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TJ MULHOUSE (1re ch. civ.), 21 août 2025

Nature : Décision
Titre : TJ MULHOUSE (1re ch. civ.), 21 août 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Mulhouse
Demande : 23/00608
Date : 21/08/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24279

TJ MULHOUSE (1re ch. civ.), 21 août 2025 : RG n° 23/00608 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir.

En l’espèce, le [...] ne conteste pas la qualité d’emprunteur des époux X. Dès lors, force est de constater que ceux-ci disposent bien de la qualité à agir aux fins de voir réputer non écrites les clauses litigieuses et, le cas échéant, d’agir en restitution des sommes versées sur le fondement des contrats s’ils ne pouvaient subsister sans les clauses litigieuses. La qualité de consommateur des époux X. est une question de fond, qui ne relève que de l’appréciation du tribunal et qui conditionne, non la recevabilité de leurs demandes, mais leur bien fondé.

Au surplus, si le [...] apporte la preuve de l’exercice d’une activité de M. X. dans le domaine immobilier et dans le domaine médical, force est de constater qu’il n’apporte aucun élément susceptible d’établir que les prêts litigieux ont été souscrit dans le cadre de l’exercice de ces activités. Par ailleurs, le [...] n’établit, ni même n’allègue de l’existence d’une activité professionnelle exercée par Mme X., co-emprunteur, en lien avec la souscription des prêts. En outre, force est de constater que le [...] se borne à affirmer que les clauses concernant le montant, le coût du crédit, son remboursement, les garanties et la clause de devise ont fait l’objet d’une négociation, sans apporter aucun élément au soutien de cette affirmation, laquelle ne peut se déduire de la seule intervention d’un conseiller en gestion de patrimoine, dont il n’est pas davantage justifié qu’il ait participé aux négociations, ou d’un notaire chargé d’instrumenter les actes authentiques, étant rappelé que l’existence d’une négociation individuelle doit s’apprécier clause par clause et que le fait que certains éléments d'une clause ou qu'une clause isolée aient fait l'objet d'une négociation individuelle n'exclut pas l'application de la législation sur les clauses abusives au reste d'un contrat si l'appréciation globale permet de conclure qu'il s'agit malgré tout d'un contrat d'adhésion.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des époux X. sur le fondement de la législation contre les clauses abusives soulevée par le [...] sera rejetée. »

2/ « Il est constant que, par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription. En vertu de cette jurisprudence, la cour de cassation a jugé que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil (Cass, 1re civ., 30 mars 2022, n° 19-12.947 et n° 19-22.074) et de l’article L. 110-4 du code de commerce (1ère chambre civile, 7 décembre 2022, n° 21-18.673).

 Il est également constant que tant la Cour européenne des droits de l’homme que la Cour de Cassation considèrent que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante de sorte que la jurisprudence, qui s’applique à des situations passées, est, par principe, rétroactive (Cass, 1re civ., 20 mars 2000, n° 98-11.982 ; CEDH, 18 décembre 2008, Unédic c. France). Par exception, l’application rétroactive de la jurisprudence peut être écartée lorsqu’il en résulte une privation du droit d’accès au juge (Cass. ass. plén., 21 déc. 2006) ou une atteinte disproportionnée aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime (Cass. 1re civ., 21 sept. 2022, n° 21-50.042).

Sous cette réserve, les règles ainsi interprétées doivent être appliquées par le juge à tous les rapports juridiques nés et constitués postérieurement à cette entrée en vigueur, quand bien même ils l'ont été antérieurement à cette jurisprudence et seule la CJUE peut décider des limitations dans le temps à apporter à l’interprétation du droit de l’Union (CJUE, 21 décembre 2016, C-154/15, C-307-15 et C-308-12).

Il en résulte que l’action en constatation des clauses abusives engagée par les époux X. n’est soumise à aucun délai de prescription.

Le [...] soutient, en vain, que l’imprescriptibilité de l’action déclaratoire est contraire au principe de sécurité juridique, puisque la prohibition des clauses abusives résulte de la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993 applicable à tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 1995 et transposée en droit interne par la loi du 1er février 1995, et que la jurisprudence tant européenne que nationale n'a fait qu'interpréter les règles européennes et nationales relatives aux clauses abusives, dont elle a éclairé et précisé la signification et la portée, telles qu'elles auraient dû être comprises depuis leur entrée en vigueur. En outre, cette jurisprudence ne présente pas d'inconvénients manifestement disproportionnés, dès lors qu'elle ne prive pas la banque de son accès au juge et de son droit à un procès équitable, et qu'elle est sans conséquence sur son droit de propriété mais la prive seulement d'une partie de sa rémunération. Par ailleurs, sans porter d’appréciation sur le bien-fondé de l’appel en garantie des notaires et de l’assureur, il est sans emport que la rétroactivité de la jurisprudence sur l’imprescriptibilité de l’action en déclaration de clauses abusives ne s’étende pas aux conditions d’engagement de la responsabilité du notaire, laquelle s’apprécie au regard du droit applicable au jour de son intervention, puisque la législation portant sur les clauses abusives s’inscrit dans le cadre d’un débat portant sur la responsabilité contractuelle de la banque avec un client consommateur alors que l’appel en garantie formé à l’encontre du notaire ne peut reposer que sur un fondement délictuel.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action déclaratoire soulevée par le [...] sera rejetée. »

