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TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nîmes
Demande : 25/00206
Date : 13/05/2025
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/12/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24244

TJ NÎMES (Jcp), 13 mai 2025 : RG n° 25/00206 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L’article R.632-1 du code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». Selon l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement. Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur. La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.

Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 13 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 25/00206 - N° Portalis DBX2-W-B7I-K3W7.

 

DEMANDERESSE :

Société COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION

RCS LILLE METROPOLE N° XXX. [adresse], représentée par Maître Gilles BERTRAND de ELEOM AVOCATS, MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER substitué à l'audience par Maître Mireille BRUN, avocat au barreau de NIMES

 

DÉFENDEUR :

M. X.

né le [date] à [ville], [adresse], non comparant, ni représenté

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Laurence ALBERT, Vice-présidente exerçant les fonctions de juge des contentieux de la protection, en présence de Kévin CHAUSSON, auditeur de justice, lors des débats,

Greffier : Stéphanie RODRIGUEZ, lors des débats et de la mise à disposition au greffe, en présence de H. L., greffier stagiaire, lors des débats.

DÉBATS :

Date de la première évocation : 18 mars 2025

Date des Débats : 18 mars 2025

Date du Délibéré : 13 mai 2025

DÉCISION : réputée contradictoire conformément à l'article 473 du code de procédure civile, en premier ressort, rendue publiquement par mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, le 13 mai 2025 en vertu de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 4 octobre 2022, la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS a consenti à M. X. un prêt affecté à l’acquisition d’un véhicule de marque JAGUAR modèle XF SPORTBRAKE, immatriculé YYY, d’un montant de 12.478,56 euros et moyennant un taux contractuel de 4,38 %.

Le véhicule a été livré le 11 avril 2023.

A la suite d’impayés, une mise en demeure lui a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception d’avoir à payer, sous huit jours, la somme de 858,44 euros, reçue le 10 avril 2024.

La déchéance du terme lui a été notifiée le 29 avril 2024 par lettre recommandée avec accusé de réception, non réclamée.

Par acte du 17 décembre 2024, la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS a cité M. X. à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes.

Elle sollicite, à titre principal, sa condamnation à payer :

- la somme de 12.572,96 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 4,3 % à compter du 29 avril 2024, date de résiliation du contrat,

- la somme de 846,42 euros sur le fondement de la clause pénale.

La SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS sollicite que soit ordonnée la restitution du véhicule de marque JAGUAR modèle XF SPORTBRAKE, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir.

En tout état de cause elle demande que M. X. soit condamné au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l’audience du 18 mars 2025, le juge soulève d’office le caractère abusif de la clause de réserve de propriété stipulée au contrat.

La SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS comparaît, représentée par son avocat, et maintient ses demandes introductives d’instance.

M. X., régulièrement cité, ne comparaît pas.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Selon l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur numérotation et rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et au jour du contrat.

 

Sur la recevabilité des demandes :

Par application des dispositions de l’article 125 du code de procédure civile la forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge ; et, est considérée comme étant une action d’ordre public selon les dispositions de l’article L.314-24 du code de la consommation.

En l’espèce, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est daté du 10 janvier 2024. La présente action a été engagée le 17 décembre 2024, avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, conformément aux dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation.

En conséquence, la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS sera jugée recevable en ses demandes.

 

Sur la demande en paiement :

Aux termes des dispositions de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; et, réciproquement, celui qui s’en prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS produit au soutien de sa demande en paiement l’historique du compte et le décompte des sommes dues après le prononcé de la déchéance du terme, dont il ressort que M. X. est débiteur de la somme de 11.927,95 euros se décomposant comme suit :

- 10.580,22 euros au titre du capital restant dû,

- 1.054 euros au titre des échéances impayées,

- 293,73 euros au titre des intérêts de retards arrêtés au 13 novembre 2024.

M. X. ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de sa libération.

En conséquence, M. X. sera condamné à payer à la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS la somme de 11.927,95 euros, portant intérêts au taux contractuel de 4,38% sur la somme de 10.580,22 euros à compter du 17 décembre 2024 et jusqu’à complet paiement.

 

Sur la demande de restitution du véhicule :

L’article R.632-1 du code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

Selon l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».

Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement.

Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur.

La clause insérée au contrat, est donc une clause de “laisser croire” qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.

Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.

La demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse sera donc rejetée.

 

Sur la capitalisation des intérêts :

Selon l’article L. 312-38 du code de la consommation, aucune indemnité ni aucun frais autre que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles. Toutefois, le prêteur peut réclamer à l’emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement des frais taxables qui lui ont été occasionnés par cette défaillance, à l’exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement.

Cette règle d’ordre public fait obstacle en matière de crédit à la consommation à l’application de la capitalisation des intérêts prévue par l’article 1343-2 du code civil.

La demande de la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS sera en conséquence rejetée.

 

Sur la clause pénale :

Aux termes de l'article 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine si celle-ci est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce, il y a lieu de dire que cette indemnité fixée à la somme de 846,42 euros est manifestement disproportionnée au regard du préjudice réellement subi par la demanderesse et par ailleurs non justifié aux débats.

La clause pénale sera ainsi réduite à néant.

 

Sur les autres demandes accessoires :

Succombant à l’instance M. X. sera condamné aux dépens de l’instance.

Ni l’équité, ni la situation respective des parties ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte que la demande formée de ce chef sera donc rejetée.

En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou le juge n’en dispose autrement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025 par jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort,

JUGE recevables les demandes de la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS,

CONDAMNE M. X. à payer à la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS la somme de 11 927,95 euros portant intérêts au taux contractuel à hauteur de 4,38% sur la somme de 10 580,22 euros à compter du 17 décembre 2024 et jusqu’à complet paiement,

DEBOUTE la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS de sa demande en restitution du véhicule en application de la clause contractuelle de réserve de propriété réputée non-écrite,

DEBOUTE la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale,

DEBOUTE la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS de sa demande en capitalisation des intérêts,

CONDAMNE M. X. aux dépens de l’instance.

CONDAMNE M. X. à payer à la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

La greffière,                                      La Présidente,