes, et à la déchéance du droit aux intérêts, en tout état de cause au rejet de la pièce adressée par M. Y. à son avocat le 13 février 2004, à la garantie de M. Y. de toute condamnation, outre paiement d'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, et à l'irrecevabilité de la demande de garantie de la banque à son égard.

* le 4 octobre 2005 par la banque qui conclut à la confirmation du jugement et demande paiement d'une somme complémentaire de 199,91 € suivant compte arrêté au 25 juin 2003 au titre de l'indemnité légale de recouvrement, garantie de Madame X. pour l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de la banque au profit de M. Y., et paiement d'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

* le 24 août 2005 par M. Y. qui conclut à la confirmation du jugement et demande paiement d'une somme complémentaire de 1.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - Sur la validité de la requête en injonction de payer, de l'ordonnance d'injonction de payer et de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer :

Madame X. soutient que ces actes sont affectés de nullité car le domicile véritable du mandataire n'est pas indiqué, le mandat lui-même est nul voire inexistant, la signature de la requête est illisible, la requête n'était pas accompagnée de pièces justificatives, et aucun décompte n'était produit.

Cependant, ainsi que l'a indiqué le Tribunal, l'opposition à une ordonnance d'injonction de payer - dont la validité en l'espèce n'a jamais été contestée - a pour effet d'ouvrir une instance en droit commun dans le cadre de laquelle le Tribunal statue sur la demande en recouvrement, en application de l'article 1417 du Nouveau Code de procédure civile et selon les règles applicables à l'article 97 du Nouveau Code de procédure civile.

La lettre recommandée adressée par le greffe conformément à l'article 97 alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile - dont la validité n'est pas contestée en l'espèce - vaut citation au sens de l'article 473 du Nouveau Code de procédure civile, et aux termes de l'article 1420 du Nouveau Code de procédure civile, le jugement du Tribunal se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer.

En conséquence, le Tribunal a justement rejeté l'ensemble de ces moyens comme étant dépourvus d'intérêt et le jugement sera confirmé de ce chef.

[minute Jurica page 4]

II - Sur la régularité de l'offre préalable :

Madame X. soutient qu'en violation des articles L. 311-15 et L. 311-17 du Code de la consommation, l'offre a été acceptée après expiration du délai de validité et que la présentation de ce document n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 311-8, L. 311-10 et R. 311-6 du Code de la consommation.

La banque prétend que ce moyen de contestation émis par Madame X. est irrecevable comme atteint par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.

La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales.

En l'espèce, les irrégularités alléguées - absence de mention de l'identité du prêteur, emplacement de la signature de l'emprunteur, typographie, violation de l'obligation de reproduction d'un texte légal - à les supposer établies, ne constituent pas des clauses abusives.

En conséquence, le Tribunal a justement considéré que le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par Madame X. dans ses écritures du 30 octobre 2003 devant le Tribunal, soit plus de deux ans après la formation du contrat, était irrecevable comme atteint de la forclusion, et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

III - Sur la production d'une pièce couverte par le secret :

Madame X. sollicite que le courrier adressé par M. Y. à son conseil le 13 février 2004 soit écarté des débats au motif qu'il constitue une violation du secret professionnel.

Cependant le seul courrier de ce type figurant au dossier est daté du 19 mai 2002, et la demande sera en conséquence rejetée comme étant sans objet, étant précisé surabondamment que seul M. Y. a qualité pour apprécier la violation du secret professionnel relative à une pièce qu'il a lui-même rédigée, adressée à son conseil et produite sur la procédure.

 

IV - Sur le quantum de la somme due :

Il résulte de l'intégralité des relevés de compte produits depuis la formation du contrat et du décompte du 25 juin 2003 ventilant les mensualités échues impayées, le capital restant dû non échu et l'indemnité de 8 % sur le capital restant dû non échu, que la somme due en principal est bien fondée dans son intégralité et le jugement sera confirmé de ce chef.

[minute Jurica page 5] Concernant l'indemnité de 8 %, le Tribunal l'a réduite à néant au motif qu'elle constituait une clause pénale manifestement excessive.

Cependant la clause pénale ne constitue pas une clause abusive et son montant n'apparaît pas manifestement excessif dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaires.

En conséquence, le jugement sera réformé en ses dispositions relatives à la clause pénale et il sera alloué de ce chef à la banque la somme de 199,91 €.

 

V - Sur la solidarité :

Il résulte de l'article 220 alinéa 3 du Code Civil que lorsque les contrats n'ont pas été conclus par les deux époux, la solidarité entre époux est exclue pour les emprunts, à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.

En l'espèce, M. Y. conteste avoir signé l'offre de prêt, celle-ci a été entièrement renseignée par Madame X., et le paragraphe figurant sur cet écrit présente des dissemblances certaines avec les échantillons de signature par lui produits aux débats.

Le Tribunal a donc justement considéré que seule Madame X. était contractuellement engagée à l'égard de la banque.

Aucune précision relative aux revenus mensuels du ménage ne figure dans l'offre préalable.

Néanmoins, un emprunt de 50.000 Francs ne saurait être considéré comme portant sur des sommes modestes.

Par ailleurs, Madame X. et la banque à qui appartiennent la charge de la preuve ne justifient nullement, ainsi qu'elles le prétendent de l'affectation de cet emprunt aux besoins de la vie courante.

Au contraire, il est produit aux débats des relevés bancaires démontrant que la somme prêtée a été affectée à concurrence de 45.000 Francs le 7 janvier 2000 au comblement du solde débiteur du compte professionnel de l'entreprise de M. Y. et inscrite au bilan au titre d'un « apport personnel » de celui-ci.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur le rejet de la demande de solidarité.

 

VI - Sur la demande en garantie de la banque :

La demande en garantie formée par la banque à l'encontre de Madame X., pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable comme étant nouvelle au sens de l'article 564 du Nouveau Code de procédure civile.

 

VII - Sur l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile :

La banque et M. Y. conserveront en équité la charge des frais irrrépétibles par eux exposés en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- [minute Jurica page 6] Réforme le jugement en ses dispositions relatives à la clause pénale ;

- Condamne Madame X. à payer à la SA SPP la somme de 199,91 € au titre de la clause pénale ;

- Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Y additant,

- Rejette la demande de Madame X. en écart de pièce ;

- Déclare irrecevable la demande en garantie formée par la SA SPP en cause d'appel ;

- Déboute la SA SPP et M. Roger Y. de leur demande en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

- Condamne Madame X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile et aux dispositions régissant l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

N. LE GALL              A. LE FEVRE