3/ « S'agissant de l'opposition d'un délai de prescription à une demande introduite par un consommateur, aux fins de la restitution de sommes indûment versées sur le fondement de clauses abusives au sens de la directive 93/13, elle a rappelé avoir dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de cette directive ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l'action tendant à constater la nullité d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l'action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, sous réserve du respect des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C-698/18 et C-699/18 ; CJUE, 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19). Ainsi, l'opposition d'un tel délai n'est pas en soi contraire au principe d'effectivité, pour autant que son application ne rende pas en pratique impossible, ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par cette directive. En conséquence, un délai de prescription est compatible avec le principe d'effectivité uniquement si le consommateur a eu la possibilité de connaître ses droits avant que ce délai ne commence à courir ou ne s'écoule.

Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérifier, qu'à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.

L'arrêt du 12 juillet 2023 invoqué par la banque, précise que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.

Par deux arrêts rendus le 25 avril 2024, la CJUE a confirmé que le point de départ de la prescription de l’action en restitution ne peut être placé ni au jour de la conclusion du contrat, ni au moment du paiement des sommes litigieuses, le point de départ pertinent de la prescription ne pouvant être que la date à laquelle la décision qui juge abusive la clause acquiert son caractère définitif, puisque c’est à ce moment que l’information du consommateur, placé dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, est suffisamment mûre pour qu’un délai de prescription commence à courir s’agissant de l’action en restitution, étant rappelé que cette directive ne s’oppose pas à ce que le professionnel ait la faculté de prouver que ledit consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de ce fait avant que n’intervienne un jugement constatant la nullité de ladite clause (CJUE 25 avr. 2024, aff. C-561/21 et C-484/21). »

4/ « En l’espèce, le [...] sollicite, au dispositif de ses écritures, le renvoi de la question préjudicielle suivante : “L’article 2, sous b), l’article 4, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 1 et l’article 7 paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que les principes d’effectivité et de sécurité juridique doivent ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une juridiction nationale ne puisse constater que le consommateur n’a eu connaissance du caractère abusif de la clause d’un contrat de prêt en devise étrangère qu’au jour où la décision qui juge abusive la clause a acquis son caractère définitif et non à un autre moment ?”

Toutefois, ainsi qu’il a été précédemment relevé, la CJUE a d’ores et déjà considéré que la Directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le professionnel ait la faculté de prouver que le consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de ce fait avant que n’intervienne un jugement constatant la nullité de ladite clause. Dès lors, le renvoi de la question préjudicielle posée par le [...] n’apparaît pas pertinent pour trancher le présent litige de sorte que la demande formée par le [...] sera rejetée. »

5/ « En l’espèce, aucune décision n’ayant statué sur le caractère abusif des clauses querellées, le délai de prescription de l’action restitutoire exercée par les époux X. n’a pas encore commencé à courir.

Contrairement à ce qui est soutenu par le [...], la jurisprudence de la Cour de cassation, qui ne fait qu'appliquer la jurisprudence antérieure de la cour de justice de l'Union européenne, n'implique pas que l'action en restitution serait désormais imprescriptible, puisqu'elle se contente d'exiger un délai de prescription compatible avec le principe d'effectivité et d'équivalence. En outre, le [...], qui conserve la possibilité de démontrer que le consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de ce fait avant que n’intervienne un jugement constatant la nullité de ladite clause, ne saurait faire valoir que cette jurisprudence est contraire à l’article 2224 du code civil. A cet égard, le [...] ne produit aucun élément susceptible d’établir que les époux X., dont le pouvoir de négociation et le niveau d’information ne sont pas établis, ont pu avoir connaissance du caractère abusif des clauses dénoncés, laquelle ne peut être déduite ni de la hausse du cours du franc suisse, ni de la délivrance des informations sur l’évolution du taux de change et ses conséquences sur le prêt, étant observé au demeurant que lesdits courriers ne sont pas versés aux débats.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action restitutoire soulevée par le [...] sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT DU 21 AOÛT 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00608. N° Portalis DB2G-W-B7H-IL4R.

 

ORDONNANCE du 21 août 2025

Dans la procédure introduite par :

Monsieur X.

