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TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nîmes
Demande : 25/00194
Date : 13/05/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 23/12/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24242

TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 25/00194 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1. « En tout état de cause, la mention d'une telle clé, dont le prêteur dispose des éléments constitutifs, et qu'il peut donc façonner lui-même en indiquant une date de son choix pour la consultation, réelle ou supposée, ne constitue pas la preuve de la consultation exigée par l'article L. 312-16 du code de la consommation En sus, ledit document ne mentionne aucun résultat et n’est pas accompagné de l’attestation officielle de consultation délivrée par la Banque de France sur simple demande du prêteur. »

2/ 3 L’article R. 632-1 du code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». Selon l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement. Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur. La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée. Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.

La demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse sera donc rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 13 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 25/00194. N° Portalis DBX2-W-B7J-K3UL.

 

DEMANDERESSE :

SA CA CONSUMER FINANCE.

RCS EVRY N° XXX. [adresse], représentée par Maître Amélie GONCALVES de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON substituée par Maître Isabelle VIGNON, avocat au barreau de NÎMES

 

DÉFENDEUR :

M. X.

né le [date] à [ville], [adresse], non comparant, ni représenté

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Laurence ALBERT, Vice-présidente exerçant les fonctions de juge des contentieux de la protection, en présence de U. K., auditeur de justice, lors des débats,

Greffier : Stéphanie RODRIGUEZ, lors des débats et de la mise à disposition au greffe, en présence de [S] [T], greffier stagiaire, lors des débats.

DÉBATS :

Date de la première évocation : 18 mars 2025

Date des Débats : 18 mars 2025

Date du Délibéré : 13 mai 2025

DÉCISION : réputée contradictoire conformément à l'article 473 du code de procédure civile, en premier ressort, rendue publiquement par mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, le 13 Mai 2025 en vertu de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 3 décembre 2022, la SA CA CONSUMER FINANCE a consenti à M. X. un prêt affecté à l’acquisition d’un véhicule de marque HUSQWARNA, modèle FC 250, d’un montant de 13.637,25 euros et moyennant un taux contractuel de 5,19 %.

A la suite d’impayés une mise en demeure lui a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception d’avoir à payer, sous quinze jours, la somme de 1.069,46 euros, reçue le 29 décembre 2023.

La déchéance du terme lui a été notifiée le 16 janvier 2024 par lettre recommandée avec accusé de réception.

[*]

Par acte du 23 décembre 2024 la SA CA CONSUMER FINANCE a cité M. X. à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes.

Elle sollicite, à titre principal, sa condamnation à payer la somme de 14 180,62 euros outre les intérêts contractuels au taux de 5,19 % à compter du 16 janvier 2024.

La SA CA CONSUMER FINANCE demande que soit ordonnée la restitution du véhicule de marque HUSQWARNA, modèle FC 250.

En tout état de cause, elle sollicite le paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l’audience du 18 mars 2025, en application des dispositions de l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge soulève d’office le moyen de droit tiré de la forclusion et l’éventuelle déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels en raison de l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations ainsi que le défaut de consultation probante du fichier FICP, conformément aux dispositions des articles L.341-1 et suivants du code de la consommation. Il soulève le caractère abusif de la clause de réserve de propriété stipulée au contrat.

La SA CA CONSUMER FINANCE comparaît, représentée par son avocat, et maintient ses demandes introductives d’instance.

[*]

M. X., régulièrement cité, ne comparaît pas.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Selon l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur numérotation et rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et au jour du contrat.

 

Sur la recevabilité des demandes :

Par application des dispositions de l’article 125 du code de procédure civile la forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge ; et, est considérée comme étant une action d’ordre public selon les dispositions de l’article L. 314-24 du code de la consommation.

En l’espèce, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est daté du 5 septembre 2023. La présente action a été engagée le 23 décembre 2024, avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, conformément aux dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation.

En conséquence, la SA CA CONSUMER FINANCE sera jugée recevable en ses demandes.

 

Sur la vérification de la solvabilité de l’emprunteur :

Les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation transposent en droit interne les dispositions de la circulaire n° 87-102 du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des droits nationaux en matière de crédit à la consommation.