Madame Y. épouse X.

demeurant tous deux [Adresse 1], représentés par Maître Nathalie HAAS, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 87, Maître David DANA, avocat au barreau de PARIS, - partie demanderesse –

[N.B. l’anonymisation du nom des sociétés sur Judilibre est tout à fait anormale]

A l’encontre de :

La [...]

dont le siège social est sis [Adresse 4], représentée par Maître Olivia ZIMMERMANN de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS ZIMMERMANN & ASSOCIES, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 27, Maître Serge PAULUS, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 44 - partie défenderesse

S.A. [...] prise en sa qualité d’assureur de responsabilité des Notaires

dont le siège social est sis [Adresse 3]

S.A. [...]

dont le siège social est sis [Adresse 3]

Monsieur A.

demeurant [Adresse 2]

Monsieur B.

demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître Mohamed MENDI de la SCP MENDI CAHN, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 49 - partie intervenante

 

CONCERNE : Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit 

Nous, Blandine DITSCH, Juge au Tribunal judiciaire de céans, Juge de la mise en état, assisté de Nathalie BOURGER, Greffier placé, avons rendu l’ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe ce jour :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Aux fins d’acquisition d’un appartement à [Localité 8], M. X. et Mme Y. époux X. (ci-après dénommés les époux X.) ont souscrit auprès de la [...] (ci-après dénommée le [...]) :

- un prêt immobilier suivant offre de prêt n° 738559-002-03 en date du 23 octobre 2002, acceptée le 6 novembre 2002 d’un montant de 141.000 francs suisses, soit la contrevaleur de 94.000 euros, à taux variable indexé sur l’indice Libor 3 mois, remboursable en une seule échéance le 30 novembre 2017, prorogée au 30 novembre 2024 par avenant du 22 décembre 2016,

- un prêt immobilier amortissable suivant offre de prêt n° 738559-001-02 en date du 23 octobre 2002, acceptée le 6 novembre 2002, d’un montant de 100.000 francs suisses, soit la contrevaleur de 66 667 euros, à taux variable indexé sur l’indice Libor 3 mois, remboursable sur une durée de quinze ans.

Les contrats de prêt ont été réitérés par acte authentique reçu le 5 décembre 2002 par Maître B., notaire à [Localité 9].

Les époux X. ont adhéré au contrat collectif d’assurance-vie, libellé en euros, la valeur de rachat de ce contrat devant permettre le remboursement du capital de 141.000 francs suisses à l’échéance finale.

* * *

Aux fins d’acquisition d’un appartement à [Localité 10], les époux X. ont souscrit auprès du [...] :

- un prêt immobilier offre de prêt n° 738559-004-04 en date du 20 novembre 2003, acceptée le 2 décembre 2003 d’un montant de 136.000 francs suisses, soit la contrevaleur de 85 048 euros, à taux variable indexé sur l’indice Libor 3 mois, remboursable en une seule échéance le 30 novembre 2018, prorogée au 30 novembre 2024 par avenant du 22 décembre 2016,

- un prêt immobilier suivant offre de prêt n° 738559-005-05 en date du 20 novembre 2003, acceptée le 2 décembre 2003, d’un montant de 191.000 francs suisses, soit la contrevaleur de 119 375 euros, à taux variable indexé sur l’indice Libor 3 mois, remboursable, in fine, en une seule échéance le 30 novembre 2018, prorogée au 30 novembre 2024 par avenant du 22 décembre 2016.

Les contrats de prêt ont été réitérés par acte authentique reçu le 17 décembre 2003 par Maître A., notaire à [Localité 6].

Les époux X. ont adhéré au contrat collectif d’assurance-vie, libellé en euros, la valeur de rachat de ce contrat devant permettre le remboursement du capital de 136.000 francs suisses et du capital de 191.000 francs suisses des prêts souscrits le 2 décembre 2003 à l’échéance finale.

* * *

Les époux X. ont remboursé la totalité du prêt amortissable n° 738859-002-03 le 31 octobre 2019.

Par exploit de commissaire de justice en date du 19 septembre 2023, les époux X. ont fait assigner la [...] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins, notamment, de la voir condamnée à leur rembourser la contre-valeur du capital emprunté au titre des quatre prêts et à leur restituer les amortissements, intérêts, cotisations, commissions perçues et primes d’assurance emprunteur au titre des prêts, sur le fondement du caractère abusif des clauses 5-3 “Remboursement du crédit” et 11-5 relative au changement de parité des contrats de prêt.

Par exploit de commissaire de justice en date des 12, 13 et 16 septembre 2024, le [...] a attrait M. B. et M. A., notaires, ainsi que la société [...] et la Sa [...], en leur qualité d’assureur responsabilité des notaires, devant la présente juridiction aux fins de les voir condamnés à l’indemniser des conséquences financières résultant de la nullité du prêt ou du réputé non écrit de la clause relative au risque de change et de manière générale à le relever et le garantir de toute condamnation sur le fondement de la responsabilité délictuelle du notaire (RG n° 24/00540).

Les deux instances ont été jointes par mention au dossier par le juge de la mise en état le 14 novembre 2024.

Par conclusions distinctes notifiées par voie électronique le 3 avril 2024, le [...] a saisi le juge de la mise en état d’un incident de procédure.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2025, le [...] sollicite du juge de la mise en état de :

A titre principal,

- constater l’absence de demande en nullité,

- déclarer les demandes des époux X. fondées sur les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives irrecevables,

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevable pour cause de prescription l’action visant à déclarer abusives certaines clauses du contrat,

- déclarer irrecevable l’éventuelle action qui serait formée par les époux X. visant à fait valoir les effets restitutifs de la constatation du caractère abusif de certaines clauses du contrat en ce qu’elle est prescrite,

Sur la recevabilité de l’intervention forcée du notaire et de son assureur,

- déclarer régulière, recevable et bien fondé l’appel en intervention forcé dirigé à l’encontre de Maître A., M. B. et les sociétés [...] et [...],

- déclarer qu’elle dispose bien d’un intérêt à agir à leur encontre,

- déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à leur encontre,

- rappeler que la jonction de la procédure en intervention forcée à la procédure principale RG n° 23/00608 relève d’une bonne administration de la justice,

En tout état de cause,

- soumettre à la Cour de Justice de l’Union Européenne en vue de l’interprétation des traités européens les questions préjudicielles suivantes :

« L’article 2, sous b), l’article 4, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 1 et l’article 7 paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que les principes d’effectivité et de sécurité juridique doivent -ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une juridiction nationale ne puisse constater que le consommateur n’a eu connaissance du caractère abusif de la clause d’un contrat de prêt en devise étrangère qu’au jour où la décision qui juge abusive la clause a acquis son caractère définitif et non à un autre moment ? »

- ordonner le sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de Justice de l’Union Européenne se soit prononcée sur les questions préjudicielles,

- condamner les époux X. à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux X. aux entiers frais et dépens de la procédure.

Au soutien de ses demandes, le [...], expose, au visa des articles 2222 et 2224 du code civil, des articles 789 et 122 du code de procédure civile, de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 1er du Protocole additionnel, de la Directive 93/13 et de l’article L110-4 du code de commerce, en substance :

- que les époux X. ont confirmé ne former aucune demande au titre de la validité des actes de prêt,

- que, s’agissant de la prescription des actions relatives aux clauses abusives, la Directive 93-13 et l’article L.212-1 du code de la consommation ne sont pas applicables puisque les époux X. n’ont pas la qualité de consommateur, ceux-ci exerçant une activité professionnelle de location immobilière, et que les contrats ont fait l’objet d’une négociation individuelle, la société MGA Finance étant intervenue au soutien de leurs intérêts et un notaire étant également intervenu, de sorte que seul l’article 2224 du code civil doit recevoir application et que l’action des époux X., exercée plus de cinq après la conclusion des contrats de prêt litigieux, est prescrite,

- que, subsidiairement, ce n’est qu’en 2019 que la Cour de cassation a décidé que la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil ne devait pas s’appliquer à l’action tendant à voir réputée non écrite une clause abusive, alors que cette imprescriptibilité est contraire au principe de sécurité juridique, qui constitue une limite au principe d’effectivité du droit de l’Union Européenne et doit conduire les juridictions à écarter la norme inférieure et à moduler le principe de non-rétroactivité de la jurisprudence, et au droit à un procès équitable, compte tenu du déséquilibre entre les intérêts en présence en vertu, notamment, de l’ancienneté des contrats,

- que la fixation du point de départ de la prescription quinquennale de l’action en restitution à la date de la décision constatant le caractère abusif de la clause est erronée, la Cour de cassation ayant transposé une décision concernant la Roumanie en contradiction avec l’article 2224 du code civil et avec la jurisprudence de la CJUE, de sorte que le point de départ de cette action doit être fixé à la date à laquelle l’emprunteur a pu avoir connaissance du risque de change et donc du caractère éventuellement abusif des clauses litigieuses, soit en l’espèce en 2009, ce qui a été confirmé par la jurisprudence récente de la CJUE qui estime que la Directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le professionnel puisse prouver que le consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de ce fait avant que n’intervienne un jugement constatant la nullité de ladite clause,

- qu’il convient donc de renvoyer la question préjudicielle à la CJUE,

- qu’au cas d’espèce, les époux X. étaient en mesure d’apprécier le caractère abusif des clauses contractuelles à la date de souscription des contrats, à titre subsidiaire en 2009, lorsque la hausse du franc suisse a été suffisamment importante pour avoir un impact sur les échéances du prêt, ou en 2011 lorsque la Banque Nationale Suisse a fixé un cours plafond pour protéger l’économie suisse des effets du franc fort et enfin, en 2014, lorsque le [...] a commencé à envoyer une information régulière sur l’évolution du taux de change et ses conséquences sur le prêt,

- que la demande de restitution des primes d’assurances qui n’ont pas été perçues par le [...] est irrecevable,

- que, s’agissant de la recevabilité de l’intervention forcée des notaires et de leurs assureurs, elle dispose bien d’un intérêt à agir actuel à leur encontre, en leur qualité de notaires rédacteurs des actes susceptibles d’avoir failli à leur obligation d’information, qui dépend de l’action des époux X., étant relevé que les dispositions de l’article 555 du code de procédure civile invoquées par les défendeurs ne sont pas applicables en première instance,

- que, s’agissant de la demande de disjonction, le notaire doit être appelé à la cause pour défendre la validité de son acte puisqu’il n’est pas contestable qu’en admettant l’application rétroactive de la jurisprudence relative aux clauses abusives, et en assimilant l’absence de caractère clair et compréhensible de la clause de change au déséquilibre significatif, le notaire qui a reçu l’acte notarié de prêt peut être responsable de sorte qu’il est d’une bonne administration de la justice de juger les affaires ensemble.