Dans ces conditions, l’application des règles du code de la consommation n’a pas pour seule finalité d’assurer la protection du consommateur, elle tend à établir une égalité de traitement des pratiques commerciales et concurrentielles au sein de l’Union.

Cette législation répond donc à des impératifs d’ordre public de direction plus qu’à des objectifs d’ordre public de protection.

En outre, l’article 6 du code civil prévoit que les parties ne peuvent pas déroger aux lois qui intéressent l’ordre public.

L’article 12 du code de procédure civile exige que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ».

Par ailleurs l’article R .632-1 du code de la consommation indique que « le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

En application de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 751-1 dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L.751-6.

Le prêteur doit prouver qu’il a rempli son obligation de mise en garde, laquelle lui impose de vérifier les capacités financières des emprunteurs profanes.

Selon l’article L. 341-2 du code de la consommation, le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, la SA CA CONSUMER FINANCE produit un bulletin de paie daté du mois de novembre 2022 permettant d’attester des revenus perçus par M. X.

Toutefois, l’absence de charges liées à l’hébergement n’est pas contrôlée par une attestation d’hébergement ou par la production d’un relevé cadastral justifiant la propriété immobilière de l’emprunteur, outre ses relevés bancaires démontrant l’absence du prêt immobilier.

La SA CA CONSUMER FINANCE produit un document en date du 3 décembre 2022 permettant de justifier la consultation au FICP.

Toutefois, ce document ne peut avoir de réelle valeur probante dans la mesure où la SA CA CONSUMER FINANCE produit un document émis par le prêteur lui-même dont la « clé BDF »ne correspond pas à un code d'identification sécurisé communiqué par le FICP lors d’une consultation. En effet, ladite clé correspond seulement à la date de naissance de l'emprunteur immédiatement suivie des 5 premières lettres de son nom.

En tout état de cause, la mention d'une telle clé, dont le prêteur dispose des éléments constitutifs, et qu'il peut donc façonner lui-même en indiquant une date de son choix pour la consultation, réelle ou supposée, ne constitue pas la preuve de la consultation exigée par l'article L. 312-16 du code de la consommation En sus, ledit document ne mentionne aucun résultat et n’est pas accompagné de l’attestation officielle de consultation délivrée par la Banque de France sur simple demande du prêteur.

Par conséquent, eu égard à la gravité des manquements de la SA CA CONSUMER FINANCE la déchéance totale du droit aux intérêts sera prononcée de ce chef.

Aux termes de l’article L. 341-8 du code la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La somme due se limite ainsi au montant du capital prêté déduction faite des versements effectués dès l’origine du contrat.

Dès lors, il ressort de l’historique du compte que la créance de la SA CA CONSUMER FINANCE s’établit comme suit :

- capital emprunté depuis l’origine : 13.637,25 euros,

- sous déduction des versements : 1.477,45 euros.

Soit une somme totale de 12.159,80 euros, sans intérêts, que M. X. sera condamné à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE.

Afin d'assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par les arrêts CJUE des 27/03/201 C-565/12 et 9/11/2016 C-42-15 (point 65) ; il convient d'écarter toute application des articles 1153 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier qui affaiblissent, voire annihilent, la sanction de déchéance du droit aux intérêts et, de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

 

Sur la demande de restitution du véhicule :

L’article R. 632-1 du code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

Selon l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».

Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement.

Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur.

La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.

Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.

La demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse sera donc rejetée.

 

Sur les autres demandes :

Succombant à l’instance M. X. sera condamné aux dépens.

Ni l’équité, ni la situation respective des parties ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte que la demande formée de ce chef sera rejetée.

En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou le juge n’en dispose autrement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025 par jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort,

JUGE recevables les demandes de la SA CA CONSUMER FINANCE,

JUGE que la SA CA CONSUMER FINANCE est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat litigieux,

CONDAMNE M. X. à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 12.159,80 euros sans intérêts,

DEBOUTE la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande en restitution du véhicule en application de la clause contractuelle de réserve de propriété réputée non-écrite,

CONDAMNE M. X. aux dépens de l’instance,

DEBOUTE la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

La greffière,                                      La Présidente,