[*]

Par conclusions notifiées par Rpva le 11 juin 2024, les époux X. sollicitent du juge de la mise en état de :

- déclarer irrecevable l’intervention forcée de Me B. et de la société [...],

- rejeter la fin de non-recevoir du [...] tirée du défaut de qualité à agir,

- juger irrecevable la fin de non-recevoir de l’action en nullité soulevée par le [...] pour défaut d’intérêt à agir et d’objet,

- débouter le [...] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et prétentions,

- condamner le [...] à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions, les époux X. font valoir, pour l’essentiel :

- qu’en vertu de l’article 555 du code de procédure civile, la demande d’intervention forcée du notaire et de son assureur doit être rejetée en l’absence d’évolution du litige, étant observé que l’arrêt rendu le 12 juillet 2023 par la Cour de cassation n’étant pas un élément nouveau puisque l’assignation a été délivrée postérieurement à cette décision,

- que, s’agissant de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, la question de l’application des dispositions du code de la consommation ou de l’article 1171 du code civil relève du juge du fond, étant précisé qu’ils ont qualité à agir par leur seule qualité d’emprunteur, et qu’en tout état de cause, la souscription de quatre emprunts afin de financer des investissements locatifs ne caractérise pas l’exercice d’une activité professionnelle de loueur,

- que la fin de non-recevoir de l’action en nullité doit être déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir et d’objet, aucune demande n’étant formée en ce sens,

- que l’action en constatation des clauses abusives est imprescriptible, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de justice de l’Union Européenne,

- qu’en vertu de la jurisprudence de la CJUE, l’action en restitution peut être soumise à un délai de prescription à la condition que soient respectés les principes d’équivalence, étant observé qu’en droit interne le délai de prescription des actions en restitution consécutives à l’annulation d’un contrat ou d’un testament ne court qu’à compter de cette annulation, et d’effectivité, c’est-à-dire si le consommateur a pu connaître ses droits avant que le délai ne commence à courir ou ne s’écoule entièrement, et que son application ne rende pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par cette directive, retenant que le point de départ du délai de prescription ne peut pas être situé avant que la nullité de la clause ait été constatée, le professionnel pouvant prouver que le consommateur a eu connaissance du caractère abusif de la clause avant le jugement le constatant,

- qu’en tout état de cause, le [...] ne rapporte pas la preuve de ce qu’ils avaient le niveau de connaissance juridique suffisant pour retenir que les clauses incriminées étaient abusives, au regard des circonstances spécifiques à la conclusion des contrats et notamment des informations particulières fournies par elle, selon les critères d’exigence de transparence établis par la CJUE et la Cour de cassation et qu’elles créaient un déséquilibre significatif, le caractère abusif ne pouvant être déduit du seul constat de l’augmentation de la valeur en euros du capital restant dû,

- que le [...] ne saurait arguer de la situation d’incertitude juridique quant à la date du point de départ du délai de prescription, la CJUE ayant rappelé qu’en insérant une clause abusive dans un contrat conclu avec un consommateur, le professionnel crée lui-même une situation que la Directive 93/13 interdit,

- qu’il ne saurait davantage solliciter d’écarter la jurisprudence de la Cour de cassation au motif qu’elle affecterait la situation des parties ayant agi de bonne foi puisque la clause de remboursement en devise est une clause de paiement en monnaie étrangère illicite,

- que le [...] se prévaut à tort d’une atteinte à la sécurité juridique puisque la prohibition des clauses abusives résulte de la Directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993, applicable à tous les contrats conclus depuis le 1er janvier 1995 et transposée en droit interne par la loi du 1er février 1995 que la jurisprudence n’a fait qu’interpréter, seule la CJUE pouvant moduler les effets dans le temps à apporter à une telle interprétation,

- que la demande de restitution des sommes versées au titre du contrat d’assurance emprunteur relève de la compétence du juge du fond de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par le [...] à cet égard est irrecevable,

- que l’incident étant abusif et dilatoire.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par Rpva le 21 mai 2025, M. A., M. B., la société [...] Sa, la société [...] sollicitent du juge de la mise en état de :

- déclarer irrecevable leur mise en cause pour défaut d’intérêt à agir,

- condamner le [...] à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner le [...] aux dépens,

Subsidiairement,

- ordonner la disjonction engagée par les époux X. contre le [...] et de la procédure engagée par le [...] à leur encontre.

Au soutien de leurs prétentions, Maître A., M. B., la société [...] Sa et la société [...] exposent, au visa des articles 331 et suivants, 368, 555 et 789 du code de procédure civile, principalement :

- que l’évolution du litige ne saurait être constituée par des éléments déjà connus, l’action restitutoire des époux X. étant fondée sur une jurisprudence antérieure à leur mise en cause,

- que le [...] ne dispose que d’un intérêt éventuel à agir à leur encontre, puisqu’il se fonde sur un risque de l’application rétroactive de la jurisprudence relative aux clauses abusives, alors qu’en tout état de cause, la Cour d’appel de Colmar a rappelé que la mise en cause des notaires est irrecevable, puisqu’elle revient à ignorer la jurisprudence classique selon laquelle les juges doivent se placer à la date de leur intervention pour apprécier leurs éventuels manquements,

- que, subsidiairement, s’il existe un lien factuel entre les instances, la mise en cause des notaires repose sur une transposition de la jurisprudence communautaire aux règles de responsabilité du notaire totalement inopérante, de sorte qu’il convient de disjoindre les instances.

[*]

A l’audience des plaidoiries en date du 3 juillet 2025, les avocats des parties s’en sont rapportés à leurs écritures.

La décision a été mise en délibéré au 21 août 2025, les parties avisées.

Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal “constater” ou “juger” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 31 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

En outre, le [...] sollicite du juge de la mise en état qu’il constate l’absence de demande en nullité, ce qui ne constitue pas davantage une prétention.

 

I - Sur la recevabilité de l’intervention forcée de Maître A., M. B. et des sociétés [...] et Sa [...] :

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir.

En vertu de l’article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il est constant que l’intérêt à agir se définit sommairement comme le titre en vertu duquel le requérant saisit la juridiction en cause. L’existence de cet intérêt, qui n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action, est appréciée souverainement par les tribunaux.

En application de l’article 555 du code de procédure civile, les personnes qui y ont intérêt et n’ont ni été parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Ces dispositions, applicables à l’intervention forcée à hauteur d’appel, ne sont pas applicables en première instance de sorte que les époux X., Maître A., M. B. et les sociétés [...] et [...] Sa ne sont pas fondés à les invoquer devant la présente juridiction.

En outre, le [...], partie aux contrats de prêt instrumentés par les notaires, dispose bien d’un intérêt actuel à agir à leur encontre, ces derniers ne contestant ni avoir instrumenté les actes litigieux, ni leur qualité d’assureurs de M. B., étant rappelé qu’il ne s’agit pas, à ce stade, de porter d’appréciation sur le bien fondé des demandes.

Par conséquent, les fins de non-recevoir soulevées par les époux X., Maître A., M. B., la Sa [...] et la société [...] relative à l’intervention forcée de Maître A., M. B. et des sociétés [...] et Sa [...] seront rejetées.

 

II - Sur la demande de disjonction formée par Maître A., M. B., la Sa [...] et la société [...] :

Aux termes de l’article 367 du code de procédure civile, « Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que Maître A. et M. B. ont instrumenté les actes de prêt litigieux.

Dès lors, et sans porter d’appréciation sur le bien-fondé de l’appel en garantie formé par le [...], il n’apparaît pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de disjoindre les instances, étant observé qu’il n’est pas établi que cette jonction retarde l’issue de la procédure principale.

Par conséquent, la demande de disjonction formée par Maître A., M. B., la Sa [...] et la société [...] sera rejetée.

 

III - Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir s’agissant de l’action en nullité du prêt :

En vertu de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

En l’espèce, les époux X. soulèvent l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt et d’objet de la fin de non-recevoir soulevée par le [...] à l’égard de l’action en nullité du prêt, faisant valoir qu’ils ne forment pas une telle demande.

A cet égard, le [...], observant que cette prétention n’était pas formée, a sollicité qu’il soit constaté l’absence d’une telle demande, ce qui ne constitue pas une prétention, ainsi qu’il a été rappelé à titre liminaire.

Dès lors, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les époux X., qui n’a pas d’objet.

Par conséquent, la fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt à agir et d’objet soulevée par les époux X. sera rejetée.

 

IV - Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des époux X. soulevée par le [...] :

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir.

En l’espèce, le [...] ne conteste pas la qualité d’emprunteur des époux X.

Dès lors, force est de constater que ceux-ci disposent bien de la qualité à agir aux fins de voir réputer non écrites les clauses litigieuses et, le cas échéant, d’agir en restitution des sommes versées sur le fondement des contrats s’ils ne pouvaient subsister sans les clauses litigieuses.

La qualité de consommateur des époux X. est une question de fond, qui ne relève que de l’appréciation du tribunal et qui conditionne, non la recevabilité de leurs demandes, mais leur bien fondé.

Au surplus, si le [...] apporte la preuve de l’exercice d’une activité de M. X. dans le domaine immobilier et dans le domaine médical, force est de constater qu’il n’apporte aucun élément susceptible d’établir que les prêts litigieux ont été souscrit dans le cadre de l’exercice de ces activités.

Par ailleurs, le [...] n’établit, ni même n’allègue de l’existence d’une activité professionnelle exercée par Mme X., co-emprunteur, en lien avec la souscription des prêts.

En outre, force est de constater que le [...] se borne à affirmer que les clauses concernant le montant, le coût du crédit, son remboursement, les garanties et la clause de devise ont fait l’objet d’une négociation, sans apporter aucun élément au soutien de cette affirmation, laquelle ne peut se déduire de la seule intervention d’un conseiller en gestion de patrimoine, dont il n’est pas davantage justifié qu’il ait participé aux négociations, ou d’un notaire chargé d’instrumenter les actes authentiques, étant rappelé que l’existence d’une négociation individuelle doit s’apprécier clause par clause et que le fait que certains éléments d'une clause ou qu'une clause isolée aient fait l'objet d'une négociation individuelle n'exclut pas l'application de la législation sur les clauses abusives au reste d'un contrat si l'appréciation globale permet de conclure qu'il s'agit malgré tout d'un contrat d'adhésion.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des époux X. sur le fondement de la législation contre les clauses abusives soulevée par le [...] sera rejetée.

 

V - Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en déclaration des clauses abusives soulevée par le [...] :

Il est constant que, par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

En vertu de cette jurisprudence, la cour de cassation a jugé que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil (Cass, 1re civ., 30 mars 2022, n° 19-12.947 et n° 19-22.074) et de l’article L. 110-4 du code de commerce (1ère chambre civile, 7 décembre 2022, n° 21-18.673).

Il est également constant que tant la Cour européenne des droits de l’homme que la Cour de Cassation considèrent que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante de sorte que la jurisprudence, qui s’applique à des situations passées, est, par principe, rétroactive (Cass, 1re civ., 20 mars 2000, n° 98-11.982 ; CEDH, 18 décembre 2008, Unédic c. France).

Par exception, l’application rétroactive de la jurisprudence peut être écartée lorsqu’il en résulte une privation du droit d’accès au juge (Cass. ass. plén., 21 déc. 2006) ou une atteinte disproportionnée aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime (Cass. 1re civ., 21 sept. 2022, n° 21-50.042).

Sous cette réserve, les règles ainsi interprétées doivent être appliquées par le juge à tous les rapports juridiques nés et constitués postérieurement à cette entrée en vigueur, quand bien même ils l'ont été antérieurement à cette jurisprudence et seule la CJUE peut décider des limitations dans le temps à apporter à l’interprétation du droit de l’Union (CJUE, 21 décembre 2016, C-154/15, C-307-15 et C-308-12).

Il en résulte que l’action en constatation des clauses abusives engagée par les époux X. n’est soumise à aucun délai de prescription.

Le [...] soutient, en vain, que l’imprescriptibilité de l’action déclaratoire est contraire au principe de sécurité juridique, puisque la prohibition des clauses abusives résulte de la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993 applicable à tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 1995 et transposée en droit interne par la loi du 1er février 1995, et que la jurisprudence tant européenne que nationale n'a fait qu'interpréter les règles européennes et nationales relatives aux clauses abusives, dont elle a éclairé et précisé la signification et la portée, telles qu'elles auraient dû être comprises depuis leur entrée en vigueur.

En outre, cette jurisprudence ne présente pas d'inconvénients manifestement disproportionnés, dès lors qu'elle ne prive pas la banque de son accès au juge et de son droit à un procès équitable, et qu'elle est sans conséquence sur son droit de propriété mais la prive seulement d'une partie de sa rémunération.

Par ailleurs, sans porter d’appréciation sur le bien-fondé de l’appel en garantie des notaires et de l’assureur, il est sans emport que la rétroactivité de la jurisprudence sur l’imprescriptibilité de l’action en déclaration de clauses abusives ne s’étende pas aux conditions d’engagement de la responsabilité du notaire, laquelle s’apprécie au regard du droit applicable au jour de son intervention, puisque la législation portant sur les clauses abusives s’inscrit dans le cadre d’un débat portant sur la responsabilité contractuelle de la banque avec un client consommateur alors que l’appel en garantie formé à l’encontre du notaire ne peut reposer que sur un fondement délictuel.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action déclaratoire soulevée par le [...] sera rejetée.

 

VI - Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en restitution fondée sur les clauses abusives soulevée par le [...] :

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer.

Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 et C-609/19), la CJUE a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive. Elle a relevé que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive 93/13 ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité).

S'agissant de l'opposition d'un délai de prescription à une demande introduite par un consommateur, aux fins de la restitution de sommes indûment versées sur le fondement de clauses abusives au sens de la directive 93/13, elle a rappelé avoir dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de cette directive ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l'action tendant à constater la nullité d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l'action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, sous réserve du respect des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C-698/18 et C-699/18 ; CJUE, 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19).

Ainsi, l'opposition d'un tel délai n'est pas en soi contraire au principe d'effectivité, pour autant que son application ne rende pas en pratique impossible, ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés par cette directive. En conséquence, un délai de prescription est compatible avec le principe d'effectivité uniquement si le consommateur a eu la possibilité de connaître ses droits avant que ce délai ne commence à courir ou ne s'écoule.

Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérifier, qu'à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.

L'arrêt du 12 juillet 2023 invoqué par la banque, précise que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.

Par deux arrêts rendus le 25 avril 2024, la CJUE a confirmé que le point de départ de la prescription de l’action en restitution ne peut être placé ni au jour de la conclusion du contrat, ni au moment du paiement des sommes litigieuses, le point de départ pertinent de la prescription ne pouvant être que la date à laquelle la décision qui juge abusive la clause acquiert son caractère définitif, puisque c’est à ce moment que l’information du consommateur, placé dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, est suffisamment mûre pour qu’un délai de prescription commence à courir s’agissant de l’action en restitution, étant rappelé que cette directive ne s’oppose pas à ce que le professionnel ait la faculté de prouver que ledit consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de ce fait avant que n’intervienne un jugement constatant la nullité de ladite clause (CJUE 25 avr. 2024, aff. C-561/21 et C-484/21).

 

Sur la demande de question préjudicielle formée par le [...] :

Aux termes de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l'interprétation des traités,

b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

En l’espèce, le [...] sollicite, au dispositif de ses écritures, le renvoi de la question préjudicielle suivante : “L’article 2, sous b), l’article 4, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 1 et l’article 7 paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que les principes d’effectivité et de sécurité juridique doivent ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une juridiction nationale ne puisse constater que le consommateur n’a eu connaissance du caractère abusif de la clause d’un contrat de prêt en devise étrangère qu’au jour où la décision qui juge abusive la clause a acquis son caractère définitif et non à un autre moment ?”

Toutefois, ainsi qu’il a été précédemment relevé, la CJUE a d’ores et déjà considéré que la Directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le professionnel ait la faculté de prouver que le consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de ce fait avant que n’intervienne un jugement constatant la nullité de ladite clause.

Dès lors, le renvoi de la question préjudicielle posée par le [...] n’apparaît pas pertinent pour trancher le présent litige de sorte que la demande formée par le [...] sera rejetée.

 

Sur le point de départ du délai de prescription :

En l’espèce, aucune décision n’ayant statué sur le caractère abusif des clauses querellées, le délai de prescription de l’action restitutoire exercée par les époux X. n’a pas encore commencé à courir.

Contrairement à ce qui est soutenu par le [...], la jurisprudence de la Cour de cassation, qui ne fait qu'appliquer la jurisprudence antérieure de la cour de justice de l'Union européenne, n'implique pas que l'action en restitution serait désormais imprescriptible, puisqu'elle se contente d'exiger un délai de prescription compatible avec le principe d'effectivité et d'équivalence.

En outre, le [...], qui conserve la possibilité de démontrer que le consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de ce fait avant que n’intervienne un jugement constatant la nullité de ladite clause, ne saurait faire valoir que cette jurisprudence est contraire à l’article 2224 du code civil.

A cet égard, le [...] ne produit aucun élément susceptible d’établir que les époux X., dont le pouvoir de négociation et le niveau d’information ne sont pas établis, ont pu avoir connaissance du caractère abusif des clauses dénoncés, laquelle ne peut être déduite ni de la hausse du cours du franc suisse, ni de la délivrance des informations sur l’évolution du taux de change et ses conséquences sur le prêt, étant observé au demeurant que lesdits courriers ne sont pas versés aux débats.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action restitutoire soulevée par le [...] sera rejetée.

 

VII - Sur les autres demandes :

Il est constaté que le [...] soutient, dans la partie discussion de ses dernières écritures, que la demande en restitution des primes d’assurance est irrecevable, sans pour autant former de prétention à ce titre au dispositif de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y répondre.

Compte tenu du rejet de la demande de renvoi d’une question préjudicielle formée par le [...], il y a lieu de rejeter la demande de sursis à statuer formée par cette dernière.

Aux termes de l'article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile.

En l’espèce, et étant rappelé que le juge a le pouvoir discrétionnaire d’effectuer la répartition des dépens en cas de succombance partielle, le [...] sera condamné aux dépens de l’incident.

Le [...] sera également condamné à verser aux époux X. une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes formées par le [...], Maître A., M. B. et les sociétés [...] et Sa [...] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.

Pour permettre la poursuite d'instruction de la procédure, il convient de donner avis à Me Zimmermann, conseil du [...], d’avoir à déposer ses conclusions signifiées sur le fond avant le 30 octobre 2025, date de renvoi de l’affaire à la mise en état électronique ; à défaut une injonction sera délivrée en application de l’article 763 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement, et par décision contradictoire susceptible d'appel dans les conditions de l'article 795 du code de procédure civile, mise à disposition au greffe,

REJETONS la demande de disjonction formée par Maître A., M. B., la société [...] et la Sa [...] ;

REJETONS les fins de non-recevoir soulevées par M. X. et Mme Y. épouse X. ;

REJETONS la fin de non-recevoir soulevée par Maître A., M. B., la société [...] et la Sa [...] ;

REJETONS les fins de non-recevoir soulevées par la [...] ;

REJETONS la demande de renvoi d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne formée par la [...] ;

REJETONS la demande de sursis à statuer formée par la [...] ;

CONDAMNONS la [...] à verser à M. X. et Mme Y. épouse X. une somme de 1.000,00 € (MILLE EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETONS les demandes formées par la [...], Maître A., M. B., la Sa [...] et la société [...] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la [...] aux dépens de l’incident ;

RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état électronique en date du 30 octobre 2025 ;

DISONS que Me Olivia Zimmermann, conseil de la [...], devra conclure avant la date de ladite audience ;

ORDONNONS l’exécution provisoire de la présente décision.

Et la présente ordonnance a été signée par le Juge de la mise en état et le Greffier.

Le Greffier                                        Le Juge


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